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L art de la comédie. Création le 28 janvier Disponible en tournée février > avril 2016 / octobre > décembre 2016

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Texte intégral

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Création le 28 janvier 2016

Disponible en tournée

février > avril 2016 / octobre > décembre 2016

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Distribution

Texte

Eduardo de Filippo

Mise en scène Patrick Pineau

Scénographie Sylvie Orcier

Lumières Christian Pinaud

Musiques Nicolas Daussy

Costumes Brigitte Tribouilloy

Vidéo (en cours)

Avec 8 comédiens Aline Le Berre Fabien Orcier Sylvie Orcier Marc Jeancourt (distribution en cours)  

Mentions

Production déléguée

Théâtre-Sénart, Scène nationale

Coproduction Compagnie Pipo

Le Grand T, Théâtre de Loire-Atlantique Théâtre Dijon Bourgogne,

Centre dramatique national Théâtre Firmin Gémier/La Piscine, Antony et Châtenay-Malabry

Théâtre-Sénart, Scène nationale

La compagnie Pipo-Patrick Pineau est subventionnée par la DRAC Île de France - Ministère de la Culture et de la Communication.

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Résumé

Une journée ordinaire dans l’Italie des années 60. Oreste Campese, chef de famille et chef de troupe, a une modeste requête a soumettre aux autorités. Celles-ci sont représentées par Son Excellence De Caro, qui s’apprête justement à entrer dans ses nouvelles fonctions de Préfet. À ce titre, il songe ce matin-là à faire la connaissance de quelques-uns de ses administrés. Giacomo Franci, le secrétaire de la préfecture, informe donc son supérieur des différentes visites prévues pour l’après-midi : le médecin, le curé, le pharmacien, l’institutrice…

Évidemment, Oreste Campese ne figure pas sur cette liste, sa compagnie théâtrale étant itinérante, il n’est pas à proprement parler l’un des notables de ce chef-lieu de province. Mais qu’à cela ne tienne.

Ce matin, De Caro se sent plein de bienveillance. Et puis, après tout, un entretien imprévu avec un comédien peut s’avérer distrayant… Oreste Campese aura donc droit à son audience.

Cependant rien ne va se passer comme prévu. La conversation entre le grand fonctionnaire gentiment paternaliste et l’humble artiste un peu maladroit débouche très vite sur un malentendu irréparable.

Pourtant, De Caro est d’autant plus enclin à parler d’art qu’il a lui-même joué la comédie dans sa jeunesse. Il est même prêt à parler des problèmes du spectacle vivant, de la place du théâtre dans la cité, voire des principes qui devraient guider le choix du répertoire (classique ou contemporain ?). Mais De Caro et Campese, décidément, n’ont pas l’air de parler des mêmes choses, ni dans les mêmes termes. À croire que l’artiste y met de la mauvaise volonté.

Au fait, qu’est-ce que Campese est venu demander exactement ? Sa roulotte ayant brûlé, il ne reste plus à sa troupe que de quoi se grimer, perruques, costumes et maquillages. Tout le reste est parti en fumée. Ah, nous y voilà. De Caro croit comprendre : les saltimbanques veulent une aide exceptionnelle.

Peut-être qu’un coup de pouce pour quitter la ville en voyageant gratis, un simple permis de transport en chemin de fer en deuxième classe, réglerait la question ? Sur un geste du Préfet, Giacomo

s’empresse d’établir le document.

Or Campese refuse de le prendre. Ce n’est pas de l’argent qu’il veut, ni rien qui soit d’ordre matériel. En fait, la simple présence du Préfet à une dernière représention de bienfaisance suffirait à son bonheur, pourvu qu’elle soit annoncée par voie d’affiche, car elle encouragerait ses administrés à suivre son exemple. Et cette demande-là, curieusement, vexe De Caro : c’est qu’il n’a pas de temps à perdre au théâtre, lui ! Il a bien trop d’affaires à régler ! Le monde réel l’attend, les fictions dramatiques devront attendre – ou décamper. Perdant patience, le Préfet intime à son secrétaire de raccompagner

immédiatement l’insolent artiste vers la sortie, sans oublier de lui remettre quand même son permis de transport, et là-dessus, bon vent ! Seulement voilà : Giacomo, dans sa hâte, se trompe de document et remet à Campese la liste des notables attendus dans l’après-midi…

Il suffit au vieux comédien d’un simple coup d’œil sur la feuille pour comprendre la méprise et le parti qu’il pourrait en tirer. Ce Préfet si bien informé, si pénétré de ses responsabilités vis-à-vis du monde, si convaincu de pouvoir faire la différence entre réalité et fiction, comment peut-il être tout à fait certain que le médecin, le curé, l’institutrice qui seront introduits tout à l’heure ne seraient pas des acteurs qui lui joueraient la comédie ? Pour De Caro, c’en est trop : ce défi que lui lance Campese n’est qu’un dérisoire outrage de plus. Mais après tout, est-ce si sûr ? À peine le comédien est-il parti que déjà le poison du doute commence à s’insinuer dans l’esprit de Son Excellence…

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Nous passons aux travaux pratiques dès la première visite, celle du médecin, Quinto Bassetti. D’autres suivent. Et à chaque fois, le Préfet ne peut s’empêcher de se poser la troublante question : cette personne devant moi est-elle un vrai notable, est-elle un acteur interprétant son rôle ? La requête qu’on me soumet est-elle née d’un problème concret, ou n’est-elle que le fruit de l’imagination mélodramatique d’une bande de cabotins de province ? Dans le premier cas, les histoires présentées à De Caro sont douloureuses ; dans le second, elles sont franchement risibles. Quelle attitude faut-il donc adopter ? Après l’audience du médecin, celles du curé, de l’institutrice et du pharmacien ne font que compliquer le problème, d’une urgence toujours plus grave. Touche par touche, tout un petit monde se dessine – mais comment savoir s’il est réel ? Et lorsqu’Oreste Campese opère in extremis un retour inattendu, est-ce pour mettre le point final au tourment du Préfet, ou pour lui infliger un dernier point d’interrogation ?…

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Note

Eduardo de Filippo sait ce dont il parle, et il sait comment le montrer. Enfant de la balle, acteur, auteur, metteur en scène, il a tout connu du théâtre. Il maîtrise aussi bien les grandes discussions théoriques que les ficelles du métier. Il a lu Pirandello, il a aussi le sens des formes populaires. Le premier acte de L’Art de la comédie a l’air d’un débat d’idées, ce qu’il est à certains égards, mais c’est aussi une rencontre qui tourne à l’aigre, un rapport de force entre deux êtres vivants. Le deuxième acte paraît bâti sur une parade de silhouettes dignes de la grande tradition italienne, mais leur succession construit aussi, peu à peu, le portrait typique de toute une petite société provinciale – vivante, elle aussi. Le titre même de L’Art de la comédie est à l’image de l’art d’Eduardo de Filippo. Il est simple et subtil à la fois. Tout dépend du regard que vous, spectateurs, posez sur lui, et de votre façon de participer à ce qui arrive. Et de ce point de vue, cette pièce n’est pas seulement l’« Art poétique » d’Eduardo. Elle est aussi, si l’on peut dire, un autoportrait de cet art même.

En un premier sens, le titre semble promettre une « mise en abyme » à la Pirandello, une nouvelle variation sur le vieux thème du théâtre dans le théâtre. La « comédie » dont il est question est alors la comédie théâtrale, tout entière du côté de la fiction. Mais à y regarder de plus près – et c’est bien ce à quoi le bonhomme Campese contraint De Caro dans le vertigineux deuxième acte – cette « comédie » est aussi bien celle dans laquelle nous jouons tous un rôle, la « comédie humaine » (trop humaine) où médecin, curé, institutrice ou pharmacien… et Préfet arborent fièrement leurs costumes et demandent qu’on leur

reconnaisse un sens et une valeur réels. Où donc se situe la frontière d’une comédie à l’autre – celle qui sépare les rôles « de l’art » ou de la commedia dell’arte, purs produits du savoir-faire traditionnel de la tribu Campese, et ceux que nous jouons « dans la vraie vie » en nous efforçant plus ou moins consciemment de ressembler à ce que nous sommes censés être ?

Cette frontière, le Préfet, homme sérieux, cultivé et habitué à trancher, se croit capable de l’identifier. Elle va sans dire : le réel, n’est-ce pas, c’est le réel (telle est la réponse que font généralement les pouvoirs, tous les pouvoirs). S’il faut un critère, disons alors que le réel, c’est ce qui mérite prioritairement que le Préfet lui consacre son temps. Le théâtre, dès lors, n’est qu’un reste : ce à quoi on peut occuper le temps que le réel vous laisse, s’il y en a.

Quand Campese demande à De Caro de s’afficher officiellement au théâtre, il attend de lui qu’il

reconnaisse ce dernier dans sa noblesse propre, voire qu’il lui concède parfois la priorité. D’abord et tout simplement parce qu’il est réel, au même titre (par exemple) que la médecine, la religion, l’éducation. Mais justement : si le théâtre était réel, s’il n’était réel qu’en ce sens, alors d’où viendrait que le Préfet ait tant de mal à accorder à l’histrion la dignité qu’il accorde sans difficulté au docteur ou au curé ?

Le Préfet ne voit pas sa propre cécité. Il incarne l’autorité, qui a pour rôle de sanctionner et de publier l’échelle des valeurs et des urgences. Au fond, pour lui, le théâtre n’est qu’une distraction, même sous sa forme la plus haute. Il ne peut admettre qu’il puisse être constitutif du sens même de ce qu’on appelle le réel. Mais Eduardo de Filippo, de façon discrète, a glissé un indice qui nous aide à mieux saisir à quelle limite le représentant de l’autorité se heurte : Campese est à la tête d’une troupe itinérante – contrairement aux notables, l’histrion n’a pas de résidence. Est-ce à dire que les comédiens n’appartiennent pas à la cité ? Au contraire, ils lui appartiennent, ils lui sont même essentiels. Mais ils ne lui appartiennent pas au même titre que le pharmacien ou l’instituteur. Ils lui appartiennent comme le poète (que Platon déjà, autorité éminente s’il en est, voulait expulser de la cité). Au fond, la place du théâtre telle que la conçoit le Préfet n’est qu’un lieu résiduel et vide (de tout contenu réel, de tout sens). Il ne voit pas qu’il est d’abord une place libre, une aire dégagée, un carrefour qui seul permet le mouvement parce qu’il appartient à tous

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et à personne : une voie publique. Et toute cité digne de ce nom a besoin de ce mouvement qui la traverse et l’inquiète. C’est pourquoi les comédiens ont avec le voyage une affinité profonde, sur laquelle Campese ne transige jamais. Avec le voyage, donc avec le franchissement des frontières. Toutes les frontières, y compris celles qui se tracent entre le réel et lui-même.

Comprendre autrui, l’écouter, sympathiser, « se mettre à sa place » : autant de noms de ce franchissement fondamental qui nous permet de circuler d’une possibilité de vie à l’autre, à la rencontre d’expériences qui sinon nous resteraient inaccessibles, indicibles.

Ce n’est pas de la haute philosophie. C’est très simple. Tout le monde peut toucher cela du doigt. Nous avons tous des « rôles » à jouer, des « emplois » (dans l’acception théâtrale du mot) à assurer. Nous nous y identifions plus ou moins profondément. Nous avons tous besoin d’être reconnus dans ces « rôles » et ces

« emplois », mais aussi de leur échapper. Et nous avons également besoin de reconnaître le territoire secret des autres au-delà même de leurs « emplois », d’entrer dans leurs histoires qui nous permettent d’ébranler, de compliquer, d’approfondir les nôtres, d’accompagner dans l’intimité de leurs rôles nos frères et sœurs en humanité. L’artiste dramatique satisfait pour nous ce besoin de reconnaissance (au double sens, actif et passif, du terme) qui est un besoin de se fixer et de s’échapper, de se refermer et de s’exposer. Il le fait en incarnant et donnant à voir cette circulation de soi à autrui, en la faisant reconnaître : il est et n’est pas Hamlet, Roméo, Juliette ou Polichinelle, il traverse les mille formes diverses de l’humanité, restituant ainsi à tous la part de chacun qui échappe à son « rôle ». C’est ce qui fait la solitude de l’artiste, et c’est par là qu’il nous libère de la nôtre.

Tout cela, Eduardo de Filippo nous le montre. Il nous le fait éprouver, tout simplement. La discussion abstraite, théorique, qui semble avoir les préférences du Préfet, ne touche pas à l’essentiel, parce qu’elle ne touche pas. L’art de la comédie, c’est aussi l’artisanat modeste qui touche et fait toucher l’humanité, quand on veut bien lui faire place. Le Préfet est donc puni par où il a péché. Il croit que les acteurs « font

semblant », qu’ils sont des imitateurs, et que leurs copies se laissent toujours distinguer de l’original : son châtiment est donc de ne plus oser faire cette distinction, de prendre le risque de rester sourd à son émotion, de crainte de « se faire avoir », de se laisser vaincre et tromper par cet insolent Campese, cet adversaire dont le seul piège n’aura peut-être consisté qu’à lui faire croire qu’il lui en avait tendu un...

Et nous, spectateurs ? Nous rions, nous tremblons, nous sentons notre gorge se serrer. Nous nous laissons transporter – nous entrons dans le voyage des comédiens. Nous circulons sans un mot dans et par les émotions. Nous consentons à cette tromperie qui n’en est pas une, puisqu’elle dit vrai, puisqu’elle touche juste. Et nous sourions, bien sûr. Car nous savons bien, et depuis le début, que le Préfet, son Excellence De Caro, n’est jamais, lui aussi, qu’un acteur qui joue son rôle – ni plus ni moins qu’Oreste Campese, chef de famille et chef de troupe. Et que c’est grâce à l’un autant qu’à l’autre, deux comédiens, deux hommes ensemble, deux visages d’Eduardo parmi tant d’autres, que nous vivons si pleinement une journée ordinaire dans l’Italie des années 60.

Daniel Loayza (5 mars 2015)

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Entretien

Daniel Loayza : Depuis quand vous intéressez-vous à Eduardo de Filippo ?

Patrick Pineau : Depuis un bon moment. J’aime beaucoup La Grande magie, sa pièce la plus connue, mais elle a souvent été montée. Mon ami Jean-Michel Puiffe m’a fait lire L’Art de la comédie. Il me connaît bien… Il a tapé juste. La pièce rassemble des quantités de choses qui me plaisent et qui me tiennent à cœur.

DL : Lesquelles ?

PP : D’abord la troupe. J’aime être fidèle aux mêmes comédiens, j’aime les retrouver. Le travail qu’on a déjà fait ensemble se dépose, s’accumule, et donne une sorte de profondeur à ce qu’on va vivre la prochaine fois. L’Art de la comédie est une histoire d’acteurs et de troupe, et c’est en même temps toute une gerbe d’histoires. Et au fond de tout ça, la question qui revient, c’est justement : qu’est-ce que c’est, raconter des histoires ? Pourquoi est-ce que ça me passionne ? Pourquoi est-ce qu’on aime ça, nous les acteurs et vous les spectateurs ? Et si c’est important, au fond, pourquoi ?

DL : Quel point de vue portez-vous sur la pièce ?

PP : Ma façon de faire du théâtre est très simple. Elle n’est peut-être pas à la mode, tant pis, j’assume.

Certains metteurs en scène, quand ils abordent une histoire, s’en emparent à partir d’un point de vue fort.

Au besoin, ils la cassent pour faire passer autre chose, qui est peut-être leur propre histoire. Moi, ce que j’aime, c’est de partir de celle de l’auteur telle qu’il me la propose et d’essayer d’abord tout simplement de la déplier, d’entrer dedans, de me laisser guider par elle. L’Art de la comédie a l’air d’une pièce toute simple, elle aussi. Évidemment, elle est très fine. Je vais approcher la « simplicité » d’Eduardo avec la mienne, de simplicité, sans essayer de faire le malin. Je fais toute confiance à l’artiste, je sens qu’on a le même amour du métier.

DL : Qu’est-ce qui vous a intéressé à première lecture ?

PP : La pièce du métier, justement, et des rapports du pouvoir et de l’art. Dans le premier acte surtout, elle pose les questions clairement : à quoi ça sert, le théâtre ? Pourquoi en faire ? Que représente l’art ? Aussi loin qu’on remonte, les auteurs nous racontent l’histoire du monde et des hommes. D’Eschyle à Wajdi Mouawad ou à Mohammed Rouabhi, ça n’a pas changé, ils sont confrères. Où qu’on soit né, il y a toujours des gens comme eux qui ont besoin de raconter le monde, ses chaos, ses changements, et les petites histoires des hommes, les petits tourbillons dans le grand fleuve. Bon. Mais nous autres, pourquoi est-ce qu’on s’intéresse à ce que ces auteurs nous racontent ? Eduardo de Filippo fait dire à son chef de troupe qu’on aime « regarder par le trou de la serrure ». C’est tout petit, un trou de serrure, c’est modeste.

Mais ça permet de voir chez le voisin ou la voisine. Et donc, ça peut ouvrir sur un espace infini, impossible à voir autrement. Le théâtre, c’est à la fois la pièce d’à côté, qui est peut-être infinie, et le trou de la serrure qui permet d’y jeter un œil. Et quand on regarde, ce qu’on voit, ce sont des histoires d’humanité. C’est ça que Campese, l’artiste, le chef de troupe, va peut-être montrer à De Caro, le Préfet, l’homme de pouvoir.

DL : Autrement dit, le théâtre rend possible le partage des histoires ?

PP : Le théâtre, ou plus généralement l’art, d’ailleurs. Mais Eduardo part de ce qu’il sait, il part très modestement de son expérience à lui, pour en parler de façon concrète. Et réciproquement, là où on partage des histoires, il y a déjà l’art et la vérité des émotions qu’il nous donne. C’est ce que montre l’acte II. Les récits du médecin et des autres notables sont-ils des originaux ou des imitations ? Qu’est-ce que ça fait si ça nous touche. Ils sont déjà du théâtre.

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DL : Eduardo de Filippo a aussi travaillé pour le cinéma…

PP : C’est vrai, et c’est important parce que le cinéma a une relation spéciale avec l’air du temps. J’ai toujours aimé des cinéastes comme Pialat ou Cassavettes. En vieillissant, je découvre un cinéaste comme Sautet. Piccoli a dit de lui qu’il fait du cinéma historique. C’est vrai. À travers ses films, il raconte toute une époque. À travers les petites histoires d’amour, de séparation, de maladie, de réussite… C’est ça qui m’intéresse. La façon dont on rejoint inévitablement la grande Histoire. C’est pareil dans L’Art de la comédie. On dirait une petite histoire, mais c’est une grande pièce. C’est une pièce populaire. Universelle et en même temps totalement italienne. On est submergé, quand on la lit, par les souvenirs d’un cinéma qui va de Vittorio de Sica à Fellini. Et leur Italie à eux, elle est réelle, ou ce n’est qu’une imitation ? Elle est l’Italie de nos rêves. Elle est peut-être plus vraie que nature.

DL : Avez-vous déjà des pistes scénographiques ?

PP : Pour l’espace de L’art de la comédie, on pourrait s’imaginer un petit lieu, dans une petite bourgade.

Mais moi, je voudrais aller vers le contraire. Que ce soit vaste, large, vide. Que ça respire. Qu’on puisse plonger cette petite histoire dans le cosmos. Parce qu’il y a aussi un côté fantastique.

DL : Comment comprenez-vous le titre ?

PP : Ah, on pourrait en parler longtemps ! Mais ce qui me vient spontanément à l’esprit, c’est que l’art de la comédie, c’est le jeu. L’enfance. De l’acte I à l’acte II, on bascule d’un théâtre de conversation à un défilé de plus en plus étrange. Comme si on s’enfonçait dans un rêve, qui pour le Préfet tourne au cauchemar. On franchit la frontière du raisonnable. On ne contrôle plus rien. Les acteurs entrent en piste ! On dépasse le quotidien, tout devient excessif, le théâtre surgit, il se déchaîne. Le médecin, le curé, l’institutrice, incarnent des crises, ils réclament de la part du Préfet des décisions de plus en plus urgentes.

Chacun a sa petite histoire : le médecin athée qui soigne les corps, le curé qui se soucie du salut, l’institutrice et son obsession de la justice… Dans les trois cas il est question d’enfants. D’enfants à

soigner, à sauver, d’enfants à naître, d’enfants à éduquer. Les enfants, qui sont la part de l’avenir, ce trésor qu’il ne faut pas perdre… Ce sont des histoires terribles, et ceux qui les racontent sont des concentrés d’humanité – si le Préfet les écoute de trop près, il risque l’overdose ! C’est comme dans les petites pièces en un acte de Tchekhov. Pour moi, par exemple, le protagoniste du Tragédien malgré lui et le médecin sont cousins. Mais ces concentrés, est-ce que ce sont vraiment des gens, ou juste des acteurs ? Le pauvre Préfet se torture avec cette question qu’il croyait toute simple. En tout cas, ce sont de grands conteurs. Je veux venir à la rencontre du public avec eux : avec ces acteurs vrais, ces grands conteurs, avec la troupe. Pour qu’on joue ensemble.

DL : Et vous, alors, qu’en dites-vous : ces notables de l’acte II sont-ils des « vrais gens » ou sont-ils des acteurs ?

PP : Hier, j’ai eu l’accord d’un comédien pour jouer le médecin. Son père est médecin. Il m’a dit tout de suite « C’est bien, je vais pouvoir penser à mon père ». Et tout à l’heure il m’a rappelé après avoir relu la pièce. Est-ce que je veux un « vrai docteur », ou plutôt un comédien qui joue devant le Préfet à être un docteur ? Et voilà. On est déjà en plein dedans – et dans la différence entre un auteur comme Pirandello et un homme de théâtre comme Eduardo. Eduardo ne cherche pas le paradoxe, son problème, ce n’est pas les rapports de l’être et du paraître, et ainsi de suite. C’est très concret, très immédiat. Le spectateur dans la salle sait évidemment que ce médecin, de toutes façons, est un acteur… comme tous les autres rôles.

Alors j’ai répondu au comédien : « Écoute, c’est simple : puisque tu es acteur, tu es le médecin. C’est le métier qui veut ça. Tu joues le plus possible ce que l’auteur te donne. Et dans le texte, Eduardo te donne un médecin. Donc, tu es médecin. » D’ailleurs, à la fin de la pièce, Eduardo lui-même laisse la question ouverte…

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DL : Donc, L’Art de la comédie est un hommage amoureux à la vérité des acteurs ?

PP : Pas seulement, mais il y a beaucoup de ça, et c’est un aspect qui m’a plu. On dit d’un acteur qu’il est

« vrai », on dit même « Qu’est-ce qu’il est vrai ! ». Pas « ressemblant », mais « vrai ». Mon rêve, c’est que le public se dise en sortant : « Je connais des médecins qui sont moins médecins, qui jouent moins bien leur rôle dans la vraie vie, que ce médecin-là que je viens de voir en scène et qui était un acteur… » C’est ça qui m’intéresse. La vérité de l’art. Celle qui vous fait voir que boire un café, ce n’est pas pareil s’il s’agit d’une rencontre amoureuse, d’une séparation, de l’annonce d’une maladie incurable… La vérité concrète des nuances réelles de la vie. Et pour les rendre visibles, mon livre de bord, c’est l’auteur, et mon

équipage, c’est la troupe. À nous de découvrir les secrets de la pièce, les endroits où ça rebondit. Et de faire sentir aux gens que raconter des histoires, ce n’est pas un luxe d’artistes, c’est un besoin partagé et c’est vital. Vraiment.

Propos recueillis par Daniel Loayza (Paris, 4 mars 2015)

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Biographies

Eduardo De Filippo

Eduardo De Filippo est né à Naples en 1900. Il est formé à l’école de théâtre de son père, Eduardo Scarpetta. En 1910, son fils Vincenzo forme une troupe où le jeune comédien se produit souvent. Eduardo s’affirme très vite en tant que comédien et très tôt, il apprend son métier d’auteur. Il commence à écrire à l’âge de 17 ans, des saynètes, des pièces en un acte, et enfin des comédies.

En 1929, il écrit Sik-Sik, sa pièce fétiche, et débute avec son frère Peppino et sa sœur, Titina, au Teatro Nuovo de Naples. Le trio obtient un triomphe. Eduardo fonde alors avec eux la Compagnie du Théâtre Humoristique des De Filippo et débute à Naples avec Noël chez les Cupiello en 1931. Nouveau triomphe.

La réputation de la famille De Filippo franchit alors les frontières de Naples et pendant douze ans la compagnie va se produire dans toute l’Italie. Le cinéma rend célèbre Eduardo De Filippo avec le film Naples millionnaire ! (1950), tiré de la pièce du même nom, qui est en ballottage pour le prix international de la Paix. Les années suivantes, on retrouve Eduardo aussi bien au théâtre qu’au cinéma et à la télévision, en Italie qu’à l’étranger où partout il remporte un énorme succès. Les dix-sept comédies écrites avant la Seconde Guerre mondiale sont regroupées sous le nom de Cantate des jours pairs (dont Sik-Sik, Noël chez les Cupiello, Homme et galant homme), les seize suivantes sous le nom de Cantate des jours impairs (dont Naples millionnaire !).

Homme de gauche, Eduardo est nommé sénateur à vie le 26 septembre 1981. Pour l’Italie, Eduardo a représenté la tradition du grand théâtre populaire et en même temps a été un guide : certains ont considéré en lui l’acteur de génie, d’autres le poète dialectal ou le successeur de Pirandello, d’autres encore l’homme politique.

En 1982, Eduardo De Filippo confie la traduction de ses pièces à Huguette Hatem. Depuis, une vingtaine de ses comédies ont été montées en France dont La Grande Magie, entrée au répertoire de la Comédie- Française en 2009. Il meurt à Rome le 31 octobre 1984.

Sources : L’Avant-scène théâtre

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Patrick Pineau —  Mise en scène

Il suit les classes de Denise Bonal, Michel Bouquet et Jean-Pierre Vincent au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris.

Comme comédien, il aborde tout aussi bien le répertoire classique (d’Eschyle à Feydeau en passant par Marivaux, Calderón, Musset ou Labiche) que les textes contemporains (Eugène Durif, Mohammed Rouabhi, James Stock, Serge Valletti, Gérard Watkins, Irina Dalle) dans des mises en scène de Michel Cerda, Jacques Nichet, Claire Lasne, Gérard Watkins, Irina Dalle ou Mohammed Rouabhi. En tant que membre permanent de la troupe de l’Odéon et sous la direction de Georges Lavaudant, il participe à Féroé, la nuit, Terra Incognita, Un Chapeau de paille d’Italie, Ajax/Philoctète, Tambours dans la nuit, La Noce chez les petits-bourgeois, L’Orestie, Fanfares, Un Fil à la patte, La Mort de Danton, La Cerisaie et en 2013, George Lavaudant lui confie le rôle titre dans Cyrano de Bergerac.

Au cinéma, il travaille, entre autres, avec Éric Rochant, Francis Girod, Bruno Podalydès, Tony Marshall, Marie de Laubier, Nicole Garcia et, en 2012, avec Ilmar Raag aux côtés de Jeanne Moreau.

En tant que metteur en scène, il signe Conversations sur la Montagne d’Eugène Durif au Théâtre Ouvert (1992), Discours de l’Indien rouge de Mahmoud Darwich au Théâtre Paris-Villette (1994), Pygmée de Serge Sandor à Villeurbanne (1995), Monsieur Armand dit Garrincha au Petit Odéon en 2001, Les Barbares à l’Odéon Théâtre de l’Europe aux Ateliers Berthier en 2003, Tout ne doit pas mourir au Petit Odéon en 2002. En 2004, Peer Gynt est créé dans la Cour d’Honneur du Festival d’Avignon.

En 2006 au Théâtre de l’Odéon, il met en scène Des arbres à abattre de Thomas Bernhard. L’année suivante il met en scène trois spectacles   : les pièces en un acte de Tchekhov (La Demande en mariage, le Tragédien malgré lui, L’Ours)  ; On est tous mortels un jour ou l’autre d’Eugène Durif et Les Trois sœurs de Tchekhov. En 2009, après La Noce de Bertolt Brecht, il met en œuvre un festival avec le Rayon Vert à Saint-Valéry-en-Caux autour de lectures de textes de Flaubert et d’Annie Ernaux.

À l’automne 2010, il crée Sale août de Serge Valletti. Puis en juillet  2011, pour la 65ème édition du Festival d’Avignon, il crée Le suicidé de Nicolaï Erdman à la Carrière de Boulbon. Puis l’Affaire de la rue de Lourcine et Les méfaits du tabac d’Eugène Labiche et Anton Tchekhov en 2012, et Le conte d’hiver de William Shakespeare en 2013, à partir d’une nouvelle traduction de Daniel Loayza.

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Extraits de presse

À propos de la pièce Le Conte d’hiver

Monter le Conte d’hiver, ce n’est pas monter une, mais plusieurs pièces. Patrick Pineau s’en sort admirablement, instillant une dose d’humour indispensable dans ce spectacle très enlevé et plein de charme. Hugues Le Tanneur, Les Inrockuptibles, 19 février 2014

Il a décroché la lune, en incarnant Cyrano. Il décroche les étoiles en mettant en scène Le Conte d’hiver de Shakespeare – ces étoiles qui brillent dans les yeux du public, quand la poésie du grand Will se matérialise sur une scène de théâtre. Avec sa troupe d’enfer, sa lecture fine de la tragicomédie tardive (1610-1611) du maître anglais, le comédien-metteur en scène nous en met plein la vue et le cœur, trois heures durant.

Philippe Chevilley, Les Échos, 07 novembre 2013

À propos de la pièce Le Suicidé

Ils sont une vingtaine (un vrai bonheur pour le spectateur  !), se précipitant, courant, s’affolant égarés dans les méandres de leurs calculs mesquins imposés par une vie aux lendemains qui doivent changer et ne chantent jamais. Didier Méreuze, La Croix, 08 juillet 2011

Patrick Pineau et sa bande n’y vont pas de main morte. Il signe là une mise en scène inventive pleine de bruit et de fureur, où les acteurs se déchaînent en toute vigueur dans un ballet fougueux au milieu d’un décor ingénieux et plein de sens taillé sur mesure par Sylvie Orcier.

Marie-José Sirach, L’Humanité, 08 juillet 2011

Merveille de fantaisie, la pièce tient de la virée alcoolisée avec moult embardées politico-existentielles.

Défenseur d’un théâtre de «  troupe  », Patrick Pineau entraîne dix-sept camarades de jeux sur la piste du Suicidé. René Solis, Libération, 08 juillet 2011

À voir les acteurs déambuler, s’agiter comme des personnages de Feydeau, on a l’impression de suivre un dessin animé. Le metteur en scène affirme qu’il monte ses pièces en fonction des acteurs. On le croit volontiers. Sous sa direction, ils ont la part belle. Nathalie Simon, Le Figaro, 08 juillet 2011

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Conditions financières

1 représentation : 10 000 € HT 2 représentations : 18 000 € HT 3 représentations : 24 800 € HT 4 représentations : 31 000 € HT 5 représentations : 34 000 € HT

++ 15 personnes

Contacts

Directeur

Jean-Michel Puiffe

Directrice de production Elsa Deshayes

Tél. + 33 (0)1  60  34  53  74 Port. + 33 (0)6  31  33  00  81

edeshayes@scenenationale-senart.com

Références

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