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LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE EN IRAK

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Academic year: 2022

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LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE

EN IRAK

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CAHIERS DE L'HOMME

Ethnologie - Géographie - Linguistique

NOUVELLE SÉRIE XXI

MOUTON ÉDITEUR • PARIS - LA HAYE - NEW YORK

ÉDITIONS DE L'ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES

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SCHÉHÉRAZADE QASSIM HASSAN

LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE EN IRAK

et leur rôle dans la société traditionnelle

MOUTON ÉDITEUR - PARIS - LA HAYE - NEW YORK

ÉDITIONS DE L'ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES

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PUBLIÉ AVEC LE CONCOURS DU CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE ET DU MINISTÈRE IRAKIEN DE L A C U L T U R E ET DE

L'INFORMATION

IL EST ISSU D'UNE THÈSE DE DOCTORAT DE 3<> CYCLE SOUTENUE A L'UNIVERSITÉ

PARIS V

ISBN : 2-7132-0701-0 (EHESS)

2-7193-0467-0 (Mouton éditeur, Paris)

90-279-7827-1 (Mouton Publishers, The Hague)

© 1980 by Mouton Éditeur and École des Hautes Études en Sciences sociales Imprimé en France

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AVANT-PROPOS

Je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance à tous ceux dont l'aide et les conseils m'ont permis de réaliser cet ouvrage.

Mes remerciements s'adressent, en particulier, à tous les informateurs irakiens (musiciens, luthiers, chanteurs, hommes religieux, écrivains et connaisseurs de traditions) trop nombreux pour être cités; au Centre folklorique et à son directeur M. L. al-Khouri, à tous ceux qui travaillent au Centre de musique traditionnelle de Radio-Bagdad.

Je veux aussi exprimer ma gratitude au peintre Dhia al-Azzawi qui a bien voulu réaliser la plus grande partie des dessins et à M. Khaled Sald.

Les concours dont j'ai bénéficié en France ont également été nombreux et divers. Ma reconnaissance s'adresse au professeur Jacques Berque dont les cours au Collège de France m'ont familiarisée avec la sociologie du monde arabe et qui a dirigé mes recherches. Je remercie spécialement M. Gilbert Rouget, directeur de recherches au Centre national de la recherche scientifique, qui, avec une bienveillance inlassable, a accompagné de ses critiques et de ses suggestions l'élaboration de cet ouvrage. J'exprime aussi ma gratitude à M. André Schaeffner qui n'a cessé de s'intéresser à mon travail et de m'encou- rager, à Mme Geneviève Taurelle-Dournon qui a apporté les éclaircissements nécessaires à l'élaboration de la partie organologique de l'ouvrage.

Mes remerciements vont également au département du Proche-Orient du Musée de l'Homme et aux assistants du Laboratoire de graphique du pro- fesseur Jacques Bertin dont l'aide a été efficace et chaleureuse.

Je suis redevable à tous les amis qui m'ont aidée à rédiger cet ouvrage dans une langue qui n'est pas la mienne et à M. B. Aubert, pour le temps qu'il a bien voulu me consacrer.

Ce livre doit sa parution à la bienveillance de M. Tarek Aziz, ministre irakien de l'Information, qui a joint son concours à celui du Centre national de la recherche scientifique pour en assurer matériellement la publication.

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INTRODUCTION

La présente étude est consacrée à la description des instruments de musique traditionnels que l'on rencontre actuellement en Irak et à leurs fonctions au sein de la société qui en fait usage.

Des multiples éléments qui composent la réalité musicale, nous avons retenu les seuls instruments de musique, mais nous avons étendu notre enquête à l'ensemble du territoire irakien. C'est ce double choix qu'il convient en premier lieu de justifier.

Nous ne pouvions espérer présenter le phénomène musical irakien sous plusieurs aspects, et a fortiori dans son ensemble, pour au moins deux ordres de raisons qui tiennent d'une part à l'insuffisance de notre information, d'autre part à l'extrême diversité ethnique, linguistique et religieuse des populations du pays, qui rendrait pareille tentative démesurée.

Notre connaissance de la musique irakienne souffre de nombreuses lacunes.

Seule, la musique vocale citadine de Bagdad a fait périodiquement l'objet d'ouvrages bien intentionnés mais peu scientifiques, rédigés en général par des interprètes renommés 1.

En dehors de quelques allusions éparses dans divers articles généraux, nous n'avons rien sur les musiques des Bédouins, des Kurdes, des Noirs, des Yézidi ou des sectes ésotériques, pour ne prendre que quelques exemples.

Une autre difficulté provient de la diversité des ethnies et des religions.

Lorsqu'on oppose musique arabe citadine et musique bédouine, on fait appel à des critères de différenciation socio-économiques ; le critère est d'ordre ethnique lorsqu'on parle de musiques arabe, kurde ou des Noirs, et d'ordre religieux lorsqu'il est question de musiques yézidi ou chrétienne. Or, comme on le verra dans notre « Aperçu sur les cadres géographique et ethnique », ces différents niveaux de différenciation ne coïncident pas entre eux : ainsi, certains Arabes

1. Tel est le cas des ouvrages de H. al-Ridjab (1961); A. K. al-Allaf (1963) ; S. I. Khalil (1963);

D. al-Hanafi (1964); H. al-Wardi (1964) qui ont en commun de ne présenter qu'un aspect de la musique classique citadine, à savoir la musique vocale de Bagdad. Notons au passage qu'en matière d'instruments, ces travaux se bornent à citer, sous forme d'allusions rapides, les instruments qui accompagnent les chants des makàmdt.

9 565061 6 03

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Introduction sédentaires sont Musulmans sunnites comme les Arabes bédouins et la majorité des Kurdes, tandis que les autres sont Chiites comme les Kurdes failites. Ainsi, la double nécessité d'entreprendre un inventaire des domaines encore inconnus de la musique irakienne et de surmonter les difficultés liées au choix de critères de classement non musicaux nous a conduite à choisir un aspect précis de la réalité musicale irakienne et à l'étudier dans l'ensemble de ses contextes socio- culturels.

C'est donc une sorte de tableau systématique qu'espère offrir le présent ouvrage, qui prend pour objet les instruments de musique traditionnels et leur insertion dans la société irakienne. Le choix des instruments de musique s'est imposé à nous pour plusieurs raisons : d'abord, la grande diversité présentée, aux plans linguistique et religieux, par les populations de l'Irak, qui aurait constitué, pour une étude de la musique vocale par exemple, une difficulté supplémentaire, offrait pour un premier travail un obstacle sensiblement moindre. Ensuite, et surtout, il nous est vite apparu que dans la lutte que se livrent en Irak, depuis ces dernières années, musique traditionnelle et musique

« à l'Occidentale », lutte qui tourne trop souvent à l'avantage de cette dernière, c'étaient les instruments de musique, tant dans leur nature que dans les condi- tions de leur emploi, qui étaient — et d'assez loin — les plus menacés : certains ont déjà disparu, d'autres sont en voie de disparition, plusieurs enfin voient leur facture modifiée pour diverses raisons.

Certes, les instruments ne sont pas les seuls éléments constituants de la musique à être ainsi menacés, mais il est facile de constater que la musique vocale et ses formes résistaient mieux, sans parler même des textes chantés dont la conservation est en partie assurée par la publication de très nombreux recueils de poésies populaires.

Il y avait donc urgence à dresser un inventaire, sinon exhaustif du moins aussi complet que possible, qui puisse servir de point de départ à des études ultérieures.

Cet inventaire revêtira la forme d'une description synchronique qui ne fera que secondairement appel à la perspective historique, lorsque celle-ci apportera des éléments d'appréciation indispensables et aussi, naturellement, dans le cas des instruments fraîchement disparus.

On peut regretter ce parti pris, surtout à une époque où les travaux conjugués des assyriologues et des musicologues permettent d'entrevoir ce que pouvait être la plus antique musique mésopotamienne 2, faisant ainsi reculer de plus de deux millénaires l'apparition de nos premières sources écrites, jusqu'ici arabes 3, et invitant parfois à des hypothèses séduisantes et hardies sur d'éven-

2. Voir en dernier lieu A. D. Kilmer (1971), qui reprend et amende les travaux antérieurs (de M. Duchesne-Guillemin entre autres) et donne la bibliographie utile. On ajoutera S. A. Rashid : Les instruments de musique dans l'Irak ancien, Beyrouth, 1970.

3. Les théories classiques sur la musique arabe et islamique ont été formulées dans de très nombreux traités, tous écrits essentiellement par rapport à l'instrument 'ud. Pour se limiter aux seuls théoriciens irakiens, citons Ibn-il-Munnadjim (ixe siècle), le seul représentant de l'ancienne école arabe de musique, al-Kindi (ixe siècle), l'un des philosophes qui ont introduit les théories

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Introduction 9 tuelles filiations, en Mésopotamie proprement dite et même dans les pays voisins.

On admettra pourtant que pareille démarche était prématurée, et largement incompatible avec notre propos.

Nous excluons en outre de ce travail sur des instruments tout ce qui touche à leur son en tant que réalité acoustique, à la musique qu'ils produisent, consi- dérée sous l'angle des rythmes, des échelles 4 et des mélodies, enfin aux consi- dérations d'ordre esthétique et psychologique. Nous ne voulons pas dire que ces divers aspects ne peuvent être pertinents, mais nous devions nous limiter.

Nous avons donc choisi de mettre l'accent sur les instruments de musique en tant qu'objets techniques et moyens de production sonore, d'une part, et sur leur contexte socio-culturel d'autre part, ces deux aspects étant, nous l'avons dit, les plus menacés de modifications profondes. Nous avons donc essayé, dans la mesure où les limites et les lacunes de notre information nous le permettaient, de placer ce travail dans le cadre de l'ethnomusicologie, sans pour autant pré- tendre illustrer toutes les possibilités de cette jeune discipline.

*

Cet ouvrage comporte deux ensembles d'importance sensiblement égale : le premier (Première partie) est constitué par la description des instruments de musique, le second par les conditions de leur emploi. Le second ensemble se divise lui-même en deux parties consacrées l'une (Deuxième partie) aux musiciens et aux formations musicales, l'autre (Troisième partie) aux fonctions essentiellement sacrées des instruments.

En principe, tous les instruments décrits dans la première partie voient leurs emplois étudiés dans la deuxième ou la troisième partie. Il reste cependant un petit nombre d'instruments, généralement d'importance ou de diffusion très restreintes, dont les emplois sont décrits dans la partie organologique.

Dans cette première partie, les instruments ont été classés selon le système Sachs-Hornbostel, adopté dans ses grandes lignes, tout en tenant compte des récents travaux, encore inédits, élaborés par un groupe de travail du Comité international des Musées et Collections d'Instruments de Musique (CIMCIM) auprès du Conseil international des Musées (ICOM-UNESCO).

L'inventaire des instruments de musique comporte des objets producteurs de son ou de bruit qui ne sont pas des instruments de musique au sens habituel du terme. Dans notre contexte ethnomusicologique, nous prenons comme critère de définition des instruments le fait d'être utilisés avec une intention consciente

grecques, enfin Safi-il-Din Abd-il mu'min al-Baghdadi (xme siècle). On pourra se référer à l'ensemble de l'œuvre de H. G. Farmer, parue entre 1925 et 1958, et particulièrement à ses ouvrages sur les instruments de musique arabes.

On pourra aussi consulter, dans le Dictionnaire de la musique arabe de Hussein Ali Mahfûz, 1964 : 17-531, la partie consacrée à la terminologie relative aux instruments et aux musiciens- instrumentistes et qui se fonde sur des ouvrages anciens ainsi que sur certains termes courants dans le monde arabe.

4. Nous avons traité ce problème dans notre mémoire de maîtrise Analyse mélographique des systèmes de tons, appliquée à la musique irakienne, Prague, 1966 (en tchèque).

1 a.

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de produire du son. Ce n'est donc pas l'apparence de l'instrument qui le définit comme tel, mais sa fonction socio-musicale. Par ailleurs les musiques corporelles, telles que claquements de mains, frappements du visage et de la poitrine, qui, typologiquement, pourraient être considérées comme idiophones ne sont pas classées parmi les objets. Néanmoins, ils sont traités au cours de notre étude comme des instruments de musique.

La majorité des descriptions se fondent avant tout sur des instruments que nous avons vus sur le terrain, sur ceux que nous avons achetés pour la collection du Centre de musique traditionnelle au sein de Radio-Bagdad 5, sur la collection du Musée ethnographique de Bagdad, mathaf-il azïa-il-sha'bia, sur celles du Centre folklorique et de la section des Arts populaires, toutes deux au ministère de l'Information, enfin sur des collections privées comme celle de la famille al-Djawahiri à Kazimain, dans la banlieue de Bagdad, et celle de la famille Abboud al-Sa'di à Basra. Il est toutefois évident que chacun des instruments décrits peut connaître une foule de variantes, phénomène habituel pour toute création popu- laire et artisanale, dont nous n'avons pu rendre compte.

Dans la Première partie, outre la description morphologique, nous traitons des techniques du jeu, de l'usage et des dénominations, le cas échéant de la fabrication. En ce qui concerne la dénomination, nous avons gardé la plus grande partie des termes vernaculaires que nous avons pu enregistrer au cours de nos enquêtes, tout en sachant que certains méritent d'être revus. On ne s'étonnera pas de voir qu'un terme peut désigner plusieurs instruments différents : quelles que soient les régions, les habitants distinguent rarement entre les termes s'appli- quant à différents instruments lorsque ceux-ci appartiennent à une même famille organologique.

Avec la Deuxième partie commence la partie plus directement sociologique de notre travail. Précisons d'emblée que cette étude n'a pas été conçue pour démontrer des hypothèses ou pour illustrer des théories sociologiques ou ethno- logiques particulières. Dans un domaine où nous n'avions le plus souvent aucun devancier, nous nous sommes essentiellement attachée à l'observation des faits, notre souci restant de rassembler le maximum de données précises.

Le caractère inédit des faits que nous rapportons, s'ajoutant à la nécessité de caractériser le cadre sociologique où prennent place les instruments de musique, explique la présence de nombreux détails dont les relations avec les instruments peuvent paraître indirectes ou lointaines : c'est le cas en parti- culier des scènes de possession (VIII. 2), au sujet desquelles nous manquons de documentation.

Enfin, il faut constamment garder présents à l'esprit les chiffres et évaluations donnés ci-après sur les diverses ethnies et religions de l'Irak, afin de se faire

5. Le Centre de musique traditionnelle au sein de Radio-Bagdad a été créé en février 1971.

En 1975, la conférence internationale de la musique arabe, qui a eu lieu à Bagdad, a conclu ses travaux en recommandant la création d'un centre international des musiques traditionnelles à Bagdad. C'est ainsi que le Centre de musique traditionnelle de Radio-Bagdad est devenu le Centre international. Il a été inauguré le 1e r octobre 1977 et est placé sous la tutelle du ministère de la Culture.

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Introduction 11 une idée suffisamment exacte de l'importance relative, sur le plan quantitatif, des faits rapportés que, par nature, un tableau synchronique tend à présenter sur un pied d'égalité.

Les musiciens qui jouent dans les cérémonies religieuses n'ayant pas, comme nous le verrons, le statut de musiciens, notre Deuxième partie s'attache essentiel- lement à la condition des musiciens profanes, qu'il s'agisse d'instrumentistes isolés ou de membres d'un ensemble, et à la description des divers types d'en- sembles profanes qu'on peut rencontrer dans le pays tout entier.

Les emplois des instruments de musique à des fins religieuses sont incompa- rablement plus nombreux et plus divers que ne le sont leurs emplois profanes, et ils sont en outre beaucoup plus mal connus. Aussi notre Troisième partie est-elle tout entière consacrée à la description de ces emplois au sein des diverses communautés religieuses de l'Irak.

Cette Troisième partie traitera d'abord du « cycle de la vie » (chap. VII) où se mêlent de manière indissociable aspects profanes et aspects religieux, ces derniers relevant le plus souvent d'un niveau de religion comparable à celui des phénomènes magiques et animistes décrits dans le chapitre VIII. Nous nous acheminons vers des formes religieuses plus évoluées, sinon encore orthodoxes, avec les cérémonies des Musulmans chiites (chap. IX. 1) et celles des confréries exotériques et ésotériques (chap. IX. 2). Ce dernier chapitre occupe une position centrale entre les développements consacrés au syncrétisme religieux des Noirs (chap. VIII. 2) et aux Yézidi (chap. X) qui, de différentes façons, touchent les uns et les autres à l'Islam. Les églises orientales illustrent seules l'emploi des instruments au sein d'une orthodoxie religieuse, faute de pouvoir consacrer une enquête particulière à l'Islam orthodoxe, qui d'une façon générale bannit de ses cérémonies les instruments de musique.

Le travail se fonde sur des enquêtes effectuées sur le terrain entre janvier 1970 et novembre 1973.

D'abord nous avons établi un questionnaire portant sur les divers types d'instruments actuellement en usage ou l'ayant été dans un passé récent, sur leurs dénominations vernaculaires et sur leur lieu de fabrication. Le but du questionnaire était d'établir ce qui existe en Irak. Il a été envoyé dans les chefs- lieux des seize départements (mubàfadât) ainsi que dans de petites villes et quelques villages de chaque département. Nous n'avons pu l'adresser aux musiciens locaux parce que nous ignorions leur identité. Nous l'avons envoyé aux écoles primaires et secondaires, dont les professeurs et les élèves ont rédigé les réponses.

Moins de la moitié de nos questionnaires ont reçu des réponses. Celles-ci nous ont fourni cependant une première idée de la répartition des instruments et de leur variété. Ainsi renseignée, nous avons entrepris plusieurs voyages dans les régions et les centres les plus représentatifs des diverses ethnies et religions, où nous avons essayé d'assister à certaines cérémonies.

Ce sont les informateurs locaux qui ont fourni la majorité des indications relatives aux fonctions sacrées. Sans eux, la Troisième partie n'aurait pu être écrite. Car d'une façon générale les pratiques religieuses non orthodoxes s'en- tourent de la plus grande méfiance.

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Par ailleurs, dans chacun de ces voyages, des documents sonores ont été enregistrés, toujours avec l'approbation des musiciens. Ils ont été complétés par les archives de Radio-Bagdad.

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APERÇU SUR LES CADRES GÉOGRAPHIQUE ET ETHNIQUE

1

Géographie

L'Irak est le plus oriental des pays islamiques arabes. Il est entouré à l'est par l'Iran, au nord par la Turquie, à l'ouest par la Syrie et la Jordanie, au sud par l'Arabie Saoudite et le Golfe.

D'une superficie totale de 438 446 km2 (AAS, 1975 :13) 2, le pays comprend trois grandes régions naturelles : du nord-ouest à l'est du pays, le long des frontières syro-turque et iranienne, s'étend la région des montagnes (157 370 km2) (AAS, ibid.) où les pluies permettent la culture des céréales et l'arboriculture.

La seconde région est constituée par les bassins moyen et inférieur des deux grands fleuves, le Tigre, Djla, et l'Euphrate, Al-Furât, qui traversent tout le pays du nord-ouest au sud-est et se réunissent, peu avant Basra, pour former une grande voie d'eau navigable, Chatt-il-Arab, qui se jette dans le Golfe. Cette immense plaine (93 000 km2) (AAS, ibid.) qui englobe la Mésopotamie antique, est irriguée par l'eau des fleuves, répartie par un réseau de canaux. Là où la salinité des sols n'est pas excessive, il est possible de pratiquer diverses sortes de cultures, des céréales au palmier-dattier. Au sud-est de cette région, entre Amara et Basra, se situe la région des Marais, Al-Ahwàr, dont les populations vivent de la pêche, de la culture du riz et des roseaux (S. M. Salim, 1970).

Enfin, la troisième région, qui représente environ la moitié de la superficie totale du pays, est constituée par le vaste ensemble de steppes et de déserts (270 000 km2) (AAS, ibid.) qui occupe tout l'ouest du pays. On appelle Al-Bàdla

1. Parmi les ouvrages généraux sur l'Irak citons : B. Vernier (1963), P. Rondot (1973), A. al- Hassani (1971) et pour l'anthropologie de l'Irak, H. Field (1951, 1952,1956). Les chiffres concer- nant les superficies, les divisions géographiques ainsi que la répartition de la population sont tirés de la publication officielle irakienne Annual Abstract of Statistics de l'année 1975 (abrégé en AAS). Mais comme les statistiques officielles ne se mêlent pas de recenser les diverses ethnies ni les communautés religieuses, les chiffres que nous donnons à ce propos sont tirés des ouvrages cités de Vernier (1963) et de Rondot (1973).

2. Ce chiffre inclut la région de transition entre les montagnes et les plaines.

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la partie située entre l'Euphrate et l'Arabie Saoudite; celle qui se situe entre les deux fleuves, au sud et à l'ouest de Mossoul, est appelée Al-Djazïra.

Ethnies

La population actuelle de l'Irak est évaluée à environ 11 124 000 âmes (AAS, 1975 : 34). Le dernier recensement officiel, celui de 1965, donnait les chiffres suivants : 8 097 230 habitants, dont 3 935 124 vivaient à la campagne et 4 162 106 dans les centres urbains (AAS, 1973 : 63).

Les Arabes représentent, selon des évaluations non officielles, environ 70 % de la population totale. Les Bédouins 3, qui sont des Arabes nomades, vivent dans les steppes d'Al-Bàdïa et Al-Djazïra, tandis que les Arabes sédentaires occupent la partie centrale du pays, le nord-ouest ainsi que le sud.

Les Kurdes représentent environ le quart de la population. Ils occupent la partie montagneuse du pays, de l'est du Tigre jusqu'au nord-est de Bagdad.

Ils se répartissent en Kurdes bahdinans, qui vivent au nord de Mossoul, entre le Tigre et le Zab supérieur, Kurdes soranites installés depuis le Zab supérieur jusqu'aux régions de Sulaimania, Erbil et Kirkouk, enfin Kurdes failia, ou Kurdes du sud, qui vivent dans la région de Khanakin, au nord-est de Bagdad.

La population noire, qui doit compter une centaine de milliers de personnes, est concentrée à Basra.

Les Turkmènes sont évalués à environ 75 000 âmes, On les trouve surtout à Kirkouk et dans ses environs, ainsi qu'à Tallafar, à l'ouest de Mossoul, et dans la région d'Erbil.

On compte enfin des minorités arméniennes, juives et tcherkesses.

Langues

L'arabe et le kurde sont les langues dominantes.

L'arabe se répartit en plusieurs dialectes régionaux : dialectes des Bédouins, du moyen Irak, du sud, de Bagdad et du nord de la région de Mossoul.

Les trois dialectes kurdes : bahdinan, soranite et failite, sont voisins mais différents.

Quant aux Turkmènes, ils parlent une variété de turc.

Les Noirs parlent l'arabe, mais incluent dans leurs cérémonies des mots de leur langue d'origine, le bambasi, langue africaine qu'ils ont oubliée de longue date.

3. Pour les monographies sur les différentes populations d'Irak, nous nous référons à l'étude de A. D. al-Tahir (1970) sur les tribus, à l'œuvre de Minorsky (1968) sur les Kurdes, à une étude historique sur l'origine des Noirs et leur soulèvement au IXe siècle de F. al-Samir (1971). En outre le livre de I. al-Sammarâ'i sur la répartition géographique des langues en Irak (1968) nous a été utile.

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Aperçu géographique et ethnique 15 Le persan est utilisé dans les centres religieux chiites comme Karbala et

le Nadjaf.

Religion 4

Selon des estimations non officielles, la religion musulmane est celle de 95 % de la population totale. Les Chiites (51 %) (Rondot, 1973) sont un peu plus nombreux que les Musulmans orthodoxes sunnites (45 %) (ibid.).

Les Chiites se répartissent en Chiites duodécimains et en sectes hétérodoxes.

Les Chiites duodécimains sont en majorité des Arabes : du sud de Bagdad jusqu'à Basra, la population de l'Entre-deux-Fleuves, arabe et noire, est chiite.

Les Kurdes failites et quelques minorités turkmènes forment des sectes hété- rodoxes, essentiellement soufis.

Chez les Sunnites, les Kurdes, bahdinans et soranis, sont sensiblement plus nombreux que les Arabes. Les Arabes sunnites sont les Bédouins et les habitants de la région comprise entre les deux fleuves, du nord de Bagdad à la frontière syro-turque. En outre, la grande majorité des Turkmènes sont Sunnites.

Les 5 % (Rondot, 1973) environ représentés par la population non musul- mane comprennent : les Chrétiens (environ 3 % de la population totale), répartis en plusieurs églises, locales et non locales, et installés surtout dans les départements de Mossoul et de Dhok; les Sabéens ou Mandéens, qui vivent dans les Marais du sud; les Yézidi, tant kurdes qu'arabes, qui vivent dans le département de Mossoul.

4. Plusieurs monographies sur les différentes sectes ont été publiées, parmi lesquelles figurent l'ouvrage de A.A. al-Sarraf (1954) sur les Shabak, ceux de L. Drawer (1969) et de A. al-Hassani (1970) sur les Sabéens, de S. S. al-Ahmad (1971) et de A. al-Hassani sur les Yézidi.

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PREMIÈRE PARTIE

INSTRUMENTS DE MUSIQUE

Description, répartition

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CHAPITRE PREMIER

IDIOPHONES

I. 1. IDIOPHONES PAR ENTRECHOC

I. 11. Cuillères

H s'agit de cuillères de cuisine en métal ou en bois. L'appellation khawâshïg ou khawâshïlf, est connue dans tout le pays. Les cuillères sont tenues dos à dos : l'une entre le pouce et l'index, l'autre entre l'index et le médium. On pose la cuillère du bas contre la cuisse gauche et la main gauche va frapper la cuillère du haut. Ainsi les deux cuillères sont entrechoquées pour accompagner les chants mais elles peuvent aussi être jouées en solo.

Nous avons vu employer à des fins musicales ces cuillères dans certaines parties du département de Mossoul et à Kirkouk chez les Yézidi, Turkmènes et les Assyriens. Il n'est pas exclu que leur utilisation soit connue dans d'autres parties du pays.

I. 12. Cymbales

Ce sont deux disques de cuivre ou de bronze, dont le diamètre et l'épais- seur varient. Le centre, bombé, est percé de deux orifices par lesquels passe la lanière de préhension.

Le nom générique arabe de cymbales, gandj (pl. snüdj) et ses dérivés sont connus de toutes les ethnies et de toutes les sectes. Ces termes peuvent désigner indistinctement cymbales et cymbalettes. Dans les villes chrétiennes du nord, ces instruments sont désignés par les termes syriaques snûdja, snüdji, ou sisla. Chez les Kurdes, ils sont appelés §anàdjaf et chez les Chiites de Bagdad et du moyen

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20 Les instruments de musique en Irak Euphrate zandj. Les noms génériques sont employés dans l'armée, l'église, et pour le cortège d'un défunt jeune, ainsi que lors de certaines fêtes religieuses telles que la naissance du Prophète (maivlûd). Le nom et l'emploi de l'instrument varient d'une population à l'autre. Parfois le nom est fonction de l'usage qu'on fait de l'instrument. Le terme khalïlïa, qui nous semble emprunté au turc halila (Mauguin, 1968 : 424), est en usage dans les confréries arabes. Le terme halila est lui-même d'origine arabe, }iâl étant l'état mystique en langue arabe.

tchantchâna, appellation bagdadienne, correspond à la fonction populaire et profane des cymbales et, parfois, désignerait aussi une sorte de cymbale épaisse. C'est le facteur ethnique qui entre en jeu dans l'appellation zïl, litt. « son », en usage chez les Turkmènes, qui désigne les cymbales de la confrérie rufaïte d'Erbil comme d'ailleurs des confréries mawlawides de Turquie (cf. Encyclopédie de l'Islam, 481).

Ce même terme, prononcé zïr, se retrouve dans le dialecte de Bagdad, où il désigne les cymbales employées dans les ensembles populaires. Il est probable que le mot fut emprunté jadis aux confréries turques de Bagdad. D'autres appellations s'expliquent par la forme de l'instrument : pas, « bouclier de guer- rier », tâsa (pl. tus), « bol » 1, sont employés surtout dans les villes chiites 2 comme Karbala et Nadjaf.

Ce terme se retrouve également chez les Turkmènes d'Erbil sous la forme tâza ma'rûf3.

I. 13. Claquettes en bois

Il s'agit d'une paire de plaquettes de bois carrées (10 X 10 cm) ou rectan- gulaires (6 X 10 cm), au centre desquelles est attachée une poignée de bois.

Le nom de cet instrument, gargî'an, dérive du verbe garga'a, qui signifie littéralement : « produire du bruit par entrechoquement ». Cette appellation est propre à l'instrument utilisé dans une fête populaire religieuse, lors d'une nuit du mois de Sha'bàn et d'une nuit du mois de Ramadan.

Les deux nuits portent le nom de nuits de gargî'an.

Les claquettes sont connues à Nasiria, Basra et Amara chez les jeunes gens des villes. Chez les paysans et les Bédouins, leur usage n'est pas attesté (al-Mulla, 1971 : 33).

I. 14. Cymbalettes ou crotales

Toujours joué par paires (une ou deux), l'instrument se compose de coupelles bordées d'un rebord plat, souvent ciselé, en cuivre, en bois ou en ivoire, de

1. tâsa désigne en arabe un bol pour boire de l'eau et que les mendiants utilisent comme sébille.

2. A Bahrain, les cymbalettes sont appelées tasi (OCR, 42); s'agit-il d'une influence chiite?

3. Nous n'avons pu déterminer si le mot ma'rûf est un nom propre ou s'il signifie la « géné- rosité » sollicitée par les mendiants.

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Description et répartition des instruments de musique 21 4 à 5 cm de diamètre. Le centre de chacune d'elles est muni d'un anneau dans lequel le joueur introduit le pouce et l'index de chaque main.

Elles sont généralement connues sous le nom de tchumpâra (pl. tchumpârât) d'où dérivent aussi tcharpâlât et tcharpârât 4, ainsi que parpârât (Madjalat al-Arab, 1914 : 493). Jadis, à Bagdad, les Chrétiens les nommaient tchâfçât, de tchâk qui désigne le noyau d'un fruit (Madjalat al-Arab, ibid.) Un dérivé probable de ce terme, tchaJcwâna, se trouve chez les Turkmènes d'Erbil 5. Nous avons trouvé dans le sud d'autres appellations : à Amara, c'est le satchàbigh, et dans la même région, les Tziganes utilisent le terme suffâgât,

« claqueurs », de safga, « claquement de mains » 8.

L'emploi des cymbalettes est réservé aux femmes : outre les Tziganes, qui en font un usage bien connu, les danseuses de cabaret, les femmes, lors des festivités, et aussi les clowns efféminés.

I. 2. IDIOPHONES PAR PILONNAGE OU PERCUSSION

I. 21. Marmites

Divers ustensiles ménagers peuvent servir de tambour : pots de cuivre ou de bronze utilisés pour la cuisine, kidr, ou dans les bains comme récipients, lagan ou salabtcha, à Mossoul, sièges de bain, ka'âda, à Mossoul également, amphores en terre cuite, bastûga, utilisées pour conserver des produits liquides ou visqueux. Retournés, les pots métalliques sont joués avec les mains ou, éventuellement, avec une baguette; on dépose parfois des pièces de monnaie dont le tintement s'ajoute aux sonorités de la percussion. Les amphores en terre sont frappées sur les bords du col à main nue ou avec une ou deux baguettes. L'emploi des marmites comme tambours est très répandu lors du bain de la mariée et chez les marins du port de Basra. Chez les Bédouins, on frappe al-pandjarïa lorsqu'un malheur arrive; chez les Kurdes, mandjal lors d'une éclipse.

I. 22. Plateau frappé

A Karbala et à Nadjaf, centres religieux des Chutes, l'emploi des instruments de musique est très limité. Comme substitut on emploie le plateau de métal

4. Dans le Badhdadiat, vol. I, 1967, "Aziz Djasim al-Hidjia voit pour ce mot une origine persane. Selon lui, tcharpâlât est une déformation de deux mots, tchahâr et parât, qui signifient

« quatre pièces ».

5. Dans le Dictionnaire de la musique arabe, 1964 : 40, Mahfûz parle de sunùdjil-açâbi,

« les cymbales des doigts », ainsi que de fkalshât, mais il n'indique ni où ni quand ces terminologies ont été en usage.

6. Ce terme était connu sous les Abba9sides (Madjalat al-Arab, 1914 : 493).

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sur lequel on présente nourriture et boisson; on l'utilise de la façon suivante : on frappe les bords avec les mains, ce qui a pour effet d'ébranler verres et cuil- lères, dont le tintement s'ajoute à la percussion.

I. 23. Mortier et pilon

L'usage à des fins musicales du mortier et du pilon est lié au pilage du café;

il est spécifique des tribus arabes.

Chaque cheikh emploie pour cette fonction un spécialiste qui pile le grain selon un rythme spécifique qui identifie le chef et la tribu. Les sons du pilage constituent en fait une invitation du cheikh aux membres de la tribu pour prendre le café et pour discuter les problèmes du jour. Une anecdocte signifi- cative rapporte que dans un village chrétien, Tallaskaf, un étranger venu un jour piler le café usa d'un rythme semblable à celui de la famille dirigeante et provoqua un tollé dans tout le village. Il dut en être expulsé.

Les mortiers, très variables par leur forme et leur taille (de 30 à 50 cm), sont taillés dans un bois monoxyle, sculptés et très souvent ornés de clous dorés.

Le pilon, également en bois, long de 50 cm, a l'extrémité supérieure en forme de fuseau. Mortiers et pilons sont fabriqués dans les villes proches du désert.

I. 24. Bidon percuté

On utilise des bidons d'essence en guise de tambours (photo 1, h.t.).

Deux des parois, dont celle sur laquelle on frappe, sont incurvées à dessein, et pour éviter que le bidon ne bouge pendant la percussion, on le remplit souvent de pierres. Dans les départements du sud, notamment à Nasiria, le tanaka peut faire partie des ensembles de joueurs divâgïg qui offrent leurs services pour les divertissements.

Le bidon peut être frappé à main nue ou avec deux baguettes en bois de palmier.

Le terme général est tanaka, « bidon », mais on trouve tànkï à Karbala et dans le moyen Euphrate et pâto chez les populations noires de Basra. On emploie le bidon dans les cas suivants : comme substitut du tambour par les enfants, par les femmes, dans les centres religieux du moyen Irak comme Karbala et Nadjaf où presque tous les instruments sont considérés comme illicites. Dans ces deux cas, l'emploi du bidon traduit un geste d'improvisation spontanée pour accompagner le chant, et même la clarinette comme à Mossoul.

Dans le sud, à Basra, chez les populations noires, le bidon est un instrument important qui existe à côté des tambours. Il fait partie d'un ensemble noir dit haywa (cf. chap. VIII. 2). Lors des éclipses, dans le pays tout entier, les bidons figurent parmi les objets métalliques les plus recherchés pour la percussion.

I. 25. Anneau métallique frappé

A Bagdad, de nos jours, les vendeurs d'essence signalent leur passage en frappant sur un grand anneau métallique qui repose sur un bâton fixe, pro-

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Description et répartition des instruments de musique 23 duisant des sons très semblables aux grandes cloches nâkûs. Chaque vendeur

frappe selon un rythme qui lui est propre. Cet instrument n'a reçu aucun nom.

I. 26. Cloches et clochettes

De taille et de forme très variables (fig. 1), les cloches sont en bronze ou en fer. Elles sont munies d'un ou deux battants internes kalb, « cœur ».

Les cloches sont pourvues soit d'une poignée pour l'usage manuel, soit de pattes de suspension, comme c'est le cas pour les clochettes d'animaux qui tintent au gré des mouvements de l'animal. Pour les grandes cloches d'église, des cordes sont fixées aux battants, qui sont ainsi mis en mouvement manuelle- ment. Nous avons entendu parier d'une grande cloche d'église qui fut accrochée, dans la région des montagnes, à un tronc d'arbre et frappée avec un morceau de bois constituant un battant externe. Les clochettes peuvent être enfilées en colliers, khalta, à Bagdad (al-Hidjia, 1968 : 78) ou en séries de grandeur variable disposées verticalement. Dans les caravanes, l'animal de tête est sou- vent porteur d'une cloche haute d'environ 30 cm. Les animaux domestiques portent des clochettes au cou, à la fois comme décoration et comme signal à l'intention des piétons, dans des villes où entrent vaches et chameaux, et aussi pour éviter que les bêtes ne se perdent dans les chantiers de construction.

Les dénominations des cloches sont d'ordre générique, ethnique ou régional.

Elles n'impliquent ni la forme, ni la taille (à l'exception de la grande cloche i}â]fûs). djaras (pl. adjarâs) sont les termes génériques arabes qui désignent les cloches de taille petite ou moyenne. La grande cloche est appelée nâJcûs en arabe, nâlfoskâ en syriaque. Chez les Kurdes, zang, zangûla ou zangal

— ces deux derniers termes étant des diminutifs signifiant « clochettes » ou

« grelots » — sont des termes génériques 7. Les Turkmènes usent les termes zîl et kankâwar, et l'on emploie zâga chez les Syriaques, et drâgh chez les Arabes du sud.

I. 3. IDIOPHONES PAR SECOUEMENT

I. 31. Hochets et grelots (fig. 1 et 2)

Nous pouvons distinguer trois types de hochets : hochets fonctionnels et musicaux, jouets d'enfants et hochets bijoux. La plupart se trouvent dans le

7. Les grelots sont appelés djanàdjil, mais parfois aussi djaraç, « petite cloche ». La distinction entre cloches et grelots n'est pas systématiquement observée.

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nord du pays, et ils sont connus sous le nom générique de khirkhâsha, khashusha à Mossoul, kharkhushta en syriaque. Les autres dénominations sont onomato- péiques.

- Hochets fonctionnels et musicaux. Dans le nord de l'Irak, on emploie une boîte en carton ou un sac plein de cailloux, appelé khashasha en arabe dialectal de Mossoul, ou une boîte métallique qui renferme une quantité de cailloux, appelée fçarlçashtïa en syriaque.

Les paysans secouent ces hochets pour effrayer les oiseaux lors des semailles, et les bergers pour faire marcher leurs troupeaux. Les chanteurs dans le moyen et le sud de l'Irak utilisent une boîte d'allumettes peu remplie qu'ils tiennent dans la main gauche et qu'ils frappent du bout des doigts de la main droite.

Dans les tribus bédouines, une hampe surmontée d'un pommeau métallique creux contenant des grains fonctionne comme hochet lorsque la hampe est brandie et agitée. Cet objet, beîragh, « étendard », est utilisé lors de grands événements comme le combat. Les fidèles chiites s'en servent également au cours des défilés dans les cérémonies du deuil de Hussein.

- Hochets jouets. Ces hochets sont le type le plus répandu dans le pays.

Ils sont faits soit par les enfants eux-mêmes, soit par les adultes pour les enfants. Leur matière et leur forme sont très variables.

Les hochets confectionnés par les enfants sont d'une très grande variété.

Nous citons le shafrshajca, qui est une boîte métallique renfermant des cailloux, et le wighwâgha, qui est une boîte d'allumettes remplie de noyaux de fruits.

Les hochets fabriqués par les adultes sont naturellement plus élaborés.

On en trouve de presque toutes les matières : métal bon marché, argent travaillé, or pour les enfants riches. Ils sont actuellement supplantés par l'invasion des hochets de matière plastique, importés ou de fabrication locale. Les courges

— kharnaïk dans le dialecte du nord, kharnùb en arabe littéraire, dans le sud gfïn dialectalement, yagfin en arabe littéraire — peuvent être aussi utilisées comme hochets. A Hammam al-'Alil, près de Mossoul, et à Tuzkhirmatu, près de Kirkouk, ce sont les paysannes qui fabriquent des hochets de forme variée à l'aide de tiges de blé assouplies dans l'eau pendant un à trois jours, puis tressées.

On y enferme des grains et des cailloux.

- Hochets bijoux. On connaît deux types de hochets qui servent d'orne- ment aux femmes et aux enfants, et qui ont parfois une fonction magique :

a. al-djardjar est un cylindre creux qui renferme du sable. Il constitue la partie centrale d'un collier très connu jadis à Mossoul.

b. al-khalkhâl en arabe, kharkhar en kurde, est un anneau creux en or ou en argent, rempli de petits cailloux, qui entoure les chevilles de la femme et bruit au gré de ses mouvements.

- Grelots. D'or ou d'argent, de forme variable, ils peuvent être enfilés en série ou avec des objets différents. Ils apparaissent dans les bijoux féminins des mains, des pieds, du corps et de la tête. Un grelot unique se porte sur le front des enfants ainsi que sur le sexe des jeunes garçons choyés. Les grelots sont également portés par les animaux favoris.

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Description et répartition des instruments de musique 25

1. Clochette 2. Grelots

3. Hochet en paille tressée; A : face; B : profil

L 32. Sonnailles

I. 321. Ceinture sonnailles.

Il s'agit d'un assemblage de sabots de moutons ou de chèvres, cousus avec des fils de nylon ou de boyau à un tissu en forme de jupe ouverte dans sa partie antérieure (photo 2, h. t.).

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Cette jupe est connue seulement de la population noire, qui l'appelle mandjûr à Basra et habbüb à Bagdad 8. Elle apparaît dans un ensemble rituel noir appelé nûbàn (cf. chap. VIII. 2), où elle est accompagnée de la lyre et des timbales.

Les sons des sabots entrechoqués sont provoqués par les mouvements du bassin, tandis que le reste du corps demeure immobile.

I. 322. Sonnailles en grappes : chaînes.

Il s'agit d'une grappe de chaînes métalliques appelées zandjïl (pl. zanâdjïl), attachées à une poignée de bois, de métal, ou même d'argent (photo 5, h. t.).

Le nombre des chaînes, leur longueur, ainsi que le nombre des anneaux zard sont variables. On les évalue généralement à leur poids, qui varie entre 250 g et 2 kg ».

On obtient le son en tenant la poignée par la main et en frappant les chaînes sur le dos au rythme des cymbales. C'est ainsi que se mortifient les Chiites lors des cérémonies religieuses et populaires qui commémorent la mort de Hussein.

I. 323. Sonnailles attachées.

Les sonnailles attachées ou enfilées sont d'une très grande variété quant à leur forme. Elles sont faites en or, en argent, en métal ordinaire ou en pierre (photo 5, h. t.).

Sonnailles-bijoux et grelots sur anneaux peuvent être des grelots en séries comme c'est le cas pour le djandjal (pl. djanâdjil) ou encore djaljal (pl. djalâjil), où plusieurs grelots d'or et d'argent s'attachent à un anneau de même matière.

al-masbaka, chapelet en pierre, en matière plastique ou autre, est utilisé par les hommes comme passe-temps. Il sert, dans le sud et le moyen Irak, à des fins musicales. Pour ponctuer leur chant, les chanteurs le jettent d'une main dans le creux de l'autre ou le mettent sur un plateau dont ils frappent le bord.

Le djandjal est d'ordinaire réservé aux enfants qui commencent à marcher, non seulement comme ornement mais surtout comme signal d'alerte sonore pour la mère.

D'autres types de sonnailles-bijoux sont réservés aux femmes : colliers, bracelets, colliers pour le front, en pièces de monnaie, pièces métalliques, petits objets, grelots, etc., sont suspendus ou attachés à des chaînes ou à des cordelettes. Ornements et signes extérieurs de prospérité de la femme, ils sont souvent offerts, sous forme de dot ou de cadeaux, ou achetés par la femme elle- même.

8. Selon le Dictionnaire de la musique arabe, le babbûb n'est pas la ceinture mais la personne qui la porte (Mahfuz, 1964 : 17). Cette approximation peut, croyons-nous, s'expliquer par le fait que cette dénomination a été donnée par des Bagdadiens non noirs.

9. L'une des chaînes que nous avons mesurées avait 42 cm de longueur et se composait de treize chaînes.

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Description et répartition des instruments de musique 27 I. 324. Sonnailles sur disque.

Il s'agit de sonnailles du culte chrétien, composées de deux disques, en argent ou en or, d'un diamètre d'environ 30 cm, plaqués l'un contre l'autre et fixés au niveau de la circonférence par une lame métallique repliée. Les grelots sont attachés autour des disques. Leur hampe en bois est recouverte dans sa partie supérieure par une gaine d'argent ciselé et surmontée d'une sphère à motifs godronnés (photo 4, h. t.).

Les deux disques sont ornés et ciselés sur chaque face de façon à représenter l'image d'un ange. Le murmure des anges est symbolisé par le son des grelots qui frappent le bord des disques 10.

Cet instrument est appelé mrwajia en arabe, mrwafyto ou mrwaho en syriaque.

Le sens d'« éventail » s'explique parce qu'il s'agissait originellement d'un véri- table éventail chasse-mouche dépourvu de grelots. On l'appelle parfois djanâjil,

« grelots », en raison des grelots qui l'entourent.

De nos jours, l'emploi de cette variété de flabelle devient plus rare en Irak, surtout dans les grands centres comme Bagdad. Jadis, les ilabelles étaient utilisées dans toutes les fêtes, le dimanche et lors des grand-messes. Les son- nailles sur disques sont employées par paires. Leur fabrication est généralement locale, et très coûteuse. Elles sont offertes à l'église par des individus et des familles, surtout en mémoire d'un défunt.

I. 33. Sistres

Ils se composent d'objets, identiques ou non, enfilés autour d'une ficelle ou d'un cordon, qui se heurtent les uns les autres (photo 3, h. t.).

On connaît en Irak deux types de sistres : l'un, destiné à attirer l'attention d'un bébé, se compose d'objets, sonores ou non, enfilés et attachés aux deux extrémités du lit de l'enfant.

Le seul sistre qui ait une fonction rythmique explicite est celui que l'on emploie dans les « maisons de force », zûrkhâna, où l'on pratiquait naguère encore à Bagdad une sorte de gymnastique d'inspiration religieuse. Ce sistre, appelé gabbàda, se compose d'un arc en métal et d'une chaîne qui s'attache aux deux extrémités de cet arc. La chaîne est composée d'un nombre variable de maillons. Sur chaque maillon sont alternativement enfilés deux ou trois anneaux métalliques d'un diamètre de 5 cm. Le centre de l'arc et de la chaîne sont interrompus par des poignées. Tous les gabbàda sont de même taille, mais leur poids varie entre 3 et 50 kg. Celui que nous avons vu pesait 8 kg et sa longueur était de 115 cm. L'écartement entre la chaîne, tendue au maximum, et l'arc était de 77 cm.

10. Il semble que les disques puissent parfois être entourés de clochettes et de cymbalettes (Janin, 1955 : 367-377). Nous n'avons personnellement pas vu ce genre de flabelles en Irak.

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L'exercice quotidien du zùrkhâna se compose de différents jeux, et chacun des jours de la semaine est consacré à un seul type de gymnastique : le gabbâda est utilisé uniquement le mercredi, et vers la fin de l'entraînement, car il est considéré comme l'instrument le plus difficile à manier. L'entraînement sur le gabbâda dure d'une heure à deux heures; il est accompagné par le rythme du tambour en poterie, zarb : sans l'accompagnement du zarb, en effet, le gymnaste, pahlawàn, ne peut manier le sistre plus de vingt fois ; avec son aide, au contraire, il peut continuer jusqu'à cinq cents fois, en le secouant de gauche à droite ou de haut en bas. Les petits anneaux de chaque maillon se heurtent alors les uns les autres, produisant une sonorité qui s'ajoute au rythme du tambour et aux chants.

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