École Doctorale en Sciences Pharmaceutiques
ÉTUDE DES MODIFICATIONS DE L'APOLIPOPROTÉINE B‐100 INDUITES PAR LA MYÉLOPEROXYDASE À L'AIDE DE LA CHROMATOGRAPHIE LIQUIDE COUPLÉE À LA
SPECTROMÉTRIE DE MASSE
Cédric Delporte
Thèse présentée en vue de l’obtention du grade de Docteur en Sciences Biomédicales et Pharmaceutiques
Promoteur et co‐promoteurs :
Promoteur : Prof. Jean Nève – Laboratoire de Chimie Pharmaceutique Organique
Co‐Promoteur : Prof. Jean Ducobu – UMons et Laboratoire de Médecine Expérimentale, CHU‐Charleroi (ULB) Co‐Promoteur : Prof‐Ass. Pierre Van Antwerpen – Laboratoire de Chimie Pharmaceutique Organique
Composition du jury :
Prof. Karim Amighi (Président)
Prof.‐Ass. Stéphanie Pochet (Secrétaire) Prof. Jean‐Michel Kauffmann
Prof. Marc Leeman
Prof. David Communi (IRIBHM, Faculté de Médecine, ULB)
Dr Olivier Descamps (Centre de Recherche Médicale de Jolimont, Hôpital de Jolimont)
Année académique 2011‐2012
Faculté de Pharmacie
Premièrement, j’aimerais remercier le Professeur Jean Nève de m’avoir soutenu dans l’obtention de mon mandat d’Aspirant FNRS et de m’avoir ainsi donné l’opportunité d’intégrer l’équipe dynamique du Laboratoire de Chimie Pharmaceutique Organique. Je le remercie encore pour ses conseils avisés, son soutien, ses hautes compétences scientifiques, sa constante disponibilité et sa justesse d’esprit qui m’ont permis de réaliser ce travail dans une atmosphère dès plus agréable.
Je tiens ensuite à remercier tout particulièrement le Professeur‐Assistant Pierre Van Antwerpen qui a notamment été co‐promoteur de ma thèse. Il a été le premier à m’accorder sa confiance en me proposant de faire un stage de recherche portant déjà sur la myéloperoxydase et les LDLs alors que je n’étais encore qu’un étudiant en 4
èmeannée de Pharmacie. Il m’a ainsi permis de goûter au monde de la recherche et il a été le maillon sans lequel ce travail n’aurait jamais pu aboutir. Je le remercie encore pour sa disponibilité, sa spontanéité, sa générosité, sa bonne humeur, pour m’avoir fait une « petite » place dans son bureau, mais aussi pour avoir partagé dès les premiers instants ses compétences scientifiques et son soutien quotidien.
Je remercie également le Professeur Jean Ducobu pour avoir accepté de collaborer sur ce projet en étant également mon co‐promoteur. Son soutien et ses compétences scientifiques particulièrement dans le domaine cardiovasculaire m’ont été précieux.
Je tiens à remercier le F.R.S.‐FNRS pour m’avoir accordé ma bourse d’Aspirant et m’avoir ainsi permis de réaliser ma thèse.
Je remercie également les membres de mon jury de thèse pour avoir accepté de lire, commenter et juger mon travail.
J’aimerais ensuite remercier le Docteur Karim Zouaoui du Laboratoire de Médecine
Expérimentales du CHU de Charleroi, pour son aide tout au long de ma thèse, son savoir, son
esprit pluridisciplinaire, sa justesse et son rôle important dans ce travail. De plus, j’aimerais
remercier le Professeur Michel Vanhaeverbeek pour son soutien continu ainsi qu’Alexandre
pour le travail qu’il a fourni. Je tiens également à remercier les autres membres du
Je remercie les différents Professeurs de la Faculté de Pharmacie pour leur enseignement qui m’a permis d’effectuer cette formation doctorale dans de bonnes conditions.
Je remercie également Mr Gelbcke, François, Jalal, Iyas, et Gilles pour leur joie de vivre au quotidien au labo. Je tiens à remercier particulièrement Caroline et Damien pour leur soutien et leur aide dans la réalisation de ce travail. Je remercie aussi nos précieux techniciens Florence, Alexandre, Ruphini et Fabian pour leur aide et leur sympathie.
Je remercie les membres du Laboratoire de Pharmacie galénique que j’ai eu la chance de rencontrer et avec lesquels j’ai collaboré mais aussi partagé de nombreux repas de midi.
Je tiens à remercier également les différents membres de la Faculté de Pharmacie avec lesquels j’ai eu le plaisir de collaborer et que j’ai côtoyés pendant ces années.
J’aimerais remercier ensuite ma famille et particulièrement mes parents et mon frère pour m’avoir soutenu durant ma thèse mais déjà bien avant ; mes amis de longue date et mes amis que j’ai eu la chance de rencontrer durant mes études et mon doctorat; et enfin la relectrice attentive de ce manuscrit. J’ai également une pensée pour mon Oncle décédé spontanément d’une crise cardiaque alors que j’achève la rédaction de ce manuscrit.
Enfin je remercie Nathalie pour son soutien et ses encouragements immuables ainsi que pour la joie de vivre qu’elle m’apporte jour après jour.
Les maladies cardiovasculaires constituent la première cause de décès dans le monde et l’athérosclérose est le premier facteur causal de ces maladies. Parmi les multiples facteurs de risque athéromateux, un facteur est souvent décrit : la modification des lipoprotéines de basse densité (LDLs). Bien que le phénomène d’athérogénèse ne soit pas encore complètement résolu, il est actuellement admis que les LDLs natives passent la paroi vasculaire et s’accumulent au niveau sous‐endothélial où elles sont oxydées et endocytées par les macrophages. Une théorie plus récente indique que les LDLs peuvent être également modifiées dans la circulation.
Néanmoins, le processus par lequel ces lipoprotéines sont modifiées reste hautement controversé. Depuis quelques années, le modèle de modification des LDLs par la myéloperoxydase est apparu comme un modèle physiopathologique contrairement au modèle longuement utilisé de l’oxydation des LDLs par le cuivre. La myéloperoxydase est une enzyme présente dans les granules primaires des neutrophiles mais qui lors d’inflammations chroniques, comme dans l’athérosclérose, peut se retrouver dans le milieu extracellulaire et former un oxydant puissant qui attaque les protéines, les lipides ou les acides nucléiques. Les LDLs modifiées par la myéloperoxydase ne sont plus reconnues par le récepteur membranaire spécifique pour les LDLs. De plus, très peu d’études ont décrit à ce jour les modifications apportées par la myéloperoxydase aux LDLs.
Dans ce contexte, nous avons étudié la spécificité de la myéloperoxydase à modifier les LDLs. Dans ce modèle, la partie protéique de la lipoprotéine est majoritairement touchée. C’est pourquoi nous avons développé et optimisé des méthodes d’analyse par spectrométrie de masse de l’apolipoprotéine B‐100, la seule protéine de la LDL. De plus, l’activité de la myéloperoxydase à la surface des LDLs a également été investiguée.
Les résultats de ce travail montrent que la myéloperoxydase s’attaque de manière
spécifique aux LDLs et que le modèle chimique utilisant de l’acide hypochloreux pour mimer
l’action de la myéloperoxydase n’est pas parfait. Enfin, nous avons également observé des
changements dans l’activité enzymatique lorsque la myéloperoxydase est adsorbée à la surface
des LDLs.
TABLE DES MATIÈRES
II.
M ALADIES CARDIOVASCULAIRES , LIPOPROTÉINES ET OXYDATION ... 3
II.1
Cholestérol et lipides ... 4
II.1.1
Cholestérol : Biosynthèse et structure ... 4
II.1.2
Régulation du cholestérol ... 6
II.1.3
Transport des lipides et métabolisme ... 7
II.1.4
LDL, apolipoprotéine B‐100 et récepteur aux LDLs ... 12
II.1.4.1
Particule LDL ... 12
II.1.4.2
Apolipoprotéine B‐100 ... 14
II.1.4.3
Récepteur aux LDLs ... 21
II.2
Maladies cardio‐vasculaires et athérosclérose ... 23
II.2.1
Définitions et incidence ... 23
II.2.2
Athérosclérose ... 25
II.2.3
Facteurs de développement et marqueurs de l’athérosclérose ... 29
II.2.3.1
Dosage des lipoprotéines et des lipides ... 30
II.2.3.2
Autres marqueurs prédictifs ... 33
II.2.4
Dyslipidémies et recommandations ... 34
II.2.5
Traitements visant la prévention des évènements cardiovasculaires. ... 39
II.2.6
Stress oxydatif et maladies cardiovasculaires ... 43
II.2.6.1
Nicotinamide adénine dinucléotide phosphate oxydases ... 44
II.2.6.2
Superoxyde dismutases ... 45
II.2.6.3
Marqueurs du stress oxydatif dans les maladies cardiovasculaires ... 45
II.3
Modifications des LDLs par la myéloperoxydase ... 47
II.3.1
Myéloperoxydase et système MPO/H
2O
2/halogénure ... 47
II.3.1.1
Rôle, synthèse et structure de la MPO ... 48
II.3.1.2
Activité de la MPO et système MPO/H
2O
2/Cl
‐. ... 55
II.3.1.3
Myéloperoxydase et maladies cardiovasculaires ... 58
II.3.2
Modifications des lipoprotéines et myéloperoxydase ... 64
II.3.2.1
Modifications des HDLs et MPO ... 65
II.3.2.2
Modifications des LDLs et MPO ... 69
III.
B UTS DU TRAVAIL ... 86
IV.
M ATÉRIEL ET MÉTHODES ... 89
V.1
Simultaneous measurement of protein‐bound 3‐chlorotyrosine and homocitrulline by LC‐MS/MS after hydrolysis assisted by microwave:
application to the study of myeloperoxidase activity during hemodialysis.
Talanta DOI :10.1016/j.talanta.2012.06.044 ... 92
V.1.1
Introduction ... 92
V.1.2
Résumé ... 93
V.1.3
Discussion ... 95
V.1.4
Conclusion ... 95
V.2
Optimization of apolipoprotein‐B‐100 sequence coverage by LC‐MS/MS for the future study of its posttranslational modifications. Anal. Biochem. 2011, 411(1):129‐38. ... 97
V.2.1
Introduction ... 97
V.2.2
Résumé ... 98
V.2.3
Discussion ... 101
V.2.4
Conclusions ... 102
V.3
Glycosylation Pattern of Mature Dimeric Leukocyte and Recombinant Monomeric Myeloperoxidase. Glycosylation is required for optimal enzymatic activity. J. Biol. Chem. 2010, 285(21):16351‐9... 103
V.3.1
Introduction ... 103
V.3.2
Résumé ... 104
V.3.3
Discussion ... 105
V.3.4
Conclusions ... 105
V.4
Oxidation of Apolipoprotein B‐100 by myeloperoxidase: specific activity and mapping of the posttranslational modifications. For future publication. ... 106
V.4.1
Introduction ... 106
V.4.2
Résumé ... 106
V.4.3
Discussion ... 111
V.4.4
Conclusion ... 113
VI.
C ONCLUSIONS GÉNÉRALES ET PERSPECTIVES ... 114
VII.
B IBLIOGRAPHIE ... 120
ABRÉVIATIONS
ABCA1 ATP‐Binding‐Cassette A1
ACAT AcylCoA : cholestérol acyltransférase ACN Acétonitrile
ApoA‐I Apolipoprotéine A‐I ApoB100 Apolipoprotéine B‐100 ApoC Apolipoprotéine C ApoE Apolipoprotéine E
Arg Arginine
Asn Asparagine
ATP Adénosine triphosphate BSA Albumine bovine sérique
CETP Cholesterol ester transfer protein Chym Chylomicron
Cl‐Tyr 3‐chlorotyrosine
Comp I Composé I de la myéloperoxydase Comp II Composé II de la myéloperoxydase di‐oxTrp Tryptophane di‐oxydé
EAS European Atherosclerosis Society EPO Eosinophile peroxydase
ESI Electrospray Ionization Source ESRD End‐Stage Renal Disease FA Acide formique
FDB Familial defective apolipoprotein B‐100 FH Hypercholestérolémie familiale
H
2O
2Peroxyde d’hydrogène Hcit Homocitrulline
HClO Acide hypochloreux HD Hémodialyse
HDL(s) Lipoprotéine(s) de haute densité HDL‐C HDL‐cholestérol
HFBA Acide heptafluorobutyrique His Histidine
HMG CoA Hydroxy‐methyl‐glutaryl coenzymeA
HSCNO Acide hypothiocyanique IAA Iodoacétamide
ICAM Intercellular adhesion molecule
IDL(s) Lipoprotéine(s) de densité intermédiaire IL‐ Interleukine‐
LCAT Lécithine: cholestérol acyle transférase LDL(s) Lipoprotéine(s) de basse densité LDL‐C LDL‐cholestérol
LDLR Récepteur aux LDLs
LOX‐1 Lectine like Oxidized LDL receptor LPL Lipoprotéine lipase
LPO Lactoperoxydase
LRP LDL‐related receptor protein Lys Lysine
MeOH Méthanol
Met Méthionine
MoxLDL(s) Lipoprotéine(s) de basse densité oxydée(s) par la myéloperoxydase MPO Myéloperoxydase
MS Spectrométrie de masse
MS/MS Spectrométrie de masse en tandem
NADP Nicotinamide adénine dinucléotide phosphate nLDL(s) Lipoprotéine(s) de basse densité native(s) NO
•Monoxyde d’azote
O
2•‐Anion superoxyde O‐Met Méthionine‐sulfoxyde
oxLDL(s) Lipoprotéine(s) de basse densité oxydée(s) oxTrp Tryptophane oxydé
PTM(s) Modification(s) post‐traductionnelle(s) QTOF Quadrupole Time‐Of‐Flight
RE Réticulum endoplasmique RNS Espèces réactives de l’azote ROS Espèces réactives de l’oxygène
RRLC Chromatographie liquide à résolution rapide
sd
LDL(s) Lipoprotéine(s) de basse densité petite(s) et dense(s)
SIEFED Specific Immunological Extraction Followed by Enzymatic Detection SMCs Cellules musculaires lisses (Smooth Muscular Cells)
SOD Superoxyde dismutase SPE Extraction en phase solide SPI Score Peak Intensity
SREBP Sterol regulatory element binding protein SREBP‐SCAP SREBP‐cleavage‐activating protein
TDFHA Acide tridécafluoroheptanoique TG Triglycéride
TIC Total Ion Chromatogram
TNF
αFacteur de nécrose tumoral alpha (Tumor Necrosis Factor) TPO Thyroïde peroxydase
Trp Tryptophane Tyr Tyrosine
VCAM Vascular cell adhesion molecule
VLDL(s) Lipoprotéine(s) de très faible densité
I. INTRODUCTION GÉNÉRALE
Les maladies cardiovasculaires constituent la première cause de décès dans le monde.
C’est dans ce contexte que d’innombrables travaux de recherche, tant au niveau clinique qu’au niveau fondamental, ont été réalisés depuis des décennies. Ce domaine de recherche est d’ailleurs toujours très prisé par les scientifiques car le phénomène est complexe et il subsiste encore de nombreuses inconnues [Weber et Noels (2011)].
L’athérosclérose est d’un intérêt particulier dans notre laboratoire. Parmi les multiples facteurs de risque athéromateux, un facteur est souvent décrit : la modification des lipoprotéines de basse densité (LDLs) [Libby et coll. (2011)]. Les LDLs sont les lipoprotéines qui permettent le transport du cholestérol dans le corps, délivrant ainsi ce dernier aux cellules.
Néanmoins, il est aujourd’hui largement admis que les LDLs, lipoprotéines impliquées dans le développement de l’athérosclérose, acquièrent un effet pro‐athérogène lorsqu’elles sont modifiées. Bien que le phénomène de modification des LDLs soit encore mal compris, il est actuellement admis que les LDLs natives passent la paroi vasculaire et s’accumulent au niveau sous‐endothélial où elles sont oxydées et endocytées par les macrophages. Une théorie plus récente indique que les LDLs peuvent être également modifiées dans la circulation [Zouaoui Boudjeltia et coll. (2004)].
Néanmoins, le processus par lequel les lipoprotéines sont oxydées reste hautement controversé. Après de nombreuses années de recherche sur un modèle de LDLs oxydées par le cuivre, des chercheurs ont montré que ce modèle n’était pas physiologique [Heinecke (1998)].
C’est dans ce contexte qu’un nouveau modèle est apparu : l’oxydation par la myéloperoxydase.
Cette dernière est une enzyme présente dans les granules primaires des neutrophiles mais qui lors d’inflammation chronique, comme dans l’athérosclérose, peut se retrouver dans le milieu extracellulaire et former un oxydant puissant qui attaque les lipides, les protéines ou les acides nucléiques.
Dans ce contexte, nous avons étudié la spécificité de la myéloperoxydase à oxyder les
LDLs. En effet, cette spécificité a été évoquée à plusieurs reprises dans la littérature mais n’a
jamais fait l’objet d’études approfondies. Dans le modèle d’oxydation des LDLs, la partie
protéique de la lipoprotéine est majoritairement touchée. C’est pourquoi nous avons
développé des méthodes d’analyse de l’apolipoprotéine B‐100, unique protéine de la LDL, par
spectrométrie de masse. Ces méthodes, ainsi que l’ensemble des résultats obtenus, sont
détaillés dans ce manuscrit afin de contribuer à la compréhension du développement de
l’athérosclérose.
II. MALADIES CARDIOVASCULAIRES, LIPOPROTÉINES ET
OXYDATION
II.1 Cholestérol et lipides
Les lipides sont des constituants majeurs de notre organisme et ils assurent de nombreuses fonctions. En effet, ce sont des molécules énergétiques (réserves d’énergie lorsqu’ils sont stockés), des précurseurs de molécules régulatrices, des molécules signal ou encore les principaux constituants des membranes cellulaires. Il existe différentes classes de lipides chez l’homme dont les principales sont les triglycérides (TG), les phospholipides, les acides gras libres et le cholestérol et ses esters. Par leur caractère hydrophobe, les lipides sont très peu voire insolubles dans les liquides de l’organisme tels que le plasma. Leur transport dans l’organisme est assuré soit par liaison à certaines protéines hydrophiles (albumine sérique par exemple) ou soit sous forme de particules appelées lipoprotéines.
Dans ce chapitre nous nous concentrons principalement sur un lipide d’intérêt, le cholestérol, son transport par les lipoprotéines, son rôle, sa biosynthèse et son métabolisme.
Nous débutons par un bref rappel sur la structure, la synthèse et la régulation de la synthèse du cholestérol. Nous poursuivons avec le transport du cholestérol et des lipides dans l’organisme.
Pour terminer ce chapitre, un des transporteurs principaux du cholestérol, la lipoprotéine de basse densité, est détaillé tant au niveau de sa structure, que de sa synthèse et de sa régulation.
II.1.1 Cholestérol : Biosynthèse et structure
Le cholestérol est un lipide de type stérol qui est localisé dans pratiquement toutes les membranes cellulaires animales où il en assure la stabilité. Dans certaines cellules il peut constituer jusqu’à 25 % des lipides membranaires (cellules nerveuses) alors qu’il est quasiment absent de certaines membranes intracellulaires. Le cholestérol est également un précurseur de nombreuses hormones stéroïdiennes (cortisol, testostérone, œstradiol, etc.) indispensables au bon fonctionnement de l’organisme.
Le cholestérol a une structure très différente de celle des phospholipides ou des TG. Il est composé de quatre cycles hydrocarbonés, d’une queue hydrocarbonée à l’une des extrémités et d’un groupement hydroxy à l’autre extrémité (Figure 1).
Le métabolisme du cholestérol est régulé au niveau du foie et il existe trois voies qui
permettent cette régulation : la voie exogène (alimentation et bile), la voie endogène
(synthèses hépatique et intestinale principalement) et le transport inverse (depuis les tissus).
Figure 1: Biosynthèse du cholestérol, adaptée de Biochemistry, Lubert Stryer, 6
èmeédition.
Chaque jour, du cholestérol est apporté au foie depuis les intestins qui le récoltent soit de l’alimentation (300 à 600 mg) soit de la bile (400‐1200mg). Le foie est également capable de synthétiser une quantité non négligeable de cholestérol (de l’ordre du gramme), tout comme l’intestin et d’autres organes mais qui eux en produisent une quantité beaucoup plus faible.
Cette synthèse comprend trois étapes principales : (i) la synthèse de l’isopentényle pyrophosphate, (ii) la condensation de six unités d’isopentényle pyrophosphate et (iii) la cyclisation du squalène en cholestérol. La Figure 1 résume la synthèse du cholestérol ainsi que sa structure.
La première étape s’effectue dans le cytosol à partir d’acétyle coenzyme A (acétyle CoA, transporteur de groupes acyle) et d’acétoacétyle CoA (condensation de deux molécules d’acétyle CoA) qui forment le 3‐hydroxy‐3‐méthylglutaryle CoA (HMG CoA). Ce dernier est ensuite réduit en mévalonate grâce à l’HMG‐CoA réductase. La formation du mévalonate est l’étape clé de la synthèse du cholestérol et l’HMG‐CoA réductase est une enzyme clé dans la régulation du cholestérol. Le mévalonate est alors converti en 3‐isopentényle pyrophosphate grâce à trois molécules d’ATP et une décarboxylation.
La deuxième étape est la synthèse du squalène (C30) à partir de six molécules d’isopentényle pyrophosphate (C5). En effet, l’isopentényle pyrophosphate peut s’isomériser en diméthylallyle pyrophosphate qui réagit avec une molécule d’isopentényle pyrophosphate pour former le géranyle pyrophosphate (C10) lui‐même réagissant avec une nouvelle molécule d’isopentényle pyrophosphate pour former le farnésyle pyrophosphate (C15). La géranyle transférase catalyse ces deux condensations. Enfin deux molécules de farnésyle pyrophosphate se condensent pour former le squalène.
La dernière étape est la cyclisation du squalène qui consiste en une activation de ce dernier en squalène époxyde lui‐même cyclisé en lanostérol. Celui‐ci est alors transformé en cholestérol par une suite de réactions comptant 19 étapes.
II.1.2 Régulation du cholestérol
Plusieurs mécanismes de régulation de la synthèse/captation du cholestérol existent.
Comme décrit ci‐dessus, l’étape clé de sa synthèse est la réduction de l’HMG‐CoA catalysée par
l’HMG‐CoA réductase. Cette enzyme est contrôlée par plusieurs mécanismes de régulation au
niveau de : (i) sa transcription génétique, (ii) l’efficience de son ARN messager, (iii) sa
dégradation et enfin (iv) son activité [Waterham (2006)].
Premièrement, la transcription du gène codant pour l’HMG‐CoA réductase est régulée par deux facteurs de transcription de la famille SREBP (Sterol Regulatory Element Binding Protein), SREBP‐1a et SREBP‐2. Ces derniers sont synthétisés sous une forme inactive qui est liée à la membrane du réticulum endoplasmique (RE) où ils sont associés à une protéine appelée « SREBP‐cleavage‐activating protein » (SCAP). Quand le taux de cholestérol est élevé, le complexe SREBP‐SCAP est maintenu sur la membrane du RE. A l’inverse, lorsque le taux de cholestérol diminue, le complexe est décroché, activé par son passage dans l’appareil de Golgi et transféré dans le noyau où les SREBPs activent la synthèse de l’HMG‐CoA réductase. En plus d’activer la transcription de gènes importants pour la synthèse du cholestérol, ces facteurs activent le gène du récepteur aux LDLs (qui sera décrit dans le chapitre II.1.4.3).
Deuxièmement, l’HMG‐CoA réductase contient un domaine sensible aux stérols. Lors de l’augmentation de la concentration en stérols, ces derniers se lient à ce domaine et entraînent une ubiquitination menant à la dégradation de la réductase.
Troisièmement, la traduction de l’ARN messager de l’HMG‐CoA réductase est accélérée par la demande cellulaire en stérols, mais inhibée par des dérivés du mévalonate ou par le cholestérol lui‐même.
Enfin, l’activité enzymatique de l’HMG‐CoA réductase est dépendante de la concentration des stérols.
Le cholestérol stimule également l’activité d’enzymes tels que l’AcylCoA : cholestérol acyltransférase (ACAT), qui permet la formation des esters de cholestérol au niveau des hépatocytes. De plus, le cholestérol est dégradé en acides biliaires (sous l’action de la 7α‐
hydroxylase) qui sont éliminés dans la bile.
II.1.3 Transport des lipides et métabolisme
Les lipides sont majoritairement transportés dans le corps par la circulation sous la
forme de particules sphériques appelées lipoprotéines. Ces dernières combinent les lipides et
une ou plusieurs protéine(s) appelée(s) apolipoprotéine(s). Ces protéines ont plusieurs rôles : (i)
elles stabilisent la structure des lipoprotéines, (ii) elles sont des ligands qui permettent la
reconnaissance des particules par des récepteurs cellulaires, et (iii) elles sont des cofacteurs de
certaines enzymes impliquées dans le métabolisme des lipides/lipoprotéines. Il existe
différentes apolipoprotéines, chacune portant le nom – apolipoprotéine – suivi d’une lettre (A,
(a), B, C, D ou E) et parfois d’un chiffre romain ou d’un nombre. Elles varient suivant leurs
contenus lipidique et protéique ainsi que suivant leur fonction. Leur composition ainsi que leurs caractéristiques physico‐chimiques sont reprises dans le Tableau
1alors que la Figure 2 schématise leur métabolisme général. Ce métabolisme est assez complexe et comprend de nombreux phénomènes de reconnaissance cellulaire, enzymatique, d’hydrolyse, de synthèse, etc. Néanmoins, ce métabolisme est aujourd’hui assez bien documenté et les paragraphes qui suivent, tentent de le résumer brièvement.
Tableau 1: Caractéristiques des lipoprotéines
Densité (g/mL)
Diamètre
(nm) Apolipoprotéine(s) Composition (% m/m)
TG EC C PL Prot.
Chyl < 0,93 75‐1200 B48, A I, A II C, E 83 6 2 7 2
VLDL 0,93 – 1,006 30‐80 B100, C, E 55 12 6 18 9
IDL 1,006 – 1,019 15‐35 B100, E, C 35 25 7 17 16
LDL 1,019 – 1,063 18‐25 B100 10 38 10 20 22
HDL 1,063 – 1,25 7.5‐20 A I, A II, C, E 2 34 9 19 37
Lp(a) 1,050‐1,120 17‐28 B100, apo(a) 9 20 6 27 27
Chyl = chylomicron, VLDL = lipoprotéine de très basse densité, IDL = lipoprotéines de densité intermédiaire, LDL = lipoprotéines de basse densité, HDL = lipoprotéine de haute densité, et Lp(a) = lipoprotéine (a), Apo‐ = apolipoprotéine, TG = triglycéride, EC = ester de cholestérol, C = cholestérol, PL = phospholipide, Prot. = protéine
Figure 2 : Schéma général du métabolisme des lipoprotéines adapté de Lusis et coll. (2004).
Chylomicrons
Les lipides alimentaires (environ 100 g de TG et 0,2 à 2 g de cholestérol) sont
quotidiennement absorbés par l’intestin et incorporés ensuite dans des lipoprotéines appelées
chylomicrons pour ensuite entrer dans la circulation via le système lymphatique. Dans la
lumière de l’intestin grêle, les TG sont hydrolysés par des lipases (notamment la lipase
pancréatique) et forment des acides gras à longues chaines et des monoglycérides. Les esters
de cholestérol ainsi que les phospholipides sont également partiellement hydrolysés. Dans la
lumière, ces lipides hydrolysés forment des micelles en combinaison avec des sels biliaires ce
qui permet d’isoler les lipides très hydrophobes du milieu aqueux. Les lipides sont ensuite
absorbés dans les cellules épithéliales de l’intestin au niveau des microvillosités. Dans ces
cellules, les monoglycérides sont ré‐acylés et les lipides absorbés s’assemblent pour constituer,
en présence de l’apoB48, les chylomicrons. Ces derniers migrent du côté basal de la cellule puis
vers les canaux lymphatiques.
Les chylomicrons contiennent également l’apoA‐I, apoA‐II, l’apoC et l’apoE. Les chylomicrons ont un temps de demi‐vie de 10 minutes dans la circulation et se dirigent vers les capillaires des tissus adipeux et des muscles. Les particules se fixent alors à la surface des capillaires et les TG des chylomicrons sont hydrolysés par l’action de la lipoprotéine lipase (LPL).
Cette enzyme est activée par l’apoC‐II présente à la surface des chylomicrons. Les chylomicrons vidés de leurs TG peuvent former des replis qui, avec une molécule d’apoA‐I restante, créent des lipoprotéines de haute densité (HDLs) naissantes. Les chylomicrons partiellement appauvris en TG peuvent également se détacher des parois des capillaires et repartir dans la circulation.
Ces particules sont alors appelées des chylomicrons rémanents et ont un contenu pauvre en TG mais riche en esters de cholestérol. Des apolipoprotéines sont également échangées entre les chylomicrons et les autres lipoprotéines telles que les apoA‐I et apoA‐II qui sont transférées aux HDLs. Les chylomicrons rémanents sont reconnus au niveau hépatique par le récepteur aux LDLs ou le récepteur LRP (de l’anglais « LDL‐related receptor protein ») via l’apoE. Les chylomicrons permettent donc l’apport de TG au niveau des tissus adipeux et musculaires et de cholestérol au niveau hépatique.
Lipoprotéines de très basse, intermédiaire et basse densité et lipoprotéine(a)
Le foie convertit une partie du cholestérol en acides biliaires et distribue une autre
partie aux tissus extra‐hépatiques via la formation de nouvelles lipoprotéines. En effet,
l’hépatocyte synthétise l’apolipoprotéine B‐100 (apoB100) qui, en présence de TG et d’esters
de cholestérol, forme les lipoprotéines de très basse densité (VLDLs, voir également chapitre
II.1.4.2 sur la synthèse de l’apoB100 et la formation des VLDLs). Ces lipoprotéines contiennent
également des apolipoprotéines C‐II et E. Les VLDLs sont secrétées dans la circulation et se
dirigent vers les capillaires tissulaires où les TG sont hydrolysés sous l’action de la LPL. L’apoC‐II
est transférée aux HDLs et les VLDLs résultantes sont alors transformées en lipoprotéines de
densité intermédiaire (IDLs). Ces dernières sont soit (i) rapidement éliminées au niveau du foie
par endocytose via le récepteur aux LDLs, ou soit (ii) les TG restants sont hydrolysés et les IDLs
rémanentes sont alors transformées en lipoprotéines de basse densité (LDLs). Les LDLs sont
constituées majoritairement d’esters de cholestérol et leur fonction principale est de fournir du
cholestérol aux cellules de l’organisme. Les LDLs stagnant dans la circulation peuvent être
épurées par les cellules phagocytaires via leur liaison aux récepteurs dits « scavenger » (par
exemple le récepteur CD36) de ces cellules. Les fonctions, structure et métabolisme des LDLs seront décrits en détails plus loin dans le paragraphe II.1.4.
Les LDLs peuvent également fixer l’apolipoprotéine(a) [apo(a)]. Il existe différentes isoformes de cette protéine de taille plus ou moins importante. Cette hétérogénéité est due à un domaine de l’apo(a) qui contient entre 5 à 50 domaines répétés semblables au kringle IV du plasminogène. Ces LDLs contenant l’apo(a) sont appelées lipoprotéines (a) [Lp(a)]. Ces particules semblent être fortement athérogènes et leur rôle physiologique reste une énigme.
Lipoprotéines de haute densité (HDLs)
Enfin, les dernières lipoprotéines importantes dans le métabolisme des lipides sont les HDLs. Celles‐ci sont formées soit par la complexation de l’apoA‐I et de l’apoA‐II (sécrétées par le foie ou l’intestin) avec des esters de cholestérol et des phospholipides (HDLs immatures natives), soit par les chylomicrons rémanents ou VLDLs (HDLs immatures naissantes ou préβ‐
HDLs). Les HDLs permettent le transport inverse du cholestérol depuis les macrophages et les autres cellules vers le foie. Les HDLs immatures réagissent avec le transporteur membranaire
« ATP‐Binding Cassette A1 » (ABCA1) au niveau de la surface des cellules gorgées en cholestérol pour permettre l’efflux de celui‐ci de la cellule vers les HDLs. Cet efflux de cholestérol est un processus important pour limiter la formation de plaques athéromateuses. A la surface des HDLs, le cholestérol est estérifié sous l’action de la lécithine‐cholestérol acyle transférase (LCAT). Cette enzyme a besoin de l’apoA‐I comme cofacteur pour être active. Des échanges d’apolipoprotéines permettent la maturation des HDLs en parallèle à leur enrichissement en esters de cholestérol. Enfin, des échanges de lipides se produisent entre les HDLs et d’autres lipoprotéines, tels que le transfert de TG à partir de particules riches en ceux‐ci (VLDLs) et le transfert d’esters de cholestérol depuis les HDLs vers les IDLs/LDLs sous l’action d’une enzyme, la « cholesteryl ester transfer protein » (CETP). Ce transfert d’esters de cholestérol des HDLs vers les LDLs est un phénomène considéré comme pro‐athérogène car il augmente la concentration sanguine des LDLs et diminue celui des HDLs. Nous reviendrons plus tard sur ce processus.
II.1.4 LDL, apolipoprotéine B‐100 et récepteur aux LDLs
Ce travail se consacre à l’étude des modifications des LDLs. C’est pourquoi cette lipoprotéine est largement détaillée dans ce chapitre. Une attention particulière est également portée sur l’apoB100 (chapitre II.1.4.2) et sur le récepteur aux LDLs (chapitre II.1.4.3).
II.1.4.1 Particule LDL
La LDL est le principal transporteur du cholestérol et elle joue un rôle primordial dans le transfert du cholestérol et dans son métabolisme. Les LDLs ont été définies par convention comme les lipoprotéines de densité comprise entre 1,019 et 1,063 g/mL. Ces particules ont donc une certaine hétérogénéité tant au niveau de leur taille, de leur structure que de leur composition. Deux grandes classes de molécules composent la LDL : les lipides (de l’ordre de 3000 molécules) et une seule protéine, l’apolipoprotéine B‐100. Le Tableau
1reprend la composition des principaux composés des lipoprotéines, dont les LDLs, en % m/m.
Différentes méthodes permettent d’étudier la taille des LDLs, telles que l’électrophorèse en gel de polyacrylamide en conditions non‐dénaturantes, la chromatographie de filtration sur gel, la résonance magnétique nucléaire du proton etc. [Teerlink et coll. (2004), O'Neal et coll.
(1998)]. Les LDLs étant considérées comme sphériques, elles peuvent être caractérisées par
leur diamètre, de 22 nm en moyenne, et leur densité. Hevonoja et coll. (2000) ont détaillé la
structure de la LDL, comme illustré dans la Figure 3. Elle est décrite en deux parties : (i) une
monocouche de lipides amphiphiles entourant (ii) un corps de lipides hydrophobes. L’apoB100
s’intercale entre les lipides des deux parties. La surface mesure approximativement 2 nm
d’épaisseur et comprend principalement une monocouche de phospholipides et du cholestérol
libre. À l’inverse, le corps hydrophobe est composé d’esters de cholestérol, de TG et de
cholestérol libre [Ginsburg et coll. (1982), Chana et coll. (1990)]. Une autre théorie décrite par
Deckelbaum et coll. (1977) et par Saito et coll. (1996) indique qu’une troisième couche est
également présente : une couche inter‐faciale située entre le corps et la monocouche de
surface. Ainsi les lipides du corps des LDLs ne seraient pas directement en contact avec les
lipides de surface.
Figure 3: Structure schématisée d'une particule LDL adaptée d’Hevonoja et coll. (2000).
Cependant certains auteurs tentent de démontrer que ce modèle n’est pas correct car l’augmentation du diamètre n’est pas corrélée avec l’augmentation du pourcentage en esters de cholestérol ou en TG [Teerlink et coll. (2004)]. Dans ce cas, un modèle cylindrique ou discoïdal de la LDL a été proposé qui permet de concilier ces données. Les recherches actuelles ne permettent pas de privilégier l’une ou l’autre théorie, mais celle de la particule sphérique reste largement utilisée. De plus, Spin et Atkinson (1995) ont décrit les LDLs comme sphériques en utilisant la microscopie électronique à transmission.
Enfin, les particules peuvent être classées en trois grands sous‐groupes qui sont repris dans le Tableau 2. Cette classification en fonction de leur densité permet de mettre en évidence des fractions plus athérogènes telles que les LDLs petites et denses (small and dense LDLs,
sdLDLs). Cette classification des LDLs est utilisée en clinique et corrélée à la fréquence d’accidents ou de maladies cardiovasculaires [Ip et coll. (2009), Chung et coll. (2009), Krauss (2010)]. Ce thème est abordé dans le chapitre consacré à ces maladies (Chapitre II.2).
Tableau 2: Classification des LDLs suivant leur densité adaptée de aChancharme et coll. (2002) et
bKrauss et coll. (2011).
Sous‐groupe Densité (g/mL) Description de la LDL
1
a, 1‐2
b1,019 – 1,030 LDL large et légère
2
a, 3‐4
b1,030 – 1,040 LDL intermédiaire à petite
3
a, 5‐7
b1,040 – 1,063 LDL petite et dense
II.1.4.2 Apolipoprotéine B‐100
L’apolipoprotéine B‐100 (apoB100) est plus largement abordée dans ce chapitre car elle est l’objet principal de ce travail. En effet, ce sont précisément les modifications de l’apoB100 des LDLs qui ont été étudiées dans le cadre de nos recherches.
L’apoB100 est l’unique protéine des LDLs mais elle est également présente dans les VLDLs et les IDLs. Elle stabilise ces lipoprotéines, se lie au récepteur aux LDLs et joue un rôle primordial dans le métabolisme de ces particules. L’apoB100 est l’une des plus grosses glycoprotéines monomériques humaines et avec l’apoB48, elle appartient au sous‐groupe des apolipoprotéines B (apoB). De la fin des années 60 au début des années 80, plusieurs études ont décrit des séquences et structures partielles des apoB [Gotto et coll. (1968), Kane et coll.
(1980), LeBoeuf et coll. (1984), Deeb et coll. (1985)]. La séquence complète de l’apoB100 a été décrite pour la première fois en 1986 à partir du génome par plusieurs groupes [Chen et coll.
(1986), Knott et coll. (1986), Law et coll. (1986), Yang et coll. (1986), Cladaras et coll. (1986)].
Le gène contenant près de 43 kb de nucléotides codant pour l’apoB est situé sur le chromosome 2p et contient 28 introns et 29 exons [Knott et coll. (1985), Law et coll. (1985), Young (1990), Vance et Adeli (2008), Rutledge et coll. (2010)]. Les entérocytes (petit intestin) sécrètent l’apoB48 qui permet la formation des chylomicrons alors que les hépatocytes synthétisent l’apoB100 pour former les VLDLs. Dans les entérocytes, un codon stop (UAA) est formé par une enzyme (apobec‐1) dans l’ARN messager de l’apoB ce qui conduit à la formation d’une apoB plus courte qui contient 48 % (apoB48) de la partie N‐terminale de l’apoB complète (100 %, apoB100) [Wedekind et coll. (2003)].
L’apoB100 étant l’une des plus grosses glycoprotéines humaines, l’étude de sa structure complète a été laborieuse et l’analyse des modifications qu’elle peut porter est encore et toujours un travail fastidieux. La forme circulante de l’apoB100 est composée de 4536 acides aminés. Le gène code pour une protéine de 4563 acides aminés dont un peptide signal long de 27 résidus. Sa masse est comprise entre 517 et 550 kDa en fonction de la glycobiologie.
L’apoB100 est une protéine amphiphile dont certaines parties se situent à la surface des LDLs et
d’autres plongent plus en profondeur dans la partie très apolaire des LDLs. Yang et coll. (1989a)
ont schématisé l’apoB100 dans la LDL et l’ont divisée en cinq domaines. La Figure 4 illustre ce
modèle.
Figure 4 : Schéma de l'apoB100 sur et dans la particule LDL adapté de Yang et coll. (1989a).
Figure 5 : Schéma de la structure de l'apoB100 divisée en domaine adapté de Rutledge et coll. (2010).
En digérant des LDLs intactes par de la trypsine, Yang et coll. (1989b) ont désigné
certains peptides comme libérables par la trypsine (hydrophiles), d’autres non‐libérables par la
trypsine (lipophiles) et enfin d’autres comme des peptides mixtes (amphiphiles). Ils ont ainsi
identifié des séquences liées aux lipides et ont mis en évidence deux domaines principaux
fortement associés aux lipides : les parties de l’apoB100 entre les résidus 1701 et 3070 et entre
4101 et 4536 (domaines III et V de la Figure 4). Ces résultats confirment ceux de De Loof et coll.
(1987) qui ont identifié des hélices amphiphiles entre les résidus 2079‐2428 et 4150‐4484.
Plusieurs structures β ont également été mises en évidence par différents travaux soit par spectroscopie infrarouge ou dichroïsme circulaire [Gotto et coll. (1968), Chen et coll. (1989), Goormaghtigh et coll. (1989)]. Segrest et coll. (1994) ont développé un programme informatique appelé « LOCATE » pour étudier les domaines de l’apoB100 liés aux lipides. Ils concluent à la présence de deux domaines amphiphiles à structures β, de deux domaines amphiphiles à hélices α et d’un domaine externe et hydrophile N‐terminal également à hélice α. Enfin, Segrest et coll. (2001) ont tenté de résumer sous forme de consensus général, la structure de l’apoB100 divisée en cinq domaines distincts : NH
2‐βα
1‐β
1‐α
2‐β
2‐α
3‐COOH. La Figure 5 schématise ce modèle consensus de l’apoB100 et ses domaines tandis que la Figure 6 représente un modèle tridimensionnel de la structure tertiaire de l’apoB100 adapté par Hevonoja et coll. (2000) à partir des données de Segrest et coll. (1994) et de Chatterton et coll.
(1995). Notons qu’en 2007, Krisko et Etchebest (2007) ont développé un modèle théorique de l’apoB100 qui contenait 8 domaines, remettant dès lors en cause le modèle consensus. Ces travaux nourrissent le débat sur la structure exacte des LDLs.
Figure 6 : Modèle tridimensionnel de la structure tertiaire de l'apoB100, adapté d’Hevonoja et coll.
(2000).
La structure de l’apoB100 est très importante pour assurer son affinité avec les lipides et former des lipoprotéines « normales » [Rutledge et coll. (2010)]. En effet, certains auteurs ont montré qu’une apoB100 plus courte et tronquée produit des VLDLs plus denses et pauvres en lipides [Carraway et coll. (2000), McLeod et coll. (1994), Spring et coll. (1992) et Yao et coll.
(1991)]. Sa structure joue également un rôle primordial dans la reconnaissance des LDLs par le récepteur aux LDLs.
La formation de la lipoprotéine démarre très vite après le début de la traduction de l’ARN messager de l’apoB100. En effet, dès le début de la traduction et de la formation du peptide signal par le ribosome, l’apoB naissante est transférée au réticulum endoplasmique où l’incorporation de lipides débute. Jiang et coll. (2006) ont proposé un modèle dans lequel le domaine N‐terminal βα
1naissant forme une poche capable de lier des lipides et de recruter des phospholipides. Le domaine β
1est impliqué à son tour dans le recrutement de lipides. Des altérations (mutations) de ce dernier mènent par ailleurs à une dégradation rapide de l’apoB naissante par le protéasome [Liang et coll. (1998)]. Plus récemment, Wang et coll. (2009) ont confirmé que les régions hydrophobes du domaine β
1s’associent fortement et de manière irréversible avec des TG. Concernant les domaines α
2et α
3, les groupes de Segrest et coll.
(1994) et de Chauhan et coll. (1998) ont conclu que les hélices α forment des régions associées à des lipides mais de manière réversible. Enfin le domaine β
2semble avoir les mêmes propriétés que le domaine β
1. Johs et coll. (2006) ont d’ailleurs montré que les faces apolaires des feuillets β amphiphiles des domaines β
1et β
2sont associées irréversiblement à des lipides.
L’apoB100 produite interagit donc fortement et rapidement avec les lipides pour former les VLDLs dans les hépatocytes. Le phospholipide majeur de la monocouche des VLDLs est la phosphatidylcholine et si sa synthèse hépatique est déficiente, la sécrétion des VLDLs est alors perturbée. La présence de cholestérol libre semble aussi un facteur important dans la régulation de la production des VLDLs. De plus, les esters de cholestérol réguleraient également la synthèse des VLDLs mais cette régulation est encore controversée. Enfin, le transfert des TG depuis des gouttelettes lipidiques situées dans le cytoplasme ou le réticulum endoplasmique vers l’apoB/VLDL naissante est régulé par la « microsomial triglyceride transfer protein » (MTP).
La formation des pré‐VLDLs débutent donc dans le réticulum endoplasmique où les enzymes
invoquées ci‐dessus sont localisées. Cette association lipides‐apoB100 continue dans l’appareil
de Golgi où elle est finalisée avant la sécrétion des VLDLs dans la circulation [Wetterau et
Zilversmit (1984); Berriot‐Varoqueaux et coll. (2000); Joyce et coll. (2000); Noga et coll. (2002);
Rutledge et coll. (2010)].
Tout au long de la synthèse des VLDLs, des protéines chaperonnes de la famille des Heat Shock Protein (Hsp) 70 et 90 et la MTP interagissent avec l’apoB100. Ces protéines évitent l’agrégation de l’apoB100 en se liant à certaines de ses régions hydrophobes, mais permettent également de former la structure tertiaire de l’apoB100 notamment par la constitution de ponts disulfures (l’apoB100 en contient huit) et par sa glycosylation [Yang et coll. (1990);
Rutledge et coll. (2010)]. L’apoB100 contient 19 sites potentiels de N‐glycosylation (asparagine (N) en vert dans la séquence de la Figure 8) et certains sites de O‐glycosylation [Chen et coll.
(2009), Liu et coll. (2005)]. La glycosylation est un processus de modification post‐traductionnel courant in vivo et 8 à 10 % de la masse de la protéine sont dus à la glycosylation. Les N‐glycans jouent un rôle important sur : (i) la structure tertiaire de l’apoB naissante, (ii) sa protection contre la protéolyse, (iii) sa transmission aux différents organites cellulaires et (iv) sa sécrétion [Rutledge et coll. (2010)]. Si une anomalie dans la structure tertiaire de l’apoB apparait dans le réticulum endoplasmique, des mécanismes de réponse tendent à forcer la formation correcte de la protéine. Lorsque ces mécanismes sont insuffisants, la protéine mal structurée est rapidement prise en charge pour être détruite par un système d’ubiquitination et de dégradation par le protéasome au sein du cytosol [Vance et Adeli (2008), Chen et coll. (1998)].
Plus de 50 variants de l’apoB100 sont décrits à l’heure actuelle dans la base de données Uniprot ; certains conduisant à un déficit dans la production de lipoprotéines et à des dyslipidémies, d’autres permettant
toujours une formation normale de l’apoB100 et des lipoprotéines.
Enfin, l’apoB100 contient un domaine qui se lie au récepteur aux LDLs.
Ce récepteur joue un rôle très important dans le métabolisme des LDLs et il est décrit dans le chapitre suivant II.1.4.3.
Pour identifier ce domaine de l’apoB100, les premières études ont utilisé des anticorps, des mutants de l’apoB100 et des peptides synthétiques homologues de
Figure 7 : Schématisation de l'apoB100 dans la particule de LDL avec les sites importants pour la liaison au récepteur aux LDLs d'après Boren et coll. (2001).
l’apoE (autre apolipoprotéine qui se lie au récepteur aux LDLs) [Milne et coll. (1989), Welty et coll. (1995), Krul et coll. (1992), Weisgraber (1994), Yang et coll. (1986)]. La séquence entre les résidus 3345 et 3381 de l’apoB100 (surlignée en jaune sur la Figure 8) contient le domaine de liaison au récepteur. Le domaine exact reste controversé bien que certains chercheurs aient identifié la séquence entre les résidus 3359 et 3369 comme « le » domaine de liaison (site B sur la Figure 7). A côté du domaine de liaison, certains acides aminés jouent un rôle important dans la liaison apoB100‐récepteur aux LDLs. En effet, la mutation de l’arginine 3500 en glutamine (R3500Q) est la cause majeure de la défaillance familiale de l’apoB100 (Familial Defective apoB100, FDB en anglais) causant une hypercholestérolémie génétique. Cette maladie a une prévalence de 1/500 à 1/700 personnes d’origine caucasienne en Europe et Amérique du Nord.
Lorsque la mutation R3500Q est présente, l’apoB100 acquiert une structure tertiaire différente à tel point que l’affinité des LDLs pour leur récepteur est fortement diminuée. Les mutations R3500W, R3531C et R3480W ont également été mises en cause dans la FDB.
En outre, Boren et coll. (2001) ont montré in vitro que le tryptophane W4369 joue un
rôle primordial dans la liaison des LDLs à leur récepteur. Ces auteurs ont produit dans un
premier temps de l’apoB95 et 97. Il est alors apparu que l’apoB95 avait une meilleure affinité
pour le récepteur aux LDLs que l’apoB97. Ils ont alors conclu qu’un ou plusieurs résidus entre
les résidus 4330 et 4397 (les 2 % en C‐terminal de l’apoB100) doivent interagir avec le résidu
R3500. Ensuite comme la mutation de l’arginine 3500 par une lysine (résidu également positif
comme l’arginine) ne permettait pas de conserver une apoB100 capable de se lier au récepteur,
ils ont estimé que l’arginine 3500 devait interagir avec un résidu tryptophane. En effet,
contrairement à la lysine, l’arginine peut former une interaction forte de type cation‐π avec un
résidu tryptophane. Dans la séquence 4330‐4397, seul un tryptophane est présent, le
tryptophane 4369. Ils ont alors muté, ce tryptophane en tyrosine (W4369Y) et étudié la
capacité des LDLs contenant cette apoB100 mutée à lier le récepteur aux LDLs. Il est alors
apparu que la liaison de ces LDLs mutées (W4369Y) était aussi faible que celle des LDLs
contenant la mutation R3500W. A ce jour, aucune mutation du tryptophane W4369 n’a été
détectée chez des patients. Néanmoins cette découverte est très intéressante en raison de la
propension de ce résidu à être oxydé in vivo. Nous y reviendrons plus tard dans ce travail.
Figure 8 : Séquence de l'apolipoprotéine B‐100 mature (4536 AA) adaptée d’UniProt/SwissProt P04114.
En vert les sites de N‐glycosylation ; les sites de clivage par la trypsine sont soulignés ; le domaine de liaison au récepteur aux LDLs est surligné en jaune.
II.1.4.3 Récepteur aux LDLs
En 1973, Brown et Goldstein ont identifié un récepteur membranaire jouant un rôle important dans le métabolisme du cholestérol [Goldstein et Brown (1973)]. Le récepteur aux LDLs (LDLR) est le premier membre d’une famille de récepteurs membranaires (famille LDLR) dont des homologues sont retrouvés dans des espèces comme les nématodes. Ceci laisse penser que ce récepteur est issu d’un gène ancestral qui a évolué [Gent et Braakman (2004)].
Au pH physiologique, le récepteur lie majoritairement les LDLs via leur apoB100 mais il reconnait également les VLDLs via l’apoE. Le complexe récepteur‐lipoprotéine est rapidement endocyté par la cellule et migre vers l’endosome, où à pH acide, la lipoprotéine est libérée. Le récepteur est ensuite recyclé et retourne à la surface de la cellule alors que la lipoprotéine est détruite, libérant du cholestérol grâce à certaines enzymes présentes dans l’endosome dont les hydrolases acides. De plus l’apoB100 est également dégradé en acides aminés [Goldstein et Brown (2009), Gent et Braakman (2004); Jeon et Blacklow (2005)]. Un cycle aller‐retour membrane/endosome dure environ 10 minutes et le LDLR fait plusieurs centaines de cycles durant ses 20 heures de durée de vie [Goldstein et Brown (2009)].
Figure 9 : Schéma du récepteur aux LDLs (LDLR) adapté de Jeon et Blacklow (2005). LA, LDLR type A;
EG, module EGFP; LY, boucle YWTD.