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Academic year: 2021

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IMAGE [&] NARRATIVE Vol. 19, No.4 (2018) 1

Éditorial

L’histoire de la photographie semble s’accorder autour d’un récit commun : celui de la généralisation des pratiques photographiques par l’abaissement des barrières technique et économique dans l’utilisation et l’acquisition des moyens de prise de vue. À partir de ce constat et selon une vision utopique, ce discours a validé l’idée originelle d’une photographie présentée comme un « art pour tous », voire comme un bien commun offert à l’humanité, et a scellé son association aux valeurs démocratiques et universalistes.

Ne s’agit-il pas, cependant, d’un paradigme qui contient les éléments de sa propre contradiction ? Dans la mesure où le capitalisme, système engendrant domination et inégalités, s’est épanoui avec toujours plus de vigueur dans les régimes démocratiques occidentaux depuis le XIXe siècle, n’est-il pas nécessaire de réévaluer

ces arguments ? Sur le plan économique et culturel, la production des photographies met-elle en jeu des valeurs

différentes de celles que lui attribuaient les promoteurs de l’invention au XIXe siècle ? Il est en effet temps d’entreprendre une étude des relations qu’entretient la photographie avec le système capitaliste, considéré non pas comme une simple architecture économique, mais bien comme un ensemble de valeurs politiques et sociales qui gouvernent les rapports humains. Associée au monde des images, aux enjeux politiques du pouvoir, aux formes de propagande et à une société de consommation, la photographie reste intimement liée aux débats sur l’aliénation et les dérives du capitalisme.

Ce dossier d’Image & Narrative propose d’ouvrir le chantier d’une étude poussée des relations entre la photographie et le capitalisme en analysant les ambiguïtés d’un médium toujours dépendant des pratiques et des usages. S’il n’en reprend pas toutes les communications, il est le résultat d’une journée d’études tenue le 20 mai 2017 à l’Institut national d’histoire de l’art (Paris), qui réunissait essentiellement de jeunes chercheur.e.s dont les travaux témoignaient d’une dynamique et d’intérêts communs. Son but était de faire émerger des questionnements et des pistes de travail permettant de penser les liens entre photographie et capitalisme, en confrontant les valeurs portées par ces deux objets centraux de l’histoire contemporaine.

C’est précisément autour de cette notion de valeur que Michel Poivert, dans son introduction intitulée

« La photographie : cause capitale ? », propose de réévaluer l’histoire de la photographie au-delà d’une discussion sur l’évolution des techniques ou des styles. Prenant la photographie vernaculaire comme exemple, il interroge sa marchandisation et introduit l’idée d’un « modèle éthique » comme alternative à l’écriture de l’histoire de la photographie.

Approfondissant l’analyse de la photographie comme marchandise, Isabella Seniuta révèle le pouvoir

des réseaux de collectionneurs dans l’émergence d’un nouveau marché pour la photographie dans les années 1970. Elle postule que ce dernier a été l’une des conditions de la reconnaissance de la valeur artistique de la photographie en montrant la voie aux institutions.

Anne Le Tallec montre qu’à la même époque, sur la côte Ouest des États-Unis, la photographie est à son

tour utilisée pour interroger et critiquer la logique capitaliste. Le groupe de photographes composé de Fred Lonidier, Phel Steinmetz, Martha Rosler et Allan Sekula explore les potentiels plastiques et documentaires du médium photographique quant à la possible formation d’un discours critique sur la société consumériste

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nord-américaine.

En revenant sur l’histoire des photo-clubs français d’après-guerre, Guillaume Blanc montre que les

mêmes velléités de contestation ont agité les photographes amateurs, mais plutôt dans le but de dénoncer l’instrumentalisation idéologique de la photographie elle-même. C’est à travers la figure de l’auteur, synonyme d’émancipation face à la bureaucratisation de la société contemporaine, que s’est exprimée cette contestation. Celle-ci s’oppose à un photographe producteur, au service de l’idéologie libérale.

La question du pouvoir formel des images photographiques à porter un discours critique anti-capitaliste se retrouve dans deux articles. D’abord, avec l’article de Max Bonhomme, qui se concentre sur le contexte

de l’entre-deux-guerres et analyse la place des photomontages et des statistiques graphiques dans les publications françaises. Mêlant image documentaire et objectivité scientifique, Bonhomme explique l’intérêt du photomontage dans les visualisations critiques de la crise économique.

Construit autour de la possibilité d’une superposition de pratiques photographiques aux formes multiples et de discours critiques sur l’accumulation en tant qu’explication de l’histoire coloniale et de la société britannique contemporaine, l’article de Taous R. Dahmani propose de remonter les traces de l’histoire du capitalisme à

travers les travaux d’Ingrid Pollard, Hew Locke, Roshini Kempadoo et Keith Piper.

Ces interrogations historiques sont enfin actualisées dans le contexte contemporain avec une discussion autour du travail critique du photographe Sylvain Couzinet-Jacques. L’entretien mené par Camille Balenieri

permet d’ouvrir les perspectives et d’interroger la forme actuelle du capitalisme et les stratégies visuelles adoptées par le photographe pour la commenter.

Si ce numéro reprend le contenu de la journée d’études et est ainsi essentiellement axé sur le XXe siècle, l’équipe éditoriale a poursuivi ses réflexions avec l’organisation d’un colloque international intitulé « La photographie, avec ou sans le capitalisme » qui a eu lieu le 18 et le 19 décembre 2018 à l’Institut national d’histoire de l’art. Les éditeurs de ce dossier remercient les contributrices et contributeurs à ce dossier pour leur collaboration, ainsi que l’équipe d’Image & Narrative pour leur accompagnement et leur soutien à ce projet.

Guillaume Blanc et Taous R. Dahmani, Paris, janvier 2018.

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