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L’impact de l’érosion côtière sur la pêche artisanale maritime au Togo pp. 3-13.

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L’impact de l’érosion côtière sur la pêche artisanale maritime au Togo

KOKU-AZONKO FIAGAN ATER en Géographie au LARDYMES

Université de Lomé Mail : fiag_charle@yahoo.fr

RÉSUMÉ

L’érosion côtière est un phénomène de grande ampleur qui touche presque tous les pays disposant de façades maritimes, particulièrement ceux situés dans le Golfe de Guinée. Elle est due à l’action de la dérive littorale, de la configuration des formations côtières et de divers aménagements portuaires et hydroélec- triques sur le littoral. Cette érosion est visible sur le littoral togolais, à l’est du port de Lomé, à partir du point kilométrique dix (PK10) et a des conséquences socio- économiques, morphologiques et environnementales très désastreuses. Les multiples impacts constituent des préoccupations majeures pour les acteurs et les autorités en charge du secteur. Ce travail vise à analyser l’impact de l’érosion côtière sur la pratique de la pêche artisanale et les moyens d’existences des acteurs.

Pour mener à bien cette étude, nous avons adopté une approche méthodologique. Elle se fonde sur une recherche bibliographique et des travaux de terrain effectués auprès des acteurs dans les campements de pêche sur le littoral togolais.

Mots-clés : Togo, port de Lomé, pêche artisanale maritime, érosion côtière, impacts.

ABSTRACT

The coastal erosion is a large-scale phenomenon which affects almost all the countries having maritime façades, particularly those situated in Gulf of Guinea.

It is due to the action of coastal derivative, of the configuration of coastal and anthropic formations which are caused by different arrangements on the coast. This erosion is visible on Togo littoral, in the east of Lome Harbour, from the milestone ten (PK10) and it has very disastrous socio-economic, mor- phological and environmental consequences. The multiples impacts constitute the major concerns for the actors and the authorities in charge of the sector.

This work aims at analyzing the impact of coastal erosion on the small-scale fishing activity and the actors’ existence means. To make successful this research, we have adopted a methodological ap- proach. It is based on a bibliographical research and on field works done with actors in the fishing camps on the littoral.

Key words : Togo, Lome harbour, maritime small- scale fishing, coastal erosion, impacts.

INTRODUCTION

Le phénomène d’érosion côtière touche beaucoup de pays dans le monde. En Afrique, l’érosion sévit dans presque tous les pays du Golfe du Bénin. Il s’agit du Ghana, du Togo, du Bénin et du Nigéria (UEMOA, 2007). L’érosion côtière est devenue un problème très inquiétant depuis la construction d’ouvrages portuaires dans les années soixante et du fait des interventions hu- maines dans la zone côtière. Elle est d’évolution rapide, avec des vitesses variant de 1 à 15 m/an, et touchant les côtes basses et sablonneuses de l’ensemble des pays du Golfe du Bénin (UEMOA, 2007).

Le problème d’érosion côtière au Togo, fait suite à l’édification du barrage d’Akossombo en 1966 d’une part et d’autre part, à celle du port de Lomé en 1967.

La construction du barrage a nécessité la mise en eau d’un grand bassin de 8 700 km² dans lequel 95%

des sédiments sont bloqués provoquant ainsi une dérive littorale sous-saturée (BLIVI A., 1999). Au fil des années, le départ des sédiments s’est fait sentir à l’est du port de Lomé. L’érosion s’est accentuée ces dernières années et a entraîné la destruction des infrastructures routières, hôtelières, des habitations et des villages de pêcheurs. Il en résulte, sur le plan morphologique, l’exhumation du beach-rock qui a

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entraîné l’abandon de certains sites de débarquement comme ceux de Kpogan, Djékè, etc. du fait que les grès déchirent les filets, brisent les pirogues sous l’action de la barre. A partir de ces constats, il se pose le problème de la dégradation des pêcheries suite au phénomène de l’érosion côtière. De ce problème se dégage des ques- tions de recherche, dont la principale est : quels impacts l’érosion côtière a sur la pratique de la pêche et sur les moyens d’existence des pêcheurs ? Pour répondre à cette interrogation, cette étude se propose d’analyser les impacts de l’érosion côtière sur la pratique de la pêche artisanale au Togo. L’hypothèse émise est que l’érosion côtière handicape la pratique de la pêche sur le littoral togolais et réduit les moyens d’existence des acteurs de ce secteur. En vue de mener à bien cette recherche, une approche méthodologique a été adoptée. Elle se fonde sur une recherche bibliographique et des travaux de terrain effectués auprès des acteurs

I- LE CADRE MÉTHODOLOGIQUE

Le cadre méthodologique de cette étude est basé sur une approche quantitative et qualitative à partir de diverses variables obtenues par le biais de la documen- tation. A cet effet, plusieurs ouvrages ont été consultés afin de définir le cadre logique, situer ce travail par rapport aux recherches scientifiques existantes et son apport dans l’éclaircissement d’un problème évident qu’est l’impact de l’érosion côtière sur la pratique des activités halieutiques. Il s’agit des études de BLIVI A.,

(1993, 1999) sur la géomorphologie et la dynamique actuelle du littoral togolais et de l’impact de l’érosion cô- tière sur les activités économiques et celles de KWASSI A. E. (2000), PNUE (2007), UEMOA (2007), FIAGAN K-A. (2008), etc. nous ont été d’une grande utilité. Ces travaux participent à une meilleure compréhension des facteurs qui sous-tendent le phénomène de l’érosion côtière, son impact sur les activités économiques et sur la réduction des moyens d’existences des acteurs de la pêche. La collecte des données sur le terrain s’est faite à partir de l’observation, de l’interview et de l’enquête de terrain. L’observation nous a permis d’appréhender les réalités liées à la pratique de la pêche et de l’érosion côtière. Les interviews auprès des personnes ressources qui sont les anciens pêcheurs, les chefs de villages, les chefs pêcheurs et les autorités administratives, nous ont permis de collecter des informations qualitatives pour l’étude. Le questionnaire est structuré autour de certains axes : l’impact de l’érosion sur la pratique de l’activité de pêche, le développement socio-économique des acteurs, l’environnement, etc.

Pour les besoins de la recherche, nous avons retenu cinq campements à l’est du port de Lomé dans lesquels a été menée l’enquête de terrain. Il s’agit du campement de Kpogan, de Dévikème, d’Agbodrafo, de Kpémé et de Gumukopé. La figure 1 présente la localisation des cinq campements de pêche sur le secteur de la côte en proie à l’érosion côtière.

Figure 1 : Localisation des campements de pêche à l’est du port de Lomé Source : D’après KWASSI A. E., (2000), actualisée par FIAGAN K-A.

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La population cible est composée uniquement de pêcheurs. Sur la base du nombre total de pêcheurs recensés dans les cinq campements qui est de 1 190 d’après les résultats de nos travaux de terrain, nous avons appliqué un taux de sondage de 5%. L’échan- tillon déterminé est de 60 pêcheurs répartis par cam- pement comme l’indique le tableau suivant.

Tableau 1 : Répartition des enquêtés par campement Campements Effectifs de

l’échantillon Effectifs par campement Kpogan

1 190×5/100

8

Dévikème 8

Agbodrafo 16

Kpémé 16

Gumukopé 12

Total 60 60

Source : FIAGAN K-A., d’après les résultats de nos travaux de terrain 2013.

La répartition des enquêtés par campement s’est faite sur la base de l’importance numérique des ac- teurs et aussi de l’activité. A travers la méthodologie adoptée, nous sommes arrivés à des résultats qui sont présentés dans cette partie.

II- LES RÉSULTATS

Les résultats issus de ce travail sont présentés en quatre rubriques. En premier lieu, la présentation du littoral, ensuite les facteurs qui sous-tendent l’éro- sion côtière, et puis ses impacts sur la pratique de la pêche et les moyens d’existences des pêcheurs et enfin, les mesures de protection pour freiner l’avan- cée de la mer sur le continent.

1. LA PRÉSENTATION DU LITTORAL

Le littoral togolais, d’une longueur de 50 km de la frontière ghanéenne à celle du Bénin, est planté de cocotiers par endroits et couvert partout de sable fin. Ce paysage géographique se place dans le géo- système du Golfe du Bénin constitué d’une série de bassins sédimentaires post-orogenèse panafricaine,

de dimensions et de géométries variables (BLIVI A., 1993). La figure 2 présente la situation du littoral togolais et de ces composantes.

Figure 2 : La situation du littoral togolais Source : PNUE, 2007.

A travers la figure 2, on distingue certaines composantes du littoral togolais. Elles portent sur le cordon littoral, le système lagunaire, le réseau de rivières côtières1 et la pénéplaine limitée au nord par le plateau de terre de barre. Le cordon littoral, d’altitude variant entre 4 et 7 m, comprend deux formations bien différenciées. Il s’agit des cordons interne et externe. Le cordon interne est constitué de sédiments fluvio-marins bien remaniés et se situe sur la partie septentrionale de la plaine littorale et à dif- férentes positions par rapport au système lagunaire et au plateau « de terre de barre ». Il présente une surface assez régulièrement orientée vers le sud et est formé de sable jaune, d’altitude variable entre 6 et 7 m et d’une épaisseur de 30 m. C’est un cordon à sédiment homogène, de sables fins. Il forme une bande massive sur 20 km bordée de terrasses lagu- naires et entrecoupée de marais et de défluviations du Zio (PNUE, 2007). Le cordon externe s’étend sur une largeur de 2 à 3 km dans le secteur de Lomé et moins de 100 m à Aného. Ce cordon est constitué de plusieurs alignements successifs d’accumulations de sables et de surface ondulée. Il est orienté vers l’est suivant le sens de la dérive littorale. Le trait de côte 1- ZIO et le Haho

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varie en fonction de l’état de la plage, entre une plage réflexive à surface abrupte de 1 à 2 m sur environ 32 km à l’est du port et une plage d’accumulation. A Lomé, ce cordon se raccorde à la plage sous-ma- rine par une plage aérienne artificielle assez large.

Au-delà du port, du côté est, la plage est inexistante (BLIVI A., 1993).

Dans ce système se trouve le lac Togo qui est un vaste plan d’eau d’environ 45 km², d’orientation NW-SE, de 13 km de long dans sa plus grande dia- gonale et de 6 km NE-SW. Il est alimenté par le Zio et le Haho. Les lagunes se dénombrent en lagune de Lomé et d’Aného. Le système lagunaire communique avec la mer à Aného par un exutoire permanemment ouvert depuis 1989 (BLIVI A., 1993).

La zone côtière est caractérisée par une côte basse et sablonneuse marquée par une érosion côtière à l’est de la jetée principale du port de Lomé. La partie ouest bénéficiant d’un excédent sédimentaire, abrite les installations hôtelières, industrielles, des activités maraîchères et sportives de même que la pêche comme l’illustrent les images satellitaires ci-après.

Photo 1 : Côte en accumulation

Photo 2 : Côte en érosion

Source : Google Earth, 2013.

L’érosion côtière qui est visible sur la côte togo- laise, est due aux divers aménagements portuaires et hydroélectriques respectivement au Togo et au Ghana. Les résultats de ces aménagements im- priment une nouvelle configuration de la côte. Elle est marquée par une accumulation de sédiments marins à l’ouest du port de Lomé et un départ massif de sable à l’est. Ceci rend difficiles la pratique des activités économiques, l’implantation humaine et la pratique de la pêche. Certains facteurs naturels et anthropiques expliquent le phénomène d’érosion sur la côte togolaise.

2. LES FACTEURS QUI SOUS-TENDENT L’ÉROSION CÔTIÈRE À L’EST DU PORT DE LOMÉ

L’érosion côtière est un phénomène d’une grande envergure qui s’observe au sud-Togo. Elle est due à des facteurs naturels et anthropiques. Les facteurs naturels relèvent de la géomorphologie des côtes caractérisée par une faible pente, un substrat sa- bleux et des phénomènes hydrodynamiques. Les phénomènes hydrodynamiques se caractérisent par la remontée du niveau de la mer, les courants et l’insuffisance des apports sédimentaires des fleu- ves qui alimentent la dérive littorale. Les facteurs anthropiques découlent des divers aménagements portuaires, des ouvrages sur la côte et des prélève- ments divers (sables, graviers, etc.) qui entraînent la perturbation de l’équilibre naturel (UEMOA, 2007).

Les études de BLIVI A., (1993) expliquent mieux le phénomène. Depuis la construction du barrage d’Akossombo en 1966 et du port de Lomé en 1967, la côte togolaise est le siège d’une sévère érosion.

La dérive littorale ouest-est est alimentée en sédi- ment par le fleuve Volta au Ghana. L’édification du barrage d’Akossombo pour satisfaire les besoins en énergie électrique dans la sous-région a nécessité la mise en eau d’un grand bassin de 8 700 km² dans lequel 95% des sédiments sont bloqués. Le blocage systématique des alluvions transportés par la Volta s’est fait ressentir au niveau de son embouchure par la sous-saturation du transit sédimentaire. Les conditions favorables au transport permanent de sables et de leur dépôt par les vagues ne sont plus réunies. La conséquence immédiate est l’érosion de la côte à l’est de l’estuaire de la Volta. Le port en eau profonde de Lomé construit entre 1964 et 1967 et situé à 10 km de la frontière avec le Ghana est

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à l’origine de l’érosion à l’est de l’ouvrage par sa jetée principale longue de 1 720 m. Cette jetée constitue un barrage pour la presque totalité du transit sédimentaire.

L’arrêt des sables par la jetée, crée une dérive sous- alimentée qui, en contournant la contre jetée de 950 m, reconstitue sa charge au détriment du sable de plage.

Le dépôt des sables par les vagues et leur reprise crée, en situation normale, une dérive saturée. La quantité de sables apportée par les vagues est par conséquent très faible alors qu’un volume important est pris sur le rivage.

La morphologie de la côte se modifie suffisamment avec la création de zone d’érosion. Celle-ci a un profil raide par endroits, établi par les vagues d’énergie élevée. La microfalaise de dénivellation variable est directement en contact avec la mer. Les vagues modèlent la plage lors des hautes eaux en sapant dans les sables, ce qui favorise le glissement de la masse sédimentaire. Ils sont repris et distribués sur l’estran. Le trait de côte recule au point où le grès de plage n’affleure pas suffisamment, il ne protège pas la côte. Les mouvements sédimentaires s’effectuent dans le profil et le départ des sédiments est très important. C’est ce qui se passe à Agbodrafo où le segment de côte est en érosion brutale. Ce phénomène d’érosion provoque des conséquences sur divers plans (BLIVI A., 1993).

3. LES CONSÉQUENCES DE L’ÉROSION CÔTIÈRE SUR L’ENVIRONNEMENT CÔTIER ET LA PÊCHE

L’érosion côtière induit des conséquences sur di- vers plans. Il s’agit de la modification de la morphologie de la côte, des conséquences socio-économiques et environnementales en lien avec l’activité de pêche.

3.1. La modification de la morphologie de la côte

L’érosion côtière donne lieu à l’accumulation des sédiments du côté ouest de la jetée principale, à un départ prononcé de sédiments à l’est du port du Lomé et à l’exhumation du beach-rock. La construction du port de Lomé en 1967 a entraîné le dépôt de 1,2 à 1,4 millions de mètres cube de sédiments (sable) qui se retrouvent piégés derrière la jetée principale (BLIVI A., 1993). L’accumulation de sédiments sur la face ouest de la jetée principale entraîne une avancée du trait de côte vers la mer et protège les infrastructures économiques et hôtelières. La situation du littoral à l’est du port de Lomé est inquiétante.

L’érosion a progressé tout le long de la côte Est du port de Lomé pendant les quatre dernières décennies.

Le recul moyen annuel varie selon les secteurs. De- puis le début du phénomène, plus de 350 m de plage ont été engloutis par la mer. L’érosion s’est développée suivant un processus classique jusqu’en 1980 : maxi- male à l’est immédiat du port avec un recul moyen de plus de 30 m/an et décroît régulièrement au fur et à mesure que l’on évolue vers l’est pour s’annuler vers les PK 20-25. L’une des conséquences directes de l’érosion est l’exhumation du beach-rock. La figure 3 illustre la morphologie du beach-rock.

Figure 3 : Présentation du beach-rock Source : D’après BLIVI A., 1993.

L’exhumation du beach-rock ou du grès de plage qui est visible sur la figure 3, est apparu en 1972. Il est une ancienne plage constituée de sables cimentés par le car- bonate de calcium parallèle à l’actuelle (BLIVI A., 1993).

Il affleure en divers points du littoral. Sa morphologie est en rapport avec le degré de l’érosion. Le beach-rock a été exhumé du sable à Ramatou, à Baguida, à Kpogan et à Agbodrafo où elle est très active. La photo 3 donne une image du beach-rock à Kpogan.

Photo 3 : Le beach-rock à Kpogan

Source : FIAGAN K-A., photo prise en mars 2013.

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D’altitudes variables, diminuant vers l’est, le beach- rock est d’aspect massif et légèrement incliné vers la mer (BLIVI A., 1999). Lorsqu’il se trouve à une hauteur assez élevée par rapport au niveau de la mer, il joue un rôle de barrière qui dissipe l’énergie des vagues et limite la vitesse de recul de la mer. Cette vitesse est passée de 10 à 15 m/an entre 1969 et 1972 à 4 m/an entre 1975 et 1981 puis de 1 m/an à partir de 1980 avec une stabilité relative du trait de côte à 50 m en arrière (BLIVI A., 1999). Cette diminution de la vitesse de recul est suivie par le déplacement du pic d’érosion vers l’est.

La photo 4 donne une image de cette situation.

Photo 4 : Le beach-rock servant de barrière pour dissiper les vagues à Kpogan

Source : FIAGAN K-A., photo prise en mars 2013.

Sur la photo 4, le beach-rock est visible au travers du cercle rouge. Il sert de barrière en dispersant l’énergie des vagues. Les blocs de granites du cer- cle jaune sont des épis qui ont été déroutés par les vagues. Le cercle bleu représente la projection des vagues suite à leur contact avec le beach-rock.

La présence du beach-rock, non seulement a eu un effet stabilisateur pour la plage, mais a également réduit le volume de sable pour alimenter la dérive littorale. A partir de 1980, la mise à nu du beach-rock entre le port et le PK 25 a modifié le comportement dynamique du littoral, et ce malgré les apports provenant des rejets phosphatés2 de la Société Nouvelle des Phosphates du Togo (SNPT). Les vitesses d’érosion les plus fortes sont mesurées entre le PK 25 et 35 km. Ceci donne une autre évolution des vitesses d’érosion et fait distinguer trois secteurs : de la contre jetée au PK17, la vitesse de l’érosion est réduite à 2 m/an ; entre le PK 18 et 2- Argiles solides phosphatées déposées sur la côte pour lutter contre l’avancée de la mer et des eaux boueuses phosphatées qui sont déversés dans la mer.

Agbodrafo, la vitesse est en moyenne de 5 m/an ; le secteur Agbodrafo-Aného est protégé par des épis et brise-lames dont la vitesse est faible 1 m/an (BLIVI A., 1999). La figure 4 présente la nouvelle configuration morphologique du littoral.

Figure 4 : Configuration actuelle du littoral togolais Source : BLIVI A., 1999.

A partir des vitesses moyennes d’érosion de l’année 1999, faisons une projection sur une tren- taine d’années. Les résultats sont consignés dans le tableau ci-dessous.

Tableau 2 : Evolution du trait de côte dans les dif- férents secteurs du littoral

Vitesses

d’érosion Contre

jetée - PK18 PK18-

Agbodrafo Agbodrafo- Aného 1999 Vitesses

d’érosion 2 m 5 m 1 m

2012 Evolution du

trait de côte 36 m 65 m 13 m 2042 Evolution du

trait de côte 86 m 215 m 43 m

Source : BLIVI A., 1999, réactualisée par FIAGAN K-A., 2013.

La nouvelle configuration de l’évolution du litto- ral togolais d’ici une trentaine d’année, aura pour conséquence la destruction des infrastructures so- cio-économiques, l’église catholique d’Agbodrafo, les campements de pêcheurs, les habitations à Kpémé,

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Agbodrafo et à Aného. L’érosion n’induit pas que des conséquences sur le plan morphologique. Elle a éga- lement un impact sur les activités socio-économiques et la pratique de la pêche.

3.2. La destruction des infrastructures socio-économiques

Le phénomène de l’érosion côtière touche sou- vent les zones à forte concentration humaine, d’où des conséquences socio-économiques importantes (UEMOA, 2007). Ces conséquences portent sur la destruction des plages, des campements de pêcheurs, des infrastructures routières et hôtelières, l’abandon de certains sites de pêche, l’éloignement des zones de pêches, la destruction des pirogues et les difficultés pour remonter et accoster des pirogues.

Depuis la construction du port de Lomé, l’axe côtier a été reconstruit deux fois de suite3. La première route a été engloutie totalement par la mer et la deuxième est entrecoupée par endroit par la ligne de rivage. La photo 5 montre cette situation.

Photo 5 : L’axe côtier à Kpémé

Source : FIAGAN K-A., photo prise en mars 2013.

L’érosion a englouti une partie du tronçon de la route internationale Abidjan-Lagos à partir de Baguida. La photo 5 témoigne de tout ce qui reste de la seconde reconstruction de l’axe côtier. Les villages, les terres cultivables et les plantations de cocoteraies, sont envahis par l’eau, obligeant les populations à aller vers l’intérieur des terres limitées 3- La première dans les années 1940 et la seconde dans les années 1980.

par le système lagunaire. L’espace diminue au fur et à mesure que la mer avance alors que la population s’accroît. Les photos 6 et 7 nous donnent une image de l’avancée de la mer à Agbodrafo.

Photos 6 et 7: L’érosion à Agbodrafo entre 2011 et 2012

Source : FIAGAN K-A., photo prise en septembre 2011 et en janvier 2012.

En l’espace de 4 mois4, la côte à Agbodrafo a évolué considérablement. Les photos 6 et 7 nous montrent un bar délaissé du fait de l’avancée de la mer. Au bout de quelques années, ce bâtiment fera partie du passé. Selon les résultats de nos travaux de terrain, 95% des enquêtés sont unanimes sur le fait que d’ici une vingtaine d’années, si de mesures réelles ne sont pas prises, des portions considérables de leurs terres seront englouties par la mer.

L’érosion côtière a provoqué l’abandon de cer- tains débarcadères au profit d’autres. Il s’agit des débarcadères de Baguida (7 km du port de Lomé), Djékè (3 km de Kpémé), etc. Les cavités au sein de 4- La photo 6 a été prise en septembre 2011 ? Celle 7 a été prise en janvier 2012.

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ces blocs (Beach-rock) causent des blessures aux pêcheurs lors des opérations de pêche. Quatre cas de blessures ont été enregistrés dans les campe- ments d’étude au cours du mois de décembre 2012.

Les blocs détruisent les sennes, de même que les pirogues obligeant certains pêcheurs à se déplacer au port de pêche ou sur celui de Kpémé5.

Dans les cinq débarcadères, tous les pêcheurs sont unanimes sur le fait qu’ils éprouvent des diffi- cultés pour remonter leurs pirogues hors de l’estran compte tenu du profil abrupt de la côte. Les photos 8 et 9 illustrent les difficultés qu’ils éprouvent pour remonter leurs pirogues.

Photos 8 et 9 : La remontée des pirogues à Kpémé

Source : FIAGAN K-A., photos prises en janvier 2013.

L’avancée de la mer sur le continent a provoqué l’éloignement des zones de pêche et la destruction 5- Avec l’exhumation du beach-rock et son affleurement tout le long de la côte sauf à Kpémé où on y remarque une interruption sur 5 km.

des frayères des poissons surtout pélagiques. Ces espèces peuplant les eaux du rivage se nourrissent des planctons et d’éléments organiques. L’érosion brutale de la côte ne leur offre pas de meilleures conditions d’alimentation et d’habitat (FIAGAN K-A., 2008). Selon les dires d’Atsu6 : « Avant, on parcourait de petites distances et les prises étaient abondantes. Actuellement, on parcourt de longues distances avant de trouver du poisson ou même on revient bredouille ». D’après les résultats de nos travaux de terrain, 96% de nos enquêtés affirment qu’ils parcourent 2 à 3 fois plus de distance qu’avant le début de l’érosion. Les enquêtés (20%) estiment que la faible production halieutique de ces dernières années est liée aux dragages des fonds par les ba- teaux étrangers. Les pêcheurs, dont 80%, l’imputent à l’action de l’érosion côtière (30%), aux déjections des eaux phosphatées dans la mer et aux moyens rudimentaires qu’ils utilisent.

Les débarcadères de même que les campements sont en délocalisation continuelle à l’intérieur des terres. Ils évoluent en fonction de l’avancée du trait de côte et cela perturbe l’activité de pêche surtout dans les zones à forte concentration humaine. Les pêcheurs sont obligés d’occuper des parcelles ou des habitations inachevées. Cette situation est source de conflit entre les différents acteurs vivant près des cô- tes. L’érosion a détruit les cocotiers dont les branches servent à confectionner des claies pour clôturer les concessions dans les campements. Les pêcheurs et les femmes transformatrices sont obligés d’aller à Kpéssi ou à Agbodrafo pour acheter les « Bongon7 » de même que les bourres de noix de coco servant de combustible lors du fumage des poissons.

L’érosion côtière influe considérablement sur la pratique de la pêche en termes de destruction d’engins, de réduction de revenus. Ceci pousse les pêcheurs des sites touchés à envisager des alternatives. Le tableau 3 présente l’évaluation des coûts des pertes subies par les pêcheurs des campements d’étude.

6- Pêcheur de Tonga âgé de 40 ans.

7- Bongon : clôture faite à partir des branchages de cocotiers en langue locale Ewé.

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Tableau 3 : Evaluation des pertes par pêcheur et par campement

Campements Nature des pertes Coûts

F CFA Effectifs Alternative ou

reconversion Effectifs

Kpogan

Perte de filet 40 000 1 Maraichage 2

Perte de senne 500 000 2 Extraction de graviers 1

Destruction de 

pirogue 400 000 à 3 500 000 1 Aide-pêcheur -

Perte de Concession 60 000 - Locataire d’engin -

Diminution de 

revenus 1/2 4 Départ vers un échouage 4

Dévikème

Perte de filet 40 000 1 Maraichage -

Perte de senne 500 000 3 Extraction de graviers 5

Destruction de 

pirogue 400 000 à 3 500 000 2 Aide-pêcheur

Perte de Concession 30 000 1 Locataire d’engin -

Diminution de 

revenus 1/3 3 Départ vers un échouage 3

Agbodrafo

Perte de filet 40 000 - Maraichage 2

Perte de senne 500 000 1 Extraction de graviers 3

Destruction de 

pirogue 400 000 à 3 500 000 1 Aide-pêcheur -

Perte de Concession 60 000 1 Locataire d’engin -

Diminution de 

revenus 1/2 9 Départ vers un échouage 8

Kpémé

Perte de filet 40 000 1 Maraichage 2

Perte de senne 500 000 2 Extraction de graviers 2

Destruction de 

pirogue 400 000 à 3 500 000 1 Aide-pêcheur 1

Perte de Concession 60 000 - Locataire d’engin 2

Diminution de 

revenus 1/4 6 Départ vers un échouage -

Gumukopé

Perte de filet 40 000 - Maraichage -

Perte de senne 500 000 - Extraction de graviers -

Destruction de 

pirogue 400 000 à 3 500 000 - Aide-pêcheur -

Perte de Concession 60 000 1 Locataire d’engin -

Diminution de 

revenus 1/4 10 Départ vers un échouage 8

Source : FIAGAN K-A., d’après les résultats de nos travaux de terrain 2013.

L’érosion provoque la destruction de filet, de senne, de pirogue, etc. Les revenus des acteurs diminuent de plus en plus à cause de la baisse de la production. Les zones de pêche où on observe l’apparition du beach-rock sont délaissées par les

pêcheurs. L’abandon de l’activité de pêche, le dépla- cement vers d’autres campements et la reconversion à d’autres activités sont les alternatives qu’ont ces acteurs. L’érosion a aussi des impacts sur l’environ- nement côtier.

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3.3. Conséquence sur le plan environnemental

L’érosion côtière entraîne la destruction du maigre couvert végétal, ce qui ne permet pas l’utilisation de ces bois pour la fabrication de pirogue, de pagaie, etc. Elle induit la pollution des eaux marines et des produits halieutiques du fait que les ordures ména- gères déposées près de la côte sont emportées lors de la haute marée et éparpillées sur l’estran dont une partie est récupérée par les pêcheurs de senne de plage. Ces déchets se trouvent en quantité impor- tante dans les poches des sennes de plages. Ceci constitue un véritable handicap pour les pêcheries de senne de plage.

L’exhumation du beach-rock a eu pour consé- quence le développement et la multiplication des algues. Ces algues se retrouvent en quantité impor- tante dans les poches des sennes remplaçant ainsi la place des poissons. Les habitats des poissons se modifient du fait de l’avancée de la mer.

Selon PNUE (2007), le niveau moyen de la mer s’est élevé de 1 à 2 mm par an au cours du siècle dernier. Au Togo, il est prévu que l’élévation du niveau de la mer liée aux changements climatiques de la planète sera d’environ 21 cm à l’horizon 2030. Ceci exercera une pression supplémentaire sur la zone côtière et sur l’activité de pêche. Pour une gestion durable des écosystèmes côtiers, des mesures idoi- nes doivent être prises.

4.

LES MESURES DE PROTECTION DE LA CÔTE CONTRE L’ÉROSION

L’est du littoral togolais en proie à l’érosion côtière fait l’objet d’une attention particulière de la part des autorités togolaises, des partenaires sous-régionaux (l’UEMOA) et internationaux. Il s’agit du projet érosion côtière, financé par le Fonds d’Aide et de Coopération (FAC) de la République française et le projet d’ex- pertise sur l’érosion côtière dans les pays du Golfe de Guinée, financé par l’Union Européenne entre 1988 et 1990. Ces projets ont permis de faire le point sur le phénomène et ont débouché sur des actions concrètes. Des ouvrages ont été construits dans les secteurs de la côte sur 13 km de long de Kpémé à Aného. Il s’agit du secteur Kpémé-Gumukopé où se trouvent le wharf et l’usine de phosphate et du secteur d’Aného à cause de son intérêt socio-écono-

mique, de la route nationale n°2 et du pont d’Aného.

Les photos 10 et 11 illustrent la mise en place des épi et brise-lame.

Photo 10 : Epi posé à Gumukopé

Photo 11 : Brise-lame à Aného

Source : FIAGAN K-A., photo prise en mars 2013.

L’épi est posé perpendiculairement au trait de côte et dimensionné de telle sorte qu’il piège une partie du volume de sables en transit. Le brise-lame est construit parallèlement à la côte pour engendrer un tombolo. L’utilisation des épis n’atténue pas le phénomène comme les applications de Kpémé et d’Aného. Par contre, un brise-lame en appui sur le beach-rock et/ou un revêtement de plage par gabions en continuité topographique avec le beach- rock seraient indiqués pour la stabilisation du trait de côte, seuls recours à ce problème côtier (BLIVI A., 2000). Ces ouvrages de protections participent à freiner l’avancée de la mer sur le continent. Dans la pratique de la pêche, ils perturbent souvent les pêcheurs de senne de plage qui sont obligés de faire des manœuvres pour les contourner.

La gestion et la lutte contre l’érosion doivent se faire avec la participation des acteurs pour une gestion durable. Ces actions passent par l’aména-

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gement de la plage avec des gabions ou des murs de soutènement, la construction des abris de fortune avec des sacs de sable tout au long de la côte, l’in- terdiction d’extraction du sable marin et du gravier marin, etc.

CONCLUSION

L’érosion côtière qui à l’origine était naturelle, est devenue un véritable problème, pour les pays situés dans le Golfe de Guinée à l’instar du Togo, suite aux divers aménagements. Elle est une réaction de la dynamique du littoral face à la construction des infrastructures hydrauliques et portuaires. Depuis 1967, la mer a avancé de plus de 500 m (BLIVI A., 1999 ; FIAGAN K-A., 2010). Cela a eu des impacts sur le plan morphologique, socio-économique, sur la pratique de la pêche et sur l’environnement côtier.

L’érosion entraîne l’exhumation du beach-rock qui ralentit le phénomène du recul du trait de côte à certains endroits mais limite la pratique de la pêche.

Le beach-rock provoque la destruction des filets et des pirogues. Ce recul a une incidence sur le posi- tionnement des sites de pêcheurs qui sont en perpé- tuelle délocalisation. L’érosion provoque sur le plan morphologique, le profil abrupt de la côte, ce qui rend difficile la remontée des pirogues et des engins. Elle engendre la destruction des infrastructures hôtelières et des habitations comme le cas à Agbodrafo et à Kpogan. Sur le plan environnemental, elle est source de destruction des cocotiers servant de combustible et de matériaux pour la construction des habitations

des pêcheurs mais aussi des frayères. Pour freiner ce phénomène dans les zones de forte concentra- tion humaine et d’intérêts économiques, des actions ont été entreprises par la pose des brise-lames et épis dont les résultats sont très mitigés. Des efforts doivent être encore faits pour limiter l’avancée de la mer, car elle perturbe l’activité de pêche et rend vulnérable l’environnement côtier.

BIBLIOGRAPHIE

AFOUDJI K. Y., (2005) : Impacts des activités socio-éco- nomiques sur l’environnement de la zone portuaire de Lomé (Togo). Mémoire de maîtrise de géographie, op- tion climatologie, Université de Lomé, Lomé, 130 p.

BLIVI A., (1993) : Géomorphologie et dynamique actuelle du littoral du Golfe du Bénin (Afrique de l’Ouest). Thèse de doctorat, Université Michel de Montaigne, Bordeaux, 458 p.

BLIVI A., (1999) : Impact de l’érosion côtière sur l’économie d’un pays et éléments d’étude de vulnérabilité, exemple du Togo dans le Golfe de Guinée. In: Travaux et recher- ches océanographiques, n° 15-23, Paris, pp. 51-66.

FIAGAN K-A., (2008) : La pêche sur le littoral Togolais : l’exemple du canton d’Agbodrafo. Mémoire de maîtrise de géographie, Université de Lomé, 127 p.

KWASSI A. E., (2000) : Contribution à l’étude des populations rurales de la zone côtière du TOGO. Mémoire de maîtrise de géographie, Université du Bénin, Lomé, 137 p.

PNUE, (2007) : Rapport national sur l’environnement marin et côtier. Rapport, Lomé, 63 p.

UEMOA, (2007) : Programme régional de lutte contre l’érosion côtière. UEMOA, Ouagadougou, 12 p.

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