CHAPITRE
IL'Effort Colonisateur Français au Canada
1608
-1672
E 1608 à
1629, laFrance n'eut guère sur
lesrives
du Saint-Laurent que des postes de
traite
cupidement
exploitéspar
lesCompa-
gnies de commerce maîtresses absolues du
sol et
du
fleuve. Il estbien
vraique
les titresroyaux qui leur furent octroyés
les obligeaientà peupler
leCanada
età procurer
l'évangélisationdes sauvages, mais
leurspromesses restèrent
vaines.Champlain,
les
Jésuites
et lesrares
agriculteurs qui,comme
lesHébert
et les Couillard,osaient planter
labêche dans
le solvierge du cap Diamant,
étaient,aux yeux de ces mercantis rapaces, des
êtresmalfaisants dont
ils s'effor-çaient de ruiner
leprestige auprès des
naturels.La Compagnie des De Caen
semontra
particu-lièrement
hostileà l'œuvre de
la colonisation. Elle résolutmême qu'on ne
défricheraitpoint
la terre,mais qu'on enverrait chaque année des provisions de bou-
che. Elleen
fournit,en
effet,mais en trop
petite quantité.Dès
1626, la disette se fit sentirà Québec
;en
1627,ce
fut lafamine avec toutes
ses horreurs.Champlain, outré de ce lâche abandon, chargea
leP.
Lalemant de porter
ses plaintesdevant
Richelieu.2
ZÊPHIRIN PAQUET
Le
Cardinal, qui aimait lesgrandes
entreprises,forma
alors laCompagnie de
laNouvelle-France
dite des Cent-Associés.Les
premiers effortsde
cette so- ciétépour
secourir la colonie expirante sont dignes d'éloges. Elleembarqua
des vivres,des
munitions, des colons.Tout
fut prispar
les Anglais qui, sous laconduite des Kirke, croisaient
dans
leseaux du
Saint- Laurent.Québec succomba
le 19 juillet 1629.Le moment
était critique. Serait-il ditque
laFrance
quitteraitpour
toujours le solcanadien
?Champlain
allait-ilen
désespéré,abandonner
le rêvede
sa vie ?— Non. Sur son
conseil cinq famillesdemeurèrent
1, sentinelles vigilantes et gardiennesdes
premiers sillons.La Nouvelle-France
devait vivre.L'énergie
de son
fondateurtriompha de
toutes les difficultés.Le
traitéde Saint-Germain annula
la prisedes Kirke
etChamplain
reparut victorieux sur lecap Diamant.
C'était le 23mai
1633. Prèsde deux
centscolons2, fraîches recrues, l'entouraient.
Quand
ileut
saluéchapeau bas
sa terre chérie,quand
il eutd'un
gestesuperbe montré à
tout cemonde
sous les flotsde
lumière qui descendaientdu
ciel, et le fleuveimmen-
se, et les prés
verdoyants
et lescoteaux
boisés et lesmontagnes
lointaines, legrand homme tomba à
ge-noux
;un
cride
gratitudemonta de son cœur à
ses lèvres : "Notre-Dame de
laRecouvrance,
priezpour Nous !" Et
les colonsémus
se signèrent.Sous
la1
En
tout 21 personnes.N.-E. Dionne donne dans sa vie de Champlain le mouve-
ment
delapopulationduCanada
de 1608 à 1629 (Vol. 1 1, p. 420).
2 Les passagers du Saint-Pierre, du Saint-Jean el du
Don
de Dieu étaient exactement cent quatre-vingt-dix-sept
y
comprisles
hommes
de l'équipage.SA FAMILLE
3protection
de l'Immaculée
ViergeMarie
3, leCanada
français devait prospérer
rapidement.
Eh
1634,nous
relevons soixante arrivantsdont quarante-deux
conduitspar Robert
Giffard, cetype du
seigneur colonisateur,qui
organisades
levéesd'hommes dans
le Perche.En
1635 et 1636débarquè-
rent aussi
à Québec des
contingentsde quarante
et quarante-cinq colonsdont
la plupart se fixèrentà Beauport
et sur la côtede Beaupré. Tous
ceshommes
étaient d'excellents chrétiens. Il faut lire
dans
lesrelations
des
pères Jésuites lespreuves
sensibles qu'ilsdonnaient de
leur foi etde
leur piété. Ily
avaitparmi
eux
des cultivateurs,des
ouvriersde
toutes.professions etmême des
familles nobles, telles lesCheffaut de
laRegnardière, seigneur
de Beaupré,
lesLe Gardeur de Repentigny
etde
Tilly, lesLe Neuf de
la Potherie etdu Hérisson
4.Le mouvement de
la colonisationdu Canada
étaitdonc suffisamment
déclenchéen
France. Allait-il se maintenir ?La compagnie des
Cent-Associés s'était engagée, d'après ses statuts,à augmenter chaque année
le
nombre des
colons jusqu'à atteindre le chiffrede
quatre milledans
l'espacede quinze
ans. Elle devaitde
plus nourrir, loger, entretenirlesnouveaux
arrivantspendant
les trois premièresannées
et les pourvoirde
terres cultivables.
3
La
chapelle bâtie par Champlai* en 1633, en l'honneur de Notre-Dame de Recouvrance, fat placée, le 7 décembre 1636, souslevocablede1'Immaculée-Conception. 11y
eutàcetteocca-sion fête solennelle et réjouissancespubliques.
4 Ces deux dernières familles qui arrivèrent au
Canada
en 1636 comptaient à elles seules quarante-cinq membres.4
ZÊPHIRIN PAQUET
Tout
celademandait des dépenses
considérables et laCompagnie
les fitgénéreusement. Jusque vers
1640,
on ne manqua de
rienà Québec
;mais, à
partirde
cette date, le zèlede
laCompagnie
se ralentit ; ilse
forma au
seinde
lagrande
sociétéune
petitecom- pagnie de marchands à
laquelleon abandonna
la direc-tion
des
affaires.Dès
lors, lesystème de
lamoindre dépense fut mis en
pratique.On n'envoya
plusqu'un
petit
nombre de
colons, et l'ontrouva plus commode
de concéder des
terresà des
particuliersrésidant en France, obligeant
ceux-cid'envoyer
et d'entretenirdes défricheurs à
leurs frais.En
1645,à
lademande de
quelques colons
notables, laCompagnie céda aux ha-
bitants le privilège
de
la traitedes
pelleteries ;mais, tout en gardant
ses droits, elle sedébarrassa sur eux de toutes
sescharges
: entretiendes
missionnaires, soldedes
militaires,paye du gouverneur, réparation des
forts eten général de toutes
lesdépenses
nécessairesà
l'entretiende
la colonie.C'est
ainsique pendant
laguerre iroquoise
leshabitants du Canada se trouvèrent
livrés
à
leurs seules ressources,sans
soldats,sans mu-
nu
tions,sans défense
5.Toute autre
fut l'actiondes Pères
Jésuites.Sans
bénéficepersonnel,
ilsdonnèrent à l'œuvre de
la coloni-sation
comme à
cellede
l'évangélisationdes
tribussauvages, tout
leurdévouement, tout
leurcœur
d'apôtres, leur vie
même. Leur
influenceauprès des grands
attirèrentà l'œuvre naissante des dons appréciables qui permirent
lacréation du
collège5
Au
début de 1640, la petitecolonie française deQuébec
ne comptaitpasplus de274 personnesdont
57 néesau
pays.(B.Suite
—
((. Histoire des Cau.-Frs, )) vol. II.)SA FAMILLE
5de
Québec,
cellede
l'Hôtel-Dieu,du couvent
desUrsulines et
de
la missionde
Sillery.On
doitreconnaître surtout que,
par
les relations annuellesde
l'état
de
leurs missions, les pères Jésuites firent plus pour la colonisationdu Canada que
tous les effortsde
la
Compagnie des
Cent-Associés.Ces
précieusesannales lues et
répandues
partoutdonnèrent
sur leCanada,
ses richesses et ses habitants des idées claires, précises et, ce qui est mieux, la piété quien
animaitles
pages détermina un grand nombre de
personnes, soit à passerau Canada,
soità
consacrer leur fortuneà
l'évangélisation
de
ce pays.Toute
l'histoirede
la fon-dation
de Montréal
se rattacheà
la lecture des Ke/a-tions de la Nouvelle-France, et c'est conseillé et guidé par les pères Jésuites
que M. De
laV**™™***
blitla Société
de Notre-Dame de Montréal
(1639-1640).Le
postede Montréal, commencé en
1642,avec
vingt personnes, atteignit les chiffres
de quarante- deux en
1643 etde
soixante-dixen
1644.Et
direque
cettepoignée de braves
allait soutenirpendant
vingt ans,une
luttedes
plus inégales, contre lestribus Iroquoises qui
méditaient
la ruinecomplète
desFrançais
!La
guerre iroquoisedura pratiquement
trente ans(1636-1666)
; elle présente troisphases
dis-tinctes :
1°
De 1636 à
1648, les Iroquois, divisespar
petitesbandes de
vingt, trente,cinquante ou
centhommes,
harcèlentà
la fois lesHurons,
lesAlgonquins
et les Français. Ils se glissent
à
travers bois, le longdes
rivières etdu
fleuve, se postentà
tous lespassages et
tombent à
l'improviste sur leshommes
isolés
ou
lesbandes moins nombreuses.
6
ZÉPHIRIN PAQUET
2°
En
1648, toutes les forces iroquoises setournent
contre lesHurons
quitombent
victimesde
leur fureur.Ceux qui échappèrent à
leursenne- mis cherchèrent un
refugeparmi
les nations voisines.Six
cents
d'entre cesmalheureux
atteignirentQué-
bec, le
26
juillet 1650,sous
laconduite du Père Ragueneau.
3° Restaient
les trois postes françaisde Qué-
bec, Trois-Rivières et
Montréal. Dès
1651, les Iroquois résolurent leur perte. C'est alorsune
vraiechasse à l'homme
organisée tout le longdu
Saint-Laurent.
"
Ilsne nous
laissaientpas un
joursans
alarmes,nous
lesavions constamment
sur lesbras
", écritun contemporain. Cachés dans
les ravines, les plisde
terrain, derrière lessouches ou perchés en
sentinellesau sommet des
arbres, ilsattendaient
les travailleurs, guettaientceux qui
s'écartaientdes maisons,
faisaient leurmauvais coup,
se dispersaient, puisrecommençaient
plusloin.
Cette
guerresans
relâcheépuisa
la colonie et"
la crainte
des
Iroquois avait tellementabattu
lescœurs qu'on ne
vivaitplus que dans
lesappréhen-
sions
de
lamort
6 ".Un grand nombre de
colons perdirent la vie et la libertédans
ces luttes épiques.Le poste de Montréal
fut le pluséprouvé. En
1651, il
ne
possédait plusque cinquante hommes.
Il
eut certainement succombé sans
le secoursoppor-
6 Marie de l'Incarnation. (Lettres.) Elle écrit encore à
la date du 30 août 1650 : "
Ni
nous, ni tout leCanada
ne pour- rons subsister encore deux ans sans secours. Si ce secoursman-
que, il nous faut ou mourir ou retourner en France. "
SA FAMILLE
7tun
de
cent cinqbonnes
recruesamenées de France
par
M. de Maisonïieuve en 1653
7
.
En
1660,une grande
levée d'Iroquois jeta laterreur
jusque dans Québec. La
ville fut barrica- dée et lesmurs des couvents
percésde
meurtrières.La population
entière semit sous
lesarmes
etfit le
guet
nuit et jour.L'ennemi ne parut
pas.On
sut plus
tard pourquoi
:Dollard des Ormeaux
etses seize
héroïques compagnons avaient par
le sa-crifice
de
leur vie brisé leur élanau Long-Sault
.Cependant
l'inquiétude régnait partout.A Mont-
réal plus
exposé par
sa situationmême,
le périliroquois
devint
siredoutable que M. de Maisonneu- ve
obligea lapopulation à
se retirerdans
le fort tandisque
lagarnison
se tiendraità
1 hôpital9.On
n'osait plus sortir
de sa demeure qu'en armes
etune
fois sorti l'on n'étaitpas
sûr d'y rentrer10.En
1661, soixante-dix français
dont
vingt-troisà Mont-
réal et
quatorze aux
Trois-Rivières furent pris et tuéspar
les Iroquoisen moins de quatre mois
11.7
La
copulationdu Canada
était en 1653 de 675 âmes dont4WàQS£^?««Ti^^
(B' Su1'te, H. des C.-F. vol. III.)
3 »
Il est certain, écrit Marie de l'Incarnation, que
^
rerre rencontre nous étions perdus sans ressource. Les
Ke
<&«t
aussi : "Tout
étaitperdus'ilsneussentperi et leur malheur a sauvé le pays.
1 Et
cela dura quatre anset demi (1651-1655). (Lettre d.J. Mance.) . , t , .
10 »
La
nuit on n'eût pas osé ouvrir la porte et le jour oi• «*
^
«lier àauatre pasde samaison sans avoirson rusil, so:"rS e^n pLX?^
Voilierde Cassen, " Histoiredu Mon,
réal **)
rC
"il
On
peut évaluer à 200 le nombre des victimes de cettrre. C'était beaucoup pour une colonie naissante.
guerre.
8
ZÉPHIRIN PAQUET
Devant
cette désolation généraleque
firent laCompagnie des
Cent-Associés.. lesgouverneurs
et laFrance
?La Compagnie, nous
l'avons dit, fitson
devoirjusque
vers 1645. Elle avait jetédans
ses entre- prisesdes sommes
considérables.Ses
pertes furenténormes
12.De
là,sans
doute, le soucide
sesmem-
bres
à
rejeter lescharges
etdépenses
sur laCom-
pagnie des Habitants
13.A
partirde
cette date, lenombre de cent
associésdiminua graduellement
;on n'en compta
plusque quarante-cinq au moment
de
la dissolutionde
la société,en
1663.Impuisante à
recruterdes
colons,impuissante à trouver des
soldatspour
les défendre,impuissante à
réaliser les ressources financières indispensables, la
Compagnie des Cent-Associés devait
disparaître.Les gouverneurs, bien que nommés par
le roi.dépendaient de
la société qui administrait lepays
et virent leur action paralysée
par
l'inertiemême
de
celle-ci.M. de Montmagny gouverna avec
sa- gesse.Avec peu de
ressources,mais beaucoup
d'énergie et
de
persévérance, il fortifia la colonie et sut maîtriser les Iroquoispar
le prestigede son nom.
M.
d'Ailleboust prit legouvernement au mo- ment où
les Iroquois se précipitaient sur lesmal- heureux Hurons.
Il assistaimpuissant à
leur des- truction.M. de Lauzon, nommé gouverneur en
12
En
1645, elle avait déjà dépensé 1,200,000 livres outre lerevenu
du
pays ; 400,000livres restaient encoredues àses créan-ciers. (Edits et ord. royaux I, 28-29.)
13 L'abbé Ferland a reproduit dans son histoire, vol. I p.
338, les principales clauses
du
traitéentre lesdeux compagnies.SA FAMILLE.
91651 aurait
du
êtrepar sa charge même d'Intendant de
làCompagnie des
Cent-Associés, le plusapte a
protéger la colonie, il
ne
semontra qu un
vieillarddébile plus faible
encore que
ses devanciers.M. d'Argenson
(1658)trouva
lepays
sur lebord de
l'abîme,en
proieà
laguerre
iroquoise.Le
triste état
de
la colonie, l'impossibilitéoù
il se vitde remédier à
sesmaux,
fautede
ressources etde
sol-dats, l'affligèrent
jusqu'à
lui faireperdre
la santé.Il
demanda son
rappel.M d'Avaugour,
soldatde
profession, s'inté- ressavivement à
l'avenirdu Canada.
Iladressa au
roi
un mémoire où
il peignait la triste situationdu pays
etréclama des
soldats etdes co ons
PierreBoucher, avec
lesdoléances des notables de
la co- lonie,porta au
roi la lettredu gouverneur. Louis
XIV
entretintlonguement ce vieux canadien
et luiaccorda cent
soldats etdeux
cents colons .De
plus,
M. Dumont, inspecteur
royal devait.vérifierl'état
du pays
eten
fairerapport à Sa Majesté.
L'arrivée
de M. Boucher
etde M. Dumont à
Québec (1662)
suscitaun
vifenthousiasme. Par- tout on
fêta l'inspecteur royalqui put
se convaincre, selon l'expressionde Marie de
l'Incarnation,que
l'on
peut
faireen
cepays un royaume
plusgrand
etplus
beau que
laFrance".
Cette même année
1662,Mgr de Laval passa
en France pour
plaider, lui aussi, lacause
de
la co-lonie expirante.
Le Roi
pouvait-il restersourd a
tant
de
suppliques, insensibleà
tantde malheurs
?14 Malheureusement la moitié de ce convoi périt en mer,
du
scorbut.
10
ZÉPHIRIN PAQUET
Non, évidemment. Aussi Louis XIV, dès
qu'ileut
prisconnaissance des
affairesdu Canada prétendit régner en maître sur
lesbords du Saint-Laurent
comme sur
les rivesde
la Seine.Le 24
février 1663,il retirait
à l'impuissante Compagnie des Cent- Associés,
ses droitset
privilèges15.Cet acte d'au-
toritémarque pour notre pays
ledébut d'une ère de prospérité d'où
sortiraréellement une France nou-
velle.
Colbert
fidèle interprètedes volontés du Monarque
se mit à l'œuvre.
Il fallait
au Canada un gouvernement
: legrand ministre créa
leConseil Souverain
16. Il fallaitune
autorité judiciaire et
des
lois fixes :Québec
fut érigéen Prévôté, et
laCoutume de Paris rendue
obligatoiredans toute
la colonie17. Il fallaitun administrateur des biens
etdeniers royaux,
etl'Intendance naquit
18.Il fallait
une aimée capable de réduire
les Iroquois, etlerégiment de Carignan débarqua sur nos
rives. Ilfallait
des colons pour
cultiver le sol, etColbert
résolutd'en envoyer
troiscents par année.
Il fallaitune
-
administration
religieuse, et l'ondonna au Canada un grand évêque doublé d'un
saint.15 Considérant
que
lacompagnie
des Cent-Associés est presque anéantie par le désistement volontairedu
plus grandnombre
de sesmembres
etque
lepeu
qui reste n'est pas assez puissant pour soutenir ce pays et poury
envoyer les forces etles
hommes
nécessaires tant pour l'habiterque pour
le défendre, nous avons pris la résolution de retirer desmains
de lacompa-
gnie qui en a fait démission à notre profit, déclarons que^tous ses droits soient et
demeurent
unis à notre couronne. ' (Edits royaux.^ 1663, vol. I, 31.)1 6 Edits et ordonnances royaux, II, 37
—
avril 1663.17 " " " I, 46 et 90
—
avril 1664et
mai
1677.18 " " III,
33,—
23mars
1665.SA FAMILLE
11Depuis
cinqans
déjà,Mgr de Laval
travaillât, avecun
zèle intransigeant et tout apostohque,a
dé-cèles abus
età
préserverson troupeau des
préjuges2£I ^
.663,Louis XIV
l„i laissait
chose
rarechez ce
souverain autocrate,Ïoi du nouveau
gouverneur.M de Mésy trompa
s
eSrances de son
évêque,mais
ildura peu
et
des
ÏZes
d'autretrempe
prirenten mam
les intérêtsdu
pays.Ces hommes
s'appelaientde Tracy, *£r^
Talon
• troisnoms que
toutCanadien epeUe avec mais que nos
pèresde
1665 durent parère-
»
n
t chérirCes
iUustres personnages,en
effet,ne
veÏÏe^
seuls.Du
19 juinau
14septembre de
I!tTalée, débarquèrent à Québec douze
cents sol-dlue^S de
cinq cents colons. C'était le seoourssi
Seront
sollicité et siimpatiemment
attendu-rr^ïn Si, la France
= se souvenait de
Ïffl. malheureux
agonisantaux bords du Samt-Lau-
Ztl
Enfin, après soixanteannées de
luttes etd
an-JÏs
es leCanada
allait respireren peux
1air
parfume
!
Tses grands
bois ! Enfin,une
terre fécondeallait
i porter
de
richesmoissons
et nourrir toutun
peuple.L'intendant Talon
futavec Colbert
le principal ouvrierde
cetteœuvre de
résurrection.Homme
intelli-de
sens pratique,aux
idées claires etaux vue
Les
ilcomprit du premier coup dœil
lesgrands
btlrL de
la colonie.Grâce à
lui, lemouvement
Sgration
fut intenseà
cetteépoque La popu-
l
ÏTqui
n'étaitque de
2,500âmes en
1663,monte
12
ZÉPHIRIN PAQUET
à
3,215en
1666,à
6,282en
1668 età
plusde
7,000en
1672.
Le recrutement
des colons se fait,par
les soinsde
Colbert, partouten
France,mais
principalementdans
les provinces
du nord
etde
l'ouest :en Champagne
eten Normandie, dans
lePerche
et leMaine,
l'Anjou et le Poitou.A
partirde
1663,chaque année au début du
prin- temps, arriventdans
les portsde La
Rochelle etdu Havre,
des jeunes gens,des hommes
d'âgemûr,
des famillesau complet
qui n'attendentqu'un vent
favo- rablepour voguer
vers les rives canadiennes, objetde
leurs
vœux. En même temps on embarque
sur desbâtiments
spéciaux deschevaux
etdu
bétail,des
pro- visionsde bouche
etdes
provisionsde
guerre, desarmes
et des instruments agricoles.1665 fut,
avons-nous
dit, l'annéedu grand
effort, celle quiapporta
le salutà
la Nouvelle-France.En
1666, le roi alors
en
guerreavec
l'Angleterren'envoya personne au Canada. Mais en
1667, lemouvement de
colonisation reprit et il s'intensifia surtouten
1668 et167019.
Pendant que
les agentsde
Colbert dirigeaient ainsi versl'Amérique
les colonsde bonne
volonté,Talon
s'occupait
à
les établir.Les
instructions royales don- néesà
l'Intendant prescrivaient d'éviter l'éparpille-ment
des habitations, causede
faiblessedevant
les1 9
Le trésor royal déboursa pour fins de colonisation au Ca- nada 55,810 livres en 1665, 41,700 livresen 1667, 36,000 livres en 1668 et 64,000 en 1670. Le passage de chaque colon revenait à peu près à cent livres, dont 60 pour la traversée, 30 pourles har- des et 10 pourla levée.
—
(Thomas Chapais, "J.Talon"p.286.)SA FAMILLE
13attaques iroquoises ; elles
ordonnaient
"de
les grou- peren
bourg,de
coloniserde proche en proche par une marche
graduelleen avant
etnon par bonds
etenjam-
bées ".
Chaque
année,Talon
devait préparer ainsi trenteou quarante
habitations et les tenir prêtesà
recevoir les nouvelles familles.
Dès l'automne de
1665, l'Intendant se
mit en
fraie d'établir cesbourgs
d'aprèsun plan
qu'il avaitlui-même conçu
20. Il choi-sit
pour
réaliser ses desseins lescoteaux
boisésde
la Seigneuriede Notre-Dame des Anges
qui s'étendent aux piedsdes montagnes par
delà la valléede
la rivière Saint-Charles et des plainesde
la Canardière.Voulez-vous, cher lecteur, retrouver encore in- tacte sur notresol toute la
pensée du grand Intendant
?Montez par un beau
jour d'été la côtede
Charlesbourg.Dès que vous aurez
franchi le villagedu
Gros-Pin, observez l'originale dispositiondes
terres.Au
lieudu
rectangle vulgaire qui règne partout ailleurs,
vous
voici en facedu
triangle.Toutes
les clôturesgrimpent
la côteavec
vous,pour
se réuniren un
point centraloù
s'élève l'église.
De
ce point, tournezà
droite et rendez-vous jus- qu'àBourg-Royal. La pensée de Talon
est là sousvos
yeux, plus visible peut-êtrequ'à Charlesbourg où
cer- taines propriétésprennent des
alluresde
villeavec
leurs ruesen
équerre et leurs lotsà
bâtir.— Hélas
!quand
les vieilles clôturesde
cèdre sont jetéesau
feu, l'histoire cesse bientôt d'être écrite sur le sol !— Bourg-Royal heureusement garde
toujoursindemne son
dessin ar-chaïque : rien n'y
a
étéchangé
depuis 1665.^
20 Je projette une forme de défrichement pour bâtirunepre- mière bourgade ; quand elle sera tout à fait résolue, je vous en enverrai le plan. " (Lettre de Talon à Colbert, 4octobre 1665.)
14
ZÉPHIRIN PAQUET
Talon
fit tracer sur cecoteau un grand
carréde quarante
arpentsde
côté.Chaque
face fut ensuite sectionnéeen
dix partiesde
quatre arpents, etles qua- rante points ainsidéterminés
réunisau
point centraldu
carrépar
des lignes droitesmenées à
travers la forêt frémissante.Autour de
ce point central,on
réservaune
piècede
terre, carrée elle aussi,de
cinq arpentsde
côtépour
servir
de
mailou de commune
21.Sur
lechemin
qui l'entourait—
le trait carré centralcomme on
l'appelle encore— chaque
famille devait bâtir sademeure.
Les maisons
ainsigroupées
constituaientun bourg dont
les citoyens, disaitTalon dans une
lettreà
Col-bert, " s'entrevoyant souvent, s'entre-connaissent, s'en-
tre-aiment et s'entre-secourent plus aisément.
"
Cette
dispositiondu bourg
était excellente.Le
voisinage,
en
effet, favorisecertainement
l'amitié, et lasolidaritéest précieuseà
tous. Construisezau
centredu mail
l'église, le presbytère, la mairie, l'école et jugezdes commodités
fourniespar
cette proximitécommune.
Or
tout cela était lapensée même de Talon, pensée
éminemment sage
etpratique
22.Les
projetsde Talon comportaient l'aménagement de
troisbourgs
:Bourg-Royal,
Bourg-la-Reine,Bourg-
Talon. Il ditmême
qu'il lesa
établi23 ;mais un
seul,Bourg-Royal,
fut réellement organisé et peuplé.21
En
France " lacommune
ou terraincommunal
" étaitun espace spécialement réservé au pacage des animaux. Sur la ligne sud-est de Bourg-Royal, Talon avait projetéun communal
de vingt par dix-sept arpents et que l'on appelle encore aujour- d'hui "La commune
de Bourg-Royal ".22 Pourplus dedétailsvoir
Thomas
Chapais, " Jean Talon'
p. 158-165.
23 Lettre à Colbert 27 octobre 1667.
SA FAMILLE
15Bourg-la-Reine demeura toujours à
l'étatde plan
; lechemin
central seuly
fut tracéjusqu'au pied des mon-
tagnes.
Aucune habitation ne
s'yéleva
24 et,au-
jourd'hui encore, c'est la pleine forêt.
Quant à Bourg-Talon,
iln'a jamais
existésur notre
sol
comme
village séparé.On
désignait trèscouram-
ment sous ce nom Bourg-Royal lui-même, comme en
font foi les écrits
du temps
et lacarte dressée par M. de Villeneuve en 1688
etoù nous
lisons :" Bourg-Royal ou Bourg-Talon
".Toute Tannée de
1666, lesouvriers de l'Intendant sont à l'œuvre à Bourg-Royal. L'emplacement du
village est
dégarni d'arbres
25,essouché,
nivelé.Le chemin du
traitcarré
est tracé,empierré sommaire-
ment,
et ses fossés creusés.De
plus,sur chaque
terre,on
déserteencore deux arpents que
l'on tientprêt à ensemencer, car Talon veut que chaque
colon,en
arri-vant sur son
bien,trouve son grain semé
et seslégumes
sur
pied
26. N'était-cepas
lameilleure manière de
leurfaire
aimer
leurnouvelle
patrie ?C'est vers Bourg-Royal
ainsipréparé que
l'on di- rigeabon nombre des colons débarqués en 1667
et1668
27.Ceux-ci
bénéficièrentlargement des
libéralitésdu sage
etjudicieux intendant dont
lenom
reste insé-24
Nous
connaissons cependant cinq concessions accordéesà Bourg-la-Reinedu temps
de Talon.Nous
savons aussique
Louis
Paquet y
avait faitun commencement de
maison,un
so-lage en pierre.
25
Tout
le coteau étaiten
bois de haute futaie.26
Ce
désir ne fut réalisé qu'en partie.En
1667, il n'y avait sur laplupart des terres de Bourg-Royal qu'un arpent de déboise.27 Parlant des colons arrivés en 1668,
Marie
de l'Incarnation dit dansune
lettre à son fils "On
les a tous misau
Bourg-Talon,
à
deux
lieues d'ici, poury
habiter et le peupler ".16
ZÉPHIRIN PAQUET
parable de
celuide Louis XIV
etde Colbert dans
lareconnaissance des Canadiens-français.
Arrêtons
icinotre étude de
l'effortcolonisateur
françaisen
général,pour considérer maintenant, plus en
détail,une de ces
milliersde braves
familles qui,à peine débarquées sur nos
rives, s'en allaientsimplement,
la
hache sur
l'épaule et lachanson française aux
lèvres,conquérir
le sol etfonder
la patriecanadienne. Toutes ont
droità notre estime
età notre admiration
;mais qui nous empêche d'écouter plus spécialement
lavoix de notre sang
?A remonter jusqu'à
lasouche
pre-mière dont nous sommes
issus,peut-être trouverons- nous encore
intacte lasève qui
bouillonnaitdans
lesveines des ancêtres
;peut-être
aussisentirons-nous au contact de
leurgrande âme
qu'ily a des vertus qui
faiblissenten nous et que nous devrions reprendre,
carmalheur à qui se
laissedéchoir ou
qui,plus coupable,
gaspille lepatrimoine des vertus
familiales.Donc, cher
lecteur,espérant
qu'ily a
profitpour
tous, je
veux sans plus tarder vous présenter
la famillePaquet, objet de ce
livre.La Famille Paquet
Méry Pasquier,
originairede
Poitiers,France,
marié
1°à Vincent* Beaumont,
inhumée à Saint- Jean-Baptiste de Poi-
tiers, le
20 nov.
1658.1.
Maurice, né en France
;marié à
Poitiers,à Françoise Forget, en 1659 (date du contrat de mariage,
ie29
juillet 1659).
2.
Marguerite, née en France
;mariée
1 °à François
Biville, le26 nov.
1670,
à Québec
;2° à Bernard Gonthier,
le26 janv.
1676,à Québec.
3. François, n'est
pas venu au Canada.
4.
René, né èn France
;marié à Hélène Lemieux,
le 16
oct. 1679,à Québec
;Inhumé à Québec
le9 mai
1699.Méry Paquier, marié 2° à Renée
Guillocheau,à Poi-
tiers,
en 1659 (date du contrat de mariage,
le
29
juillet 1659) ;Inhumé probablement à Charlesbourg en
1680.
Jacques Forget, marchand à
Poitiers ;marié à Renée
Guillocheau.1. Françoise,
épouse de Maurice Pasquier,
filsde Méry Pasquier.
2.