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Noblesse et pouvoir princier dans la Lorraine ducale (vers 1620-1737)

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Academic year: 2021

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(1)

HAL Id: tel-01319414

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01319414

Submitted on 20 May 2016

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Noblesse et pouvoir princier dans la Lorraine ducale (vers 1620-1737)

Anne Motta

To cite this version:

Anne Motta. Noblesse et pouvoir princier dans la Lorraine ducale (vers 1620-1737). Histoire. Univer- sité du Maine, 2012. Français. �NNT : 2012LEMA3008�. �tel-01319414�

(2)

Thèse de Doctorat

Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de Docteur de l’Université du Maine

Discipline : Histoire Laboratoire : CERHIO

École doctorale : Sociétés, Cultures, Échanges (SCE, ED 496) Soutenue le 4 décembre 2012

Noblesse et pouvoir princier dans la Lorraine ducale

(vers 1620-1737)

Anne Motta

Direction :

• Laurent Bourquin, professeur d’histoire moderne, Université du Maine.

• Philippe Martin, professeur d’histoire moderne, Université Lumière-Lyon 2.

Jury :

• Laurent Bourquin, Professeur d’histoire moderne, Université du Maine.

• Alain Cullière, Professeur de langue et littérature françaises, Université de Lorraine (Metz).

• Nicolas Le Roux, Professeur d’histoire moderne, Université Lumière-Lyon 2.

• Philippe Martin, Professeur d’histoire moderne, Université Lumière-Lyon 2.

• Stefano Simiz, Professeur d’histoire moderne, Université de Lorraine (Nancy).

(3)

REMERCIEMENTS

En premier lieu, ma reconnaissance va vers mes deux directeurs, Laurent Bourquin et Philippe Martin, qui ont suivi de près ce travail. Qu’ils soient remerciés pour leur disponibilité et leurs précieux éclairages scientifiques qui m’ont permis d’avancer dans ma réflexion.

J’exprime également tous mes remerciements à messieurs les professeurs Alain Cullière, Nicolas Le Roux et Stefano Simiz, membres du jury.

Je salue par ailleurs le personnel dévoué et compétent que j’ai rencontré dans les différentes bibliothèques, et tout particulièrement celui des Archives Départementales de Nancy, celui de la Bibliothèque Municipale de Nancy, ainsi que celui de la Bibliothèque Universitaire de Metz.

Je voudrais aussi exprimer ma gratitude envers les érudits et chercheurs croisés dans les divers conservatoires de mémoire que j’ai fréquentés durant ces années et avec lesquels j’ai échangé. Je remercie notamment monsieur Alain Petiot qui, grâce à sa connaissance érudite des grandes familles lorraines, m’a parfois guidée dans mes recherches, ainsi que Marie-Catherine Souleyreau.

Ma reconnaissante va également vers madame Minnie de Beauvau-Craon qui a eu la gentillesse de m’accueillir dans son magnifique château de Haroué et de me donner l’accès à ses archives privées.

Grâce au regard intransigeant de Didier Girard, à la relecture minutieuse de Nicole Seltzer et à la rigueur technique de Julie Clessienne, ce travail a pu être finalisé dans les meilleures conditions. Je salue aussi Benoît Losson pour l’aide qu’il m’a apporté dans la confection des cartes.

Je remercie tous ceux que j’ai parfois délaissés, notamment en fin de thèse, en particulier ma sœur qui a fait preuve d’une grande compréhension à mon égard.

Je clos cette page avec une pensée toute particulière en direction de mon

compagnon Gilles et de ma fille Juliette pour leur patience et leurs encouragements

constants. Sans eux, ces efforts auraient été vains.

(4)

Table des matières

Remerciements p. 1

Table des matières p. 2

Liste des abréviations p. 6

Carte de la Lorraine et du Barrois p. 7

Introduction p. 8

Partie I La noblesse lorraine « portion illustre

de l’État »

1

(au début du XVII

e

siècle) p. 40

Chapitre I Connaître et « faire connaître les nobles »

2

p. 44

1. Les Nobiliaires : miroirs des nobles p. 44

2. Prédominance de l’ancienne chevalerie : une originalité lorraine p. 57 3. Ouverture de l’ordre et résistances de l’ancienne chevalerie p. 82

Chapitre II Les fondements d’une supériorité :

des enclaves institutionnelles au sein du second ordre p. 103 1. Chapitres féminins : sanctuaires de la plus haute noblesse p. 103 2. Survivance du tribunal des Assises ou permanence de l’esprit féodal p. 108 3. Le rôle de la noblesse aux États : représenter la nation ? p. 122

1 P. D. -G. de ROGÉVILLE, préface dans Dictionnaire historique des ordonnances et des tribunaux de la Lorraine et du Barrois, t. 1 (non numérotée).

2 A. PELLETIER, Nobiliaire de la Lorraine et du Barrois, t. 1, Nancy, (1758), Paris, éd. du Palais Royal, 1974, « Discours préliminaire », p. vii.

(5)

Chapitre III L’accueil favorable du nouveau prince :

acte fondateur et accords tacites p. 139

1. (Dis)continuité du pouvoir : le consentement de l’ancienne chevalerie

(1624-1626) p. 139

2. Des droits et des responsabilités au service du prince p. 151

Partie II Heur(t)s et malheurs : une noblesse

en mal d’honneur (1634-1697) p. 173

Chapitre IV À quelle(s) fidélité(s) se vouer (1634-1661) ? p. 177 1. S’incliner devant la France ? Les nobles lorrains face au serment

de 1634 p. 177

2. Le prince est absent. Vive le prince (1634-1641) p. 210 3. Une noblesse inégalement récompensée (1641-vers 1650) p. 220 4. Le prince « ravy à sa noblesse »

3

: épreuve d’honneur (1654-1661) p. 230

Chapitre V Entre contestation et résignation : l’honneur blessé

de la noblesse (1661-1670) p. 253

1. La noblesse victime de l’opprobre ducal (1661-1663) p. 253 2. La noblesse unie face à l’absolutisme princier (1662) p. 266 3. Le retour du prince et la noblesse : des retrouvailles ? (1663-1669) p. 276

3 B.M.N, Ms 800 (114), p. 5.

(6)

Chapitre VI Le prince dépouillé, la noblesse partagée (1670-1697) p. 305 1. La tentation du service étranger (à partir de 1670) p. 307 2. Persistance d’une fidélité dynastique ? (1675-1697) p. 324 3. Jugements post-mortem : la figure princière controversée p. 348

Partie III L’État restauré et le second ordre recomposé : du « rehaussement »

4

à la rupture avec le prince

(1697-1737) p. 365

Chapitre VII La noblesse et le jeune duc : regards rétrospectifs,

intérêts convergents p. 367

1. Rassembler au nom du père : l’héritage paternel mis en scène p. 368 2. Mémoire et service : la reconnaissance ducale p. 375 3. Contrôle du second ordre et finances ducales p. 397

Chapitre VIII La noblesse relais de l’autorité ducale rétablie p. 402 1. Monopole des institutions gouvernementales et judiciaires p. 402 2. Représenter les intérêts du duc : les missions de confiance

dévolues à la noblesse p. 415

3. Défense d’une « Église ducale » et maintien des positions

de la noblesse p. 433

4 Terme couramment utilisé dans les lettres de noblesse (voir A.D.M.M : B 187 et B 188).

(7)

Chapitre IX La cour espace de reconversion pour la noblesse

ancienne p. 439

1. (Re) formation de la maison ducale : une noblesse comblée p. 439 2. Service et exigences sociales : « se distinguer par l’extérieur »

5

p. 465

Chapitre X Nouvelles exigences du service : inaptitude

de la noblesse ancienne ? p. 488

1. Les insuffisances de l’éducation nobiliaire p. 489 2. Fin de la prééminence judiciaire de la chevalerie p. 499 3. Le pouvoir fédérateur du service : une illusion ? p. 509

Chapitre XI Noblesse, prince et État lorrain : vers des destins

divergents (1729-1737) p. 531

1. L’offensive anti-nobiliaire : incompréhension ou hostilité

(1729-1731) ? p. 532

2. L’impossible combinaison des contraires : la fracture entre le duc

et sa noblesse (1737) p. 548

Épilogue p. 565

Conclusion p. 570

Sources et bibliographie p. 582

Table des annexes p. 631

Index p. 674

5 Pascal (1623-1662), Pensées, Paris, Chez Guillaume Desprez, 1671, p. 109.

(8)

Abréviations utilisées

BnF : Bibliothèque Nationale de France AN : Archives Nationales

M.A.E : Ministère des Affaires Étrangères (La Courneuve) CP Lorraine : Correspondance Politique Lorraine

S.H.A.T : Service Historique de l’Armée de Terre (Vincennes) A.D.M.M : Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle A.D.Moselle : Archives Départementales de Moselle

A.D.Meuse : Archives Départementales de Meuse B.M.N : Bibliothèque Municipale de Nancy

HH StA : Österreichisches Staatsarchiv – Haus – Hof – und Staatarchiv, Vienne.

(9)

Lorraine et Barrois au XVII

e

siècle

(10)

REMERCIEMENTS

En premier lieu, ma reconnaissance va vers mes deux directeurs, Laurent Bourquin et Philippe Martin, qui ont suivi de près ce travail. Qu’ils soient remerciés pour leur disponibilité et leurs précieux éclairages scientifiques qui m’ont permis d’avancer dans ma réflexion.

J’exprime également tous mes remerciements à messieurs les professeurs Alain Cullière, Nicolas Le Roux et Stefano Simiz, membres du jury.

Je salue par ailleurs le personnel dévoué et compétent que j’ai rencontré dans les différentes bibliothèques, et tout particulièrement celui des Archives Départementales de Nancy, celui de la Bibliothèque Municipale de Nancy, ainsi que celui de la Bibliothèque Universitaire de Metz.

Je voudrais aussi exprimer ma gratitude envers les érudits et chercheurs croisés dans les divers conservatoires de mémoire que j’ai fréquentés durant ces années et avec lesquels j’ai échangé. Je remercie notamment monsieur Alain Petiot qui, grâce à sa connaissance érudite des grandes familles lorraines, m’a parfois guidée dans mes recherches, ainsi que Marie-Catherine Souleyreau.

Ma reconnaissante va également vers madame Minnie de Beauvau-Craon qui a eu la gentillesse de m’accueillir dans son magnifique château de Haroué et de me donner l’accès à ses archives privées.

Grâce au regard intransigeant de Didier Girard, à la relecture minutieuse de Nicole Seltzer et à la rigueur technique de Julie Clessienne, ce travail a pu être finalisé dans les meilleures conditions. Je salue aussi Benoît Losson pour l’aide qu’il m’a apporté dans la confection des cartes.

Je remercie tous ceux que j’ai parfois délaissés, notamment en fin de thèse, en particulier ma sœur qui a fait preuve d’une grande compréhension à mon égard.

Je clos cette page avec une pensée toute particulière en direction de mon

compagnon Gilles et de ma fille Juliette pour leur patience et leurs encouragements

constants. Sans eux, ces efforts auraient été vains.

(11)

Table des matières

Remerciements p. 1

Table des matières p. 2

Liste des abréviations p. 6

Carte de la Lorraine et du Barrois p. 7

Introduction p. 8

Partie I La noblesse lorraine « portion illustre

de l’État »

1

(au début du XVII

e

siècle) p. 40

Chapitre I Connaître et « faire connaître les nobles »

2

p. 44

1. Les Nobiliaires : miroirs des nobles p. 44

2. Prédominance de l’ancienne chevalerie : une originalité lorraine p. 57 3. Ouverture de l’ordre et résistances de l’ancienne chevalerie p. 82

Chapitre II Les fondements d’une supériorité :

des enclaves institutionnelles au sein du second ordre p. 103 1. Chapitres féminins : sanctuaires de la plus haute noblesse p. 103 2. Survivance du tribunal des Assises ou permanence de l’esprit féodal p. 108 3. Le rôle de la noblesse aux États : représenter la nation ? p. 122

1 P. D. -G. de ROGÉVILLE, préface dans Dictionnaire historique des ordonnances et des tribunaux de la Lorraine et du Barrois, t. 1 (non numérotée).

2 A. PELLETIER, Nobiliaire de la Lorraine et du Barrois, t. 1, Nancy, (1758), Paris, éd. du Palais Royal, 1974, « Discours préliminaire », p. vii.

(12)

Chapitre III L’accueil favorable du nouveau prince :

acte fondateur et accords tacites p. 139

1. (Dis)continuité du pouvoir : le consentement de l’ancienne chevalerie

(1624-1626) p. 139

2. Des droits et des responsabilités au service du prince p. 151

Partie II Heur(t)s et malheurs : une noblesse

en mal d’honneur (1634-1697) p. 173

Chapitre IV À quelle(s) fidélité(s) se vouer (1634-1661) ? p. 177 1. S’incliner devant la France ? Les nobles lorrains face au serment

de 1634 p. 177

2. Le prince est absent. Vive le prince (1634-1641) p. 210 3. Une noblesse inégalement récompensée (1641-vers 1650) p. 220 4. Le prince « ravy à sa noblesse »

3

: épreuve d’honneur (1654-1661) p. 230

Chapitre V Entre contestation et résignation : l’honneur blessé

de la noblesse (1661-1670) p. 253

1. La noblesse victime de l’opprobre ducal (1661-1663) p. 253 2. La noblesse unie face à l’absolutisme princier (1662) p. 266 3. Le retour du prince et la noblesse : des retrouvailles ? (1663-1669) p. 276

3 B.M.N, Ms 800 (114), p. 5.

(13)

Chapitre VI Le prince dépouillé, la noblesse partagée (1670-1697) p. 305 1. La tentation du service étranger (à partir de 1670) p. 307 2. Persistance d’une fidélité dynastique ? (1675-1697) p. 324 3. Jugements post-mortem : la figure princière controversée p. 348

Partie III L’État restauré et le second ordre recomposé : du « rehaussement »

4

à la rupture avec le prince

(1697-1737) p. 365

Chapitre VII La noblesse et le jeune duc : regards rétrospectifs,

intérêts convergents p. 367

1. Rassembler au nom du père : l’héritage paternel mis en scène p. 368 2. Mémoire et service : la reconnaissance ducale p. 375 3. Contrôle du second ordre et finances ducales p. 397

Chapitre VIII La noblesse relais de l’autorité ducale rétablie p. 402 1. Monopole des institutions gouvernementales et judiciaires p. 402 2. Représenter les intérêts du duc : les missions de confiance

dévolues à la noblesse p. 415

3. Défense d’une « Église ducale » et maintien des positions

de la noblesse p. 433

4 Terme couramment utilisé dans les lettres de noblesse (voir A.D.M.M : B 187 et B 188).

(14)

Chapitre IX La cour espace de reconversion pour la noblesse

ancienne p. 439

1. (Re) formation de la maison ducale : une noblesse comblée p. 439 2. Service et exigences sociales : « se distinguer par l’extérieur »

5

p. 465

Chapitre X Nouvelles exigences du service : inaptitude

de la noblesse ancienne ? p. 488

1. Les insuffisances de l’éducation nobiliaire p. 489 2. Fin de la prééminence judiciaire de la chevalerie p. 499 3. Le pouvoir fédérateur du service : une illusion ? p. 509

Chapitre XI Noblesse, prince et État lorrain : vers des destins

divergents (1729-1737) p. 531

1. L’offensive anti-nobiliaire : incompréhension ou hostilité

(1729-1731) ? p. 532

2. L’impossible combinaison des contraires : la fracture entre le duc

et sa noblesse (1737) p. 548

Épilogue p. 565

Conclusion p. 571

Sources et bibliographie p. 583

Table des annexes p. 632

Index p. 675

5 Pascal (1623-1662), Pensées, Paris, Chez Guillaume Desprez, 1671, p. 109.

(15)

Abréviations utilisées

BnF : Bibliothèque Nationale de France AN : Archives Nationales

M.A.E : Ministère des Affaires Étrangères (La Courneuve) CP Lorraine : Correspondance Politique Lorraine

S.H.A.T : Service Historique de l’Armée de Terre (Vincennes) A.D.M.M : Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle A.D.Moselle : Archives Départementales de Moselle

A.D.Meuse : Archives Départementales de Meuse B.M.N : Bibliothèque Municipale de Nancy

HH StA : Österreichisches Staatsarchiv – Haus – Hof – und Staatarchiv, Vienne.

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Lorraine et Barrois au XVII

e

siècle

(17)
(18)

Introduction

Pompe funèbre de Charles III (1608)6

6 Claude de La Ruelle, Discours des cérémonies, honneurs et pompe funèbre faits à l’enterrement du Très Hault, très puissant & sérenissime prince Charles 3 du nom, par la grâce de Dieu duc de Calabre, Lorraine, Bar, Gueldres, marchis etc., Clairlieu-lez-Nancy, 1609. Planche reproduite dans Philippe

(19)

La Pompe funèbre de Charles III : les nobles portant les bannières des troncs paternel et maternel du duc

Le baldaquin supportant l’effigie du duc7

Martin, La Pompe funèbre de Charles III 1608, Metz, éd. Serpenoise, 2008, d’après l’exemplaire conservé dans les Bibliothèques-Médiathèques de Metz.

7C. de la Ruelle, op. cit. Planches reproduites dans Philippe Martin, op. cit. p. 79 ; 132-133.

(20)

En 1608 la Pompe funèbre du duc de Lorraine Charles III, archétype du cérémonial funéraire en Europe à l’époque moderne

8

, ne représente pas seulement la passation du pouvoir, elle marque encore le passage des duchés vers un siècle nouveau, dans une mise en scène théâtrale immortalisée par Claude de La Ruelle

9

. La dignité ducale, s’incarnant dans la personne du successeur, garant de la continuité du pouvoir, cherche à s’élever au rang royal

10

. Deux événements ont conforté les ducs de Lorraine dans cette volonté de s’affirmer comme souverains d’un État à part entière dans « la société des princes »

11

: d’une part, la victoire de René II (1473-1508) sur Charles le Téméraire en janvier 1477 et d’autre part, l’accord conclu le 26 août 1542 à Nuremberg entre le duc Antoine (1508-1544) et l’empereur qui reconnaissait le duché de Lorraine, jusque-là fief relevant des Habsbourg, comme libre et non incorporable à l’Empire. Ce

8 L’historiographie anglo-saxonne a été particulièrement féconde pour l’analyse des rites de la monarchie française. R. E. GIESEY, Le Roi ne meurt jamais ; les obsèques royales dans la France de la

Renaissance, Paris, Gallimard, 1957 ; Cérémonial et puissance souveraine. France, XVe-XVIIe siècles, Paris, A. Colin, 1987. E. KANTOROWICZ, Les Deux Corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Âge, 1989. Lire aussi M. FOGEL, Les Cérémonies de l’information dans la France du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1989.

9 C. de La RUELLE, op. cit. Le récit s’accompagne d’un recueil de soixante-trois planches. Claude de La Ruelle est secrétaire d’État et ici maître des cérémonies temporelles de la Pompe funèbre ; il a pris l’initiative de « l’album-souvenir » (P. CHONÉ, « L’enterrement d’un duc de Lorraine à Nancy. Présence, présentation et représentation dans les planches de la Pompe funèbre de Charles III (1608) et leurs légendes », Zeremonielle als Höfische Asthetik im Spätmittelalter und Früher Neuzeit (Jörg Jochen Berns, Thomas RAHN éd.), Tübingen, 1995, p. 7. Les textes sont imprimés à Nancy et l’ensemble est achevé en 1611.

10 Le sens politique de la cérémonie a été mis en lumière par Ph. MARTIN, dans « Les funérailles de Charles III » La Pompe funèbre de Charles III, 1608, op. cit., p. 7-16, ouvrage paru à l’occasion de l’anniversaire de la mort du duc, commémoration qui a donné lieu à une exposition à Nancy. Du même auteur, « La mort d’un duc de Lorraine », dans B. DOMPNIER (dir.), Les Cérémonies extraordinaires du catholicisme baroque, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise-Pascal, 2009, p. 293-312.

L’auteur qualifie cette solennité de « formidable entreprise de communication », dans « Les funérailles de Charles III », op. cit., p. 14 ; en effet, Ph. MARTIN montre qu’il s’agit d'une « construction idéalisée », où les descriptions de La Ruelle contrastent avec les informations livrées par les archives : tandis que l’auteur évoque un sceptre d’or et une main de justice émaillée, réalisés pour la circonstance, les comptes révèlent la présence de bâtons peints et dorés », voir H. ROY, « Sur la célèbre pompe funèbre de Charles III de Lorraine (14 mai-19 juillet), Mémoires de l’académie de Stanislas, 1930-1931, Paris, Berger- Levrault, 1931. L’oraison prononcée par le Jésuite L. Perin (1565-1580) est aussi une idéalisation du prince qui incarne la vertu, la foi et l’identité lorraine. Lire F. HENRYOT, « Oraison pour un prince idéal » dans Ph. MARTIN (dir.), La Pompe funèbre de Charles III, p. 51-62.

11 L. BÉLY, La Société des princes, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1999.

(21)

dernier acte a consacré la pleine souveraineté des ducs sur leurs territoires

12

. Inspirée de l’exemple français, la solennité mortuaire, dont la splendeur et le raffinement sont devenus proverbiaux

13

, proclame à l’aube du XVII

e

siècle et à la face du monde, l’indépendance des duchés vis-à-vis du puissant et menaçant voisin français

14

. L’entrée de la Lorraine dans le nouveau siècle s’accomplit sur cette base politique, encore fragile.

Le règne de Charles III, période « sans heurt et d’une prospérité ininterrompue »

15

, est considéré comme un âge d’or. L’avenir n’en est pas moins incertain, et le duc Henri II s’appuie sur cette commémoration grandiose pour asseoir sa propre légitimité.

12 La signature du traité est précédée d’une campagne menée par le duc Antoine (1508-1544) qui vise à affirmer la situation « franche, exempte et privilégiée de toute servitude et subjection » du duché de Lorraine, voir G. CABOURDIN, Histoire de la Lorraine, op. cit., t. 1, p. 53. Les circonstances ont été favorables au duc de Lorraine car l’empereur Charles-Quint est alors en difficulté face aux Français qui occupent à ce moment-là le Luxembourg. Le duc doit cependant encore l’hommage à l’empereur pour Pont-à-Mousson, Blâmont, Clermont, Hattonchâtel et l’abbaye de Remiremont.

13 « Le couronnement d’un empereur à Francfort, le sacre d’un roi de France à Reims, et l’enterrement d’un duc de Lorraine à Nancy sont les trois cérémonies les plus magnifiques qui se voient en Europe ».

Selon J.J. LIONNOIS, Histoire des villes vieille et neuve de Nancy, Nancy, 1805, p. 183, cet adage aurait eu une résonnance dans toute l’Europe. A. CALMET dans Histoire ecclésiastique et civile de Lorraine, Nancy, 1728, t. II, coll. 1461, plus modeste, évoquait « un des plus grands spectacles de ce siècle ».

L’organisation des funérailles dans la Lorraine ducale a d’abord été influencée par la Bourgogne, à la fois au moment du passage du corps de Philippe le Bon, en 1473, à Metz, situé sur le chemin de Bruges à Dijon, puis lors de la longue exposition du cadavre de Charles le Téméraire à Nancy, tué en janvier 1477.

Pour une comparaison avec les funérailles accomplies dans d’autres petits États, durant la même période, et en particulier avec la Savoie qui cherche aussi à affirmer son indépendance à l’égard de la France, voir F. MEYER, « Les obsèques des ducs de Savoie », dans Ph. MARTIN, La Pompe funèbre de Charles III, op. cit., p. 167-181, ou encore L. DUERLOO, « Sincères condoléances. De la commémoration des funérailles princières aux Pays-Bas », Ibid., p. 185-190. P. CHONÉ, dans « L’enterrement d’un duc de Lorraine à Nancy : présence, présentation et représentation dans les planches de la Pompe funèbre de Charles III (1608) et leurs légendes », op. cit., p. 174, fait cependant remarquer que les funérailles en Lorraine n’étaient « ni plus originales ni plus somptueuses que dans d’autres cours princières », outre l’usage plus précoce, dans les duchés, de servir des repas solennels à la « représentation » du corps du prince.

14 Cette volonté d’afficher son indépendance à l’égard de la France se manifeste localement à travers la rivalité sourde entre Nancy, capitale des duchés, et Metz, possession française depuis 1552. Cette dernière, qui a reçu le roi Henri IV en 1603, vient de commander à l’imprimeur Fabert, une relation illustrée de l’entrée du souverain français. Derrière leur caractère purement « technique» et descriptif, les relations de ces cérémonies sont conçues comme des outils de propagande et dans le cas lorrain, elles participent à la compétition qui se joue entre les deux principales villes de l’espace lorrain. L’originalité et la particularité du récit de La Ruelle, tient à sa finalité : l’ouvrage devient une théorisation du cérémonial.

Le tirage de son récit aurait atteint le millier d’exemplaires, mais, L. DUERLOO, « Sincères condoléances… », op. cit., dans Ph. MARTIN, La Pompe funèbre de Charles III, op. cit., p. 187, minimise le caractère « publicitaire » du texte car il est en réalité distribué uniquement aux spectateurs, voire à d’autres cours.

15 A. CULLIÈRE, Les Écrivains et le pouvoir en Lorraine au XVIe siècle, Paris, Honoré Champion, 1999, p. 301.

(22)

Cette construction ambitieuse de l’image princière, impulsée par le nouveau duc, n’apparaît pas comme le fait de la seule famille régnante ; elle est présentée comme le fruit d’une entreprise collective qui associe les principaux représentants de la société lorraine, témoins et acteurs de cette pièce toute politique. Le cortège en particulier met en scène les différents corps et présente par la même occasion leurs membres les plus éminents, en matérialisant la place de chacun dans le convoi, en fonction de la hiérarchie des dignités. Le caractère aristocratique de la cérémonie tient avant tout au motif de cette grande communion, soit la mort du premier des gentilshommes, dont le déploiement des armoiries rappelle l’identité et la filiation

16

. Les nobles des duchés sont présents dans ce rite de passage et par conséquent, ils sont associés au discours sur la grandeur du pouvoir princier. Le convoi funéraire de Charles III nous offre une vision du second ordre lorrain, saisi dans sa dernière révérence au duc défunt et dans un premier hommage à son successeur. C’est le groupe dominant des nobles présents dans la sphère du pouvoir qui est pris en compte dans cette étude.

Sous la pointe du graveur, la cérémonie ducale « à la royalle »

17

rassemble. Mais n’a-t-on pas plutôt sous les yeux l’image de la discorde, le reflet d’un pacte fissuré entre

« les principaux de la noblesse » et le duc défunt ? La manière dont est représenté le groupe social dans la pompe funèbre nuance l’idée d’un rapport équilibré entre la noblesse et le duc à l’orée de l’époque moderne. Dans cette solennité, les membres du second ordre ne sont pas convoqués en tant que corps social constitué ; ils apparaissent uniquement dans leurs fonctions au service du pouvoir : la maison ducale a momentanément quitté l’espace domestique pour célébrer l’événement, et les grands états qui la constituent alors défilent

18

. L’individu et le groupe se confondent ici avec la

16 J.C. BLANCHARD, « Un spectacle emblématique » dans Ph. MARTIN, La Pompe funèbre de Charles III, op. cit., p. 93-103. Le médiéviste insiste sur le caractère plus dynastique que personnel de ces emblèmes.

17 R. É. GIESEY, op. cit., p. 136.

18 Nommés sur les planches de La Ruelle, les principaux officiers peuvent être identifiés : la Chambre du duc, dirigée par le grand chambellan, Ferdinand-Gabriel comte d’Aune dit de Madruche, accompagné du premier gentilhomme de la Chambre, Antoine de Stainville, ainsi que des chambellans, est présente. Le grand maître d’Hôtel, par ailleurs surintendant des finances, Errard de Livron, incarne l’autorité supérieure sur l’Hôtel ; il est suivi par deux maîtres d’Hôtel, Nicolas de Raigecourt et Charles de Mitry, les maréchaux des logis, et le maître de la chapelle ducale Paul de Haraucourt. Les Écuries, tenues par le grand écuyer et les écuyers, les responsables des services de la vénerie et de la fauconnerie suivent dans le convoi. Enfin, les gardes sont commandés par Jean-Philippe de Fresnel. H. ANCIAN, « Le convoi funéraire, image d’une société », Ph. MARTIN, dans La Pompe funèbre de Charles III, op. cit., p. 85.

(23)

fonction exercée. De la même manière, seuls les officiers, tels les maréchaux, les gouverneurs, ou les baillis sont présents. En dehors de cette évocation des principales fonctions, la grande noblesse apparaît encore dans le cercle étroit consacré au défunt, pour mener les chevaux et porter les trente-quatre bannières

19

relatives aux ancêtres de la maison de Lorraine, célébrant la dynastie tout entière et saluant le lien ininterrompu entre tous ses membres. À côté des familles illustres, figure aussi dans le cortège une noblesse moins prestigieuse, derrière laquelle se devinent des anoblis

20

au service des instances administratives et judiciaires des duchés, comme les membres du Conseil de Nancy et de la Cour souveraine de Saint-Mihiel. Plus que l’« image d’une société »

21

, la pompe funèbre de 1608 est une représentation de l’État lorrain et de la fonction ducale.

Cela explique que les nobles, habillés en pleurants et le visage masqué par un capuchon, n’interviennent dans cet acte qu’en tant que serviteurs du prince. Néanmoins ce choix révèle une façon de concevoir la souveraineté de la part de la famille régnante et, dans cette orchestration, le duc ne laisse pas la possibilité au second ordre d’exalter sa propre gloire. Pour voir évoluer les rapports entre le second ordre et le prince, il faut quitter le statisme de cette scène arrangée.

À la scène d’unité léguée par la propagande ducale à travers la solennité des funérailles, succède dans les décennies suivantes l’image du désordre : guerre sur le territoire, éclipse de l’État, tensions entre le duc et l’ancienne chevalerie, rivalités entre noblesse ancienne et noblesse récente, et dilemmes intérieurs. Les duchés connaissent au XVII

e

siècle des ruptures brutales qui éprouvent les liens entre la noblesse et le duc.

En effet, à partir des années 1630 jusqu’au traité de Ryswick en 1697 qui ramène la paix dans les duchés, conflits et instabilité politique forment la toile de fond de notre réflexion. Exposée aux contentieux et à la convoitise, la Lorraine est emportée dans les guerres qui déchirent alors l’Europe. Le premier souverain à diriger les duchés dans la période relevant de notre étude est Charles IV (1624-1675) : âgé de vingt ans au

19 Pour les visualiser, se reporter à Ph. MARTIN, ibid., p. 130-132. La plupart des nobles présents sont conseillers d’État et/ou chambellans.

20 Dans la description de La Ruelle, rien n’indique le statut social de ces officiers présents en tant que magistrats, juges, échevins… mais le mode de recrutement dans ces institutions, abordé dans notre développement nous permet d’avancer que les anoblis sont nombreux dans ces fonctions et donc représentés ici.

21 Titre de l’article de H. ANCIAN, dans Ph. Martin, La Pompe funèbre, op. cit., p. 85.

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moment de son accession au trône, il s’inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs dans sa volonté d’asseoir son autorité à l’intérieur des duchés et de se prémunir contre les ingérences des pays voisins. Si les prétentions dynastiques de Charles IV sont moins offensives que celles de son aïeul, il apparaît dès son avènement comme un jeune prince engagé et belliqueux qui ne renonce jamais à prendre les armes. Son parti pris pour l’Empire, dans le contexte de la guerre de Trente ans, rend inévitable l’affrontement avec le roi de France au début des années 1630, dont l’issue est l’occupation des duchés à partir de 1634. Commence alors une longue phase d’exil pour le prince régnant, les membres de sa famille et son successeur Charles V (1675-1690), à peine interrompue durant une décennie, de 1661 à 1670. Lorsque la Lorraine retrouve enfin la paix en 1697 et que le duc Léopold recouvre son héritage anéanti, il doit reconstruire les duchés, restaurer l’État et recréer le lien avec ses sujets les plus « utiles », lien affecté par soixante ans d’épreuves. En 1729, François III est appelé à la tête des duchés de Lorraine mais de plus belles promesses l’attendent du côté de l’Empire où il a grandi : son mariage avec Marie-Thérèse d’Autriche lui ouvre la perspective du trône impérial.

Il laisse alors les grandes puissances décider du sort de la Lorraine. Les deux États rivaux, France et Autriche, placent les duchés au cœur des négociations durant la guerre de Succession de Pologne (1733-1738) : en 1737, ils sont cédés au roi déchu de Pologne et beau-père de Louis XV, Stanislas Leszczynski, et le jeune duc de Lorraine, en attendant de ceindre la couronne impériale, accepte en échange le grand-duché de Toscane, laissant derrière lui son patrimoine territorial.

L’étude des rapports entre la noblesse et le duc est envisagée dans une période s’étendant des années 1620 à 1737. Elle s’inscrit dans le contexte général du renforcement des États européens et dans une phase de transition troublée. Dans les duchés, ces relations sont en grande partie déterminées par la conjoncture car les événements viennent brutalement désorganiser l’État et le service princier incarné par le second ordre. L’exil du duc crée une situation inédite qui laisse soudainement la noblesse orpheline, l’obligeant à reconsidérer sa position dans la sphère du pouvoir.

Deux dilemmes se superposent et troublent les consciences de ses membres les plus

impliqués : comment concilier le goût de l’indépendance et le dévouement au souverain,

deux valeurs qui sont au cœur de son éthique, alors que les progrès de l’appareil du

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pouvoir s’opèrent à ses dépens ? Comment, par ailleurs, la noblesse peut-elle maintenir son sens du devoir et du service alors même que la figure princière s’éclipse, se dégrade puis se recompose, au gré des personnalités qui habitent le pouvoir, et des reconfigurations politiques, de 1634 à 1737 ? La réinterprétation du service qui en découle s’effectue grâce à des compromis, et au prix d’un renouvellement de l’ordre qui conduit à une redéfinition de ses valeurs et de sa relation au prince. Tantôt héroïque, tantôt multiple, tantôt évanescente, la question de la fidélité est au cœur de cette réflexion qui revisite les notions de service, de devoir et d’honneur, constitutives de l’identité nobiliaire et à la base des relations entre la noblesse et son maître.

Si la noblesse lorraine présente des traits communs avec les autres noblesses européennes, elle a des caractéristiques qui lui confèrent une identité propre. Pas plus que dans les autres États européens, la noblesse lorraine ne forme un ordre homogène et, à l’image du reste de la société, elle est soumise à une hiérarchie interne que l’on peut rappeler dans ses grandes lignes bien qu’elle évolue au cours de la période considérée.

La noblesse est alors dominée par quelques puissantes familles qui se situent au sommet de la hiérarchie et qui, du haut de leur ancienneté et de leurs prérogatives institutionnelles, se considèrent au minimum comme les partenaires du pouvoir en exercice. Cette minorité forme la caste de l’ancienne chevalerie, composée de moins d’une centaine de lignages

22

au début de la période et dont la fine fleur trouve sa plus belle illustration dans les quatre maisons les plus prestigieuses, dont les noms vont résonner durant le long XVII

e

siècle : Ligneville, Haraucourt, Lenoncourt et Du Châtelet

23

. Avec le temps, et grâce aux alliances matrimoniales entre les filles de la

22 Pour une mise au point sur le vocabulaire, voir A. GUERREAU-JALABERT, « Structures de parenté dans l’Europe médiévale », Annales ESC, 1981, n° 6, p. 1028-1045. L’auteur évoque l’imprécision qui entoure le vocable de « famille ». Les contemporains parlent plutôt de lignage, lignée ou, plus fréquemment de maison. Nous utilisons le terme « lignage » comme synonyme de famille dans son acception la plus large. Voir la définition du dictionnaire de A. Furetière, rappelée par R. Mousnier dans Les Institutions de la monarchie absolue, PUF, 1974, p. 47 : « Suitte de parents en divers degrez descendans d’une même souche ou père commun. La ligne directe est celle qui va de père en fils ».

Autrement dit, « toutes les personnes nées avec le même nom et qui pouvaient suivre leur généalogie en ligne masculine depuis un ancêtre commun constituaient une sorte de patri-lignage ».

23 Ces familles sont présentées dans notre première partie et sont évoquées à différents moments de notre développement (voir index, p. 677).

(26)

chevalerie lorraine et des gentilshommes étrangers aux duchés, de nouveaux lignages sont venus s’agréger à ce corps, prenant le nom de pairs fieffés, et compenser ainsi les pertes naturelles de l’ordre.

L’origine du sentiment de liberté qui habite l’ancienne chevalerie, et auquel elle est alors très attachée, est à rechercher dans cette observation émanant d’un chroniqueur vers 1450 : « Et commencent guerre pour peu de choses, pour ce qu’il a long temp qu’ilz les [nobles] n’ont eu seigneur que l’empereur, qui ne s’est point tenu au païs »

24

. De ce passé proche, la chevalerie lorraine a gardé le goût de l’indépendance et une forte inclination pour les armes. Vivant sur des territoires morcelés et convoités, soumis à un pouvoir lointain et instable jusque dans les années 1480-1490, elle a profité des difficultés de ses maîtres

25

pour asseoir son propre pouvoir sur les campagnes. Son autorité locale s’exprime dans le paysage par l’essor spectaculaire et continu de maisons fortes, entre la fin du XII

e

siècle et le XVI

e

siècle. À défaut de pouvoir contrôler les propriétaires, les princes ont dû se contenter de légiférer sur ces constructions

26

. Selon M. Parisse, c’est à la fin du XIII

e

siècle que la chevalerie a fusionné avec l’élite dirigeante et que se sont précisées les caractéristiques principales de la noblesse ainsi que ses privilèges

27

. Par rapport aux noblesses du royaume de France, sa force tient aux particularismes qu’elle a su préserver, notamment son autonomie judiciaire, symbolisée par le tribunal des Assises. Sorte de cour des pairs, cette institution constitue le marqueur nobiliaire le plus original et le plus significatif. Alors que la suzeraineté a cédé la place à la souveraineté dans la plupart des grands États voisins à l’orée du XVI

e

siècle, la noblesse de Lorraine est encore très marquée par l’esprit féodal et

24 G. BOUVIER dit Le Héraut Berry, Le Livre de la description des pays, éd. E.- T. Hamy, Paris, 1908, p.

113, cité par G. GIULIATO, « Les Maisons fortes de Lorraine à la fin du Moyen Âge », dans N. COULET et J.M. MATZ (dir.), La Noblesse dans les territoires angevins à la fin du Moyen Âge, op . cit, 2000, p. 232.

25 Les princes territoriaux se livrent à des luttes incessantes pour tenter de s’approprier une parcelle de terre et étendre leur pouvoir sur la Lorraine, encore fief d’Empire à cette époque. De plus, à partir du milieu du XIVe siècle, des périodes de régence affaiblissent aussi l’autorité des princes.

26 M. BUR, (éd), La Maison forte au Moyen Âge, Paris, 1986. Lire aussi G. GIULIATO, Châteaux et maisons fortes en Lorraine centrale, 1992.

27 M. PARISSE, La Noblesse lorraine XIe-XIIIe, Lille-Paris, Université Nancy II, 1976, t. 1, p. 302.

(27)

chevaleresque

28

qu’elle apprend à contenir, au fur et à mesure des progrès accomplis par les ducs successifs tout au long du siècle de la Renaissance

29

.

Le renforcement des institutions ducales, telles que le Conseil, les prémices d’une administration plus efficace, le développement d’une fiscalité plus régulière, consentie par les États Généraux

30

, et l’émergence d’une cour à partir du XV

e

siècle, ont donné un cadre à l’État lorrain et ont initié la noblesse à de nouvelles habitudes de service. Ces nouveautés ont créé d’autres modes de participation à la puissance publique.

Le changement le plus déstabilisant pour cette minorité est cependant la propension nouvelle à octroyer des lettres d’anoblissement depuis le XVI

e

siècle, à des hommes issus de la roture, récompensés ainsi pour leur dévouement au duc. Progressif à partir du règne de René II (1470-1508)

31

, le phénomène prend une telle ampleur à la fin du XVI

e

siècle, que les anoblis ont été pris en compte au moment de la rédaction de la Coutume dans le duché de Lorraine dans les années 1590 : les chevaliers doivent, depuis ce changement, admettre au sein de l’ordre, ces hommes nouveaux, à l’aise dans les tâches juridiques et administratives, et impatients de se fondre dans l’entourage proche du duc. Cependant, dans les premières décennies du XVII

e

siècle, malgré l’installation de ces créatures dans les sphères du pouvoir, l’ancienne chevalerie continue à tenir le haut du pavé dans le duché de Lorraine tout au moins, car dans le Barrois la noblesse ne connaît pas la même classification

32

.

Dans les duchés où la géographie est si morcelée, la problématique territoriale a participé à la construction de la mentalité de l’ancienne chevalerie. La Lorraine forme une « marqueterie du sol » dont les cartes effleurent à peine la complexité administrative et les bizarreries juridiques. Au XVII

e

siècle, elle est composée de trois

28 En même temps que se développent dans les duchés les châteaux et la chevalerie, fin XIe-début XIIe siècle, le fief s’impose.

29 Dès son avènement, Charles III avait manifesté son autorité par le refus de prêter le serment habituel à la chevalerie (voir p. 145). Les relations entre la noblesse et le duc défunt sont tendues tout au long du règne car les gentilshommes tiennent leur position et tentent de résister aux dérives absolutistes.

30 La première levée d’une aide exceptionnelle en vue du paiement de la rançon consécutive à la capture de René à Bulgnéville, après sa défaite du 2 juillet 1431, et consentie par les États Généraux date de 1437.

Lire C. RIVIÈRE, « René 1er d’Anjou, duc de Lorraine (1431-1453) : un prince moderne dans une principauté féodale ? » dans J.M MATZ, N.Y. TONNERRE, René d’Anjou (1409-1480). Pouvoirs et gouvernement, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2011, p. 39.

31 G. CABOURDIN, Histoire de la Lorraine, op. cit., t. 1, p. 17, a comptabilisé 99 anoblissements sous René II et 203 à l’époque du duc Antoine (1508-1544).

32 Voir p. 86.

(28)

entités principales : les Trois-Évêchés (Metz, Toul et Verdun), soumis à l’autorité du roi de France depuis le siège de Metz de 1552, sont exclus de notre champ d’étude. Les duchés proprement dits sont composés, d’une part, du duché de Lorraine et, d’autre part, du duché de Bar : le premier est devenu une principauté indépendante en 1542

33

et le Barrois est réuni à la Lorraine ducale à la fin du XV

e

siècle

34

. Cette imbrication des territoires est une singularité. Comme l’a rappelé Daniel Roche, « les situations frontalières sont souvent ingrates »

35

; morcelée, la Lorraine est de surcroît un espace des confins : elle est bordée à l’Ouest par le royaume de France, à l’est par le Saint Empire Romain Germanique, au sud par la « Comté de Bourgogne »

36

. Sa position stratégique, au cœur de l’Europe, la place en première ligne des luttes d’influence entre les deux grandes puissantes voisines, la France et l’Empire, et sa situation au carrefour des États des Habsbourg d’Autriche et des Habsbourg d’Espagne, en fait un passage obligé pour les troupes espagnoles allant de l’Italie aux Pays-Bas. « La vie sur les confins semble porter la marque originelle d’un partage négocié », observe encore l’historien

37

: nul territoire ne l’illustre mieux que la Lorraine. Le tracé instable des frontières rend la notion de pouvoir territorial incertaine et amène par ailleurs le noble à se familiariser avec les États limitrophes. L’affirmation du pouvoir ducal et le développement du service princier le retiennent davantage dans les limites des duchés mais la présence immédiate de la frontière matérialise toujours la possibilité d’un ailleurs.

33 Les duchés continuent à relever d’une forme de protection et de tutelle administrative de la part de l’empereur.

34 L’union de la Lorraine et du Barrois est réalisée entre 1431 à la mort de Charles II (1390-1431), suite à l’alliance entre Isabelle de Lorraine, fille du duc Charles II, héritière du duché de Lorraine et René, à la tête du duché de Bar. L’union ne devient cependant une réalité que dans les années 1480 à la mort de René car jusque là, le duché est pris dans les luttes d’influence entre le roi de France et le duc de Bourgogne. À l’ouest de la Meuse le roi de France est maître du Barrois mouvant. Les différences entre noblesse lorraine et barroise seront signalées au fur et à mesure de l’étude.

35 D. ROCHE, Humeurs vagabondes. De la circulation des hommes et de l’utilité des voyages, Paris, Fayard, 2003, p. 364.

36 L’expression désigne la Franche-Comté.

37 D. ROCHE, op. cit., p. 364. Sur la pertinence conceptuelle de la frontière, J.L. DESHAYES, D. FRANCFORT (Dir.), Du Barbelé au pointillé : les frontières au regard des sciences humaines et sociales, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 2010.

(29)

Le chef de file du courant lotharingiste, Prosper Guerrier de Dumast (1796- 1883)

38

, a transmis l’image tenace d’une noblesse autrefois si puissante qu’elle pouvait tenir tête au duc. Il lui a fait la part belle dans le processus d’émancipation des duchés et dans le développement du dispositif du pouvoir ducal. Sous sa plume, elle est apparue unie derrière le prince dans les épreuves qui ont affecté les duchés tout au long du XVII

e

siècle. Dans un passage de son Histoire de Nancy, l’historien commémore les nobles morts pour l’État lorrain et porte aux nues l’ancienne chevalerie : « Ce corps auguste de pères de la patrie, écrit-il, qui, pendant toute sa durée ne vit pas entrer dans son sein un seul membre nommé par la Couronne » et de regretter que, « tuée par le temps », elle ne soit plus représentée dans les duchés à son époque

39

. Il établit ensuite la liste, aussi complète que possible, des membres qui l’ont composée autrefois, avant d’énumérer des familles nobles moins illustres, mais trouvant grâce à ses yeux, pour avoir de la même manière participé à l’éclat de la principauté indépendante. Cette manière « d’observer et de sentir la Lorraine »

40

a été partagée par d’autres historiens à sa suite, qui ont vu dans la résistance de l’ancienne chevalerie pendant l’occupation française et la guerre de Trente Ans, l’expression d’un patriotisme lorrain. L’Histoire de la réunion de la Lorraine à la France, écrite par le comte d’Haussonville et publiée en 1854

41

s’inscrit dans la tradition du vieux patriotisme lorrain. Malgré l’impartialité revendiquée par l’auteur, l’ouvrage présente le processus d’intégration des duchés dans le royaume de France comme le résultat d’une conquête préméditée, faisant fi des points de convergence entre les élites des deux États, et sans tenir compte du pouvoir de séduction qu’a exercé le modèle français sur les sujets lorrains. Il brosse, par ailleurs, le portrait d’une chevalerie exemplaire, victime de l’ingratitude et de l’autoritarisme du

38 J.F. THULL, « La contribution de Prosper Guerrier de Dumast à l’émergence du lotharingisme à Nancy (1830-1840), Nancy, Le Pays lorrain, 2007.

39 P. GUERRIER de DUMAST, Nancy. Histoire et tableau, Nancy, Vagner, 1847, p. 262.

40 « Il y a une manière d’observer et de sentir la Lorraine et je ferai rentrer dans le lotharingisme tout un ordre d’idées et de faits que jusqu’alors nos « populaires n’avaient pas l’ambition de recueillir », M. BARRÈS, Cahiers, Équateurs, t. 4., 1906, p. 224.

41 J.-O. B. de Cléron, comte d’HAUSSONVILLE, Histoire de la réunion de la Lorraine à la France, Paris, M. Lévy Frères, 1854, 4 vol. Parmi les historiens ayant écrit avec une « forte conscience lorraine », citons J. J LIONNOIS, Histoire des villes vieille et neuve de Nancy, 1805, A. DIGOT, Histoire de Lorraine, Nancy, Vagner, 1856, P. BOYÉ (1869-1945) et ses nombreux ouvrages sur le règne de Stanislas. En 1904, G. SADOUL (1872-1930) a créé Le Pays lorrain.

(30)

prince (Charles IV). Imprégnés d’un fort sentiment régionaliste, ces ouvrages se sont attachés avant tout à faire revivre les hauts faits passés de la Lorraine et, dans cette glorification, des érudits ont renoué avec la tradition taxinomique d’établir les typologies des familles illustres, dans la lignée des armoriaux et nobiliaires

42

. Des histoires plus récentes et plus solides sur les duchés à l’époque moderne ont remis en cause la thèse d’un « patriotisme lorrain » dont les gentilshommes auraient été les chantres

43

, sans toutefois consacrer une étude particulière au rôle politique de la noblesse dans les événements des XVII

e

et XVIII

e

siècles. Le consensus dans la résistance à l’occupant ainsi que les manifestations unanimes d’attachement à la famille régnante, vantés par les lotharingistes, confinent au mythe, et par conséquent suscitent la méfiance de l’historien. Après avoir rappelé la difficulté à définir le patriotisme pour cette époque reculée de l’histoire, Y. Le Moigne est dubitatif : « Que faire, par exemple, des ressentiments de la noblesse lorraine contre Charles IV ? Les surmonte-t-elle ou non ? Dans un cas, brevet de patriotisme ; dans l’autre ? », s’interroge l’auteur

44

. Dans les sept volumes qu’il consacre la Lorraine, G. Cabourdin a intégré les publications les plus récentes qui ont abouti à la présentation d’un tableau plus objectif et aussi plus nuancé sur le rôle joué par l’ancienne chevalerie dans les grandes étapes de l’histoire des duchés

45

. Ph. Martin réfute de la même manière l’idée d’une noblesse docile et totalement soumise au prince, y compris dans les moments les plus troublés de l’histoire

42 Parmi les publications les plus importantes : le Nobiliaire de la Lorraine et de la Franche-Comté. Notes généalogiques sur les familles nobles de ces deux provinces, recueillies par A. de CIRCOURT, XIXe siècle, 35 vol. Ch. E. DUMONT, Nobiliaire de Saint-Mihiel, Nancy, N. Collin, 1864-1865, 2 vol. A.

GEORGEL, Armorial historique et généalogique des familles de Lorraine titrées ou confirmées dans leurs titres au XIXe siècle, Elbeuf, 1882. Ch. COURBE, État de la noblesse de Nancy, distribué par paroisse et selon les numéros des hôtels et maisons, Nancy, P. Antoine et P. Barbier, 1884. Historiens et érudits locaux sont à l’origine de courtes monographies familiales : J.J. LIONNOIS, Maison de Raigecourt, Nancy, veuve Leclerc, 1778 ; du même auteur, Maison Du Hautoy, Nancy, P. Barbier, 1777.

Baron d’HUART, « Histoire de Philippe-Emmanuel de Ligniville », dans L’Austrasie, 1842, p. 352 et suiv.

43 L’expression est utilisée par A. GAIN, dans « Histoire du Conseil souverain de Lorraine », Nancy, Annuaire de la Société d’Archéologie Lorraine, 1937, à propos des représailles menées par le Conseil souverain installé à Nancy en 1634.

44 Y. LE MOIGNE, « La monarchie française et le partage de l’espace lorrain (1608-1697), dans M. PARISSE (Dir.), Histoire de la Lorraine, Toulouse, Privat, 1982, p. 293. Une mort prématurée en 1991 ne lui a pas permis d’apporter de réponse.

45 L’Encyclopédie lorraine comprend au total 17 volumes dont la publication s’est échelonnée de 1986 à 1997. Voir G. CABOURDIN, Histoire de la Lorraine, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, t. 1 et t. 2, 1991. Pour une vue d’ensemble de la production historiographique depuis les années 1950, lire F. ROTH,

« Les vecteurs de l’historiographie de la Lorraine depuis un demi-siècle », Strasbourg, Revue d’Alsace, 133, 2007, p. 135-148.

(31)

des duchés

46

. En effet, le chercheur ne peut se contenter d’affirmations en trompe-l’œil qui négligent des pans importants de la mentalité nobiliaire, tels l’attachement de la chevalerie à la liberté et son goût marqué pour l’exploit individuel, qui occultent ses intérêts lignagers et territoriaux, et qui par ailleurs ne prennent pas suffisamment en compte le paramètre de la durée : le temps éprouve les consciences les plus aiguës, les esprits les plus fidèles et les plus constants.

L’idéal d’une noblesse lorraine toute à la cause de son prince doit être amendé et affiné. Or, aucune étude d’ensemble de la noblesse à l’époque moderne n’a abordé cette dimension politique du groupe

47

. Quelques travaux ont été consacrés à la cour, lieu d’élection du second ordre. Nous les devons à H. Roy pour l’époque de Henri II, à Z.

Harsany pour le règne de Léopold, et à G. Maugras qui envisage le sujet sur tout le XVIII

e

siècle

48

. Désormais anciennes, ces recherches, avant tout descriptives et parfois anecdotiques, sont, d’une part éloignées des problématiques actuelles et, d’autre part, appréhendent la cour avant tout comme un espace domestique et un foyer de civilisation.

La cour de Stanislas a davantage intéressé les historiens, dans sa dimension culturelle ou à travers des études centrées sur l’entourage du roi de Pologne

49

. Les gentilshommes sont mentionnés dans la thèse de J. Ch. Fulaine sur Charles IV et son armée, mais le propos de l’auteur est surtout centré sur l’organisation de l’armée et son évolution

50

. Les privilèges de la noblesse ainsi que son droit successoral particulier ont retenu l’intérêt

46 Cette idée ressort du livre de Ph. MARTIN, Une Guerre de Trente Ans en Lorraine, 1631-1661, Metz, éd. Serpenoise, 2002.

47 M. PARISSE, La Noblesse lorraine XIe-XIIIe, op. cit.

48 G. MAUGRAS, La Cour de Lunéville au XVIIIe siècle : les marquises de Boufflers et Du Châtelet, Voltaire, Devau, Saint-Lambert, Paris, Plon-Nourrit et cie, 1904. H. ROY, La Vie à la cour de Lorraine sous le règne de Henri II (1608-1624), Nancy, Berger-Levrault, 1914. Z. HARSANY, La Cour de Léopold, duc de Lorraine et de Bar (1698-1729), Nancy, Berger-Levrault, 1938.

49 P. BOYÉ, La Cour de Lunéville en 1748 et 1749, ou Voltaire chez le roi Stanislas, Nancy, Crépin- Leblond, 1891. Du même auteur, La Cour polonaise de Lunéville (1737-1766), Nancy-Strasbourg, Berger-Levrault, 1926. G. DOSCOT, Stanislas Leszczynski et la Cour de Lorraine, Lausanne, éd.

Rencontre, 1969. S. GABER, L’Entourage polonais de Stanislas à Lunéville, 1737-1766, Université de Nancy 2, 1972. Une thèse est en cours de préparation sur l’art de cour au XVIIIe siècle : T. FRANZ, Les Résidences ducales de Lorraine sous les règnes de Léopold et de François III (1698-1737) : de l’architecture à la vie matérielle (titre provisoire), sous la dir. de P. Sesmat, Nancy 2.

50 J. Ch. FULAINE, Le Duc Charles IV de Lorraine et son armée : 1624-1675, Metz, éd. Serpenoise, 1997.

(32)

des juristes depuis les années 1950

51

. Hormis la maison de Bassompierre, rares sont les familles qui ont fait l’objet d’une recherche approfondie

52

. Enfin, anoblis et noblesse de robe sont présentés dans la monographie d’A. Michel pour le parlement de Metz, ainsi que par A. de Mahuet pour la Cour souveraine d’une part, et la Chambre des comptes d’autre part, et plus récemment dans la thèse de B. Boutet pour les magistrats de la cour messine

53

. Dans un ouvrage récent, M.J. Laperche-Fournel

54

a montré comment l’État en mal d’argent a cédé à la finance, à travers l’exemple des familles Anthoine et Richard. Fortunées et parvenues à entrer dans le second ordre, elles illustrent parfaitement les possibilités d’ascension sociale dans les duchés à la fin de l’Ancien Régime, contribuant au renouvellement de la noblesse. Le pouvoir princier dans les duchés a peu été abordé du point de vue du genre biographie classique

55

, hormis les études plus nombreuses consacrées au roi Stanislas. C’est davantage la construction à la fois théorique et symbolique du pouvoir dans la première modernité qui a intéressé les intellectuels. P. Choné a consacré de nombreuses études à l’emblématique ducale qui a accompagné les progrès du pouvoir central à partir des années 1580. Quant à A.

Cullière, il a démontré comment la production littéraire sous le règne de Charles III a, de son côté, contribué à façonner l’État

56

. Étudier les relations entre noblesse et pouvoir dans les duchés permet donc d’étoffer l’historiographie locale consacrée à la société politique.

51 É. DELCAMBRE, Les Ducs de Lorraine et les privilèges juridictionnels de la noblesse, Nancy, Annales de L’Est, 2e série, n° 6, 1952, p. 39-60.

52 J. F DELMAS, Les Bassompierre. Étude d’une famille de chevaux de Lorraine de la fin de l’Ancien Régime à la monarchie de Juillet, Thèse pour le diplôme d’archiviste paléographe, 1997.

53 E. MICHEL, Histoire du parlement de Metz, Paris, Téchener, 1845. B. BOUTET, Messieurs du parlement de Metz au XVIIIe siècle. Étude sociale, thèse dirigée par J.F Solnon, soutenue à l’Université de Besançon en 2010, 2 vol. A. de MAHUET, Biographie de la Cour souveraine de Lorraine et Barrois et du Parlement de Nancy (1641-1790), Nancy, Sidot frères, 1911. Du même auteur : Biographie de la Chambre des comptes de Lorraine, Nancy, Poncelet et Berger, 1914.

54 M.J. LAPERCHE-FOURNEL, Les Gens de finance au temps du duché de Lorraine (XVIIe- XVIIIe siècles), Nancy, Place Stanislas, 2011.

55 Charles IV a fait l’objet d’une biographie : J.-A. LEESTMANS, Charles IV duc de lorraine (1604- 1675). Une errance baroque, Lasne, Par Quatre Chemins, 2003.

56 CHONÉ P., Emblèmes et pensée symbolique en Lorraine (1525-1633), « Comme un jardin au chœur de la chrétienté », Paris, Klincksieck, 1991. A. CULLIÈRE, Les Écrivains et le pouvoir en Lorraine au XVIe siècle, Paris, Honoré Champion, 1999.

(33)

Nous voudrions repenser le rôle politique du second ordre dans une période cruciale de son histoire, à l’aune des débats actuels alimentés. Les études historiques qui lui sont consacrées sont relativement récentes, et de ce point de vue les années 1970- 1980 ont été incontestablement les plus fertiles. La thèse de J. Meyer sur La Noblesse bretonne parue en 1966 puis, une décennie plus tard, la synthèse de G. Chaussinand- Nogaret sur La Noblesse au XVIII

e

siècle ont représenté des avancées considérables. Le premier nous a offerts, pour la première fois, une inédite « histoire totale » du groupe social à l’échelle d’une province. Avec le second, la noblesse est devenue plurielle : l’historien a définitivement modifié notre regard sur le second ordre, le faisant apparaître dans sa diversité socio-économique, culturelle et idéologique. Après ces études pionnières, les historiens ont exploré des voies multiples dont nous ne retiendrons dans cette présentation que les axes qui entrent plus directement dans notre propre champ d’étude, articulé autour des relations entre la noblesse et le pouvoir ducal

57

.

En 1973, J. Meyer ouvre ce vaste chantier historique avec une publication intitulée Noblesses et pouvoirs dans l’Europe d’Ancien Régime

58

, qui propose une réflexion basée sur l’articulation entre noblesses, souveraineté et administrations, montrant la complexité et la variété des dialogues qui se nouent entre ces trois entités, dans les divers pays étudiés. Pour toute l’étendue de la sphère d’observation, l’historien précise que, considérer le couple noblesse-pouvoir sous l’Ancien Régime, équivaut à envisager les rapports entre « noblesses » et « monarchies absolues »

59

. Il a introduit

57 Pour un panorama plus complet de l’historiographie, voir « Les noblesses à l’époque moderne », Revue d’Histoire moderne et contemporaine, t. 46, janv-mars 1999. Pour une synthèse plus récente, lire L.

BOURQUIN, « La noblesse française à l’époque moderne : une historiographie », dans Les Noblesses normandes (XVIe-XIXe siècle), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, p. 23-33. Le retard historiographique s’explique d’abord par le mépris dont la noblesse a longtemps souffert, en tant qu’objet historique, au sein de la communauté scientifique. La restauration du second ordre au début du XIXe siècle a contribué à faire sortir son histoire de la confidentialité. Dans la seconde moitié du siècle, à côté des initiatives privées d’auto-célébration familiale, l’histoire positiviste a encouragé la production de généalogies, armoriaux et monographies. Le courant des Annales, prédominant jusqu’à la fin des années soixante, a manifesté un intérêt tardif pour la noblesse, et limité aux aspects économiques et sociaux, conformément aux approches définies par cette école. « Les Annales n’ont pas construit - ou n’ont fait qu’esquisser - un discours capable de penser la noblesse », L. BOURQUIN, ibid., p. 29.

58 J. MEYER, La Noblesse bretonne, Paris, Hachette littérature, 1973.

59 J. MEYER, Noblesse et pouvoirs, op.cit. p. 10. Aujourd’hui la notion de « monarchie absolue » ne fait plus l’unanimité. Certains historiens utilisent, par exemple, l’expression « gouvernement de guerre » pour désigner la période marquée par les cardinaux-ministres, ainsi J.M. CONSTANT, à la suite de

Références

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