CHARLE S DIONNE —— LA MAIN INVISIBLE
charles dionne
LA MAIN INVISIBLE
la fatigue ordinaire les courriels non lus et les rhumes interminables
ou qui reviennent toujours je n’ai jamais su consomment mon énergie ne laissent rien derrière le rictus de ceux qui s’apprêtent à parler mais se taisent le visage crispé
racorni par l’effort de ne rien dire de ne pas se plaindre
de respecter l’interdiction de tout dire d’un coup en toussant
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poèmes
LA MAIN
INVISIBLE
‹ série qr › no 103
du même auteur
D’espoir de mourir maigre, La Tournure, 2013
LA MAIN INVISIBLE
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Diffusion en Europe : La librairie du Québec (dnm)
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© Le Quartanier et Charles Dionne, 2016 Dépôt légal, 2016
Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque et Archives Canada
isbn 978-2-89698-292-9
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LA MAIN INVISIBLE
poèmes
Le Quartanier Éditeur c.p. 47550, csp Plateau Mont-Royal
Montréal (Québec) h2s 2s8 www.lequartanier.com
DOMOTIQUE
9 les tours à logement s’érigent l’une après l’autre
le territoire s’épaissit
s’agglutinent les chantiers le long du fleuve du dix-septième étage le salon a vue sur l’eau sur la glace qui s’amasse avec le courant le long du rivage
tous les matins les grues grincent et laissent tomber des blocs de béton je me lève
le café coule la cafetière sonne
mes vêtements de la journée m’attendent suspendus au crochet de la porte
10
dans mon lit à l’aube avant toute chose je cherche sur mon téléphone
celle avec qui je serai heureux son visage sa poitrine
ses yeux et ses lèvres tournés vers l’objectif elle existe c’est possible
sinon pourquoi m’efforcerais-je de rencontrer Janie ce soir
Mary-Paule jeudi à l’espace cocktail de mon immeuble pourquoi les laisserais-je entrer chez moi
dans mon espace vital
pourquoi dormiraient-elles dans mes draps
11
le stationnement intérieur est facilement accessible me répète l’agent immobilier pour la troisième fois on ne le dira jamais assez
habiter si près du centre d’achat et de l’autoroute offre une grande liberté
c’est être proche de tout c’est un style de vie
regardez du salon on voit les magasins j’habite une unité voisine
m’assure-t-il
un condo intelligent
on ne peut pas revenir en arrière
après avoir vécu ne serait-ce que quelques jours dans des pièces réglées par la domotique
12 chaque pièce du condo se présente à mes invités
selon les paramètres de mon choix
d’un doigt je modifie température lumière audiovisuel mon milieu mon espace de vie
sur un écran n’importe lequel
deux sont encastrés sans compter mon téléphone les tubes fluorescents tracent le chemin vers la nuit ils s’éteignent tous seuls à 22 h 45
j’avais pris ma décision
avant d’apprendre que la chambre des maîtres ouvrait sur une deuxième salle de bain
les réglages sont bons fini les visites malheureuses je regarde par le moniteur et déverrouille la porte à distance
ou non
13
je préfère baiser debout pour faire sécher mes ailes je les imagine grandes et douces mais puissantes je me demande aussi ce que goûte le bois coupé quel son fait le vent qui souffle dans les feuilles ruisselantes
ces palpitations sont si rares il ne faut pas éjaculer trop vite
les copeaux sont rugueux sur ma langue la pluie assourdit le bruit du feuillage je m’agite je sens déjà le déversement remplir mes conduits humides
14 la climatisation centrifuge vrombit
l’eau rugit dans les murs en dévalant les étages je l’entends dans la cage d’escaliers
du mauvais côté des judas des serrures des lampes allumées
sur des corps étendus
la main glisse sur la rampe de métal je ferme les yeux m’enfonce vers la buanderie qu’éclairent
des tubes de gaz noble à basse pression j’attends le déversement
l’eau houleuse
15 je passe l’été au dix-septième étage en bas de laine
les extrémités sont les premiers membres
à s’engourdir il est sept heures il est vingt-deux heures le vent souffle en silence contre la façade
et les vitres scellées
le climatiseur central démarre toutes les quinze minutes en sifflant sous la cloche j’apprends à devenir fou
CHARLE S DIONNE —— LA MAIN INVISIBLE
charles dionne
LA MAIN INVISIBLE
la fatigue ordinaire les courriels non lus et les rhumes interminables
ou qui reviennent toujours je n’ai jamais su consomment mon énergie ne laissent rien derrière le rictus de ceux qui s’apprêtent à parler mais se taisent le visage crispé
racorni par l’effort de ne rien dire de ne pas se plaindre
de respecter l’interdiction de tout dire d’un coup en toussant
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