PHYSIQUE CELLULAIRE
FUSION MEMBRANAIRE (6) BASES MOLÉCULAIRES DE
L’EXOCYTOSE
Jean-Pierre HENRY
12 Mars 2009
L’exocytose: rappels
C’est la fusion d’une vésicule de
sécrétion avec la membrane plasmique
La sécrétion est un processus multi étapes
bourgeonnement remplissage
migration
arrimage maturation exocytoseexocytose endocytose
migration fusion
Ca2+
Ca2+
Ca2+
membrane
extérieur de la cellule
vésicule
catécholamine (adrénaline) endosome
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migration
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L’exocytose est la dernière étape
L’exocytose est déclenchée par les ions
Ca
2+Problématique
• Quelles protéines sont responsables du phénomène d’exocytose?
• Ces protéines interviennent-elles dans
l’hémifusion et dans la formation du pore de fusion?
• Le même système protéique est-il impliqué
dans l’exocytose stimulée et dans toutes les
fusions du trafic membranaire?
Présentation historique:
Reconstitution in vitro du trafic cis-Golgi vers Golgi médian
• On utilise des extraits de foie
• On détermine les facteurs nécessaires pour avoir un bourgeonnement à partir du cis-Golgi
• Puis, une fusion des vésicules navettes avec le Golgi médian
• C’est une approche purement biochimiste de J Rothman
Reconstitution in vitro du trafic cis-Golgi vers Golgi médian (2)
• La réaction de fusion requiert de l’ATP et une protéine soluble, NSF
(N-ethylimide sensitive factor)• L’ATPase NSF a un (des) partenaire(s)
solubles α ( β,γ ) SNAP
(Soluble NSF Associated Protein)• Ces deux protéines, NSF et SNAP, étant
solubles, on recherche des récepteurs sur les
deux membranes, donneuse et acceptrice
Identification des récepteurs des SNAP:
les SNARE (1)
• On effectue une chromatographie d’affinité: on immobilise NSF, en présence d’un excès de SNAP et en absence d’ATP
• On ajoute des membranes (cerveau de rat) solubilisées en étergents
• Après lavage en l’absence d’ATP (ou ATP non hydrolysable), on élue en présence d’ATP
(Sollner et al (1993) Nature,362, 318)
Identification des récepteurs des SNAP:
les SNARE (2)
• Les protéines membranaires (SNARE) pêchées sont des protéines connues (mais non impliquées dans l’exocytose
• Les syntaxines (A et B) intrinsèques de la membrane neuronale
• SNAP-25, une protéine fixée sur la membrane par palmitoylation
• VAMP (ou synaptobrévine-2) intrinsèque de la membrane vésiculaire
Importance de cette découverte
• L’expérience a été faite avec SNAP et NSF de Golgi et elle a conduit à l’isolement de SNARE sur les membranes plasmique et vésiculaire
• Système unique pour tous les trafics membranaires?
• SNARE directement impliqués dans le
mécanisme de l’exocytose
Premier type de mécanisme
• Il y aurait assemblage d’un complexe ternaire des 3 SNARE
• Puis fixation de SNAP et NSF
• L’addition d’ATP
permettrait la fusion des membranes
Ce modèle a été refusé par les neurobiologistes car l’exocytose est induite par les ions Ca2+ et non par l’ATP
Deuxième type de modèle
• Les protéines NSF et SNAP ne sont pas impliquées dans la fusion
• Leur rôle est de dissocier les
protéines SNARE après la fusion;
NSF est un « chaperon »
• La fusion implique le complexe des protéines SNARE et le Ca2+
• Ni le complexe, ni les SNARE n’ont d’affinité pour le Ca2+
• Il existe des protéines régulatrices
(Dessin B Poulain)
Première preuve:
les neurotoxines clostridiales coupent sélectivement les protéines SNARE
• Le genre Clostridium contient des bactéries anaérobies pathogènes responsables du tétanos et du botulisme
• Les toxines sont des protéines de type métalloprotéases à Zn, avec une très grande spécificité
• Elles ne coupent qu’un substrat, une SNARE, produisant un arrêt de la transmission synaptique
TeTX, VAMP
BotTXA et E, SNAP-25 BotTXC, Syntaxine BotTXB,D,F, VAMP
(Schiavo et al (1992) Nature,359, 832)
Caractéristiques moléculaires du complexe SNARE (1)
• Analyse de la structure secondaire des domaines
solubles par dichroïsme circulaire
• Seule la syntaxine (t-SNARE) a un contenu (faible) en hélice α
• Après mélange, très forte structuration par rapport au
spectre somme des composants
• Les protéines SNARE sont très peu structurées, le complexe est très structuré
Caractéristiques moléculaires du complexe SNARE (2)
• Observation par DC de la stabilité des SNARE et du complexe
• Seule la Syntaxine a une
structure et elle se dénature à partir de 40°C
• Le complexe est stable jusqu’à 80°C
• Même dans le SDS, le complexe a une stabilité
Structure atomique du complexe (1)
• Cristallisation du domaine structuré et analyse par radiocristallographie
• 4 hélices: VAMP (v-
SNARE),Syntaxine et deux domaines de SNAP-25 (t- SNARE)
• Hélices parallèles
• Stabilisation par 15 plateaux carrés, correspondant à des interactions hydrophobes
• Au centre, plateau hydrophile
(Sutton et al(1998) Nature,395, 347)
Structure atomique du complexe (2)
• Vue du plateau central hydrophile
• Ce système tend à séparer le complexe en deux parties
Structure atomique du complexe (3)
• Dans tous les trafics
membranaires, on trouve le même type de complexe (4 hélices parallèles et 15
plateaux hydrophobes)
• Il y a des différences de
séquence et les SNARE ne sont pas interchangeables
• Le point commun est la répétition de résidus
hydrophobes (Leu) en position 1, 4 et 7 (leucine zipper)
(Fassbauer et al (1998) Proc Natl Acad US, 95, 15781)
Mécanisme hypothétique de la fusion par les SNARE
• Les hélices du complexe
étant parallèles, sa formation rapproche nécessairement les membranes
• La fusion serait une conséquence d’un
mécanisme de fermeture éclair formant le complexe, depuis l’extrémité N-
terminale vers l’extrémité C- terminale, proche de la
membrane
L’analogie avec les virus
Le complexe (à droite) SNARE agirait comme la protéine HA de l’influenza (à gauche)
(Couverture Cell, 1998)
Mécanisme hypothétique de l’exocytose
• a- la formation du complexe SNARE est nécessaire et suffisante pour la fusion
• b- après formation du complexe, une autre étape induit la fusion
• c- dans l’hypothèse a, un frein, levé par Ca2+, empêche la formation
complète du complexe
• d- le senseur de Ca2+ n’est pas un frein, mais un activateur
• e- dans l’hypothèse b, la protéine de fusion est activée par le Ca2+
Deuxième preuve:
fusion de cellules par SNARE inversés
• On prépare 2 séries de cellules COS
• Exprimant v-SNARE inversé et avec une protéine rouge cytosolique
• Exprimant t-SNARE inversé avec protéine bleue dans le noyau
• Après mélange, on observe des fusions: cytoplasme rouge avec plusieurs noyaux bleus
(Chuan et al (2003) Science,300, 1745)
Troisième preuve: fusion liposome/liposome induite par les SNARE (1)
• Les t-SNARE (syntaxin et SNAP-25) sont reconstitués dans une vésicule contenant NBD-PE et Rho-PE
quenchés
• Le v-SNARE (VAMP) est dans une vésicule non fluorescente
• Après mélange, une fusion diluera le NBD et augmentera sa fluorescence
• La concentration de v-SNARE est 10 fois celle de t-SNARE et il y a 10 fois plus de t-vésicules, permettant des fusions répétées.
(Parlati et al (1999) ProcNatlAcadUS,96, 12565)
Fusion liposome/liposome induite par les SNARE (2)
• L’augmentation de fluorescence indique des fusions
• Après calibration, on a en moyenne 2 fusions/vésicule
• La cinétique est très lente!
• Une préincubation (une nuit à 4°C) augmente la vitesse de fusion
Evènements uniques de fusion de liposomes vus par TIRFM
• On prépare une
bicouche suspendue
contenant des t-SNARE
• Et des liposomes Rho- PE/NBD-PE contenant le v-SNARE
• On observe par TIRFM
• Une faible proportion des vésicules dockées fusionnent, (C)
(Fix et al (2004) Proc Natl Acad Sc US, 101, 7311)
Résultats obtenus en systèmes reconstitués
• De nombreuses approches ont été utilisées:
– Liposomes/liposomes, en solution – Liposomes/liposomes immobilisés – Liposomes/vésicules synaptiques – Liposomes/vésicules géantes (GUV) – Liposomes/bicouche plane
• De nombreux artefacts ont été observés
• Des résultats semblent établis:
– Mise en évidence de l’hémifusion – Inhibition par la LysoPC
– Importance de la courbure: fusion LUV/GUV difficile – Rôle de protéines annexes: ex. la synaptotagmine
Rôle de la synaptotagmine
• La synaptotagmine est une protéine de la membrane vésiculaire
• Elle possède des domaines
extramembranaires, C2AC2B (bleu et rouge), qui interagissent avec le
complexe SNARE (horizontal)
• En présence de Ca2+, ces domaines pénètrent dans la monocouche de la membrane plasmique
• Cette déformation induit une
courbure, déclenche l’hémifusion et accélère la fusion
(Martens et al (2007) Science,316, 1205)
Rôle de la synaptotagmine (2)
• Les domaines C2A et C2B s’insèrent dans
une monocouche acide, en présence de Ca2+
• La protéine se lie plus à des petits liposomes à courbure forte
• A haute concentration, la protéine induit la
formation de tubules à partir de liposomes
Energétique de la formation du complexe SNARE (1)
• On utilise le montage SFA (surface forces apparatus)
• Les t- et v-SNARE sont greffés sur des lipides de bicouches (pas de fusion possible)
(Li et al(2007) Nature Struct Mol Biol,14, 890)
Energétique de la formation du complexe SNARE (2)
• L’étape 2 correspond à l’interaction v- et t-
SNARE
• En 3, on peut
rapprocher sans force:
formation du complexe
• En 4, on comprime le complexe formé
Energétique de la formation du complexe SNARE (3)
• Quand on éloigne les
couches, on a d’abord une réversibilité de la contraction
• Puis, on ne retrouve pas le plateau et il faut une force pour séparer les bicouches (à 8 nm)
• Cette force de séparation donne accès à l’énergie du complexe
Energétique de la formation du complexe SNARE (4)
• Pour passer l’énergie macroscopique à l’énergie du complexe, il faut connaître la densité surfacique des SNARE
• Ceci est fait en considérant que la phase de répulsion est due à des SNARE en « champignon »
• L’énergie du complexe est évaluée à 35 ± 7 kBT, proche des 40-50 kBT nécessaires à la formation du pédoncule
• La distance de séparation (8-9 nm) suggère que des résidus proches de la membrane ne participent pas au complexe