• Aucun résultat trouvé

Le programme de construction des hôpitaux militaires américains de la Communication Zone pendant la décennie 1950-1960, et les difficultés de sa mise en oeuvre

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Le programme de construction des hôpitaux militaires américains de la Communication Zone pendant la décennie 1950-1960, et les difficultés de sa mise en oeuvre"

Copied!
25
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: hal-02981662

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02981662

Submitted on 28 Oct 2020

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Le programme de construction des hôpitaux militaires américains de la Communication Zone pendant la décennie 1950-1960, et les difficultés de sa mise en

oeuvre

Pierre Labrude

To cite this version:

Pierre Labrude. Le programme de construction des hôpitaux militaires américains de la Communica-

tion Zone pendant la décennie 1950-1960, et les difficultés de sa mise en oeuvre. 2020. �hal-02981662�

(2)

Le programme de construction des hôpitaux militaires américains de la Communication Zone pendant la décennie 1950-1960,

et les difficultés de sa mise en oeuvre Pierre Labrude

professeur honoraire de l’université de Lorraine,

membre associé du centre régional universitaire lorrain d’histoire (EA 3945).

(pierre.labrude@orange.fr)

La présence militaire américaine dans notre pays après la Seconde Guerre mondiale débute avec la signature de l’accord secret Bidault-Caffery

1

du 16 février 1948

2

. Cet accord est suivi par le traité de Washington d’avril 1949 puis par l’accord du 6 novembre 1950 (ou « accord Parodi-Bruce »

3

), relatif à la création de la ligne ou zone de communication (Communication Zone ou ComZ, ou encore Line of Communication ou LOC) américaine en France. Ces liens diplomatiques et la présence militaire qui en découle conduisent le commandement américain à envisager la création d’hôpitaux destinés à traiter les malades et blessés du temps de paix, mais aussi et surtout à faire face à un éventuel conflit qui débuterait vraisemblablement en Allemagne aux confins de la limite entre les zones d’occupation soviétique et occidentales. La construction de tels entités n’est pas prévue initialement, et c’est l’absence de possibilité de prêt d’hôpitaux militaires français inutilisés ou peu utilisés qui amène le commandement américain à prendre la décision de faire construire des hôpitaux. Entre-temps, des installations temporaires sont créées et utilisées. La Guerre froide a en effet commencé.

Il n’existe initialement, semble-t-il, aucun programme d’ensemble et aucun plan d’un hôpital type. La demande, au coup par coup par le commandement de la Communication Zone à Orléans ou par le commandement américain en Europe, de bâtiments hospitaliers et de terrains destinés à des constructions, conduit la Mission centrale de liaison et d’assistance aux armées alliées (MCLAAA), créée à la suite de l’accord de novembre 1950, à suggérer à l’US Army d’établir un programme hospitalier. Celui-ci, discuté à la fin de 1952, est presque totalement accepté par la France. La période 1950-1952 est la seule où le gouvernement français est atlantiste, cependant que la guerre de Corée vient de montrer la nécessité pour le Pacte atlantique de se doter de moyens plus adaptés à la défense de l’Occident

4

. La ligne de communication en est bénéficiaire

5

. Ainsi, depuis Bordeaux jusqu’à Verdun, le plan hospitalier militaire américain comporte finalement, à côté d’établissements anciens ou provisoires, neuf ensembles à construire, si on exclut ceux qui sont destinés à l’armée de l’Air des Etats-Unis.

L’examen des archives révèle l’existence de nombreuses propositions surprenantes de localisations. Les travaux commencent avec retard en raison de la transformation des bâtiments en locaux autres qu’hospitaliers.

Ce travail est consacré à l’étude de ce programme et à l’exposé de quelques-unes des difficultés que sa mise en œuvre a engendrées. Il est articulé en plusieurs points issus d’éléments dispersés

1

Le ministre français des Affaires étrangères et l’ambassadeur des Etats-Unis en poste à Paris.

2

Pottier O., Les bases américaines en France (1950-1967), L’Harmattan, Paris, 2003, en particulier l’introduction et le chapitre premier, p. 11-58.

3

Le secrétaire général du Quai d’Orsay et l’ambassadeur américain à Paris.

4

Soutou G.-H., La Guerre froide de la France 1941-1990, Tallandier, Paris, 2018, p. 179 et 223.

5

Carter D.A., Forging the shield The US Army in Europe, 1951-1962, US Army, Center of military History,

Washington D.C., 2015, 541 p., en particulier « Development of the Communication Zone », p. 58-68. Ces pages

sont disponibles en ligne.

(3)

dans différents dossiers conservés au Service historique de la défense

6

, et qui ne sont bien évidemment pas présents dans les archives hospitalières au sens strict : la question des hôpitaux militaires américains dans notre pays à l’époque de la Communication Zone et les premiers projets de construction, la demande d’un programme général de construction, la parution de celui-ci et son examen par la France, quelques considérations sur les « retours aux sources » que constituent certaines localisations, le démarrage du programme et l’apparition immédiate de difficultés, enfin la parution du plan américain de mobilisation et ses conséquences sur les constructions. Nous envisagerons ensuite la longue interruption subie par plusieurs chantiers, puis le bilan du programme et la situation administrative et opérationnelle des hôpitaux au terme de ces constructions et peu avant le départ de l’armée américaine de notre pays en 1966-1967.

Les investissements consentis par les Etats-Unis dans ces constructions au cours des quinze années de leur présence en France seront alors l’objet d’une courte présentation avant que n’intervienne la conclusion.

La question des hôpitaux militaires américains dans notre pays et les projets de construction au coup par coup

A la fin du mois de janvier 1951, soit un peu plus d’une année après le début de l’arrivée effective des troupes américaines dans notre pays, et le début des opérations de définition des sites en vue de leur installation, la France établit une liste de camps, dépôts, terrains, fortifications, etc., qui peuvent être visités par les Américains, parmi lesquels se trouvent les hôpitaux militaires de Thionville et de Morhange

7

en Moselle. Les choses vont très vite. Les 31 janvier, et 1

er

et 2 février 1951, une visite a lieu dans l’est de notre pays, qui constitue alors la zone avancée (Adsec) de la Communication Zone, avec une reconnaissance de nombreux sites, dont ceux de Thionville et de Morhange. Cependant ces emplacements ne conviennent pas à l’US Army car ils sont trop au nord pour le premier et trop à l’est pour le second, et ils sont refusés par le commandement dès le 20 février

8

. Quand on a, même aujourd’hui, quelques idées sur la structure de ces implantations qui n’existent plus en tant qu’hôpitaux militaires, on peut avancer l’hypothèse que les Américains les ont trouvées trop petites et trop vétustes, et par ailleurs situés en ville, ce qu’ils ne voudront pas pour leurs installations, à l’exception de bureaux comme à Orléans à la caserne Coligny ou à La Rochelle dans l’ancien hôpital militaire Aufrédy, d’autres aussi bien sûr. Cette visite et le caractère inapproprié des installations ont sans doute un effet décisif sur un commandement américain qui a réfléchi à cette question, car, deux jours plus tard, le 22 février 1951, parvient à notre pays une demande de création d’installations sanitaires américaines. La réflexion évolue rapidement puisque le 13 mars est publié

9

un plan de terrain comportant deux hôpitaux, situé sur l’ancien terrain d’aviation de Vassincourt, non loin de Revigny-sur-Ornain, dans le département de la Meuse.

6

Ce travail est entre autres issu des éléments épars, mais nombreux, qui se trouvent dans les dossiers de la série

12 Q du Service historique de la défense (SHD) à Vincennes ; par ordre croissant : 12 Q 79, 103-1 et 103-2, 106- 3, 185-1, 187-2, 187-5, 205-1 et 205-2, 213-2 et 225-2. De nombreux autres dossiers doivent contenir de tels éléments.

7

Labrude P., « La prospection en vue de la mise à disposition de l’US Army, de terrains et d’immeubles dans la

zone avant (Advance Section) de la ligne de communication américaine en France au début de la décennie 1950.

Quelques exemples de démarches qui n’ont pas abouti et de camps et dépôts qui n’ont pas existé… », Archives ouvertes HAL, hal-01934688, 7 décembre 2018.

8

Labrude P., « La prospection en vue de la mise à disposition de l’US Army… », op. cit. Ces documents figurent dans le dossier 12 Q 225-2 du Service historique de la défense.

9

« US Army Hospital and Medical Depot Bar-le-Duc – Vassincourt », Medical Bulletin of the European

Command, 1952, vol. 9, n°5, p. 220. Disponible en ligne sur le site de la Stimson Library.

(4)

Le 12 avril, un courrier manuscrit du chef de bataillon Duchaussoy, officier de liaison français auprès du commandement de la section avancée de la Communication Zone à Verdun, au général gouverneur militaire de Metz, l’informe d’une visite d’officiers américains au commissaire français en Sarre, Gilbert Grandval, à propos d’hôpitaux et de l’éventualité de la construction à Sarrebrück d’un établissement de 2000 lits commun au Medical Corps de l’US Army et au Service de santé français. Dans un document non daté et sans doute dans les mêmes moments, le même officier adresse à la MCLAAA une demande de recherche d’un terrain situé dans un rayon de quinze kilomètres autour de Saint-Dizier (Marne) en vue de l’édification d’un hôpital de 100 lits dont la capacité devrait pouvoir être augmentée jusqu’à 500 lits.

L’établissement devrait se trouver sur une colline mais pas à proximité d’un terrain d’aviation.

Une telle possibilité semble exister à Valcourt, tout près de la ville, mais également de sa base aérienne, ce qui rend l’opération impossible. Commercy, dans le département de la Meuse, figure aussi dans les sites possibles, ainsi que le parc du château de Jean-d’Heurs à Lisle-en- Rigault, près de Bar-le-Duc, qui est cité à plusieurs reprises, en particulier en mai 1951

10

. Jusqu’à présent, je n’ai pas trouvé d’explication satisfaisante à cette demande d’un lieu élevé, mais que nous retrouverons dans les projets d’emplacement d’un hôpital qu’il est prévu de réaliser à Toul. Il me semble par ailleurs, au vu de photographies, qu’une telle disposition a été adoptée en Allemagne. Il y a donc là une motivation qui pourrait être la recherche d’une plus grande pureté de l’air en « altitude », comme dans les préoccupations hygiénistes du XIX

e

siècle, mais aussi la capacité pour les architectes-ingénieurs des bureaux d’études sélectionnés par l’US Army d’orienter les pavillons et donc l’ensemble de l’hôpital en vue d’un ensoleillement optimal.

Tout aussi dépourvu de date, existe dans les archives

11

un compte rendu manuscrit du même officier de liaison français à une autorité non précisée (sans doute le gouverneur de Metz ou la MCLAAA, voire les deux) relatif à une visite qu’il a faite en Lorraine sur trois jours avec des officiers américains. Celle-ci comprend une reconnaissance de sites, d’hôpitaux militaires français utilisés, et la mention de la construction à Vassincourt d’un hôpital de 100 lits, passé à 500 puis à 1000 lits. Remarque est à nouveau faite dans ce document que la ville de Morhange est trop à l’est, ce qui montre que cette visite est postérieure à février 1951 et que l’offre de cet hôpital a sans doute été renouvelée.

Le 16 mai 1951, un document intitulé « Situation des installations offertes et des demandes américaines », mentionne encore une fois le site de Vassincourt, en précisant : « prévu d’abord pour des stockages, puis pour la construction d’un hôpital de 1000 lits, aucune demande officielle, aucune réservation ». Deux jours plus tard, le 18, la MCLAAA réceptionne le double d’un rapport du chef de bataillon Duchaussoy au colonel directeur du Génie en 6

e

région militaire, relatif à l’éventualité d’extensions de la Line of Communication, parmi lesquelles celle de la construction d’un hôpital militaire dans le château et dans le parc de Jean-d’Heurs déjà cité, qui n’est pas éloigné de Bar-le-Duc, mais aussi de Saint-Dizier. Le commandement français pense que les Américains veulent créer un important pôle militaire autour de cette ville, d’où les recherches de sites aux alentours, à Commercy, à Jean-d’Heurs et à Lisle-en-Rigault.

Finalement le choix se porte sur Vassincourt, sans doute parce que le terrain d’aviation est militaire et qu’il est assez vaste pour accueillir un hôpital, et même deux comme on le voit sur le projet précité, ainsi qu’un dépôt sanitaire, tout en conservant la piste en herbe et en étant tout près du grand dépôt de munitions de Trois-Fontaines dont Vassincourt constituera une base logistique. Pour sa part, Jean-d’Heurs, mis à disposition américaine le 1

er

octobre 1954, deviendra un club d’officiers et 55 millions de francs seront consacrés à sa mise à niveau.

10

SHD, dossier 12 Q 225-2.

11

Ce compte rendu manuscrit de plusieurs pages se trouve dans le dossier 12 Q 225-2.

(5)

L’émission de ces documents, les visites organisées au profit d’officiers américains sur des sites susceptibles d’accueillir leurs installations et les réflexions de l’état-major de la ligne de communication et sans doute aussi du commandement américain en Europe entraînent la poursuite des échanges de courriers et de demandes de terrains aptes à satisfaire les souhaits américains mais aussi les désirs français, les deux ensembles pouvant être contradictoires comme le montre le problème posé par la volonté de l’United States Air Force de construire un grand hôpital de transit air de sept cent cinquante lits non loin d’Orly, en contradiction formelle avec la volonté de notre pays, qui ne donnera jamais son autorisation. Il a été question d’installer cet hôpital à Viry-Châtillon ou à Saint-Michel-sur-Orge. Ce refus conduira à l’arrêt du projet, officiellement en raison d’un manque de crédits, ce qui n’est peut-être pas faux comme nous le verrons à propos des conditions d’exécution du programme général.

Plusieurs sites « sont mis à la disposition des autorités militaires américaines en France » par une décision du 27 septembre 1951

12

: un terrain près de Toul, le fort du Mont-Saint-Michel à Toul, le quartier de cavalerie Jeanne d’Arc à Dommartin-les-Toul, l’aérodrome de Vassincourt, l’hôpital de La Chapelle-Saint-Mesmin près d’Orléans et le terrain militaire de Croix-Chapeau à Aigrefeuille d’Aunis près de La Rochelle. Nous avons déjà « entendu parler » de certains d’entre eux, qui sont occupés par l’US Army depuis plusieurs mois, et nous les retrouverons pour la plupart à propos des hôpitaux à construire. Le 5 octobre 1951, un terrain est recherché pour la construction d’un hôpital aux environs de Melun, une ville qui a l’avantage de ne pas être éloignée de Fontainebleau où vont s’installer de grands états-majors interalliés, et d’être tout près du grand aérodrome qu’il est prévu d’installer à Melun pour l’armée britannique, mais qui ne sera finalement pas réalisé, tout comme l’hôpital d’ailleurs. En fin d’année est émise une demande d’installations sanitaires, suivant une ligne qui traverse notre pays depuis Bar-le-Duc jusqu’à Bordeaux. Les installations sollicitées représentent un total de 8500 lits.

L’année 1952 est celle du début des achats et des dévolutions de terrains en même temps que de la poursuite des recherches de sites convenables. Le 21 janvier, les quatre-vingt-neuf hectares de l’ancien terrain d’aviation de Vassincourt/Neuville-sur-Ornain (Meuse) sont concédés à l’US Army, cependant que, le 31, est établi un projet d’acquisition du site de La Gaillardière, à quelques kilomètres à l’est d’Orléans, près des villages de Donnery et Mardié, en un lieu appelé « Le port aux moines », en vue de la construction d’un hôpital. L’achat ne se fera pas en raison de la grande surface du terrain, plus de deux cent soixante hectares, et donc de son coût. En effet, soixante à cent hectares sont plus que suffisants pour un tel établissement : le terrain de Dommartin-les-Toul a une surface de cinquante-six hectares et celui de Maisonfort

13

de vingt-huit hectares seulement. Le projet ne connaîtra donc pas de suite. Les plans des bâtiments et des services de l’hôpital standard de mille lits sont maintenant terminés et ils sont présentés dans une série de publications qui paraissent dans le Medical Bulletin of the European Command en 1951 et 1952

14

. Le plan type (plot plan for proposed 1000 bed hospital) est daté du 14 mai 1951. L’hôpital de Dommartin-les-Toul (figures 1 et 2) correspond exactement à ce plan par la disposition des pavillons et par leur nombre.

12

SHD, dossier 13 T 13.

13

Maisonfort se situe au sud d’Orléans, entre Olivet et Ardon. Le mot s’écrit également en deux parties : Maison- Fort. L’ensemble américain comporte l’hôpital, connu sous la dénomination Harbord Barracks, une zone technique qui porte le nom du site, et un terrain d’exercice. Ces installations sont encore militaires actuellement.

14

Medical Bulletin of the European Command, 1951, vol. 8, n°7, 11 et 12 ; 1952, vol. 9, n°1, 2, 3, 5, 6 et 7.

(6)

Figure 1 : une photographie aérienne de l’hôpital Jeanne d’Arc.

Don du CHR de Nancy à l’auteur, 2007.

Figure 2 : le plan type de l’hôpital d’urgence tel qu’il est décliné à Toul.

Collection P. Labrude.

La demande d’un programme par la mission de liaison

Au milieu de l’année 1952, il ne semble pas exister de programme hospitalier d’ensemble qui permettrait d’éviter les demandes au coup par coup, et sur lequel la MCLAAA pourrait travailler afin d’aboutir, si possible, à un ensemble d’établissements cohérent et homogène.

Mais il apparaît que l’absence d’un tel programme préoccupe la Mission puisqu’en effet son chef va demander au commandement de la ComZ d’en établir un. C’est ainsi qu’un courrier de Monsieur François Leduc, le chef de la MCLAAA, au général Sturgis, le commandant de la ComZ à Orléans, malheureusement non daté (peut-être du 25 juin), lui indique qu’il serait bon d’établir un programme général de construction d’hôpitaux plutôt que de faire des demandes dispersées. M. Leduc propose au général de lui faire connaître le plan type qui sera adopté, le nombre de lits de chaque établissement et les procédures de mise en œuvre susceptibles d’être retenues par le commandement américain

15

. Ceci peut tendre à signifier que M. Leduc pense qu’il existe déjà à la ComZ un plan d’ensemble des infrastructures sanitaires, mais que celui-ci

15

Ce courrier est conservé dans le dossier 12 Q 225-2.

(7)

n’a pas encore été communiqué à notre pays, peut-être parce que ce plan n’est pas encore assez structuré. Tout cela est au moins en partie vrai puisque les plans des hôpitaux ont été élaborés et même publiés. Ce plan va bientôt voir le jour mais sa cohérence sera mise en doute et sa réalisation ne manquera pas de susciter des difficultés.

Le 16 juin 1952 est prise la décision de faire réaliser les installations de Vassincourt sous la responsabilité du service des Travaux du Génie, c’est-à-dire de l’armée de Terre de notre pays, puisque celles-ci sont destinées à l’US Army, l’armée de Terre américaine, et ceci bien qu’elles soient réalisées sur un terrain d’aviation

16

. Vassincourt apparaîtra en premier sur la liste des hôpitaux du programme général, et pourtant il sera le dernier à être mis en chantier, sous une forme très altérée, et seulement à la fin de la décennie !

La parution du programme général de construction et son étude par les instances françaises

Au début du mois d’août 1952, le général Sturgis n’a toujours pas fait connaître son programme hospitalier, et M. François Leduc le lui redemande, ce qui entraîne, le 6, une réponse de sa part, sous la forme d’une liste des hôpitaux prévus qui est présentée dans le courrier américain sous l’aspect d’une sorte de tableau. La liste américaine ne comporte que les hôpitaux de l’US Army et ceux-ci ne sont pas présentés par ordre alphabétique ni par région. Ils figurent avec le nombre de lits prévus dans l’ordre ci-après : Vassincourt, Toul, Orléans (deux hôpitaux), Saint-Nazaire, Bordeaux, Vitry-le-François, Verdun ou Toul (Mont Saint-Michel), La Chapelle-Saint- Mesmin, Croix-Chapeau, soit dix hôpitaux. Dans cette liste, comme on le lit, deux villes sont citées avec deux hôpitaux : Orléans qui en aura en réalité trois, mais qui, dans les faits, n’en aura qu’un seul d’opérationnel, et Toul. Dans cette ville militaire de l’est, l’hôpital qui deviendra « Jeanne d’Arc » est présent avec une capacité de 500 ou de 1000 lits, et se trouve éventuellement associé à un établissement similaire, de 1000 lits, installé au sommet du Mont Saint-Michel, à moins qu’il ne soit construit à Verdun. Ce sera finalement le cas ; c’est l’hôpital Desandrouins que nous connaissons dans cette autre célèbre ville militaire de l’est (figure 3).

A Toul, le sommet du Mont Saint-Michel est en effet vaste et assez plat, comme le montre la photographie ci-après (figure 4), et il s’y trouve à ce moment des installations militaires du système Séré-de-Rivières d’après 1870. La surface disponible attribuée au service de santé le 27 septembre 1951 comme nous l’avons vu plus haut, est de cinquante hectares, ce qui est parfaitement suffisant pour un hôpital de mille lits. En effet, l’hôpital Desandrouins ne bénéficiera que de vingt-huit hectares et celui de Dommartin-les-Toul de cinquante-six. L’un et l’autre se sont trouvés à l’aise sur ces terrains. A défaut d’hôpital sur le Mont Saint-Michel, c’est une station de communications de la base aérienne américaine de Toul-Rosières qui s’y installera.

16

C’est l’occasion de préciser que les travaux effectués au profit des Américains ne peuvent l’être, en vertu des

accords bilatéraux, que sous la responsabilité de la France et avec des entreprises qu’elle a choisies. Les camps et

dépôts construits pour l’US Army le sont sous la direction des officiers du service des Travaux du Génie. De leur

côté, les bases aériennes, qui sont affectées à un pays membre du Pacte atlantique dans le cadre de l’OTAN, et les

infrastructures qui concernent l’US Air Force in Europe (USAFE), sont réalisées sous la direction des ingénieurs

en chef des services départementaux des Ponts et Chaussées, qui disposent pour cela d’un arrondissement Air

dirigé par un ingénieur des Ponts. Les unités du Génie américain (Engineers) ne peuvent travailler sur ces chantiers

ou sur des chantiers OTAN qu’après accord de notre pays, jamais au même endroit qu’une entreprise française et

toujours sous le contrôle de la France. Seuls des officiers et des ingénieurs français et américains peuvent être

présents sur les chantiers. Il arrive que le Génie s’occupe d’infrastructures destinées à l’USAFE, c’est le cas pour

quelques dépôts de munitions.

(8)

Figure 3 : l’hôpital Desandrouins à Verdun en 1958. Collection M. Parisot.

Figure 4 : le sommet plat du Mont Saint-Michel vu depuis le nord de Toul.

Photographie P. Labrude, avril 2019.

Il convient de noter que cette liste d’hôpitaux ne restera pas dans cet état, que deux établissements acceptés par notre pays disparaîtront, à Bordeaux et à Saint-Nazaire, et qu’un nouvel hôpital apparaîtra à Poitiers, sans avoir bien sûr été discuté dans le programme général.

La MCLAAA retranscrit cette liste-tableau sous la forme d’un vrai tableau (figure 5) en vue des réunions de discussion du projet et de leurs comptes rendus.

Figure 5 : les hôpitaux du programme et leur capacité.

Tableau sans doute établi en vue de la réunion du 12 septembre 1952. SHD, 12 Q 225-2.

(9)

Ce tableau n’est pas tout à fait identique à « celui » fourni par le commandement américain puisque la Mission y ajoute les hôpitaux de l’USAFE qui, en principe, n’ont pas à y figurer. En effet, d’une part « les aérodromes et les installations destinées à l’armée de l’Air des Etats- Unis » ne font pas partie de la ligne de communication, et d’autre part, à l’été 1952, l’accord qui doit officialiser leur existence n’est pas signé. Il ne le sera que le 4 octobre. Ces installations sont au nombre de trois : les hôpitaux d’Orly et d’Evreux, et un centre de convalescence installé dans un hôtel à Cannes. En réalité les sites définitifs ne sont pas encore choisis. Le tableau mentionne aussi les deux dépôts sanitaires prévus.

Des courriers relatifs au programme sont encore échangés le 7 août et le 2 septembre. Et c’est le 12 septembre qu’a lieu au Secrétariat général permanent de la défense nationale, la réunion qui est destinée à discuter du projet américain du 6 août, et à établir le plan général de construction des hôpitaux

17

. Elle rassemble des représentants de différents ministères sous l’égide de la MCLAAA : Santé publique, Reconstruction et Urbanisme, Intérieur, Défense nationale (Etat-major des armées, Etat-major des Forces armées Guerre, Direction centrale des services de santé). Parmi les projets d’hôpitaux de l’United States Air Force in Europe, seul celui d’Evreux est évoqué au cours de la réunion. Il est précisé en introduction que ce programme général doit être confronté au programme hospitalier français afin de savoir jusqu’à quel point ils sont en harmonie et susceptibles de s’intégrer l’un dans l’autre. Il est rappelé par ailleurs que ces hôpitaux serviront de caserne en temps de paix et quelles sont les distances qui doivent être respectées pour eux par rapport aux cibles militaires et par rapport aux villes. Le représentant de la Direction centrale des Services de santé indique que la planification française et ce programme sont différents, que notre pays ne peut y apporter d’aide (sans doute sous la forme de cession d’établissements) mais que le Service de santé n’a pas d’objection à présenter sur le programme américain.

Les projets d’hôpitaux sont alors examinés les uns après les autres, en accordant une importance marquée à leur localisation et au nombre de lits envisagés. A Orléans, tous les participants pensent que les trois hôpitaux prévus, avec deux mille cinq cents lits au total, dépassent les capacités de la main d’œuvre régionale, et qu’un des établissements doit être déplacé à Tours.

D’une manière générale, les participants préféreraient deux hôpitaux de cinq cents lits à un de mille lits. C’est la recommandation qui émane de l’examen du projet de Vassincourt pour lequel un hôpital de cinq cents lits est préconisé à Saint-Dizier, ville qui intéresse l’US Army. Il en est de même pour Croix-Chapeau qui apparaît éloigné de La Rochelle et qui devrait être remplacé par deux hôpitaux de cinq cents lits, dont un plus proche de la ville. Le nombre de lits à Bordeaux (500) semble faible, et il est souhaité que l’USAFE y construise un hôpital air. Enfin, le site de Vitry-le-François apparaît dangereux en raison de la proximité immédiate de la voie ferrée. Les Etats-Unis savent ce qu’en pense notre pays, mais ils sont attachés à cet emplacement à cause de l’existence du dépôt sanitaire adjoint à l’hôpital. D’une manière générale, est-il précisé alors, on ne devrait pas se contenter des facilités d’obtention des terrains mais se rapprocher des villes. Ainsi le projet de Vassincourt est-il trop éloigné de Bar-le-Duc.

La remarque porte aussi sur Croix-Chapeau car ces deux sites sont retenus en partie au moins parce qu’il s’agit de terrains militaires disponibles. Avant de conclure, la commission évoque encore le cas d’Evreux, où deux sites étaient proposés et où celui du terrain d’aviation ne convient pas. Il n’est pas précisé ici que l’établissement est destiné à l’USAFE. Les autres

17

« Procès verbal de la réunion tenue au Secrétariat général permanent de la Défense nationale, le 12 septembre

1952, Etude du programme général de construction ou d’aménagement d’hôpitaux pour les armées américaines en

France », SHD, dossier 12 Q 225-2, six pages.

(10)

hôpitaux n’appellent pas de remarques et ne sont donc pas cités, et rien n’est dit des dépôts sanitaires. La conclusion du procès verbal reprend ce qui a été souligné à propos de Tours, de Vassincourt et de Bordeaux, et précise à nouveau qu’il faut avoir à l’esprit les nécessités de la défense passive, c’est-à-dire éloigner les hôpitaux des cibles potentielles.

A la suite de cette réunion du 12 au cours de laquelle le projet américain n’a pas subi beaucoup de critiques, M. Leduc écrit

18

le 15 à M. Sturgis pour lui faire part des divers commentaires qui ont été faits sur le programme et sur le tableau déjà évoqué. Nous venons de les envisager : la France ne mettra pas d’hôpitaux à la disposition de l’US Army ; il serait judicieux de couper un hôpital de 1000 lits en deux hôpitaux de 500 lits ; il faut faire attention aux cibles potentielles, donc s’éloigner des villes et des sites militaires ; l’hôpital de Maisonfort serait à déplacer à Tours, car il y a trop d’établissements américains à Orléans et donc beaucoup de cibles potentielles pour l’aviation. Il en est de même à Vitry-le-François

19

. Le 27 septembre 1952, une réponse

20

aux remarques françaises du 15 et à certaines de celles qui avaient été formulées auparavant, peut-être issue d’Eucom, est adressée à M. Leduc par le général Sturgis. Il indique d’emblée qu’il n’y aura pas de changements dans les implantations. Il précise alors que, si l’emplacement et la dimension des hôpitaux obéissent à des considérations stratégiques, leur existence même, c’est-à-dire leur construction, repose beaucoup sur des considérations financières : le Congrès refusera le financement d’hôpitaux purs et n’acceptera que des hôpitaux servant aussi de casernements. En effet, le potentiel hospitalier de cet ensemble d’établissements est très supérieur à celui qui apparaît nécessaire en temps de paix. Aussi, dans le but de ménager les crédits disponibles, le général Sturgis désire faire construire des hôpitaux à usages multiples qui seraient rapidement transformés en établissements hospitaliers au moment où un conflit surgirait. De ce fait, les emplacements choisis sont-ils des compromis entre ces deux types de contraintes et ont-ils dépendu de la nécessité de construire des casernements pour des unités. Ce choix, écrit-il, aura des conséquences bénéfiques pour notre pays car il diminuera le nombre des casernements à réaliser et donc les coûts. Sur le plan des personnels, le général indique que la présence de ces hôpitaux avec leurs effectifs ne causera pas de préjudice à notre pays. Enfin, il a bien noté la préoccupation relative à l’éloignement par rapport aux objectifs, mais le besoin américain est de disposer de casernements et de se trouver à proximité des voies ferrées. Au total, la réponse américaine aboutit donc à laisser le programme tel que les services américains l’ont finalement défini.

Un autre rapport d’examen du projet, sans doute établi par la Direction générale de la Protection Civile et adressé aux préfets

A la suite de la réunion du 12 septembre, il semble qu’un examen du projet américain a lieu dans le cadre du ministère de l’Intérieur et à son usage. Je connais

21

en effet un rapport marqué

« 15 septembre », dont je ne sais pas s’il s’agit de la date de réunion ou de celle de rédaction du rapport, qui est signé « Delport », et qui émane d’une « commission » dont j’ai tout lieu de penser, d’après ce qu’écrit plus tard le préfet de la Moselle à son collègue de la Meuse, qu’elle appartient à la direction générale de la Protection civile. Ce rapport n’est pas identique à celui établi par la MCLAAA, même si, bien sûr, il en est très proche. Comportant quatre pages, il

18

Le courrier de trois pages se trouve dans le dossier 12 Q 225-2.

19

Il apparaît cependant que ni l’un ni l’autre n’a été déplacé, et les deux infrastructures sont toujours militaires en 2020, le premier pour la zone vie d’un régiment de l’arme blindée-cavalerie, et l’autre à l’intérieur de l’emprise d’un établissement du service de santé des armées.

20

Le courrier de deux pages se trouve dans le dossier 12 Q 225-2 avec ceux du 12 et du 15 septembre.

21

Arch. dép. Meuse, dossier 1251 W 2337. Les documents ont été transmis à l’auteur par M. Michel Parisot en

2012. Ils comportent le rapport du 15 septembre de M. Delport, et des courriers de l’administration préfectorale

relatifs au programme de construction et aux débats relatifs au choix du site du futur hôpital américain de Verdun.

(11)

débute par des considérations sur le programme, puis il étudie les projets par région militaire, et ceci sans oublier ceux de l’USAFE. Or, le rapport de la MCLAAA n’évoque pas les trois projets de cette armée, mais seulement celui d’Evreux. L’étude par région militaire est en partie liée au fait que les préfets des départements sièges de région militaire sont « inspecteurs généraux de l’administration en mission extraordinaire » ou « IGAME » et qu’ils ont à ce titre des attributions militaires.

Le document débute par la mention que les Américains disposent de crédits pour des logements, et que, comme les hôpitaux n’ont que peu d’utilité en temps de paix, ils ont résolu de construire des bâtiments « à caractéristiques d’hôpitaux mais qui serviront d’abord au logement ». Les conséquences de cela sont que le choix des emplacements ne répond pas à des impératifs hospitaliers et qu’il ne se révélera peut-être pas judicieux en temps de guerre. Il ne tient par ailleurs pas compte du plan hospitalier « civil ou militaire » français, ce qui signifie qu’au départ des Américains, « la récupération (...) sera dans certains cas dépourvue d’intérêt ». Aussi le rapporteur indique-t-il que le programme a été établi « empiriquement », qu’il « paraît embryonnaire », que « certains besoins de l’Air Force n’y figurent pas alors qu’ils sont connus » et qu’il y a « cloisonnement entre les demandes » des deux services de santé, ce qui « nuit à l’harmonie du programme ». Il poursuit en indiquant que la Mission de liaison « s’efforcera pour remédier » à cet état de choses, d’obtenir des Américains une plus saine compréhension des intérêts de la France et des leurs propres ». De plus, le choix des emplacements est encore contrarié par « l’impossibilité de recourir à l’expropriation », les hôpitaux « n’étant pas interalliés », et de ce fait, les Américains « devront négocier des emplacements qui ne seront pas toujours favorablement situés ». Ces généralités s’achèvent par la mention des distances règlementaires entre les hôpitaux et les villes et les dépôts militaires, avec la notification que ces distances peuvent avoir été perdues de vue, « comme à Croix-Chapeau où l’hôpital doit être construit au sein même d’un important dépôt ».

Le programme est alors détaillé et étudié établissement par établissement, et ceci par région militaire, et on y retrouve dans l’ensemble ce qui s’est dit au SGPDN le 12 septembre : en 1

e

région (Paris), les hôpitaux sont trop nombreux à Orléans pour permettre un recrutement de personnel français ; pour l’USAFE, il est question des deux hôpitaux dont les sites ici sont Saint- Michel-sur-Orge (à un dizaine de kilomètres au sud d’Orly) et Evreux, pour lequel les membres de la commission sont unanimes à refuser « l’installation envisagée » sur le terrain d’aviation (Fauville sans doute où va se situer la base aérienne américaine), le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme recommandant « le choix d’un terrain au nord de la ville ».

En 3

e

région (Rennes), le seul hôpital prévu est à Saint-Nazaire, et la commission demande que l’emplacement permette un réemploi de l’établissement par les services civils français. En 4

e

région (Bordeaux), le rapporteur écrit qu’il a fait « observer que les besoins américains y étaient considérables alors que les moyens français y étaient réduits », et donc qu’il faut y construire un hôpital air et tenir compte de l’évacuation des civils par Bordeaux, d’où des hospitalisations temporaires. Pour les deux autres hôpitaux, Chinon et Croix-Chapeau, les remarques sont celles de la réunion du 12 septembre. Il en est de même en 6

e

région (Metz). Enfin, en 9

e

région (Marseille), l’aménagement du centre de repos et de permissionnaires à Cannes n’appelle pas de remarque.

Ce rapport, dont je ne trouve pas le signataire comme participant à la réunion du 12 septembre

au SGDPN, provient, à mon avis et comme je l’ai écrit plus haut, d’une réunion de commission

du ministère de l’Intérieur, au cours de laquelle le projet américain a été examiné. Le document

soumis à la commission est sans doute la version qui a été traduite en français par la MCLAAA

(qui n’emploie pas le mot « commission »). Ainsi qu’il est mentionné à la fin, le rapport de M.

(12)

Delport est adressé à la direction générale de la Sûreté nationale, à différents inspecteurs IGAME qui sont aussi préfets de départements aux sièges des régions militaires, et aux préfets des départements où il est prévu d’installer ces hôpitaux (Eure, Loiret, Seine-et-Oise, Meuse, etc.).

Le 24 septembre, le préfet IGAME de Metz adresse au préfet de la Meuse « un extrait d’un compte-rendu de réunion au cours de laquelle a été examiné (...) ». Ce document est secret et il est « purement intérieur au Service National de Protection Civile ». Cet extrait provient du rapport de M. Delport et il concerne bien sûr les hôpitaux de 6

e

région, dont deux sont (seront) dans la Meuse, un en Meurthe-et-Moselle et un dans la Marne.

Il est possible d’écrire en conclusion de cet alinéa que ce rapport de la Protection civile est plus précis et plus incisif que celui de la MCLAAA. Il nous fournit des informations que la MCLAAA n’a pas données. Le rapporteur n’a pas hésité à écrire certaines vérités plus directement que la Mission. Ceci ne doit peut-être pas nous étonner. La Mission de liaison a en effet un rôle technique très important, mais elle a aussi une fonction « diplomatique » par ses relations avec l’ambassade, avec les grands commandements et avec les administrations, et nous n’oublierons pas que son chef est à ce moment un diplomate de carrière.

Je suis cependant étonné par plusieurs remarques qui figurent dans la partie générale de ce texte.

En effet, en septembre 1952, beaucoup de choses sont déjà connues sur les négociations avec les Etats-Unis, sur ce programme et sur l’avenir des hôpitaux. C’est ainsi que la mention de l’usage des hôpitaux comme logements est partiellement fausse : ils seront employés en qualité de casernements, mais seulement en partie et seulement pour des soldats, les cadres se logeant autrement. Il y aura aussi d’autres usages. La question des intérêts français et américains est récurrente, et il est bien évident qu’ils ne sont pas en accord. Ce que veut l’US Army, c’est avoir une importante zone logistique en France et pouvoir accéder en Allemagne comme elle en a besoin. Ce que fera un jour notre pays de ces hôpitaux au moment de son départ n’est pas une question d’actualité et celle-ci ne la préoccupe pas ! A propos des expropriations qui deviennent impossibles, la remarque est également étonnante. Ce ne sont pas les Américains qui négocient mais la MCLAAA après que l’accord se soit fait entre elle et la ComZ sur la localisation et la surface du site envisagé. Si beaucoup de terrains appartiennent « déjà » à l’Etat et sont donc retenus par facilité et par économie (Vassincourt et Croix-Chapeau en sont deux exemples), les expropriations restent possibles si l’accord ne se fait pas avec le propriétaire du terrain. A Verdun, l’US Army voulait faire exproprier entre quarante et cinquante hectares de la forêt communale d’Eix-Abaucourt, à l’est de la ville. Le sous-préfet, estimant que la commune refuserait la vente et qu’il faudrait donc en arriver à cette procédure, s’est opposé à cette demande et a fait une autre proposition de site, celle d’un terrain militaire, qui a fini par être acceptée par l’Armée. Enfin, la mention de Croix-Chapeau « construit au sein même d’un important dépôt » appelle aussi une correction : le terrain utilisé est à peu près carré et il est coupé en diagonale par une route intérieure. L’hôpital sera construit sur un des triangles et le dépôt sur l’autre. Ce n’est pas n’importe quel dépôt, c’est un dépôt sanitaire, et on peut donc considérer qu’il ne constitue pas une cible pour l’ennemi potentiel. Il n’y a qu’à Orléans Chanteau que le dépôt associé à l’hôpital n’est pas un dépôt sanitaire.

Les autres remarques sont plus intéressantes. La mention des besoins de l’USAFE est à noter ;

ils sont effectivement connus et les trois autorisations de programme qui figureront dans

l’accord Dunn-Schuman du 4 octobre sont présentes dans ce rapport. Ce qui est absent des

projets et donc des discussions touche au programme de mobilisation des armées américaines,

qui m’apparaît plus tardif (1954 et 1955), et au programme, s’il y en a eu un, des hôpitaux des

(13)

bases aériennes, pour lequel je ne connais aucun projet. Enfin, à Bordeaux, est mentionnée la question des personnes civiles évacuées et hospitalisées temporairement. Il s’agit très vraisemblablement des civils américains employés par les armées et des familles des militaires.

En cas de conflit, il est prévu de les évacuer vers la côte atlantique française d’où ils seront rapatriés aux Etats-Unis.

Au total, ce rapport est extrêmement intéressant par tout ce qu’il nous précise et tout ce qu’il nous suggère sur le programme hospitalier américain dans notre pays. Si certains points et certaines remarques nous étonnent, c’est parce que nous savons aujourd’hui ce qui a finalement été décidé et ce qui s’est réellement passé. Cela n’était pas possible en 1952 et ce qui ressort des délibérations correspond à ce qui pouvait être raisonnablement envisagé à ce moment.

Des retours « aux sources » ?

Si l’on se reporte à l’organisation territoriale qui avait été adoptée de 1917 à 1919 par l’American Expeditionary Force (AEF) du général Pershing, et à la carte des voies ferrées qui reliaient les ports atlantiques au théâtre des opérations sur le front de Lorraine, on s’aperçoit qu’en dehors des considérations stratégiques et logistiques défendues par le général Sturgis, la localisation future des hôpitaux telle qu’elle est prévue à la fin de 1952 obéit aussi à des considérations historiques

22

. La ComZ de la Seconde Guerre mondiale y est présente également.

En d’autres termes les Américains reviennent s’installer là où ils étaient déjà allés trente années ou quelques années auparavant. Il y a même peut-être d’autres symboles, comme Verdun ou Chinon et Jeanne d’Arc. Toujours est-il donc que Croix-Chapeau a été le siège d’une importante gare de triage de l’AEF, que Toul a été un important centre hospitalier américain, que Montoir- de-Bretagne, près de Saint-Nazaire, où devait être créé un hôpital, avait été alors un très important centre logistique, et qu’en 1944 Verdun l’avait été pour l’US Army.

Le démarrage du programme, ses difficultés immédiates et les modifications qu’il subit Le démarrage du programme génère rapidement des difficultés. Le 17 décembre, un problème de liaison est signalé au sujet des installations de Vassincourt, entre le Génie français, et, face à lui, les Américains et le bureau d’études désigné pour l’établissement des plans, John & Drew Eberson. Ces installations comprennent un important cantonnement sous la forme de baraquements sommaires et donc peu confortables, destinés à du personnel américain et polonais affecté au dépôt de munitions de Trois-Fontaines, un hôpital à construire ainsi qu’un dépôt de médicaments et de matériels sanitaires. Pour l’année 1953 qui est proche, en zone avant (Adsec), les deux grands chantiers dont la MCLAAA se préoccupe sont les deux hôpitaux de Vassincourt et de Dommartin-les-Toul, chacun de 1000 lits et pour un montant estimé chacun à 1,4 milliard de francs

23

. Mais le programme prend du retard en raison de l’usage que le commandement américain veut attribuer aux bâtiments comme le général Sturgis l’a écrit le 27 septembre 1952. Cette décision conduit en effet à d’importantes modifications de leurs aménagements intérieurs en raison du fait que les locaux vont accueillir des bureaux destinés à des états-majors, des écoles et des lycées, ou des casernements, en plus de quelques services hospitaliers globalement dotés de quelques dizaines de lits fonctionnels. Nous verrons plus loin quelle est l’organisation en 1964 après la fin du programme et peu avant le retrait américain

22

On peut se rendre compte de ces localisations en consultant la carte de l’Organization of Services of Supply and Location of Major Activities de l’American Expeditionary Force pendant la Première Guerre mondiale.

23

SHD, dossier 12 Q 103-2(2), « Compte rendu sténographié de la conférence des préfets » tenue au Secrétariat

général permanent de la défense nationale le 26 février 1953, 15 p., ici p. 3.

(14)

imposé par notre pays. Ce sont ces usages inhabituels qui ont conduit au titre « Double Purpose Hospitals in France » de la revue militaire Military Engineer

24

.

Le 15 janvier 1953 constitue une date importante pour les constructions car c’est ce jour qu’est activée la Joint Construction Agency (JCA). Cet organisme, implanté rue Escudier à Boulogne- (Billancourt) et qui va employer un nombreux personnel dont beaucoup de civils français, a la responsabilité de l’organisation et du suivi des constructions américaines, tout d’abord dans notre pays et ensuite dans plusieurs pays européens. Le 1

er

avril, elle chapeaute les districts du Génie américain qui s’occupaient jusque-là de cette question : Port District à Bordeaux, Northeast District à Verdun puis Nancy, et North District qui est installé avec elle à Boulogne.

JCA dispose d’un budget de soixante millions de dollars pour la construction et l’aménagement des hôpitaux de l’US Army et de l’USAFE. Mais la tâche est immense en raison du nombre très important de chantiers (deux mille cinq cent projets répartis sur environ cent vingt sites et un programme de quatre cents millions de dollars) et, pour les hôpitaux, en raison des nombreux changements qui interviennent dans le programme et des inconnues relatives aux équipements à installer dans ceux-ci

25

.

Le 9 mars 1953, M. Leduc adresse un courrier au général Mattewson, directeur de la JCA, à propos de Vassincourt, et, le 23, les plans du site et des installations apparaissent défectueux.

Ceci est généralement la conséquence de plusieurs phénomènes concomitants qui entraînent des effets pervers très importants : une absence chronique de liaison avec les éléments français, c’est-à-dire le Génie et les représentants des entreprises, une volonté de rapidité et de réduction des coûts qui conduit les Américains à tenter de supprimer des étapes, et enfin, des changements constants des plans en vue d’essayer d’être toujours au plus près des dernières réalisations techniques et médicales.

Le 10 juillet 1953, divers projets sont annoncés dont celui de l’hôpital à construire à Bersol- Gradignan, dans la banlieue de Bordeaux, avec 500 lits. En octobre, je le trouve sous un intitulé légèrement différent avec le même nombre de lits

26

. Peut-être a-t-il changé d’emplacement ? Cependant, pour des raisons que je ne connais pas, le projet ne verra pas le jour, tout comme d’ailleurs celui de Pessac, presque au même endroit, qui devait comporter 1000 lits, c’est-à-dire être du format dit standard ou emergency. Pourtant d’importants crédits (13,67 MF) ont été engagés en vue de cette construction, et le bureau d’études Pierre O. Bauer de Paris a été retenu pour l’établissement des plans. L’une des hypothèses est que notre pays change d’avis, c’est-à- dire qu’il refuse le projet bordelais pourtant accepté le 12 septembre, pour des raisons d’encombrement de la région, surtout en cas de conflit, comme cela se produit pour l’hôpital de l’USAFE demandé en région parisienne.

Il faut noter aussi la disparition de l’hôpital qui était prévu dans la région de Saint-Nazaire, sans doute tout près du dépôt aéronautique de Montoir-de-Bretagne, et qui devait comprendre cinq cents lits. La raison en est sans doute la constatation de la disproportion existant entre les effectifs américains dans la région, qui sont faibles, et la capacité de l’hôpital. La construction de celui-ci ne pourra donc pas être valablement défendue en vue d’en faire un casernement comme le soutient le général Sturgis auprès de la MCLAAA. Ces projets sont remplacés par la

24

Warren R.B., Military Engineer, 1960, vol. 52, n°349, p. 402.

25

Grathwol R.P. et Moorhus D.M., Building for Peace US Army Engineers in Europe 1945-1991, « US Army in the Cold War », United States Army, Center of military History, Washington D.C., 2005, chapitre 4, « Construction in the mid-1950s », p. 95-120, en particulier les p. 112 et 113. Ces pages sont disponibles en ligne.

26

SHD, dossiers 187-2 et 187-5. Les crédits engagés figurent dans le dossier 12 Q 198-3.

(15)

décision de construction d’un petit hôpital à Poitiers-Chalon, de capacité comparable à celle de son homologue de Vitry-le-François, et par la conservation du petit hôpital de Bussac-Bédenac.

Ce qui a été indiqué plus haut à propos des changements de projets et des difficultés qu’ils génèrent est bien illustré par ce qui suit : le 26 septembre, un document fait état de diverses modifications à réaliser dans les projets de construction, dont plusieurs hôpitaux du programme général : Vassincourt, Verdun, Vitry-le-François, Toul et La Chapelle-Saint-Mesmin.

L’établissement de La Chapelle (figure 6), à quelques kilomètres seulement à l’ouest d’Orléans, constitue un important projet pour le Medical Corps. Sa situation est très particulière puisqu’il se situe près du lieu où se trouve le commandement de la Communication Zone, qui s’étend jusqu’en Allemagne. Il s’agit de transformer rapidement en un hôpital moderne un ancien séminaire qui a servi de caserne puis à plusieurs reprises d’hôpital, tant français qu’allemand, depuis sa laïcisation par la loi de séparation des Eglises et de l’Etat. Il appartient au département du Loiret qui le loue et autorise la transformation des locaux. Celle-ci ayant été effectuée, cet hôpital va rester militaire et américain jusqu’en 1967, alors même que, comme on l’a vu, deux hôpitaux neufs sont prévus à Orléans dans le cadre du programme général.

Figure 6 : l’ancien hôpital de La Chapelle-Saint-Mesmin en juillet 2007. Les escaliers de secours ont été ajoutés lors de la transformation en maison de retraite. Au fond, à gauche, le

bâtiment hospitalier construit en 1960 pour l’US Army, aujourd’hui démoli.

Photographie de l’auteur.

Puis, le 3 octobre 1953, les hôpitaux de Maisonfort, et de Chinon, qui en réalité est à Saint- Benoît-la-Forêt, sont annoncés. Le 18 novembre, un autre document, mal lisible, concerne Chinon et Croix-Chapeau, près de Surgères et La Rochelle : c’est l’hôpital neuf de cette ville destiné à remplacer le vieil établissement qui est à côté de la cathédrale, qui avait été auparavant l’hôpital Aufrédi de la Marine nationale et qui a été remis en service au profit de l’US Army.

Le plan de réquisition américain et ses conséquences

Le plan de réquisition hospitalier qui aurait cours en cas de conflit sur le territoire allemand et qui amènerait le repli des blessés vers les infrastructures du littoral atlantique français, fait l’objet d’un très important échange de textes et de notes en 1954 et 1955 entre les états-majors français, la MCLAAA et le commandement américain

27

. Le programme général de construction et d’aménagement est concerné par ce plan car les besoins américains se partagent entre les futurs hôpitaux neufs avec leur potentiel de 9500 lits et des infrastructures à réquisitionner et à aménager qui doivent aboutir à une disponibilité totale de 15000 lits. Certains textes envisagent

27

SHD, « Hôpitaux U.S. en temps de guerre », dossier 12 Q 106-3, déclassifié le 28 novembre 2013.

(16)

même un total de 24500 lits, issu de l’addition des deux chiffres, ce qui accroît beaucoup la difficulté du travail des planificateurs. En effet, le nombre de lits obtenu par voie de réquisition d’infrastructures françaises au profit de l’US Army est d’autant moins élevé que celui des lits fournis par les hôpitaux neufs américains est plus grand, c’est-à-dire que le programme de construction est plus avancé. Cette situation interfère avec le travail des services planificateurs français qui ont aussi à prévoir une adaptation du système hospitalier civil et militaire et une réquisition de bâtiments. Il est évident que moins les Américains en demandent et plus il en reste pour les besoins français !

Il faut donc se consacrer activement et hâtivement à la réalisation du programme. Et c’est en effet ce qui se produit à ce moment avec la mise à disposition des terrains français et leur aménagement, qui incombe à notre pays puisque le sol lui appartient. Le terrain de Chanteau à Orléans, qui va accueillir un dépôt logistique

28

et un hôpital de 1000 lits, est mis à disposition en avril 1954. Et, dans le courant de l’année, les bureaux d’études, qui vont avoir la tâche de dresser les innombrables plans, sont choisis par le commandement américain. La plupart sont américains, certains sont suisses, quelques-uns sont « plus ou moins français » parce qu’ils disposent d’un bureau à Paris bien qu’étant fondamentalement américains. Le choix par le commandement américain est libre, à ceci près que l’emploi de bureaux allemands est considéré comme inopportun par notre pays. La question allemande reste en effet un sujet très sensible dix ans seulement après la fin de la Seconde Guerre mondiale, et ceci est particulièrement vrai dans le grand est. C’est ainsi que l’évocation du choix d’un tel bureau ou de la présence réelle ou supposée de personnels allemands sur les chantiers y fait grand bruit et conduit à des articles dans les journaux et donc à la réalisation d’enquêtes. Deux exemples me sont connus en Lorraine, l’un au dépôt de Woippy au nord de Metz et l’autre à Verdun

29

. Toutefois, ce type d’information n’est généralement pas fondé.

Les travaux progressent en dépit des diverses difficultés qui ont été évoquées plus haut, et surtout peut-être en dépit d’un arrêt prolongé des travaux sur le chantier de quatre hôpitaux par suite d’une protestation des entreprises. Nous l’envisagerons un peu plus loin dans un point particulier. Selon Grathwol et Moorhus déjà cités, le programme définitif d’hôpitaux et de dépôts sanitaires débute en cette année 1954. Le projet de l’hôpital de Viry-Châtillon est abandonné en 1956. En juillet 1957, 40% du programme sont déjà réalisés et, en 1958, six des hôpitaux sont en service. Ceci signifie que malgré les aléas rencontrés, l’US Army a pu envisager l’inauguration des établissements qui lui sont destinés. Celle de Chinon a lieu le 1

er

juillet 1956, celle de Verdun le 18 octobre 1958 et celle de Croix-Chapeau, à Aigrefeuille d’Aunis, le 22 mai 1959.

Le grave conflit ayant entraîné l’interruption de plusieurs chantiers et ses conséquences

Revenons donc un peu en arrière. Le 26 mars 1955, un conflit qui va conduire à une interruption prolongée des travaux débute sur le chantier de l’hôpital de Dommartin-les-Toul. les difficultés toucheront trois autres hôpitaux du programme : Maisonfort, Chinon (Saint-Benoît-le-Forêt), Vitry-le-François (Marolles-Frignicourt), et aboutiront à la signature d’accords franco- américains destinés à éviter ces graves perturbations. Celles-ci sont dues aux changements de plans occasionnés par les décisions fréquentes et pas toujours opportunes des services

28

Blanquet H., « Les installations américaines d’Orléans. II », La République du Centre, 27 mai 1959, p. 4 ; Menudier R., La présence américaine à Orléans dans le cadre de la défense atlantique (1950-1967), mémoire de maîtrise d’histoire, université d’Orléans, 1991, 144 p., ici p. 56-59.

29

Ceci est rapporté dans le dossier SHD 12 Q 185-1 pour Woippy et 12 Q 187-2 pour Verdun. Le quotidien local

de Verdun consacre un article à cette question les 7 octobre 1952 et 1

er

décembre 1952.

(17)

constructeurs américains, qui irritent profondément les entreprises françaises adjudicatrices car elles empêchent les travaux d’avancer correctement, elles conduisent à des retards, voire à des démolitions et à des reprises, et elles sont bien évidemment coûteuses. Cette affaire entraîne l’arrêt du chantier toulois et elle se prolonge jusqu’au 15 mars 1956, jour de la signature d’un avenant entre le directeur des Travaux du Génie et l’entrepreneur. Ceci représente donc une interruption de presque une année complète. Une correspondance à son sujet est connue entre le 26 mars 1955 et le 6 avril 1956. Mais un avenant au contrat général a déjà été signé le 16 juillet 1955, accroissant le montant du marché de plus de 90 millions de francs et augmentant les délais de plus de deux cents jours par suite des modifications intervenues dans les installations. Les travaux reprennent le 17 mars 1956.

Le 9 décembre 1955, une entrevue entre le directeur central du Génie au ministère de la Défense nationale et le directeur de la Joint Construction Agency (JCA) conduit à un accord de principe relatif à la signature d’un second avenant tenant compte de l’expérience des autres chantiers touchés par cette situation. Il est décidé que cet avenant sera similaire à celui conclu sur le chantier de Maisonfort. Mais l’affaire est beaucoup trop grave et importante pour s’arrêter comme cela. Un protocole franco-américain confidentiel (que les entreprises ne doivent pas connaître), destiné à fixer la procédure à suivre si le programme initial est bouleversé (sic) est signé le 19 décembre 1956. Il est adressé à la direction centrale du Génie à destination de ses directions régionales par le secrétariat d’Etat aux Forces armées le 3 janvier 1957. Ces directions doivent, en retour, signaler les modifications subies par les programmes, susceptibles de générer des réclamations par les entreprises, et donc de déclencher la procédure du protocole.

Comportant deux pages et trois points, le document est signé par le major général Robinson, directeur de la JCA de Boulogne, et le chef de la MCLAAA, M. Delbard.

En dehors des difficultés occasionnées et du retard apporté à la conclusion du chantier, quelles sont les autres conséquences de ce conflit ? Au total, compte tenu de ce grave incident, la construction de l’hôpital de Dommartin subit un important retard. Celui-ci est par ailleurs responsable d’un accroissement notable de son coût. Six avenants se sont succédé, les deux derniers étant approuvés le 23 avril 1958, donc à la fin de la construction, et le montant de celle- ci est ainsi passé de 1,183 milliard le 2 octobre 1954 à 1,407 milliard le 23 avril 1958.

Remarquons toutefois qu’en dépit de cette augmentation, le chiffre de 1,4 milliard était celui qui était annoncé en 1953 dans les documents de la MCLAAA pour les établissements de Toul et de Vassincourt !

Quel bilan pour un programme « national », ambitieux, coûteux et urgent ?

Bien que le programme ait été retardé, il a néanmoins été presque entièrement mené à son terme.

Des modifications d’échelle ont réduit la taille de l’hôpital de Vitry-le-François, qui est passé

de cinq cents lits à deux cent cinquante. En dehors des deux grands couloirs en forme de croix

et des bâtiments avant et arrière, il ne comporte que quatre pavillons d’hospitalisation du

modèle « long » qui abritent aussi les salles d’opération et les services techniques. Autour de

lui sont présents la chaufferie, l’entrepôt, le château d’eau et les annexes habituelles. L’hôpital

de Poitiers, dit « de Chalon » (figure 7), qui s’est substitué à des réalisations supprimées,

présente une capacité similaire. En effet, la seule différence notable par rapport à Vitry, est

l’existence de cinq pavillons d’hospitalisation, dont deux courts (à droite sur la photographie),

qui équivalent ensemble à un pavillon long. Les annexes sont identiques, à l’emplacement près.

(18)

Figure 7 : l’hôpital de Chalon, à Poitiers.

Photographie de la collection J.-P. Mercier, aimablement offerte à l’auteur.

Par ailleurs, deux hôpitaux n’ont pas été terminés. Il s’agit de l’hôpital d’Orléans, dit « de Chanteau » et celui de Vassincourt. A Chanteau (figure 8), il manque une importante partie médiane, ce qui veut dire que « l’hôpital » est constitué de deux morceaux séparés par un grand terrain, comme on le voit sur la photographie.

Figure 8 : l’ancien hôpital-école de Chanteau, état actuel.

Photographie offerte à l’auteur par le Service de santé des armées.

A Vassincourt, la construction a pâti d’hésitations que, pour l’instant, je ne comprends pas.

D’un hôpital de mille lits du modèle habituel avec ses bâtiments annexes, le projet s’est transformé à la fin de la décennie en un casernement constitué de seulement trois des pavillons d’extrémité d’un hôpital. Celui-ci apparaît avoir constitué le dernier grand chantier engagé dans notre pays alors qu’il avait été prévu très tôt, et cette réalisation a abouti à un ensemble qui ne ressemble nullement à un hôpital américain… Dépourvu du bâtiment administratif avant et de celui de la restauration ainsi que des grands couloirs qui constituent une croix au centre de l’établissement, il n’est formé que de trois pavillons d’hospitalisation reliés par un couloir central. Ceux-ci auraient dû constituer une des extrémités latérales de l’établissement terminé (figure 9)

30

.

30

Labrude P., « La Communication Zone dans la Meuse, à l’époque de l’intégration à l’OTAN. L’armée américaine

à Vassincourt de 1952 à 1967 : le dépôt médical, l’hôpital et les unités du Génie et des Transmissions », Bulletin

des sociétés d’histoire et d’archéologie de la Meuse, 2010-2011, n°42-43, p. 125-166.

(19)

Figure 9 : plan américain de l’hôpital de Vassincourt. Collection de l’auteur, photographie issue des archives de la Caisse d’allocations familiales de la Meuse.

Une fois ces hôpitaux considérés comme « suffisamment terminés », le Medical Corps les ouvre à une utilisation médicale et chirurgicale au profit de ses soldats, de ses ressortissants et de leurs familles. En réalité, ils ne sont pas achevés et ils ne le seront pas en 1967 au départ des Américains, comme le prouve le dessin présenté sur la figure 10, issu des archives du CHR de Nancy.

Figure 10 : L’état de finition des différents locaux de l’hôpital Jeanne d’Arc de Dommartin- les-Toul au moment de sa restitution par l’armée américaine en 1967.

Document offert à l’auteur par le CHR de Nancy en 2007.

Le nombre des services ouverts est limité à quelques-uns et celui des lits actifs est seulement

de quelques dizaines, en particulier en médecine, chirurgie et gynécologie-obstétrique. En effet,

en dehors du fait que la situation est calme, les cas graves sont transférés à La Chapelle-Saint-

Mesmin (Orléans) ou en Allemagne, cependant que les bases aériennes disposent chacune d’un

(20)

petit hôpital

31

. De plus, les autorails et les trains sanitaires américains viennent régulièrement dans notre pays

32

. Les locaux des hôpitaux, non utilisés à des fins médicales, sont employés pour d’autres usages comme nous l’avons vu plus haut : casernements, locaux administratifs et établissements d’enseignement.

La situation au terme du programme et de la présence militaire américaine en France Quel est la situation des hôpitaux au moment où l’US Army est amenée à quitter notre pays en 1966-1967 ? Comme le montre la figure 11, cet ensemble d’établissements hospitaliers couvre en totalité le grand arc de cercle que représente la ligne de communication américaine. C’est dans l’ensemble ce que voulait le commandement de celle-ci.

Figure 11 : les hôpitaux de l’US Army en France au terme du programme de construction.

Carte K. Bensaadi et P. Labrude, 2015.

Comme nous l’avons vu, certains établissements ont été agrandis par rapport au projet initial, d’autres ont été revus à la baisse. Ils ont ensuite été réalisés selon le schéma prévu, à l’exception de deux d’entre eux qui n’ont pas été terminés. Les retards successifs et d’origine non précisée dont on trouve trace dans les archives à propos du projet de Vassincourt ont abouti, après un délai de plusieurs années, à la construction de seulement trois bâtiments et, à côté de lui, à la conservation d’un important camp de baraquements Fillod et de Quonset Huts. J’ai essayé récemment de comprendre et d’expliquer ce qui s’était produit pour ce chantier

33

. Mais tout n’est pas clair dans mon esprit. Il faudrait pour cela découvrir de nouveaux documents. Ce qui est certain, c’est qu’au moment où la construction commence, en 1958 seulement, il ne s’agit plus d’un hôpital mais bel et bien d’un casernement, même si son plan est celui d’un morceau d’hôpital… Pour sa part, le projet de Chanteau à Orléans n’a pas non plus été mené à terme, là aussi volontairement, en vue de réaliser un lycée. Comme il existe un bâtiment complet du même modèle à Maisonfort, à quelques kilomètres, et bien qu’il soit employé non pas comme hôpital mais comme bâtiment d’état-major annexe de la caserne Coligny, et comme il y a un vrai hôpital à La Chapelle-Saint-Mesmin à une autre extrémité de l’agglomération orléanaise,

31

Antoine P.-A., Labrude P. et Loubette F., « Les hôpitaux français de l’United States Air Force in Europe (USAFE) », dans : Les Américains en France. La Communication Zone 1950-1967, tome 1, Editions Gérard Louis, Haroué, 2017, p. 67-81.

32

Antoine P.-A. et al, op. cit., p. 82-86.

33

Labrude P., « La construction de l’hôpital militaire américain de Vassincourt (Meuse) au cours de la décennie

1950-1960. Un exemple des difficultés de planification et de collaboration technique entre les Etats-Unis et la

France », Archives ouvertes HAL, hal-02433460, 9 janvier 2020.

Références

Documents relatifs

l’interprétation des résultats Les essais sont réalisés dans des conditions environnemen- tales de laboratoire alors que les conclusions qui doivent être tirées correspondent

Cet article illustre, dans la situation du handicap auditif, quelques caractéristiques de l’objet lien, tel qu’il s’actualise dans la famille et se reproduit dans une

Considérant que, statuant sur les pourvois formés par les sociétés Les Grands Moulins Storion, Les Grands Moulins de Paris, Les Grands Moulins de Strasbourg, Les Grands Moulins

135. Tatex, anciennement TAT Express, est une société proposant des services spécialisés à haute valeur ajoutée, comme la livraison de nuit ou la livraison synchronisée, dans

1361.Elles indiquent que ces précédents ont, à tout le moins, « une valeur indicative en ce qui concerne l’existence de discriminations », comme l’ont jugé le Tribunal de

25 Les tergiversations des hôteliers aixois avaient fini par exaspérer les autorités militaires, si bien que le médecin directeur du Service de santé de la 14 e

The method used was an analysis of all suicide articles in Switzerland over a time period of 8 months applying a new rating system for imitation effect The rating scales were based on

Nous allons successivement envisager les premières demandes sanitaires américaines, l'évolution des idées en faveur de la construction d'hôpitaux neufs, la demande faite