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La langue primitive et les débuts de la conscience linguistique européenne

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Academic year: 2021

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La langue primitive et les débuts de la conscience linguistique européenne

Marie-Luce Demonet

To cite this version:

Marie-Luce Demonet. La langue primitive et les débuts de la conscience linguistique européenne.

Nazaré Castro Soares, Santiago López Moreda. Génese e consolidação da ideia de Europa: Idade Média e Renascimento, Imprensa da Universidade de Coimbra, pp.147-170, 2009, 978-989-807451-5.

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La langue primitive et les debuts de la conscience linguistique europeenne en France Autor(es): Demonet, Marie-Luce

Publicado por: Imprensa da Universidade de Coimbra URL

persistente: URI:http://hdl.handle.net/10316.2/38956

DOI: DOI:http://dx.doi.org/10.14195/978-989-26-0395-7_10 Accessed : 11-Feb-2021 08:57:30

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LA LANGUE PRIMITIVE ET LES DEBUTS DE LA CONSCIENCE LINGUISTIQUE EUROPEENNE

EN FRANCE1

Ma r i e- Lu c e De m o n e t

Centre d ’Etudes Supérieures de la Renaissance-Tours

L ’histoire des langues telle q u ’elle est com prise à la R enaissance se m odi­

fie pour entrer dans le cadre plus général des signes produits par l ’hom m e. La nostalgie d ’une langue prem ière et unique perdra de son im portance à p artir du m om ent où l ’activité langagière ne sera plus perçue com m e l ’unique m oyen de com m uniquer. M oins subordonnée à une vision théologique, la conscience linguistique européenne s ’inscrit désorm ais dans une vision hum aine de l’aptitude à parler, si bien que La R enaissance peut être considérée com m e cette longue période pendant laquelle la croyance à la rupture de Babel laisse la place à une conception évolutive et séculière des langues1 2.

Le poète Du B artas, après avoir paraphrasé en vers le texte de la G enèse dans sa Seconde Sep m a in e, retourne la faute des géants constructeurs de la- T our dans un éloge rem arquable de la diversité des langues, de la polyglossie et de la traduction3, ce qui oblige à considérer d ’une façon m oins dram atique la destruction de Babel. Ce m ythe, qui fonde la réflexion linguistique du X V Ie siècle en exprim ant la conséquence désastreuse et spectaculaire de la perte de la langue prem ière, en confirm e aussi l ’irrém édiable nostalgie: les langues sont

1 Voir notre étude, Les Voix du signe. Nature et origine du langage à la Renaissance (J480-1580), Paris, Cham pion, 1992, et sa bibliographie condensée dans les références situées en fin de contribution.

2 Demonet, M arie-Luce, « Babel au figuré. ‘Une voix pour tous potages’ », dans Babel à la R enaissance, éd. J. Dauphiné et M. Jacquemier, M ont-de-M arsan, Éditions Interuniversitaires, 1999, p. 455-467.

3 Du Bartas, G uillaum e Salluste, La Seconde Sepmaine, Paris, P. L ’Huillier, 1584, II, Livre 6; éd. Y. Bellenger et a l, Paris, S.T.F.M., 1992, partie, v. 271 et suiv.

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confondues depuis ce m om ent zéro et l ’idiom e p rim itif est perdu sans retour.

Le texte biblique, en effet, ne laisse pas supposer q u ’il en reste quoi que ce soit, m ais beaucoup de théologiens héritiers de la tradition m édiévale, quelques poètes et des auteurs aussi inspirés que G uillaum e Postel4 sem blent ne pas avoir renoncé à l ’évoquer. A u X V IIe siècle, l ’attitude sem ble partagée entre l ’indifférence de D escartes à la question, q u ’il expédie dans une lettre à M er- senne, et les laborieuses reconstitutions du jésu ite A thanase K ircher et du père Sam uel B ochart, lesquels sont pris entre le sentim ent de la perte et l ’espoir des retrouvailles grâce au labeur érudit. U m berto Eco s ’est penché sur cette quête de la langue parfaite qui intéresse particulièrem ent les partisans de l ’hébreu langue-m ère, recherche qui s ’inscrit dans un ensem ble de croyances et d ’opinions assez com plexe5.

Les grands auteurs de l ’A ntiquité n ’avaient pas ram ené l ’étude des lan­

gues à la recherche d ’une langue perdue et, pour un C ratyle qui chez Platon sem ble s ’accrocher à des étym ologies naturelles obscurcies par le travail du tem ps, son rival H erm ogène et toute la tradition ju rid iq u e se rallient à l ’idée très largem ent m ajoritaire que les langues ont été établies par consensus, kata syntheken (A ristote, Peri H em eneias, D e ΓInterprétation I, 1). Les auteurs de la R enaissance, bien q u ’ils soient tributaires de l ’opinion théologique m édié­

vale favorisant la langue unique et divine d ’avant Babel, reprennent m ajoritai­

rem ent la théorie conventionnelle pour les langues post-babéliennes, en adm ettant divers facteurs de variation. Le changem ent linguistique p ro g re ssif a pu provoquer les m êm es effets que la rupture brutale: l ’éloignem ent par rapport à l ’étym ologie, l ’évolution du sens des m ots en fonction des usages, les transform ations phonétiques subies par le latin dans l ’avènem ent des langues vulgaires, les m odifications provoquées par les langues barbares, la pron o n cia­

tion défectueuse du peuple -im p o ssib le à contrôler m algré les efforts des gram m airien s-, tous ces facteurs relevant de la « vicissitude » des choses sublunaires et du péché originel confirm ent un éloignem ent de l ’origine congruent avec les changem ents historiques. Ce phénom ène a pu être com pris par certains com m e un éloignem ent de la vérité, à l ’exem ple de C harles de Bovelles qui, dans La différence des langues vulgaires (1533), n ’accorde pas à

4 Postel, G uillaume, principalem ent dans le D e Originibus, seu de H ebraicae linguae et gentis antiquitate, deque variarum linguarum affinitate liber, Paris, D. Lescuyer, 1538, et dans le D e Foenicum literis, Paris, V. Gaultherot, 1552.

5 Eco, Umberto, La Ricerca della lingua perfetta, Bari, Laterza, 1993; La Recherche de la langue parfaite, Paris, Seuil, 1994. Kircher, Athanase, A rs magna sc ie n d i..., A m ster­

dam, Janssonius, 1679; Oedipus aegyptiacus..., Rome, V. M ascardi, 1652-1654. Bochart, Samuel, Geographia sacra... P haleg, Caert, P. Cardonnel, 1646.

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la langue française la possibilité d ’avoir une gram m aire, tout en lui concédant un rapport certain avec le grec6.

Face à la perte de la langue unique, on distingue plusieurs attitudes, allant de la quête opiniâtre ju s q u ’à la libre curiosité des sceptiques.

1. LA QUÊTE OBSTINÉE

La quête de la prem ière langue se fonde sur la certitude historique que la Bible dit la vérité sur la perte de la langue prim itive, et, bien que le texte sacré ne dise rien sur le nom de cette langue ni sur la possibilité de la retrouver, la tradition des com m entateurs juifs et chrétiens a souvent adm is q u ’il s ’agissait de l ’hébreu. G râce au com plém ent m ajeur que constitue la « T able des p eu ­ ples » dressée par Flavius Josèphe dans les A ntiquités ju d a ïq u e s, les exégètes ont tenté de reconstituer le chem inem ent des peuples dispersés après B abel et de leur attribuer à chacun une langue. Ainsi est restée intacte l ’exception nota­

ble, la langue hébraïque, à la fois prem ière et divine, m iraculeusem ent m ainte­

nue dans la tribu d ’Heber. Il n ’y a pas lieu de s ’en plaindre puisque ce que l ’on croyait perdu ne l ’est pas vraim ent, et l ’hébreu peut être révéré com m e vestige absolu.

T outefois, cette singularité ne va pas sans quelque difficulté: les gram ­ m airiens hébreux avaient bien noté l ’évolution de leur langue et son instabilité tant que les voyelles n ’étaient pas notées, d ’autant plus que les autres langues sém itiques pouvaient se poser en rivales (aram éen, syriaque et arabe). D e plus, il était inconfortable pour des chrétiens d ’adm ettre que cette langue divine fût conservée chez un peuple que l ’on ne pouvait plus considérer com m e élu. Il fallait donc déployer des stratégies d ’appropriation du verbe divin de façon à en déposséder le peuple ju if, selon plusieurs m éthodes appliquées dès le début du XVIe siècle et qui consistent à lire un m essage chrétien sous la lettre biblique.

Les prem ières gram m aires de l ’hébreu écrites par des hum anistes et des théologiens devaient beaucoup aux Juifs eux-m êm es, convertis ou non. Elles se sont vite détachées de cet antécédent gênant, com m e l ’a fait Sébastien M ünster critiquant âprem ent la gram m aire du N apolitain A braham de B alm es7. L uthé­

rien, M ünster est connu pour avoir utilisé l ’ancienne form e du colloque de

6 Bovelles, Charles de, De Differentia vulgarium linguarum, et Gallici sermonis varietate, Paris, Robert Estienne, 1533. Texte et traduction par Colette Demaizière, Sur les langues vulgaires et la variété de la langue fra n ça ise, Paris, Klincksieck, 1973, passim .

7 M ünster, Sebastian, Elementaria institutio in Hebraicam linguam, Bâle, [Froben], 1525, préface. Balmes, Abraham de, Peculium Abrae. Grammatica hebraea..., Venise, D. Bomberg, 1523.

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conversion en donnant une double version érudite d ’un dialogue en latin et en hébreu (si on lit l’ouvrage dans l ’autre sens) pour éloigner les Juifs de leur usage erroné des autorités bibliques8. Le point culm inant de cet accaparem ent est l ’apparatus linguistique de la Bible polyglotte d ’A rias M ontano (A nvers, 1572-74) et la gram m aire de Bellarm in (1596), à la suite de différents interm é­

diaires catholiques ou réform és. De ce point de vue, il n ’y avait guère de diffé­

rence confessionnelle: les catholiques ont seulem ent été plus lents à adm ettre q u ’il fallait étudier l ’hébreu pour com prendre le texte biblique. M aîtriser la gram m aire de l ’hébreu, de l ’aram éen et de l ’arabe, a perm is aux auteurs ch ré­

tiens, héritiers de Japhet, de dom iner toute la tradition des langues de Sem pour la m ettre au service non seulem ent de l ’interprétation christique de la Bible, mais de la défense des valeurs proprement chrétiennes de toutes les langues du m onde.

C ette rem arquable opération de détournem ent a com m encé avec les kab- balistes italiens, conversos pour certains, qui ont trouvé dans l ’écriture m êm e de la Bible la confirm ation, par les quatre m éthodes du notarique, de la gém a- trie, de la tm èse et de l’atbash (interversion), que le nom de Jésus et celui de M arie étaient inscrits dans la lettre de la Torah9. A insi l ’héritage de la langue prem ière tom bait-il dans l ’escarcelle du christianism e, grâce aux procédés m êm es de ses ennem is. La nostalgie s ’est faite triom phante avec Postel et ses disciples, notam m ent les frères La Boderie, en s ’accom pagnant d ’une véritable idéologie du transitus d ’E st en O uest, qui m arque le transfert de souveraineté linguistique depuis les territoires de la Palestine vers l ’O ccident fra n ç a is10. Ce m ouvem ent d ’appropriation a reproduit celui qui avait perm is à M oïse de se servir des précieuses reliques des Égyptiens. Il accom plit dans les dom aines de l’ésotérism e et de la gram m aire m ystique ce que les gram m airiens traditionnels de l ’hébreu accom plissaient d ’une m anière plus scolaire.

Jean M ercier, exégète lui aussi protestant, com m ence par déclarer dans ses com m entaires sur la G enèse (vers 1560)11 que ne pas adm ettre l ’hébreu com m e prem ière langue conduirait à l ’athéism e, accusation grave s ’il en est, m ais fort courante. Puis il risque quelques exercices étym ologiques destinés à montrer que sous le grec gît l’hébreu, sans renouveler réellement l ’argum entation du lecteur royal Jean C heradam e dans son Lexicopator etym on (1543). M ercier

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Münster, Sebastian, M essias Christianorum et judaeorum , Bâle, H. Petrus, 1539.

9 Secret, François, Les Kabbalistes chrétiens de la Renaissance, Paris, Dunod, 1964.

10 Lefèvre de La Boderie, Guy, L ’Encyclie, Anvers, C.Plantin, 1570; [auteur supposé], Syriacae linguae prim a elem enta, ibid., 1572; La Galliade, ou de la révolution des arts et sciences, Paris, G uillaum e Chaudière, 1578. La Boderie, Nicolas, Le Cœur, Leb, ou les 32 sentiers de sapience, Paris, Jean Macé, 1579.

11 Jean M ercier, In Genesim prim um Mosis com mentarius, avec une préface de Théo­

dore de Bèze, Genève, J. Berjon, [ca 1560], p. 14 et p. 231 de l’édition de 1598.

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adm et avec prudence que de telles recherches sont coupables de curiosité, com m e l ’avait dit Calvin. Jean de Serres, autre protestant et com m entateur des oeuvres de Platon (1578), pousse dans son analyse du C ratyle la transposition des exercices étym ologiques opérés sur le grec aux étym ologies apparem m ent sérieuses tirées de l ’héb reu 12. C om m e chez M ercier, ces tentatives lui paraissent vraisem blables, sans am ener une connaissance véritable qui serait en revanche d ’ordre m étaphysique: la langue prim itive signifiait les essences et les form es des choses, com m e le font toutes les langues d ’après Babel.

Pour Postel l ’hétérodoxe et pour quelques autres, la langue d ’H eber n ’était pas la seule à bénéficier d ’un héritage divin. Le travail étym ologique consistant à vouloir retrouver à toute force des élém ents (et non des racines) hébraïques dans d ’autres langues, ce procédé s ’est souvent com biné avec des recherches de ressem blances portant sur une seule lettre, p o u r identifier dans certaines langues vernaculaires les vestiges les plus évidents de l ’hébreu. Pour G oropius Becanus (V an Gorp), qui fera profiter le néerlandais de cette idée, certaines com binaisons prim itives de graphèm es hébraïques sont restées dans la langue de C im bres en p articu lier13. Postel, qui favorise naturellem ent l ’héritage français, adopte pourtant à l ’égard de la fam euse légende de Psam - m étique, le roi égyptien qui a fait élever des enfants isolés dans le désert pour savoir quelle langue ils parleraient, la m êm e attitude q u ’Érasm e, en disant que le mot « bekkos » prononcé par ces enfants im itait plutôt le cri des chèvres.

D ’autres en revanche se sont em parés de ce m ot unique pour le prom ouvoir com m e vestige principal de la langue perdue. Le m ot « bec » est ainsi non seulem ent un m ot phrygien (troyen) selon le tém oignage d ’H érodote, m ais un vocable néerlandais, ou autrichien chez des auteurs autrichiens, à cause de Bcicker, le boulanger et de W eek, petit pain pointu ty ro lien 14. P our la langue française, l ’histoire de Psam m étique était pain béni, p u isq u ’il se trouve que bec, s ’il ne veut pas dire « pain », a un rapport avec la nourriture, et il est effectivem ent gaulois. Il ne doit rien au latin et peut prétendre à une prim itivité aussi rem arquable que les racines hébraïques sélectionnées p ar les exégètes.

Ces étym ologies de l ’extrêm e ont attiré aux X V IIe et X V IIIe siècles quelques sarcasmes et ces démontages lexicaux montrent jusqu’où le chauvinisme linguistique

12 Jean de Serres, Platonis Opera Omnia, trad, et comm entaires, avec les corrections d ’Henri Estienne, Paris, H. Estienne, 1578. Commentaire du Cratyle: tom e I, p. 383 et suiv.

13 Van Gorp (Goropius), Jan, Origines Antwerpianae sive cimmeriorum Becceselana novem libros com plexa..., Anvers, C. Plantin, 1569.

14 Demonet, M arie-Luce, « Le prem ier pain blanc de la G erm anie », dans Langues et nations au temps de la Renaissance, éd. M.T. Jones-Davies, Paris, Klincksieck, 1991, p. 169-187.

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pouvait aller: la quête obstinée de la langue perdue perm ettait de donner des argum ents historiques aux nationalism es locaux, et de ju stifie r le rêve de Γ imperium à l ’aide de manipulations érudites, comme la Grammatica castellana d ’Antonio de Nebrija y encourageait dès 149213 * 15. Si Goropius est un cas d ’école, aucun pays d ’Europe n ’a été épargné, et il s ’est toujours trouvé un savant, un expert en étym ologies p o u r « prouver » que sa langue était la plus ancienne, la plus pure, la plus susceptible sinon de dominer les autres, au moins d ’acquérir une noblesse qui pouvait m anquer au peuple qui la parlait, ju s q u ’au basque et au breton.

C ependant, cette lexicographie idéologiquem ent m arquée n ’a pas pu triom pher de très sérieux obstacles épistém ologiques et historiques: elle ne tient pas com pte de la notion gram m aticale de racine dont beaucoup de gram ­ m airiens à l ’époque, surtout po u r les langues sém itiques, reconnaissaient le caractère essentiel. C ’est la racine qui porte la substance du mot, et les quatre m anipulations littérales en ü sag e jusque-là dans l ’étym ologie de V arron et Isidore (adjonction, suppression, perm utation et transposition), qui sont les pendants latins des m éthodes de la kabbale, sont fortem ent contestées par les gram m airiens quand elles affectent la racine. En outre, adm ettre l ’antériorité d ’une langue gauloise parlée dès l ’origine oblige à réécrire l ’histoire et à s ’appuyer sur des faux com m e les prétendues « antiquités » du pseuso-B érose d ’A nnius de V iterbe (1497), contestées dès le début du X V Ie siècle16. L e prix à payer, pour les hum anistes, est énorm e: alors que les nouveaux théoriciens de l ’histoire s ’efforcent de dégager l ’historiographie des inventions de la fable, des jo liesses de la poésie et des tricheries de la propagande, alors que la philo­

logie hum aniste s ’attache à authentifier les m anuscrits, l ’art du faussaire rem pli de bonnes intentions fait illusion pendant plus d ’un dem i-siècle et nourrit l ’im agination des poètes, notam m ent celle de R onsard dans la F ranciade, où l ’on voit bien com m ent la propagande royale entend se servir d ’une histoire écrite sur co m m an d e17. Les érudits orientalistes ont pu entrer dans une telle stratégie circulaire, où l’excellence de la langue prouve celle du peuple et inversem ent (dans la G alliade de G uy Lefèvre de La B oderie par exem ple), m ais on peut légitim em ent se dem ander, com m e Paul V eyne le faisait à propos des m ythes grecs, s ’ils y ajoutaient foi à la fin du siècle.

13 Nebrija, A ntonio de, Grammatica castellana..., 1492, éd. A. Quilis, M adrid, Editora National, 1980.

16 Stephens, W alter, Giants in those days, University o f N ebraska Press, 1989 (trad, fr. Paris, Champion, 2006).

17 Dubois, Claude-Gilbert, M ythe et langage au XVIe siècle, Bordeaux, Ducros, 1970;

Celtes et Gaulois au XVIe siècle. Le développement d un mythe nationaliste, Paris Vrin, 1972.

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D errière la T our de Babel se profile un autre m onum ent m ythique, la colonne de Seth, m iraculeusem ent préservée du D éluge avec ses inscriptions en caractères très anciens. C om m e beaucoup d ’auteurs, Postel et G oropius sont obsédés par la recherche de vestiges textuels qui soient en rapport de contiguïté avec l’H istoire biblique. D ’où le rôle stratégique des écritures, la tradition orale ayant pour fonction de dévoiler par transm ission acroam atique (orale) ce que l ’écrit signifie. La langue perdue peut se retrouver grâce à l ’écrit, car ce sont surtout les graphies qui servent de relais entre les langues. L ’im portance accor­

dée au signe graphique perm et d ’alim enter la nostalgie des ruines linguistiques et l ’espoir de reconstituer une langue perdue à partir de quelques b rib e s18. On sait que le X V le siècle voit naître ce nouveau m étier érudit q u ’est celui d ’« antiquaire », pratiqué par les voyageurs lettrés en fonction de leurs capaci­

tés, non seulem ent en ram assant toutes les curiosités qui m eubleront les cabi­

nets privés et les prem iers m usées, m ais en recopiant un très grand nom bre d ’inscriptions dont la plupart, pour les voyageurs européens, sont latines. M ais le m êm e souci de collectionner s ’étend aux voyageurs d ’O rient et d ’A m érique, et les glaneurs d ’écritures ne m anquent pas de com parer ces inscriptions des stèles ou des tem ples aux légendes trouvées sur des m onnaies anciennes. Un shekel perm et à Postel de proclam er que le sam aritain est l ’ancêtre de la langue gauloise, parce que le graphism e de certaines lettres ressem ble à des caractères grecs, lettres que l ’on trouvait dans l ’ancienne Gaule. Il établit ainsi p ar des rapprochem ents m étonym iques et parfaitem ent anachroniques une « parenté » purem ent scripturale entre les différents idiomes. L ’idée q u ’une langue puisse être com plètem ent indépendante du code graphique qui la note est encore im pensable pour certains esprits, et il sem ble exister un lien naturel entre les graphies de l ’hébreu et la langue hébraïque, entre l ’alphabet grec et le grec, etc.

Le signe écrit est épigraphique, muséal, indiciel, et les partisans de sa valeur s ’appuient sur les doctrines anciennes de la supériorité de la vue sur l’ouïe.

Pourtant, les savants n ’ignorent pas que les langues se sont aussi parlées et q u ’il ne reste aucune preuve de la prononciation des anciens graphèm es.

L ’idée, bien im plantée dans les m ilieux néoplatoniciens, que le signe écrit (un dessin) com m unique directem ent avec l ’intelligence pour garder la m ém oire des propriétés des choses, alim entait le principe de la préém inence de l ’écrit;

d ’où l ’intérêt apporté aux hiéroglyphes, ces lettres-dessins qui, disait-on, véh i­

culaient des concepts.

18 Demonet, Marie-Luce, « Les origines comparées de l’écriture et de la parole à la Renaissance », dans Origines du langage. Une encyclopédie poétique (colloque de Genève 2000), éd. O. Pot, Paris, Seuil, 2007, p. 165-182.

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La lettre aleph (qui ne se prononçait plus) en est un exem ple: selon P os­

tei, les G recs l ’ont confisquée en en faisant leur a lpha, qui adhère à la nature des choses p u isq u ’il représente le dessin du crâne non pas d ’un éléphant, m ais d ’un bœ uf, lequel se disait aleph. C ’était donc, à l ’origine, un hiéroglyphe, et toutes les lettres de l’alphabet hébraïque avaient une origine pictogram m atique.

La rem arque est pertinente, m ais ces auteurs ignoraient le rôle fondam ental jo u é par la révolution alphabétique sur le plan cognitif.

Un autre m oyen de com m uniquer au-delà des m ots est donc le dessin, la fig u ra, qui rejoint, dans la sophistication graphique que représente l ’hiéroglyphe, le sym bolism e du signe écrit. Il est pour certains auteurs un m oyen de retrouver la langue perdue: les kabbalistes croyaient que le m onde avait été créé à partir des lettres de l ’alphabet hébreu, com m e le révèle le S efer Yetsira (X ÏÏIe siècle) traduit par Postel. Les traces de ces lettres divines sont les dessins des constellations, de véritables lettres célestes bien visibles dans l’alphabet chaldéen, ou alphabet d ’A braham . En ce sens, la lettre est un véritable « chiffre » du m onde, un code que seuls les initiés peuvent com prendre, et qui fonde la force des talism ans. Il n ’est plus vraim ent question de langue, mais de m ots séparés en blocs idéogram m atiques qui fonctionnent com m e des signes purem ent visuels.

C om m e le tracé de ces signes correspond à une im age dans l ’esprit, à un

« concept » (le m ot souvent utilisé est « conceptus », en latin non classique), ce signe graphique est en correspondance im m édiate avec le concept q u ’il représente sans q u ’il soit m êm e besoin d ’un interm édiaire vocal. Le Traité des chiffres et secrètes m anières d 'écrire (1586) de B iaise de V igenère en détaille le fonctionnem ent, l ’auteur allant ju s q u ’à im aginer un alphabet conceptuel entièrem ent com posé de « o ». S ’il y a un rêve de langue parfaite, ce serait celui-là. A nticipation du langage inform atique binaire ? 19

La langue écrite conforte Y imperium, le lien étroit entre la langue et le politique. Les conquérants du M exique ont tenté de faire croire que les sociétés aztèques et m ayas n ’avaient pas d ’écriture, que leurs glyphes n ’étaient que des peintures, pas m êm e des hiéroglyphes. Ils avaient raison sur un plan stricte­

m ent politique: les m anuscrits aztèques étaient précisém ent des généalogies royales et des titres de propriété. Il fallait donc s ’em presser de brûler com m e s ’il s ’agissait de signes de connivence avec le diable, destruction qui confirm ait par l’absence l ’incapacité à m aîtriser les signes graphiques chez les « Indiens » du N ouveau M onde.

19 Biaise de Vigenère, Traie té des Chiffres, ou secretes m anieres d 'e se d r e, Paris, A. L ’Angelier, 1586, f° 240 v° sqq.

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L ’histoire biblique enseignait donc que la prem ière langue avait été confondue, m ais, dès le M oyen Âge, théologiens et philosophes en avaient pris leur parti, interprétant surtout sur le plan moral la perte que cela signifiait. On retrouve une distance de cette nature chez les chefs des églises réform ées: c ’est la discorde des cœ urs que signale Babel (opinion de Luther). C alvin de son côté conserve la position augustinienne: ce qui était avant le péché nous est irrém édiablem ent inaccessible, ce que rappelle explicitem ent le M icrocosm e de Scève20. Le point de non-retour, pour le pessim ism e calviniste, n ’est pas le m om ent de Babel m ais celui de la Chute. Rien ne nous perm et plus de retrouver ce langage originel, transparent à l ’hom m e com m e à Dieu. M ontai­

gne lui-m êm e n ’évoque que le point de vue m oral, qui n ’était pas réservé à Luther21 22. Un grand nom bre de textes ém ettront ainsi une sorte de « lam ento des langues », et notam m ent les préfaces des gram m aires ou des traités: l’auteur se plaint souvent du fait que l ’hom m e doit apprendre autant de langues différen­

tes, ce qui fait perdre un tem ps précieux pour l ’étude. Lam entation reproduite chez Speroni, Du B ellay et Ram us par exem ple . U ne fois q u ’ils ont rendu un hom m age obligé à cette langue unique, les savants se m ettent à l ’étude de la gram m aire, et la fréquence de cette lam entation dim inuera avec le siècle.

T outefois, certaines gram m aires s ’essaient à reconstituer m oins un lexi­

que com m un à partir d ’im probables racines, q u ’une structure profonde, com ­ m une à toutes les langues et qui n ’aurait pas été perdue. Elles se fondent non sur la tradition gram m aticale gréco-latine, avec ses six à n e u f parties du discours, m ais sur l ’analyse logique de l ’énoncé telle q u ’elle a été exprim ée dans le P eri H erm eneias d ’A ristote et dans les gram m aires m édiévales de l’hébreu et de l ’arabe, lesquelles les tenaient de la tradition aristotélicienne.

D ans ce cadre à la fois ancien et nouveau, toutes les langues sont construites sur les trois parties de l’énoncé, nom, verbe, « consignification » (m ots gram m aticaux, adverbes), et s ’il existe un résidu après la catastrophe de Babel, 2. LAMENTATION TOPIQUE ET RECHERCHES GRAMMAIRIENNES

20 Scève, Maurice, M icrocosm e, Lyon, Jean de Tournes, 1 5 6 0 ,1, v. 1227-1340.

21 M ontaigne, Michel de, Les Essais, éd. Villey-Saulnier, Paris, Presses U niversitaires de France, 1965, II, 12, p. 553a.

22 Speroni, Sperone, I Dialoghi, Venise, Aide Manuce, 1542, transcription sur Epistemon-BVH, 1999, f° 162 v°. Foumel, Jean-Louis, Les D ialogues de Sperone Speroni:

libertés de la parole et règles de Γ écriture, coll. Ars rhetorica, M arburg, Hitzeroth Verlag, 1990. Du Bellay, Joachim, La Deffence, et illustration de la langue francoyse, Paris, A.

L ’Angelier, 1549, transcription sur Epistemon-BVH, 2007, I, ch. 1, P [A 4 r°]. La Ramée (Ramus), Pierre de, Traicté des façons et coustumes des anciens G aulloys, trad. fr. de Michel de Castelnau, Paris, A. Wechel, 1559, préface.

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il s ’agit du schém a fondam ental de la phrase dans toutes les langues. Ce constat a conduit à quelques expériences intéressantes de com paratism e syntaxique, com m e dans la G ram m atica quadrilinguis de Jacques de D rosay (1544), qui superpose à trois langues « in d o e u ro p é e n n e s» de Japhet, le français, le latin et le grec, une langue de Sem, l ’hébreu: cette dém arche ne signifie pas que le français « vienne » de l ’hébreu, m ais que cette langue est assez proche, par sa structure, de la source de toutes les langues, laquelle exprim e au m ieux Videa des langues, sa « form e » au sens aristotélicien23. Plus on a conscience que les langues ont en com m un une « idée », c ’est-à-dire une syntaxe fondée sur les trois parties du discours et un lexique, m oins on a besoin d ’un m ythe (B abel) qui devient allégorie ou m êm e fable.

La langue prem ière est celle que tout hom m e possède en puissance avec la faculté de parler héritée de ses parents. En prenant conscience de sa propre gram m aire en langue vernaculaire, l’hom m e reprend possession de la langue originelle, dont l ’archétype n ’a jam ais été perdu sous les différences du lexi­

que. C ’est la thèse du luthérien zurichois T heodorus B ibliander qui recherche, au-delà des réalisations diverses, une ratio com m unis entre toutes les langues;

et c ’est égalem ent celle du naturaliste Conrad G esner qui la m et en application dans son M ithridate24 25. Le m ythe de Babel, d ’histoire à croire devient progressi­

vem ent allégorie de la discorde, m ythos, nom et figure de la diversité des lan­

gues, com m e chez B em bo, Speroni et Du Bellay.

L ’attitude régressive ne pouvait conduire q u ’à une im passe. Pourtant, plu- sieurs auteurs avaient rem arqué (après A m o Borst) , que ces travaux d ’archéo­

linguistes anim és du désir de retrouver la langue perdue ont eu quelques effets positifs: en la cherchant, ils ont trouvé q u ’effectivem ent il existait une certaine parenté entre les langues, que l ’on pouvait isoler le groupe sém itique dont les racines trilittères constituent assurém ent un critère m ajeur de « ressem blance »;

a contrario, ils ont m ontré aux véritables antiquaires q u ’une m éthode com paratiste fondée sur des unités de seconde articulation (phonèm es ou graphèm es) ne pouvait m ener q u ’à rapprocher toutes les langues entre elles et à laisser la part belle aux critères idéologiques, surtout nationalistes, chacun voyant m idi à sa porte et la langue perdue enfouie dans sa propre langue. Les aberrations de Postel ou de G oropius ont favorisé le rêve d ’une « harm onie

23 Drosay, Jacques de, Grammaticae quadrilinguis partitiones, Paris, C. Wechel, 1544.

24 Bibliander, Theodor, D e ratione communi omnium linguarum et literarum com mentarius, Zürich, C. Froschover, 1548; Gesner, Conrad, M ithridates..., Zürich, C.

Froschover, 1555.

25 Borst, A m o, D er Turmhau von B a b el Geschichte der M einungen über Ursprung und Vielfalt der Sprachen und Vôlker, tome III/l, Suttgart, A. Hiersemann, 1963, p. 364.

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étym ologique des langues », celle q u ’Etienne G uichard a m ise en oeuvre dans l ’ouvrage qui porte ce titre (1606), et que nous ne considérons m aintenant que com m e un dictionnaire polyglotte assez approxim atif26. Il en était de m êm e pour le vocabulaire français inachevé de Jacques B ourgoing (1583)27. P ar ail­

leurs, ces recherches ont perm is aux auteurs vraim ent orientalistes com m e A thanase K ircher de perfectionner leur m éthode tendant à un véritable com pa­

ratism e linguistique, bien q u ’ils soient encore fortem ent attachés au principe d ’une langue prim itive. Ils ont surtout perm is, à ceux qui se révélaient à la fois rationalistes et orientalistes com m e Joseph Juste Scaliger, de poser les bases d ’une m éthode historique appliquée aux langues, dès 1599 (D iatriba de E uro- pearum linguis) 28.

D épassant la lam entation et le ressassem ent, l ’expression de la nostalgie s ’exprim e aussi par l ’inventaire des langues disparues, ou encore p ar l ’espoir de leur reconstitution.

L ’IN V E N T A IR E

Le M ithridate de G esner dresse une sorte de répertoire naturaliste des langues, avec une intention généalogique et classifiante tout à fait intéressante.

La perspective de C laude D uret, dans le Thresor de l 'H istoire des langues (1613) est assez différente et relève plutôt de l ’inventaire cum ulatif, voire de l ’am algam e; certains de ses chapitres ont souvent été utilisés pour m ontrer la perm anence d ’un im aginaire de la langue perdue29. On devrait dire plutôt des langues perdues, car D uret juxtapose les différentes hypothèses sur les langues prem ières sans vraim ent en chercher de cohérence. Loin d ’alim enter une nos­

talgie défaitiste, il contribue au contraire, par la richesse de sa com pilation d ’un éclectism e inégalé, à renforcer la convergence vers une idea des langues, à partir du m aître de G esner, Bibliander. À l ’horizon se profile une m éthode d ’apprentissage universel de toutes les langues du m onde, p u isq u ’elles se res­

sem blent: si le pentecôtism e n ’est pas absent de cette idée, il n ’est pas toujours invoqué. La possibilité de m aîtriser les idiom es s ’accom pagne d ’une confiance absolue dans la rationalité de la gram m aire (il n ’est pas indifférent que Joseph Juste Scaliger soit le fils de Jules César, qui a publié une gram m aire latine

26 Guichard, Etienne, Harmonie étymologique des langues..., Paris, G. Le Noir, 1606.

27 Bourgoing, Jacques, D e Origine, usu et ratione vulgarium vocum linguae Gallicae, Italicae et Hispanicae..., Paris, E. Prevosteau, 1583.

28 Scaliger, Joseph Juste, Diatriba de Europearum linguis, [1599], dans Opuscula varia, Paris, H. Beys, 1610.

29 Duret, Claude, Thresor de l'histoire des langues de cest univers, Cologny, M. Beijon, 1606.

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généraliste avec D e causis linguae latinae), dans la correspondance des diffé­

rents lexiques - à défaut de leur généalogie com m une - dans les vertus de l’im prégnation et de la fréquentation des peuples qui les parlent.

LA RECREATION

Plus intéressantes encore sont les tentatives de recréation de nouvelles langues perdues, qui sont en fait les langues ancêtres, ce que nous avions appelé les «langues relais», langues plus oubliées et défaites p ar le tem ps que perdues: le gaulois, l ’étrusque pour les Italiens, le celte pour les G erm ains, le saxon pour les A nglais, et toutes les langues que parlaient les peuples avant la colonisation rom aine et les invasions. C ette recréation n ’était ni purem ent im aginaire, puisque quelques m ots gaulois étaient identifiés, ni angélique car une telle reconquête est celle d ’une nation et d ’un peuple. Les langues ancêtres prétendum ent retrouvées ne sont pas équivalentes pour tous et se trouvent com m e déterm inées par leur situation géographique, selon la théorie des «cli­

m ats» appliquée aux langues: leur lieu de développem ent les rend plus m olles ou dures, savantes ou barbares, com m e les peuples qui les parlent et selon leur

«génie» propre30. Les auteurs de traités et de gram m aires sont, de leur propre gré ou suivant quelque com m ande princière, guidés par le m êm e nationalism e qui anim ait les nostalgiques: certaines langues sont plus «belles» que d ’autres, parce que plus proches de cette deuxièm e origine. Le gothique (langues g ennaniques et Scandinaves) est «rude» et m alsonnant aux oreilles françaises, l ’italien effém iné, l ’anglais im prononçable, l ’espagnol obséquieux: la langue oubliée a ses favoris déterm inés «scientifiquem ent» en fonction de la bonté du clim at sous lequel ils sont nés. Epicure lui-m êm e n ’avait-il pas écrit que les langues sont apparues spontaném ent au sein de chaque tribu ÇLettre à H érodote)? Les langues tribales sont considérées, avec les m êm es argum ents, com m e les héritières uniques de la tribu prim itive d ’A dam et la nostalgie, on le sait, a souvent alim enté les pulsions guerrières et le désir d ’anéantir les im purs.

Tel n ’est pas le cas d ’un certain nom bre d ’auteurs dont les travaux sont surtout m otivés p ar la recherche historique. Ce sont ces antiquaires, m agistrats ou ju ristes qui se penchent sur les anciennes coutum es linguistiques, et qui com prennent bien l ’im portance de l ’évolution des langues selon l ’usage et la * II,

30 M eschonnic, Henri, E t le génie des langues? Paris, Presses U niversitaires de Vincennes, 2000; D emonet, M arie-Luce, «Les climats linguistiques», dans Langues et identités culturelles en Europe, XVIe-XVIIe siècles, Publications de l ’U niversité de N ancy II, 2005, t. 1, p. 3-24.

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coutum e, plus que selon des lois im posées. C laude Fauchet et E tienne Pasquier m anifestent des intuitions sur les différents substrats du français et la reconsti­

tution s ’opère aussi à partir d ’hypothèses s ’appuyant sur des indices replacés dans un cadre historique q u ’on voulait fiable31. M êm e si les m ots authentique­

ment gaulois comme «bec», «braie» (caleçon), «dun» (colline), étaient souvent assimilés aux mots gennaniques dont on identifiait mal la provenance, la recherche des langues ancêtres pouvait ne pas être guidée par la croyance, ni par une certitude de patriote, mais par la recherche du «vraisemblable» ou du «possible»

pour élaborer ce que ces auteurs appellent plus m odestem ent des conjectures.

D ans l ’espace de la fiction, q u ’elle soit rom an com m e chez R abelais ou utopie com m e chez T hom as M ore, il est possible d ’im aginer une langue plus proche de cette prim itivité souhaitée: le lantem ois-patelinois de Panurge a quelques affinités avec le gothique, l ’antipodien avec l ’arabe, et l ’utopien avec l ’occitan {Pantagruel, ch. IX )32. La présence de l ’occitan est lisible grâce à des élém ents propres aux parlers du sud, les form es en - o u par exem ple et le verbe si caractéristique « caguer »: elle est d ’autant plus vraisem blable que le p ro ­ vençal était reconnu com m e la langue-source de la poésie de Pétrarque, et la

«lingua llim osina», ensem ble vague désignant tous les parlers occitans, com ­ m ençait à être considérée com m e la véritable ancêtre de la langue française.

A lors que Jean de N ostredam e fabriquait à la louange de la Provence de faux poèm es troubadours à partir d ’un corpus de m anuscrits authentiques33, assez habilem ent pour faire illusion pendant trois siècles, C laude F auchet et Biaise de V igenère (qui ne sont nullem ent d ’origine m éridionale) ont recueilli d ’anciens poèm es occitans q u ’ils présentent com m e des preuves de cette noble origine, ce qui perm ettait de laisser le latin décadent aux Italiens34. Q uant à l ’utopien de M ore, langue et alphabet, il tient selon l ’auteur du grec et du per-

31 Demonet, M arie-Luce, «Du mythe à l’hypothèse. Les changem ents m éthodiques dans les recherches sur l’origine des langues dans la seconde moitié du XVIe siècle», dans La Linguistique entre m ythe et histoire, Münster, N odus Publikationen, 1993, p. 11-30; ead,

« ‘Si mon m ulet transalpin volait’ ou de la vérité en matière de langues», dans Langage et vérité, Genève, Droz, 1993, p. 223-235.

32 Rabelais, François, Pantagruel, dans Œ uvres, éd. M. Huchon, Paris, Gallimard, 1994, Bibliothèque de la Pléiade, ch. IX, p. 246 sqq.

33 Nostredam e, Jean de, Vies des plus celebres et anciens poetes Provensaux, Lyon, Alexandre Marsilius, 1575; éd. C. Chabaneau, 1913; Genève, Slatkine reprints, 1970.

34 Fauchet, Claude, Recueil de lo r ig in e de la langue et poesie francoise, ryme et rom ans, Paris, M. Pâtisson, 1581. Vigenère, Biaise de, Les Commentaires de Cesar....

(trad.), Paris, Abel l’Angelier, 1589 (les éditions antérieures ne contiennent pas le développem ent sur les langues occitanes).

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san, cherchant encore ses origines du côté de l ’O rient35. Les utopies auront désorm ais leur indispensable com posante linguistique, m êlant langues ancêtres et langues artificielles. Au m ilieu du X V IIe siècle, C yrano de B ergerac situera la langue des Séléniens de part et d ’autre de l ’expression linguistique, puisque le peuple parle par gestes et les nobles par la m usique, substituant deux autres codes, plus «naturels», au langage articulé36.

La langue des signes et le code m usical pourraient en effet ten ir lieu de langues prim itives, dans une reconstruction du passé qui ferait entièrem ent abstraction de l ’histoire biblique. O r elles ne sont pas absentes de la tradition philosophique de l ’A ntiquité. Les cris et les gestes étaient m entionnés par Épi- cure et dans le poèm e D e la N ature de L ucrèce, et cette tradition s ’est trans­

m ise égalem ent par V itruve et D iodore de Sicile37. Le texte d ’É picure était bien connu dès la fin du X V e siècle p u isq u ’il figure dans les Vies des p h ilo so p h es de D iogène Laërce. Le philosophe y raconte succinctem ent l ’invention du lan­

gage à partir des ém issions vocales sur lesquelles les tribus s ’accordent pour leur donner le m êm e sens, tandis que Lucrèce im agine d ’abord une apparition à partir du geste. Ces deux sources de toutes les langues, à propos desquelles les anthropologues discutent encore, se retrouvent non seulem ent dans l ’histoire fabuleuse inventée par Cyrano, m ais aussi chez des écrivains aussi sérieux que M ontaigne et L aurent Joubert. Le récit d ’Épicure perm et de réactiver l ’histoire des enfants de Psam m étique, m ais en laissant de côté la m ention de la langue phrygienne. C ’est com m e si la langue prim itive était réinventée p ar les sourds- m uets et par les prem iers voyageurs débarquant sur des rives inconnues, m on­

trant leurs marchandises et désignant le lointain horizon marin d ’où ils avaient surgi.

La naturalité de ces signes est rejointe par l ’invention de codes graphi­

ques dont l ’artificialité prétend im iter une origine naturelle. E m blèm es et faux hiéroglyphes sont aussi le lieu d ’une inventivité linguistique qui retourne la langue perdue en m odèle fécond. Créer des em blèm es, s ’inventer sa propre devise à partir d ’élém ents graphiques connus ou d ’un sym bolism e plus obscur, c ’est aussi une façon de récupérer à son profit le processus de l ’idéogram m e.

John Dee avait ainsi com posé sa «m onas hieroglyphica» en com binant p lu ­

35 More, Thomas, Utopia, Louvain, Thierry Martens, 1516.

36 Cyrano de Bergerac, Savinien de, L ’Autre Monde, ou les Etats et Em pires de la Lune, éd. M. Alcover, Paris, Société des Textes Français Modernes, Champion, 1977, p. 74-76 (éd. révisée dans Œ uvres Complètes, I, Paris, Champion, 2006).

37 Demonet, M arie-Luce, «L ’épicurism e linguistique à la Renaissance, de Bembo à Peletier du Mans», dans Sources antiques de l ’irréligion moderne: le relais italien, XVe- X V Ile siècles, éd. J.-P. Cavaillé et J.-P. Foucault, Toulouse, collection de l ’ECRIT, n° 6, juin, 2001, p. 91-110.

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sieurs sym boles38. B arthélem y A neau s ’invente aussi son em blèm e personnel à partir des sym boles universellem ent com pris de Y ouroboros ( l’anneau, nom de son père et sym bole d ’éternité) et de la rose (nom de sa m ère et sym bole de la fragilité hum aine), véritable concetto graphique souvent pratiqué dans les m ar­

ques des im prim eurs39. S ’agit-il encore de nostalgie d ’une langue sym bolique perdue ? Elle s ’est assurém ent retournée en possibilité infinie de création et de recréation à partir d ’un corpus relativem ent lim ité de sym boles partagés. Les vertus de ces inventions, on le voit, sont principalem ent com binatoires, grâce à Y in g en iu m, ce génie naturel au poète qui lui perm et de réassortir l ’existant et de créer de nouveaux sens.

Le jé su ite H erm ann Hugo avait tiré parti des descriptions du chinois rap ­ portées par les m em bres de la Com pagnie, et il avait com pris que l ’utilisation des idéogram m es était un moyen ingénieux de contourner la différence des langues, m êm e si chacun prononce les caractères dans son propre dialecte40. Il partage cette vision utopique de l’écriture idéogrammatique avec Vigenère (q u ’il n ’a pas lu) et sa langue conceptuelle est bien plus systématique que la cryptographie de Jean Trithème ou que les anciennes roues de Raymond Lulle: les loci com m unes étaient com binables sur des petites roues disposées com m e celles des livres d ’astronom ie, que l ’on faisait tourner à la main. Les signa characteristica de K ircher et de Leibniz, les langues universelles im aginées p ar W ilkins seront le prolongem ent, au X V IIe siècle, de cette ingéniosité linguistique tournée cette fois vers l’avenir d ’une com m unication universelle entre les hom m es.

U ne recréation de type expansionniste se m anifeste aussi dans le néolo­

gism e et l ’invention verbale: q u ’est-ce d ’autre, sinon se replacer dans la p o si­

tion d ’A dam nom m ant les anim aux «selon leurs natures»? Le lexicologue assortit les radicaux et les m orphèm es, de m ieux en m ieux identifiés grâce à la notion de racine et celle de «partie variable». T oute langue qui s ’illustre en s ’enrichissant de nouveaux vocables m aintient l ’ancienne idea des langues et reproduit le m écanism e à l ’œ uvre dans la langue originelle.

A insi ce ne sont pas dix langues, ni m êm e 72, qui sont retrouvées à partir de la langue perdue, m ais toutes les langues que l ’hom m e peut inventer dans leur diversité, dans la com binatoire des phonèm es et des graphèm es, des idéo­

gram m es, phonogram m es et pictogram m es.

38 Dee, John, M onas H iew glyphica mathematice, magice, cabalistice, anagogiceque explicata, Anvers, G. Sylvius, 1564.

39 Aneau, Barthélemy, L ’Imagination poétique, Lyon, M acé Bonhomm e, 1552, p. 14.

40 Hugo, Hermann, S. J., De prim a scribendi origine, Anvers, C. Plantin, 1617, p. 61.

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3. LA LIBRE CURIOSITÉ

Un texte anonym e publié à Poitiers en 1556 entreprend la dém olition en règle des argum ents «songecreux» des étym ologies troyennes. C es D iscours non p lu s m élancoliques que divers, anim és d ’un solide bon sens, m inent les prétendues ressem blances entre les idiomes:

Pour le faire fin, qui voudra ainsi rêver après ces étym ologies, prêtera force rire pour ceux qui auront la rate un peu saine. Car combien pensez-vous qu’il y ait de mots qui se ressem blent en tant de langages, q u ’il y a panni le monde, qui ne le connurent jam ais, mais ont été forgés à l’aventure sans savoir rien l’un de l ’autre ? Bec (comme nous avons dit devant) est à dire pain, est à dire pain en Phrygie, où fut Troie: et bec en France est la bouche (dirai-je ainsi) d ’un oiseau et de l’hom m e aussi quelquefois.

Songerai-je donc incontinent que notre bec est venu de Troie, pour ce q u ’on met le pain au bec pour le manger? Il y aura deux mots qui se com m enceront par même lettre, qui auront deux ou trois lettres semblables, et je dirai que l ’un est fils de l ’autre tout incontinent? et non ferai: Je ne le ferai point, [...] de peur q u ’on ne s ’en m oque.41

Il y a tout lieu de penser que ce texte a pour auteur l ’hum aniste, philolo­

gue et antiquaire Elie Vinet, l ’un des m aîtres de M ontaigne au collège de G uyenne42. Il ne propose pas d ’autre attitue envers la quête des origines q u ’une volontaire lim itation à ce que nous appellerions une approche synchronique des langues et à l ’apprentissage m inim al de la gram m aire.

A insi, il existe une fam ille d ’auteurs pour qui la question de la langue perdue est triviale, sans que ses m em bres se présentent po u r autant com m e des esprits forts: le savant prudent peut très bien concéder que la prem ière langue a été celle d ’A dam sans chercher à la déterm iner avec précision. La position de Calvin, qui souligne la rupture radicale provoquée p ar le péché, invite à ne pas exercer sa curiosité envers de telles m atières. L ’indifférence peut donc être tout autant le résultat d ’une attitude religieuse que du détachem ent p ratiqué par le philosophe sceptique, averroïste ou épicurien. Le m édecin L aurent Joubert (protestant), dans le petit traité q u ’il consacre à la langue que «parlerait un enfant qui n ’aurait jam ais ouï parler», adm et la réalité passée de la langue adam ique, pour exam iner ensuite les hypothèses scientifiques de l ’apparition à

41 Discours non p lu s m élancoliques que divers, Poitiers, Enguilbert de M am ef, 1556, attribué parfois à Jacques Peletier du Mans ou Bonaventure des Périers. Transcription sur Epistemon-BVH, 2003, p. 74 (orthographe m odernisée ici).

42 Pour des études récentes sur l’attribution de ce texte, voir les contributions de Sophie Am auld, V éronique Zaercher et Marie-Luce Demonet dans les actes du colloque de Poitiers (2001), Les Grands Jours de Rabelais en Poitou, éd. M.-L. Dem onet et S. Geonget, Genève Droz, «Etudes Rabelaisiennes», 2006.

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la fois sociale et biologique du langage43: ce texte est la source principale de M ontaigne qui, pour cette question au m oins, n ’est pas entièrem ent sceptique.

L ’auteur des E ssais s ’exprim e sur le m ode hypothétique, ce qui consacre un changem ent fondam ental d ’attitude par rapport à ce qui relevait ju sq u e-là sur­

tout de la croyance: si un enfant était élevé seul, il inventerait (au conditionnel) un langage «pour exprim er ses conceptions»44; dans ce cadre séculier, qui peut être un nouveau départ après Babel en m énageant la tradition, l ’aptitude au langage laisse à tout être hum ain la possibilité de recréer une langue.

Pour Jules C ésar Scaliger, qui récuse en quelques lignes la thèse de l’hébreu langue-m ère com m e peu digne de l ’attention d ’un philosophe, la m eilleure langue est celle qui exprim e le m ieux un ensem ble de relations cau­

sales, et c ’est le latin45. L'arbitrium hum ain est parfaitem ent capable, en respectant les règles de la syntaxe et l ’organisation m orphologique m otivée du lexique, de faire évoluer les langues dans le sens d ’une m eilleure relation entre les notions des choses et les «dictions». Francisco Sanchez de Las Brozas, dans sa M inerva de 1587, sera horrifié par le peu de révérence de Scaliger envers les étym ologies de V airon: il exprim e assez bien la peur du vide que certains gram m airiens pouvaient ressentir à ne pas reconnaître les étym ons46.

11 peut donc y avoir consensus sur cette aptitude à créer des idiom es qui représentent ou disent les « propriétés » des choses. Les nostalgiques de l’hébreu langue-m ère ou d ’une autre langue pré-babélienne ne peuvent échap­

per aux lim ites de deux catégories d ’argum ents: soit ils se rabattent sur des acrostiches, des allusions et des procédés plus poétiques q u ’étym ologiques, des nugae selon Scaliger et selon Francisco Sanches pour qui les langues sont «in­

ventées» (finguntur)47 ; soit ils transportent les qualités de cette langue pre­

m ière sur le plan co g n itif et m étaphysique, pour reconstruire une langue idéale, une langue m odèle qui perd alors sa singularité. C ar exprim er la qualité, la quantité, le lieu, le genre, le nom bre, etc., toutes les langues en sont capables.

C ette m odification des attitudes par rapport à la langue perdue peut se com prendre dans un cadre plus large, celui d ’un changem ent m éthodologique m ajeur, dont le nouveau héros ne serait pas un K ircher, m ais plutôt un Francis

43 Joubert, Laurent, Erreurs populaires au fa it de la m édecine et régime de santé, Bordeaux, S. Millanges, 1578; deuxième partie, «Question vulgaire. Quel langage parleroit un enfant qui n ’auroit jam ais ouï parler», p. 602.

44 Montaigne, Les E ssais, op. cit., II, 12, p. 458.

45 Scaliger, Jules César, De Causis linguae latinae, Lyon, S. Gryphe, 1540, ch. 47 et 48.

46 Sanchez de Las Brozas (Sanctius), Francisco, Minerva: seu de causis linguae latinae, Salam anque, J. et A. Renault, 1 5 8 7 ,1, f° 6v°. Éd. et trad. fr. par G. Clèrico, Presses Universitaires de Lille, 1982.

47 Sanches, Francisco, Quod nihil scitur, Lyon, S. Gryphe, 1581, p. 36-37.

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