Comparaison de quelques caractères somatologiques chez les Kurdes et chez les Arméniens

Article

Reference

Comparaison de quelques caractères somatologiques chez les Kurdes et chez les Arméniens

PITTARD, Eugène

PITTARD, Eugène. Comparaison de quelques caractères somatologiques chez les Kurdes et chez les Arméniens. Revue anthropologique , 1913, vol. 23, no. 3, p. 98-102

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:108679

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

YlNcr-tnolsrÈrup ^eN-NÉe.

No3 ^I\4ms.

^r

^gl I.

Revue

anthropologique

FONDEE PA( ABEL

HOI/ELACQUE.

punuÉe _PAR

LES

PRorEssEUÀs on tecotz D'ANTHRoPoLoGIE

DE

^PARIS

LTBRATFITE n.Ér,rx ALCAr{

108, nour,ovlRD saINT-GERlre,rx, PARIS c0ilPÀaal$0N

DB

_0UA[0I][S

tllllctnnns

l0ilI,[T0I,0GI0U0$

cllnz LEs

KURDES

ET cHEz r,ns lnuÉNtut'ls

Par Eugène PITTARD'

EXTRAIT

Comparaison de quelques caractères

. sornatologiques

cllez les Kurdes et ^chez les Arméniens

Par Eugène PITTARD

A plusieurs reprises

j'ai

indiqué ma pensée que les l(urdes et les Armé- niens

-

^{ces ennemis}

^en

quêique sorte h.ér.éditaires

-

^cloivent

^être

^cles

frères anthropologiques.

Jlai

exarniné, photographié

et

mesuré une cer.-

taine quantité

cf

individus appaltenant à ces deux populations.

J,ai toujou.s été frappé, lorsclu'on a devant soi des Arméniens et cles Kurdes

du

peuple

- notamment, pour

^prenclre

un

exemple, Ies hamrnals de Constantinople

et de

^Scutarie cl'Asie

-

^{combien ces hommes}

^ont

^entre

eux

des ressemblances physiques.

J'ai soutenu cette opinion

que les Kurdes et les Arméniens sonI issus cl'un groupe ethnique

comnlrn et

que ce sont les vicissitudes de

l'histoire qui

les ont sépârés et

en

ont

fait

cles

frères ennemis.

Dans une étucle publiée

sur les l(trdes, en lgl.l, j'écrivais à

peu près ceci ¹ : Pour nous,

il

existe dans

l'Àsie antérieure, principalement

dans

les régions

montagneuses,

un grand groupe de

Brachycéphales clont I'origine est encore

inco'nue.

Peut-être sont-ils les clescenclants des Bra- chycéphales néolithiques, yestès cn place alors qu'une

paltie

cle leur groupe essaimait vers I'occident? Au cours des siècles, ces Brachycéphales ont pris des étiquettes

politiques

diverses et

ont

acquis cles langues clifférentes.

Leur destinée à tous n'a pas été la même. Les

uns

se groupaient en cité et, formant des empires, ont créé

la

civilisation cles Assyriens et des chal- déens, alors

que les

autres, galdant

les

habitucles nomades primitives, promenaient leuls troupeaux au gré des saisons.

Au.jould'hui, parqués sous des

maitres

différ'ents, pariant des langues étrangères les

unes aux

autres, obéissant

à

des nécessités politiques et sociales

qui sont loin d'être identiques partout, ces

Brachycéphales tetrouvent

leur origine

commune dans leurs caractères zoologiques que l'hérédité n'a pas oubliés.

,1. Eugène Pittard, Ànthropologie tle la Roumanie. Les peuples spoladiques

d_e la Dobroudja.

III,

Contribution à l'étude anthÏopologiquà dàs I(urdes,

dzll.

de

la

Soc. roumaine cles Sciences, Bucarest, lg,I{.

PITTARD. _

GÀRÂCI.ÈRES SOIIATI)LOGIOUES DES

KURDES

⁹⁹ Et

je

ne srtis pas seul à croire clue les l(urdes et les Arméniens peuvent être considérés comme appartenant à

la

même

(

race )).

Ernest Chantre,

qui

connaît bien

les

populations de

I'Asie

antér'ieure, a

publié

dans un de ses volumes ¹ les lignes suivantes ^:

< D'après utre .opinion

fort

répandue cheZ

les Àrméniens, les

I(uldes

des

montagnes gorcliennes

seraient

cles

Ârméniens qui auraient

^été

conttaints

d'embrasser

I'islamisme pour

garder

leul

indépenclance. Une preuve

que I'on donne à l'appui de

cette rnanière de

voir

c'est que, ^de nos

jours

encore,

il ^y

a des

tribus I(urdes qui ijortent ^les

^{noms cle chefs}

cle satrapies arméniennes,

tels que les

Mantekani

que I'on croit être

les descendants cle

la

satrapie d,.es tr:Iamikonirlrt

qui

gouvernèrent

la

province

de Faron

(Mou,ch) Ies

tribus

Hachkis, cle

la satrapie

des llechdoutzi, etc- M. Portouhaiian, à gui

je

dois une

partie

de ces ren.seignements, m'a

fait

savoir aussi que les rnembles cle

la tribu

des DzLcleris

(nom qui

signi{ie deux églises, en I{urcle) pr'étenclent, d'après

leur tradition'

^avoir

ure oti-

gine alrnénienne. >

Il s'agirait

de

démontrel

par autre chose que

par

des

traditions

ou par cles lapprochements linguistiques

la

possibiiité

de

considérer

les

Arrné-

niens et les l(urdes comtlle

aplrartenant

à un

^même

^groupe

^ethnique, comnre issus

d'une

rnême souche antbropologique,

Att cours

iles

cinq

voyages cluo nous avons faits dans

ia

Péninsule des Balhans et principalement dans Ia Dobr:oud.ja, rrous avons ^eu l'occasion cle

mesurer 63 l(urcles et {25 Arméniens. Je suis ^le premier à reconnaître que ce ne sont pas 1à de

très

irnposantes séries, mais Ies comiaraisons qu'on

peut tirer

cles chiffres que nous podsédons

ont cet

avantage cl'être faites avec des doc,utnents obtenus par le même inclividu, selon la même rnétirocle.

D'ailleurs,

je

ne pr'étends

nnllernent

résoudre

la

cluestion' sans appel.

Je

clésire

apporter,

simplernent, quelques

indications à I'appui de

la l,hèse que

j'ai

sout,enue.

Encore

un ^mot

avant cl'e.rposer

les

chiffres

de

nos rnensurations' Les Arméniens, comme les

l(urdes,

ne

sonl

pa.s cles

individus

de race

pule'

Je

I'ai montré dans un travail

récent

2. _Ces deux groupes

ethniques

renferment, chacun d'eux,

cles éléments étrangel's clonI les origines ne

sont pas

êncore

connues. La sirnple répartition

des caractères de la

laille, ou ceux qui

sonL

tirés

cle

I'indice

céphalique,

le démontreni

^à l'évidence. Pour

le

moment, étant donné que nous mallquons ^{encore de} clocuments pour

résouilre

ces problèmes' nous ernploierons simplernent

la

rnéthode des moyennes. Nous exlloserons

les

caractères

moyens

^des I(urcles et les carac[ères moyens cles Arméniens

et

nous

venons s'il y

a,

.

_'1. Ernest Chantre, Missions scientitiques en Transcaucasie, Asie tnineure ^et Syfie, Arch'iues du Mttséu,rn d'hist. nat. de Lyon. 'V95'

"2. _Éugène pittaro (avec ta collaboration 6e H. Lagotala), Ànthropologie.de la Rouman"ie. Les peuplàs sporadiques cte la Dolrouclja.

Y.

Contribution ^{à l'étucle} a.rttr"opotogiqoô Aôs 6"ùenienà, BuU. ^cte

Ia

^Soc. t"oumaine cles Sciences,

B'ca'

resi, lCl2.

{00

HEvuE ANTHRopoLoGTQoE

dans la

coinparaison

de ces

èaractères inoyens, des rapp'ochements possihles,

0u si, an

contraire,

il faut

séparer dèe

maintcnont,

cour[re n'ayant aucune parenté, ces deux groupes humains.

I. -

^La

^taille

^{et ses} principaux sogments.

Tetllo Moynnnn.

Kurdes.

Arméniens,.

.4 m.

T0 |

m. 66{

Répartition selon la nomenclature :

Arnéniens, 19,7 p. 4.00

{6,7

&2 22,3

Les conclusions que

I'on pourrait tirer

tle la

taille

ne seraient guère eri faveur de

la

thèse que nous soutenons. Mais

on

sait que

la taillè

est un baractère

très variable.

Néanmoins

nous

reconnaissons

que si

nous

n'avions que cet

argument

à présenter, Ia

démonstration _seraitr.

loiri

d'être laite.

Kzndes Petites tailles

Tailles'au-dessous de la moyenne au-desSus de la moyenne Grandes tailles.

Heuteur du buste

llapport du buste à

la taille

.

-

de la jambe à la taitle.

-

^{tle la grande} envergure à

la

taille

f,'rontal

minim

.

D. auriculo-bregmatique.

Indice céphalique.

vertic. long.

largeur.

fron to-transversal

2 p. {00

4-

29 64

Kurdes, 884 mm.

bl,77 48,23 tl,04rl

Arméniens, 869 mm.

53,61 46,85 r 03.3

Les. variations que nous rema'quons _{dans ce}

petit

tableau

sont la

suite naturelle de celles que nous avons indiquées

à

propos de

la taille

totale.

Nous passons maintenant

aux

caractères

du crâne

et

de Ia face

en exprimant les

principaux

diamètres crâniens et faciaux et

les principaux

indices

qui

peuvent en découlei.

pour le

crâne :

D.À.P

D.T.

Kurdes.

182 mm.68

t57 -

⁸⁵

4.,t

4 -

⁹⁶

428 _86,&9

-

⁶⁰

69,48 80,24 72,83

Arnéniens,

182 mm.96 {56

_'tts -

⁵⁴

-

²⁰

426 _85,69

-

⁹⁰

69,37 80,96 72,33

on

remarquera

ici des

similitudes tr'ès intéressantes. Les principaux diamètres crâniens

et les principaux inclices sont singulièrement

_rap.

prochés.

Je

sais

bien que

dans des gioupes

de

Brachycéphales dont

ia

stature n'est pas très dissemblable, les dimensions de

la

face et du crâne

ne

pourront pas présenter

de très

grandes

variations,

Cependant, pour prendre I'exemple d'une série d'Asiatiques

-

^comme

^{les Kurdes ei}

^les

i

PrrraRD.

-

cARAC'IÈRES soMAToLoGrouES DEs

KURDlls {0{

arméniens

-

^{provenànt aussi de}

^I'asie

antérieure

et

également mesuréÉ

par

moi-même, et

qui

ne

fournirait

^{pas eles chiffres} 'semblables à ceux- ià,

je

choisirai les Lides. Chez ces derniers

le

diamètre antéro-postérieur

*o*i*onr

^{du crône était}

^l86

^mm..?0,

^le

diamèire transversal ¹⁵⁹ mm. 96'

I'indice

céphalique 85,61. Ces chitl'rçs sont notablement différents'

Répartiti.n

6às eliverses formes céphaliques (classilication Deniker).

7 9,9.

81,9.

Kurdes.

t,58 p. {00

&116 7,93 4,16 23,80 8'1,L4

on remarquera qu'avec tles

proportions

quelquefois assez différentes,

I,allure

générale dà

la

courbe que

pourrait

représenier ce tableau serait

sensiblement

la même'

^I

En groupant les indices de 76 ^à 81,9, d'un côté et ceux à

partir

cle 82 ef

dépassant 86, on

obtient : i

Arm.éniehs.

14,4

p,

100 85,6

II y a, dans ce petit tableau,

^quelque chose d'assez

démonstratif

a'u

point

de vue cle

I'unité

des formes Qrâniennes dans

un

^{ou deux groupes}

ethniques.

Nous passons mainl,enant aux quelques caractères de Ia face :

cle ?6 ^à

de18à de80à de82ù

cle 84 à de 86.

Indice ?'7,9.

Arméniens 0,8 p. {00 3'2

t 0,4 L9,2.

23,2

4!,2 83,9.

85,9.

14,2 p. 100 8d,7

à 81,9

De 16

De 82

Kut'des.

Diamètre

bijugal

-

bizygomatique.

ophryo-men t'onnier I{auteur du nez.

Largeur

tlu

nez.

lndice nasal.

Kurdes.

130 mm.66

14t -

⁰⁶

Arméniens, L}lmm.44 t44.

-

⁸²

L!t8

s5*{? -

¹⁴

36-21

66,06

45{

55-86 -

⁶⁶

35-50

63,94

Les deux diamètres transversaux

'tt. l.

"t

^B.

^{Z. sont à}

^{peu près}

^iden-

tiques dans lês

deux

séries;

il n'en

est

plùs

de même

du

diamètre ver-

tical.

^chez

^les

^{Lazes, les}

^deux

^diamètres

holizontaux sonl

assez diffé-

rents

: t34 mm. ^1.4 pour

le

bijugal

èt

^{144 mm.} 58

pour le

bizygomatique'

À

ces renseignements d'ordres mesurables,

je

voudrais encore aiouter quelques indications clescriptives relatives à la pigmentation et à la forme

dïi'trora.s,

comme

les

Arméniens,

ont,

Eénéralemeht, des yeux dont

I'iris est fortement pigmenté' Les proportions

des

yeux dits noirs

et

bruns

foncés sont dans les

proportions

suivantes

;

^Kurdes

85rÎ{ p'

100;

-trm{niens

^86,4

p.

100. t,eà

yeux gris sont

rares chez les deux popula-

'l'02

REvuE

ANrrrRopoLocrour ^-

^.

tions

examinées :.Kurdesg,52p.

I00;

Àrméniens 8,8

p.

{00

(yeur,gris;

_et

gris mêlé d'un peu de

brun).

,

Les cheveux sont fontement pigmentés _dans

les deux

cas. Les:I(u,rdgs

m'ont donné :

^cheyeux

noirs

82,54

p.,100 et bruns

1.2,69

p,

^,t00 (en

tout

95,2

p. f00); les Àrméniens:

cheveux

noirs

6b,6

p. [00 et

bruns 26,4

p.

4.00 (en

tout

92

p.

{00). Les cheveux châtains sont rares chez,les uns et les autres (Kurdes 4,?6 p. 100; Arméniens ?,p

p.

{00).

Ceux qui connaissent les Kurdes et les Arméniens savent que ces deux populations sont caractérisées par.

un

nez long.dontr la

forme

est droite, aquiline ou à extrémité abaissée. Les nez rèlevés

à l,extrémité,sont

des organes tout,

à fait

exceptionnels. _En réunissant,

les

nez droil,s, les nez droits avec tendance

àl'aquiiinie,

les nez franchement

aquilins et

les nez droits

dont I'extrémité

est abaissée,

nous trouvons Ies proportions

sui- vantes : I(urdes 95,2

p.

100; Arméniens ^g4,L p, 1,00.

0n voit par ce rapide exposé que les l(urdes et les Arméniens

ônt

entre eux beaucoup de ressemblances.

Ils

ont aussi entre

eux

quelques diffé- l'ences.

Mais

ces différences existent dans

le

seiu même de ces deux gr.oupes ethniques

:

l'étude cle

la taille

et

I'indice

céphalique nous l,ont

-o"trtrg.

. D'ailleurs, nous savons

qu'il

n'existe aucun groupement.humain abso- l-ument

pur. Et il est certaiu

que les I(urdes eI les Arméniens sont des populations incomplètement hornogènes. Mais clans chacune cle ces popu-

lations il se trouve un

forr, groupement d'inclividus

tlonI les.o.aôtèi'.*

sont semblables.

Et

ce sont ceux-là que nous devons, a

priort,

cônsidérer comlne les rrrais Kuldes et'les urais Arméniens,

Or', nous avons montré que,

pal

de nombreirx,caractères,

les

Kurdes et les Arméniens

sont

des individus

qui

se ressemblent. Noùs n'affirmons pas que leur'origine cômmune soit démontrée par I'essai que nous venons de

tenter,

mais nous croyons cependant qne

cet

essai n'est pas

inutile

pour soutenir la thèse que nous avons indiquée daos les premières lignes de cette note prélirninaire,

.

Ce

qu'il faudrait faire maintenant'-

mais

à

^l,aide

de

séries numéri- quement plus puissantes

-

^{c'est montrer eu} parallèle, nou

plus

seulement des séries complètes fournissant des caractères moyens, mais

sortir.

des séries les groupes homogènes comme

ceux

que

I'indice

céphalique nous révélait tout

à

I'heure pour les comp&rer.