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Agriculture. Réduire les pesticides ne nuit pas à la rentabilité
Alexandra Chaignon, Nicolas Munier-Jolain, Martin Lechenet
To cite this version:
Alexandra Chaignon, Nicolas Munier-Jolain, Martin Lechenet. Agriculture. Réduire les pesticides ne nuit pas à la rentabilité. L’Humanité (quotidien national), L’Humanité, 2017, 2 mars 2017. �hal- 01605713�
Agriculture. Réduire les pesticides ne nuit pas à la rentabilité
Alexandra Chaignon Jeudi, 2 Mars, 2017 L'Humanité
Ces scénarios de transition supposent des changements de pratiques dans les exploitations.
Rémy Gabalda/AFP
Pied de nez au lobby phytosanitaire, une étude de l’Inra montre que la baisse de l’usage des intrants chimiques n’atténue pas la productivité des exploitations.
Réduire l’usage des pesticides sans affaiblir la productivité agricole, c’est possible, assurent des chercheurs de l’Inra (Institut national de recherche agronomique). Dans une étude parue en début de semaine dans la revue Nature Plants, ces derniers estiment qu’une réduction des intrants agricoles chimiques d’au moins 30 % n’aurait pas d’effets négatifs. On ne pouvait rêver meilleur calendrier, alors que se tient actuellement le Salon de l’agriculture, véritable vitrine de l’agriculture intensive.
« L’objectif, c’était d’étudier la corrélation entre l’utilisation des pesticides et la productivité et la rentabilité des exploitations », indique Nicolas Munier-Jolain, ingénieur de recherche à l’Inra de Dijon, coauteur de l’étude avec notamment Martin Lechenet, qui en a fait son sujet de thèse. Concrètement, l’étude repose sur une base de données rassemblant les informations de 946 fermes de grandes cultures conventionnelles montrant des niveaux contrastés d’usages de pesticides et couvrant une diversité de pratiques agricoles. Toutes appartenant au réseau Dephy, créé dans le cadre du plan gouvernemental Écophyto, destiné à réduire les pesticides.
Les experts ont comparé la relation entre la fréquence des traitements et les rendements et de là déduit la rentabilité économique de chaque exploitation. « C’est une question très
importante dans le débat public. D’un côté, il y a ceux qui estiment que l’agriculture conventionnelle est trop consommatrice de pesticides et assurent qu’on peut en réduire l’usage sans impacts négatifs ; et, de l’autre, ceux qui pensent qu’une baisse de l’usage des traitements phytosanitaires conduirait inéluctablement à la baisse des rendements. On a voulu approfondir le sujet », poursuit le chercheur.
« L’usage des pesticides pourrait être réduit de 42 % »
Au final, les résultats de cette enquête sont significatifs. « L’usage des pesticides pourrait être réduit de 42 % sans aucun impact négatif dans 59 % des cas », note l’étude. Ce qui correspond à « une réduction moyenne de 37 % des herbicides, de 47 % des fongicides et de 60 % des insecticides ». « La conclusion est sans appel, s’enthousiasme Nicolas Munier-Jolain : on peut baisser l’usage des pesticides sans affecter la productivité à l’échelle de la ferme. Et ce
presque partout en France, sachant qu’il faut tenir compte des caractéristiques locales (région, type de production, type de sol, conditions climatiques, etc.). Dans 94 % des cas, il est
possible de diminuer la fréquence des traitements phytosanitaires en maintenant une productivité équivalente ou meilleure. Et en maintenant une rentabilité équivalente, ou meilleure, dans 78 % des situations. » Et il ne s’agit pas de baisse à la marge, loin de là. « Ces données suggèrent qu’une réduction des intrants agricoles chimiques de 30 % est possible sans dégradation. Et on doit même pouvoir aller plus loin », assure le chercheur, qui parle d’une étude « sans équivalent dans le monde ».
« C’est l’ensemble des pratiques agricoles qu’il faut modifier »
Mais attention, ces résultats sont possibles « sous conditions », pondère l’Inra. Cette transition n’est en effet réalisable que si elle s’accompagne d’une adaptation des pratiques agricoles. « Il faut bien avoir conscience que dans nos scénarios de transition, réduire l’usage des pesticides passe nécessairement par des changements de pratiques : diversification et rotation des
cultures, introduction de variétés plus résistantes, autres modalités de fertilisation, utilisation de désherbage mécanique, etc. C’est l’ensemble des pratiques qu’il faut modifier. La mise en œuvre de ces adaptations n’est pas aisée et requiert un accompagnement des agriculteurs. Cela passe aussi par un accompagnement des filières. Une rotation diversifiée permet de réduire l’usage des pesticides, mais cela implique aussi de pouvoir écouler les nouvelles cultures. Et, localement, il n’y a pas forcément de débouchés commerciaux, de marchés… », explique Nicolas Munier-Jolain, qui parle de « leviers alternatifs ».
Reste à convaincre les principaux intéressés, alors que les derniers chiffres officiels du ministère de l’Environnement montrent une augmentation de l’utilisation des produits phytosanitaires, malgré une très légère baisse en 2015 !