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NIGER : LA CONJONCTURE ALIMENTAIRE EN 2005 LES METAMORPHOSES D’UNE CRISE ALIMENTAIRE «ORDINAIRE»pp. 111-124.

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NIGER : LA CONJONCTURE ALIMENTAIRE EN 2005

LES METAMORPHOSES D’UNE CRISE ALIMENTAIRE «ORDINAIRE»

Pr. GADO Alpha Boureima Faculté des Lettres et Science humaines Université Abdou Moumouni de Niamey (Niger)

alphagado@yahoo.fr

INTRODUCTION : UN ESSAI D’HISTOIRE IMMÉDIATE

Il est très difficile pour un historien de témoigner immédiatement même si sa spécialité porte sur des phénomènes économiques et sociaux récurrents comme les crises alimentaires. Pour nous, il est important d’avoir un minimum de distance par rapport au temps court, celui du politique et de l’événementiel. Notre approche méthodologique basée pour l’essentiel sur l’exploitation et la critique des sources, de préférence des archives ou des manuscrits originaux, m’impose un recul par rapport au vacarme médiatique, aux images quotidiennes d’enfants squelettiques d’un Sahel fortement médiatisé.

A l’inverse des sociologues, anthropologues ou politologues, l’historien procède par étapes : « collecter les sources, connaitre les faits, les expliquer, ensuite les nouer dans un discours cohérent » (Prost, 1996). C’est l’analyse de cette dichotomie - les faits et leurs interprétations - théorisée par des pionniers comme Seignobos (1901), qui donne au travail de l’historien son statut scientifique. Sur une crise alimentaire comme celle de 2004-2005, certes il faut témoigner, mais l’investigation ne doit être ni partielle ni parcellaire. Elle doit concerner toutes les questions sous-jacentes, sur une durée relativement longue, comme le suggère F. Braudel (1976): « celle de l’homme en rapport avec son environnement, le milieu qui l’entoure, faite bien souvent de retours insistants, de cycles sans fin recommencés».

En traitant un sujet comme la crise de 2005 au moment de son développement, l’historien court un double risque : l’impossibilité de pouvoir consulter des archives1 permettant d’avoir un recul pour mieux juger conduit souvent à un manque d’objec- tivité. On est quelquefois confronté à un processus non terminé, à une ignorance du lendemain (Delacroix et al 1999). Jean Lacouture (1978) plus proche du journalisme

1 L’historien privilégie les documents d’archives publiques ou privées au détriment de la la littérature

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historique que de l’historien du présent qualifie ce genre d’événement « d’histoire immédiate », c’est-à-dire « instantané dans sa saisie, simultanée dans sa production vierge de tout médiateur » en raison de la proximité matérielle de l’auteur à la crise étudiée ou des témoins impliqués dans/ou proche de l’événement.

Mais, comme l’a si brillamment souligné G. Noriel (1988), peut-on s’empêcher d’intégrer l’étude du passé le plus récent dans la recherche historique. Pour lui en effet, mais aussi pour P. Nora (1978), face au progrès de l’interdisciplinarité et à l’essor du journalisme historique, les spécialistes de l’histoire contemporaine n’ont, de toute façon, pas le choix. En effet, la fonction historienne a éclaté par le haut et par le bas, écartelé entre le journalisme et l’anthropologie. Sur un sujet comme la crise alimentaire de 2005 (intervenue il y a à peine 5 ans), les acteurs sont vivants, les souvenirs proches, les passions vives, l’impartialité peut être totale.

C’est donc à garder mon corps défendant que je traite ce thème d’actualité, do- maine privilégié des économistes, sociologues, géographes, économiste ou anthro- pologue. Mais pour dire quoi ? Pour apporter quelle contribution ? Un coup d’œil sur littérature produite2 sur cette crise peut laisse penser que tout a été dit.

Il s’agit dans les lignes qui suivent d’apporter des éléments qui concourent à dé- montrer qu’en réalité le contexte d’insécurité alimentaire, d’abord conjoncturel dans les années 70 et 80, puis structurel à partir du début des années 19903 n’est pas un phénomène nouveau. L’intensification de la crise alimentaire majeure est née des hésitations et querelles de la classe politique mais aussi du comportement des acteurs/

partenaires (nationaux et internationaux) impliqués dans sa gestion. Elle a été par la suite amplifiée par les médias internationaux au service des agences humanitaires.

Quelle sont les données disponibles pour rendre compte de cette crise ? Il s’agit essentiellement des instruments d’analyse des journalistes, sociologue et anthropo- logues : interviews des acteurs en présence, observation participative, coupures de presse4, revue de la littérature grise en l’occurrence les (études et expertises, etc.).

2 Lire à titre indicatif : Afrique Verte, (2005) crise alimentaire au Niger, éléments de réflexion, K. Crombé et J H Jesequel(2007), Niger 2005 une catastrophe si naturelle, Paris, Karthala, 2007 ; 2007 ; INS/SAP (2009), enquête sur la vulnérabilité à l’insécurité alimentaire des ménages au Niger, Niamey, 60 p. Commission des Finances ,du contrôle budgétaire et des Comptes du SENAT : Niger : sortir de la crise alimentaire, répondre à la malnutrition infantile (rapport de la Mission d’évaluation et e de contrôle du soutien français au dispositif nigérien de gestion de la crise de 2005) par Michel Charasse et Andrien Gouteyron ; «La crise alimentaire au Niger », Afrique contemporaine, n° spécial n° 225 C.LS..S.S/CIRAD (2005) Après la famine au Niger…Quelles actions de lutte et de recherche contre l’insécurité alimentaire au Sahel ?

3 Lire à ce sujet une étude réalisée par trois universitaires nigériens : un économistes (Cherif Chako), un historien de l’environnement (Boureima Alpha Gado) et un historien spécialistes des question de société (Maikoréma Zakari).

Cette étude réalisée pour la Cellule Crise Alimentaire (Cabinet du Premier Ministre de la République du Niger) est intitulée : Plan national d’Urgence du Niger (Phase 1) : Analyse rétrospective des crises alimentaire et des réponses apportée. Cette étude réalisée en décembre 2003 aborde sur une durée relativement longue (de 1960 à nos jours) l’ensemble des phénomènes de crises liés aux risques agricoles, leur typologie, les facteurs explicatifs, mais aussi et la nature des réponses apportées par les pouvoirs publics à différentes époques.

4 Je remercie sincèrement ma collègue M. Chastanet du Centre de Recherche Africaine (CRA, Université Paris 1 Sorbonne) qui a bien voulu mettre à ma disposition plusieurs dizaines d’articles sur la crise alimentaire de 2005 paru dans la presse française. J’ai également échangé avec elle sur la nature véritable de la crise en comparaison avec les crises du passé. Qu’elle reçoive ici toute ma reconnaissance.

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Trois parties constituent l’armature du texte : la présentation du contexte national ; la spécificité de la crise de 2005 (comment une crise alimentaire, somme toute

« ordinaire », -tous les pays du Sahel ont été concernés à des degrés divers - a fini par réunir tous les éléments constitutifs d’une crise alimentaire majeure, voire d’une famine plus ou moins localisée ; les facteurs internes et externes à l’origine de cette métamorphose.

I-

LE CONTEXTE NATIONAL : UNE VULNÉRABILITÉ À L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE

Avec 1.267.000 km² sans aucun accès à mer5 un climat tropical semi aride, le Niger est un pays sahélien type avec tout ce que cela comporte comme facteurs li- mitant considérablement les stratégies d’adaptation des agriculteurs et éleveurs aux variations saisonnières. Dans ce pays, le mode de vie paysan est tributaire des aléas climatiques. En zone agricole, si quelques techniques de production pour des cultures de rente comme le haricot ou l’oignon connaissent un essor relatif, dans certaines zones, les capacités de développement de l’irrigation et la pratique des cultures de contre-saison sont globalement insuffisantes pour pallier au déficit céréalier devenu structurel. Ainsi, au cours des sept dernières années qui ont précédé la crise de 2005, seule la campagne agricole 2003 a enregistré une production relativement satisfaisante avec un peu plus de 4 millions de tonnes6. La carte ci-dessous donne une idée des systèmes de production.

Dans les zones agro-pastorales et pastorales, la pratique de l’élevage transhu- mant fait face à la dégradation écologique d’une grande partie des pâturages et à la remontée du front des cultures vers le nord. Depuis plusieurs décennies, l’élevage sédentaire se développe en zone agricole. Ces deux derniers facteurs génèrent très souvent des rapports conflictuels entre les éleveurs et agriculteurs. Les conflits in- tercommunautaires (source également d’insécurité alimentaire) deviennent de plus en plus une préoccupation permanente.

Si les pénuries alimentaires peuvent être exacerbées par des chocs exogènes, elles ont en fait des racines structurelles profondes : une croissance démographique exceptionnellement élevée (environ 3,3%), la dégradation de l’environnement, la faiblesse de l’encadrement technique, etc., De fait, bon an, mal an, le pays connaît une insécurité alimentaire chronique avec une pointe pendant la période dite «de soudure7 ». Des catastrophes naturelles, comme les sécheresses ou les invasions acridiennes, ne constituent que des facteurs « aggravant ou déclenchant ». Un autre phénomène relativement récent est à l’origine de l’insécurité alimentaire chronique.

Il s’agit la pauvreté structurelle qui limitent considérablement le pouvoir d’achat des

5 Le port le plus proche est celui de Cotonou au Benin à plus de 1000 km de la capitale.

6 Direction des statistiques agricoles, Evolution de la production agricole de 1998 à 2005, Ministère de l’Agri- culture, Niamey

7 Chez le paysan sahélien la période de soudure correspond à une période de quelques mois qui précèdent les récoltes et au cours de laquelle la situation alimentaire est très difficile en raison de l’épuisement des réserves alimentaires, stock paysan (courte période de l’année au cours de laquelle les greniers sont vides et les vaches maigres). La période de soudure peut se transformer en disette.

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ménages les plus exposés même en période de fortes disponibilités comme ce fut le cas au cours de la « la campagne agricole de 2008 caractérisée par une production céréalière importante dans la quasi totalité des région du Niger » (INS/SAP 2009).

Comme on le constate, la disponibilité alimentaire ne suffit pas.

7 7 7 7

7 7

7 7

Agadez

Dosso TILLABERI

Tahoua

CU Niamey

Zinder Maradi

Diffa

Système agricole semi intensif

ZoneSaharienne Zone sahélo saharienne

Zone sahélo soudanienne Zone sahélienne Légende

Système pastoral (d'hivernage et permanent) Zone de transition

Système de la vallée du fleuve Système des dallols

Système Ader-Doutchi-Maggia-Tarka Système des Goulbis

Système des plaines de l'Est Système dunaire Système des plateaux

Système des cuvettes de Mainé Soroa Réserve naturelle

Légende Région

7 Aménagements hydro-agricoles

KM

500 400 300 200 100 0

LES SYSTEMES AGRAIRES

Mai 2003 Source: PGRN 1998

Système d'Information Géographique:

"SIGNER"

D

Fig. 1: Zones climatiques et systèmes agraires (source : PGRN)

Fig. 2 : Situation des zones d’insécurité alimentaire

Source : FEWS -NET

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L’une des conséquences de ce qui précède est l’émergence d’un contexte de vul- nérabilité extrême à insécurité alimentaire qui, à l’heure actuelle, atteint plus de trois ménages sur cinq. Elle est, liée à une pauvreté chronique qui touche près de 60% de la population et des taux de malnutrition infantile qui dépassent les normes, autour de 10.7% (sous-nutrition aiguë) et de 39% (sous-nutrition chronique) sur l’ensemble du pays.8 Au plan spatial, les régions de Tillabéry, Tahoua et Zinder concentrent les plus grand nombre de ménages vulnérables à l’insécurité alimentaire chronique (voir carte ci-dessus).

II- LA NATURE VÉRITABLE DE LA CRISE : PERCEPTIONS ET COMPORTEMENTS DES ACTEURS

Dans les mécanismes des crises alimentaires, si le poids de la nature est réel, on ne doit pas perdre de vue les responsabilités humaines. A titre indicatif, entre 1998 et 2005, la campagne agricole 2000-2001 a enregistré la plus faible production avec 2 319300 tonnes occasionnant une crise alimentaire comparable à celle de 2005. De l’avis des spécialistes9, à l’abri du vacarme médiatique des grandes agences huma- nitaires, cette crise alimentaire10 résultant du déficit vivrier de 2001, relativement bien gérée par le Dispositif National de Gestion et de Prévention des Crises Alimentaires (DNGPCA). A quelques différences près, la situation alimentaire de 2001 est com- parable à celle de 2005. Pourquoi celle de 2005 a connu une telle une telle ampleur un tel retentissement à l’échelle planétaire ?

II.1- Manifestations et causes structurelles

A l’échelle nationale, la crise n’a jamais atteint n’a jamais le stade de famine gé- néralisée. Dès le mois d’avril, les bulletins d’information sur la situation alimentaire et nutritionnelle11 soulignent une aggravation sans précédent des conditions de vie des ménages dans les zones les plus affectées se caractérisant par : la disparition totale de stocks paysans, une hausse vertigineuse des prix des céréales de base, une baisse drastique du prix du bétail12 ; la fouille de fourmilières et une consommation

8 Enquête conjointe INS/FAO/SAP Fews NET/UNICEF, sur la vulnérabilité à l’insécurité alimentaire des ménages au Niger, Niamey 2008

9 Le Dispositif actuel qui a été mis en place en 1998 a connu sa première véritable crise alimentaire plus ou moins sévère en 2001. 60 000 tonnes de vivres ont été consacrées à une opération de vente à prix modéré de céréales de base . La distribution gratuite a pu être évitée car tous les mécanismes du dispositif ont fonctionné (système d’information, actions d’atténuation, réunion de concertation des différents organes de prise de décision, coor- dination des actions au niveau d s différents partenaires (sources : Bakary Seydou codonateur de la cellule crise alimentaire in Seeda n° 04 juillet 2002 p5)

10 Le Dispositif actuel qui a été mis en place en 1998 a connu sa première véritable crise alimentaire plus ou moins sévère en 2001. 60 000 tonnes de vivres ont été consacrées à une opération de vente à prix modéré de céréales de base . La distribution gratuite a pu être évitée car tous les mécanismes du dispositif ont fonctionné (système d’information, actions d’atténuation, réunion de concertation des différents organes de prise de décision, coor- dination des actions au niveau d s différents partenaires (sources : Bakary Seydou codonateur de la cellule crise alimentaire in Seeda n° 04 juillet 2002 p5)

11 Bulletin du CC/SAP, rapport Mensuel de FEWS-NETS)

12 le sac de mil de 100 kg a atteint dans plusieurs marchés ruraux la somme de 40 000 F CFA) Soit l’équivalent du double du SMIG (le Salaire Minimum inter Professionnel Garanti)

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quotidienne de plantes sauvages toxiques (notamment le boscia seneganelensis) comme aliment de substitution ; une croissance significative du taux de malnutrition des chez les enfants de moins 5 ans ; un exode massif provocant le départ massifs habitants dans plusieurs régions13.

Les sources officielles font apparaître un déficit céréalier net de 223 448 tonnes de céréale et un déficit fourrager de 4 642 219 tonnes. Cela représente 3755 villages déficitaires totalisant une population de plus de 3 250 000 habitants touchée par la crise alimentaire.14 de sources officielles. Les régions particulièrement touchées sont celles de Tillabéry, Tahoua et Diffa.

En réalité, en dehors du déficit fourrager exceptionnel15, le phénomène n’est pas nouveau. Par un concours de circonstance (dont seules certaines humanitaires ont le secret), la crise alimentaire du Niger a tout simplement bénéficié d’une campagne médiatique sans précédent.

Le représentant résident du Programme alimentaire Mondiale(PAM), n’a-t-il pas qualifié le opération en cours au Niger « d’une des plus grandes opérations humani- taires de tous les temps »« au regard du c volume ?» (Delcombel, 2005).

En fait, depuis quelques décennies, les pays du Sahel traversent une période d’insécurité alimentaire chronique liée pour l’essentiel aux conditions d’extrême vulnérabilité qui ne permettent pas aux groupes les plus défavorisés d’avoir des capacités d’ajustement pour y faire face .Ce contexte de vulnérabilité structurelle et de la fragilité économique a été aggravé au cours de la campagne agricole 2004- 2005 par deux facteurs conjoncturels : la sécheresse et les invasions acridiennes qui constituèrent « la goutte d’eau » qui fit déborder le vase ».

Au-delà de ces deux facteurs conjoncturels sur lesquels les médias internationaux ont surtout mis l’accent, la crise résulte en réalité des interactions entre un certain nombre de causes structurelles. Historiquement, la cause structurelle importante la plus évidente est l’échec des politiques et stratégies de développement rural. Il ex- plique pour l’essentiel le faible niveau de revenu des ménages à cause des difficultés d’accès aux ressources communautaires de base (le foncier, le capital bétail, l’eau, les activités génératrices de revenu monétaires, etc. )

La deuxième cause structurelle est la forte pression démographique sur les res- sources alimentaires disponibles : la production céréalière n’arrive pas à satisfaire une population de plus en plus nombreuse. Au Niger, chaque année la population augmente de près d’un demi-million de nouvelles bouches à nourrir. Selon les pro-

13 En pays zarma songhay,(ouest du Niger) les source orales considèrent la fouille de fourmilière, les départs massifs des ménages sans intention de retour et la consommation quotidienne à l’état crue de plantes sauvages toxiques comme des indicateurs d’une crise alimentaire aigue (stade extrême de la crise ou état de famine) 14 Rapport d‘activité de la cellule crise alimentaire, Cabinet du Premier Ministre

15 L’exposé du responsable de la Cellule crise alimentaire au cours de la première réunion annuelle du système de prévention et de gestion des crises alimentaire tenue du 22 au 25 novembre 2005 à Maradi fait ressortir : «un déficit fourrager estimé à 35 % des besoins, un déficit vivrier de 223 000 tonne estimé à 7 % des besoins des populations répartis au niveau de 23 départements totalisant 3.293 468 habitants et parmi lesquels 2.540 698 sont considérés comme extrêmement vulnérables».

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jections démographiques16 en 2015 les Nigériens seront 25 millions et 50 millions en 2050 dans un contexte de dégradation continue de l’environnement, de persistance de l’usage d’une technologie rudimentaire, de disparition de réseau traditionnel d’en- traide et de solidarité etc. ;

Enfin, il convient de souligner avec vigueur l’inefficacité des stocks nationaux de réserve : Au Niger, deux campagnes agricoles sur rois sont déficitaires. Par le passé, au cours de décennies 1990 et 2000, le dispositif national de gestion et de prévention des crises alimentaires a montré son incapacité à gérer efficacement le stock national de sécurité rendant ainsi les pays et institutions donateurs de plus en plus méfiants quant à l’utilisation que l’Etat fait des prélèvements opérés sur le stock national de réserve. A la veille de la crise alimentaire de 2005, le stock, national de sécurité ne disposait à peine 20 000 Tonnes sur les 80 000 tonnes prévues17.

En ce qui concerne les causes structurelles, à quelques détails près, l’analyse est valable s’il s’agit d’un pays comme le Burkina Faso ou le Mali. Pourquoi les pays voisins n’ont pas connu une crise alimentaire d’une telle ampleur ? Pourquoi tous le vacarme médiatique s’est concentré sur le Niger? En ce qui concerne le cas nigérien comment la crises a-t-elle été perçue et décrite de l’extérieur? Comment s’est effectuée cette métamorphose ? Quels en sont les éléments constitutifs ?

II.2- La crise de 2005 vu de l’extérieur : quelques regards croisés

Que serait-il arrivé au Niger, si le PAM n’avait pas commandé une enquête sur la situation nutritionnelle au Niger en 2005? A cette question essentielle pour la compréhension de la conjoncture alimentaire sous régionale, J.H Jezequel (2005) apporte une réponse dans un ouvrage consacré à la crise alimentaire du Niger. « Il ya fort à parier que si la médiatisation a porté sur le Burkina Faso, la situation aurait été similaires ». La crise alimentaire de 2005 a donné lieu à un nombre ahurissant rapports d’études et d’expertises, de reportages des chaines de télévision étrangè- res, d’articles de presse18, qui ont apporté peu d’éléments nouveaux à une meilleure compréhension au phénomène19.

16 Banoin M, Guengant J P, Niger : dynamiques des populations, disponibilité des terres et adaptation des régimes fonciers, Paris, IRD, 2003

17 Le stock national de sécurité est un des instruments d’intervention du dispositif national de gestion et de prévention des crises alimentaire au Niger. Cet outil est activé uniquement en période de crise majeure et sur instruction du CMC (Le Comite Mixte de Concertation) composé des représentants de l’Etat et ceux des partenaires extérieurs (les donateurs). Suite à la dernière crise le Stock national de sécurité qui était de 40 000 tonnes a été rehaussé à 80 000 tonnes

18 Dans le n° spécial d’Afrique contemporaine, M.Tidjani Alou a fait un état des lieux de l’attitude des médias nationaux et internationaux face à la crise alimentaire. L’inventaire assez exhaustif qui le mérite de présenter la diversité et les richesses des articles de presse et des médias qui ont couvert « l’événement » ne procède pas à travers ces différents regards croisés, une analyse critique approfondie des stéréotypes, préjugés et autres mobiles idéologiques sous-jacentes.

19 Le nombre qui était cité est de 112 en sept 2005. Ce chiffre pourrait représenter moins de la moitié des études, audit et expertises réalisées. Pour quel coût ? Combien de milliards ont été engloutis dans ces études ?

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Sur quoi se sont portés les regards extérieurs ? Même si les déficits vivriers consécutifs à sécheresse et des invasions acridiennes constituent les deux facteurs conjoncturels « déclenchant », la majorité des études et reportages réalisées se sont focalisés particulièrement sur trois éléments : la crise nutritionnelle fortement médiatisée par l’ONG Médecins sans Frontières (MSF), les contradictions au sein du pouvoir qui seraient à l’origine des insuffisances du dispositif national mis en place pour gérer la crise et, enfin, l’impact de la crise sur les populations nomades considérées comme les plus vulnérables.

En effet, pour un certain nombre de travaux, une des difficultés majeures à l’origine résidait dans l’absence de définitions internationalement reconnues des termes de famine ou crise alimentaire. Cela expliquerait l’absence de consensus observée pour assurer une mobilisation efficace de l’aide alimentaire sur le terrain (IRAM et Afrique Verte, 2005). Assez régulièrement, un regard inquisiteur est porté sur le dispositif National de Gestion et de Prévention des Crises Alimentaire (DN/PGCA) est ses bailleurs pour « pour le choix politique qu’ils ont imposé au Niger : celui d’un dispositif pour lequel la sécurité alimentaire est plus importante que l’aide alimentaire.

En effet, les bailleurs de fonds privilégient aujourd’hui le développement durable pour sortir le Niger de la précarité alimentaire ». (MSF, 2005).

Après une analyse de la crise qui a le mérite de situer dans le contexte régional le CIRAD propose une série de recettes peu originales pour garantir une sécurité alimentaire durable :« le développement des filières de commercialisation, le dévelop- pement de l’irrigation, la gestion durable des sols, la gestion concertée des ressources naturelles, etc. ». Les auteurs de ce rapport ignorent (ou semblent ignorer) que de l’indépendance à nos jours, des milliards de nos francs (accompagnés d’experts venus de quatre coins du monde) ont été engloutis dans ces différents secteurs énumérés sans aucune retombée significative pour le paysan nigérien.

Une des contributions des plus remarquées a été celle de la mission d’information conduite par les Sénateurs français Michelle Charasse et Andrien Gouteyron au nom de la commission des finances du SENAT. En raison des limites du stock national de réserve, l’une des recommandations majeures de cette étude préconise le re- haussement du niveau du stock national de réserve à hauteur des besoins réels du pays. Par le passé (notamment aux cours des crises alimentaires de 1997 et 2001), des études sont montré que le problème du stock national de sécurité (SNS)20 du dispositif nigérien de gestion et de prévention des crises alimentaire (DNGPCA) n’a jamais été le volume mais son mode de gestion.

Que dire des articles parus dans la presse internationale en l’occurrence les nom- breux périodiques français qui ont couvert cette crise alimentaire au jour le jour21 ?

20 Le stock national de sécurité (SNS) est l’un des deux volets du stock national de réserve (SNR) qui constitue l’ensemble des réserves alimentaires (Etat et donateurs) consacré à l’aide alimentaire d’urgence au cours des crises alimentaire majeure ( état de famine). Avant la crise alimentaire de 2005 son niveau était de 80 000 tonnes (dont 50 000 tonnes de stock physique ou SNS et 30 000 tonnes de stock financier (ce deuxième volet est appelé fonds de solidarité alimentaire FSA) ). Depuis la crise alimentaire de 2005 le niveau du S NR a été élevé à 110 000 tonne dont 80 000 tonne pour le SNS et 30 000 tonne pour le FSA (ou stock financier)

21

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Dans le Monde du 31 juillet 2005 on peut lire : « Au Niger, une crise alimentaire sans précédent frappe des dizaines de milliers d’enfants » ; puis dans le numéro du 12 août : « Au Niger, la crise alimentaire frappe durement les éleveurs nomades peuls et touaregs. Télérama (n° 2907) a consacré un dossier spécial à la « famine au Niger » Le nouvel observateur et libération renchérissent : « Niger : les raisons d’un désastre ; confrontés à la famine, le Niger appelle au secours ; la malnutrition conti- nue de tuer au Niger » (Agence Reuter). Ces titres sont assez révélateurs d’un état d’esprit qui a toujours caractérisé la presse occidentale : l’image du sahel en période de crise alimentaire se résume à un certain nombre de symboles, de stéréotypes utilisés pour tenter de mobiliser l’opinion publique soucieuse de venir en aide à des populations sinistrées. Malheureusement la télévision (comme la presse écrite) continue de véhiculer cette image caricaturale du Sahel « des nomades » comme les seules et véritables victimes. C’est l’exemple type d’analyse que développent certains médias qui ne retiennent des rapports entre agriculteurs et éleveurs du Sahel que l’esprit d’opposition et d’antagonisme. .La maximisation de cette bipolarisation des groupes humains qui vivent au Sahel en deux mondes distincts présentés comme des groupes hostiles, a engendré une sorte de clivage d’opinions jusqu’au sein des organisations humanitaires. De là, à faire «un choix des victimes» entre ces deux communautés au niveau de l’orientation de l’aide alimentaire, il n’y a qu’un pas que certaines organisations non gouvernementales ont franchi sans le moindre scrupule22. Pour justifier leur intervention au niveau des seules sociétés pastorales, certaines organisations humanitaires prétextent que les projets de développement mis en œuvre par les gouvernements des pays sahéliens ne sont généralement destinés qu’aux seuls groupes sédentaires.

La presse audio-visuelle (notamment RFI et la BBC) à travers de nombreux reportages mais aussi certaines organisations internationales dont le Programme alimentaire Mondial (PAM) ont pris le relais du cri d’alarme lancé par l’ONG Médecins Sans Frontière qui a mis en place à Maradi un centre de récupération nutritionnel.

L’activité des différents centres de récupération nutritionnelle qui reçoivent des po- pulations sinistrées ont été fortement médiatisées afin de susciter une aide alimen- taire d’urgence indispensable pour sauver, selon MSF, des centaines « de milliers d’enfants nigériens victimes de la famine et de la malnutrition chronique». Telle était la situation du point de vue de la perception de certains acteurs externes.

III- LES MÉTAMORPHOSES DE LA CRISE : IMPACT DES FACTEURS INTENSIFIANT

III.1- Le comportement des acteurs locaux

Qu’on se souvienne, pour l’essentiel, en 2004-2005, le débat était centré sur la nature des réponses à apporter, indissociable de la question de souveraineté d’un état

22 Je tiens à remercier ma collègue Monique Chastanet de l’IRD (Paris) pour avoir mis à ma disposition des dizai- nes d’articles de la presse française (Quotidiens, hebdomadaires, et mensuels ) consacré à la crise alimentaire et nutritionnels de 2005 au Niger.

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soucieux de préserver sa marge de manœuvre même dans un contexte d’insécurité alimentaire critique face à une société civile et des ONG internationales brandissant

«un droit universel à l’alimentation », qui s’affranchit, si nécessaire, des contraintes institutionnelles locales au nom du devoir d’ingérence (IRAM, 2006).

En effet, au niveau des acteurs nigériens, la situation a été caractérisée par une confrontation, par médias interposés (média publics et privés), entre deux visions du phénomène. D’un côté, une perception du phénomène par certaines ONG nationales et internationales et les parties d’opposition qualifiant la situation de très alarmante, voire catastrophique, rejoignant ainsi le point de vue de Médecins sans Frontière.

Ce point de vue est également appuyé par les associations de la société civile qui reprochent au Gouvernement une certaine passivité voire une irresponsabilité face à l’urgence. De l’autre l’intransigeance des pouvoirs publics notamment le chef d’Eta nigérien refusant de reconnaitre la gravité de la situation qu’il n’hésite pas à qualifier de contexte d’insécurité alimentaire ou tout au plus de crise alimentaire mineure.

Au plan national, la société civile a, pour la première fois, été associée à la ges- tion de la crise et ses interventions relayées par la presse indépendante ont permis de ramener le débat sur la nature véritable de la crise et les moyens d’y faire face.

La société civile nigérienne a, en effet, dès les premières manifestations de la crise, essayé de mobiliser l’opinion nationale et internationale afin d’attirer leur attention sur la gravité de la situation : un état de famine qui prévaut dans plusieurs régions du Niger et que les pouvoirs publics essaient de nier ou tout au moins de minimiser.

Ce qui ne fut pas le cas au cours des crises alimentaires intervenues au cours des dernières décennies (1997-98 et 2000-2001).

En mai 2005, face à la pression nationale et internationale, lors d’une Déclaration de Politique Générale (DPG) à l’Assemblée Nationale, le Premier Ministre nigérien Hama Hamadou (en contradiction avec le Président de la République), a lui-même jugé la situation assez critique pour lancer un appel à l’aide à l’endroit de la commu- nauté nationale et internationale. Les libertés positives furent ainsi sauvegardées grâce à l’émergence de la société civile dans le débat. Cette déclaration du premier Ministre marque le point de départ de la mise œuvre du plan d’urgence alimentaire élaboré par le Dispositif national de gestion et de prévention des crises alimentaires et fiancé par la communauté internationale. Quelle étaient les facteurs intensifiants de cette crise alimentaire qui a fait coulé autant d’encre ?

III.2- Autres facteurs intensifiant : le dysfonctionnement des mécanismes locaux et internationaux d’intervention

en période de crise

En 2005, trois éléments constitutifs furent à l’origine de la spécificité de « la crise nigérienne » par rapport aux autres pays de la sous région comme la Mauritanie, le Burkina Faso ou le Mali ayant connu des : (1) le comportement des acteurs impliqués dans la gestion de la crise,(acteurs locaux et partenaires au développement), les fac- teurs psychologiques ayant joué sur les tensions des marchés céréaliers, la faiblesses

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des mécanismes sous régionaux de gestion et de prévention des crises alimentaires en d’autres termes l’absence totale de complémentarité entre zones excédentaires et zones déficitaires. L’ensemble de ces facteurs ont contribué à intensifier la crise en 2005 (voir schéma ci-dessous) .

• A l’échelle nationale, les pouvoirs publics, à travers de nombreuses déclara- tions des hommes politiques mais aussi celles des responsables des struc- tures techniques chargées de la mise en œuvre des mesures d’atténuation des effets de la crise, ont tout fait pour éviter dans les documents officiels les termes crise alimentaire ou « famine » . De ce fait, il n’a pas été pos- sible de mobiliser des moyens spécifiques correspondant à un scenario de

crise majeure. Cette attitude est en partie (en partie seulement) à l’origine du disfonctionnement du dispositif national de gestion et de prévention des

crises (DN/GPCA).

Crise à l’échelle sahélienne

•Forte tension sur les marchés céréaliers

Crise à l’échelle sahélienne

•Forte tension sur les marchés céréaliers

Comportement des acteurs locaux

Homme politiques

ONGs

Commerçants Comportement des

acteurs locaux

Homme politiques

ONGs

Commerçants Faiblesse des

mécanismes sous régionaux: (absence de complémentarité : Zones excédentaires/

Zones déficitaires (fermeture des frontières) Faiblesse des mécanismes sous régionaux: (absence de complémentarité : Zones excédentaires/

Zones déficitaires (fermeture des frontières)

Dysfonctionnement au sein du CMC

(DG ou VPM) Attitude du PAM faible niveau du SNR

Dysfonctionnement au sein du CMC

(DG ou VPM) Attitude du PAM faible niveau du SNR

Les Facteurs intensifiant la crise

Échelle nationale Échelle sous régionale

•Hausse de prix des céréales

•Effondrement des prix du bétail

•Appauvrissement et endettement des ménages

Crise d’accessibilité

Période de tergiversation : Décembre 2005 Juin 2005

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Au niveau de ce dispositif les différents partenaires membres du CRC23 (Comité Restreint de Concertation) n’ont pas pu « accorder leur violon » pour résister à la vaste campagne de médiatisation orchestré par les humanitaires ayant comme chef de file Médecins sans frontière (MSF). « En effet, cette crise a été une opportunité pour des agences humanitaires pour « une montée en puissance de son plaidoyer pour la malnutrition infantile » (Delcombel, 2005). On peut le dire aujourd’hui, même si l’institution s’en défend, le Programme Alimentaire Mondial (PAM) à l’époque chef de file des donateurs a bien été désigné comme le premier des partenaires du Niger qui n’a pas pu résister à la pression médiatique. Il s’était désolidarisé du groupe en

« brisant le consensus sur la nature des actions à mener. « Lors d’un des réunions hebdomadaires du CRC, le représentant local du PAM a crée la surprise en annon- çant » son intention de passer directement à des opérations de distribution gratuite24 . Cela a été perçu par les autres partenaires au sein du dispositif comme la première manifestation concrète de l’intrusions du Siège du PAM dans les décisions en cours des discussions sur le terrain » (Delcombel, 2005). Comme, on le constate, Il a manqué une cohérence et une sérénité dans la mis en œuvre des outils d’intervention dans la gestion de la crise en 2005.

A l’échelle sous régionale, La crise alimentaire de 2005 a montré les limites de la coopération sous-régionale et internationale en matière de stratégie alimentaire à plusieurs niveaux. D’une manière générale, les outils de la coopération internationale n’ont pas été opérationnels afin de combler les insuffisances observées au niveau national. L’analyse des rôles des diffé- rentes institutions fait ressortir une faiblesse majeure : l’amélioration de la situation d’un pays comme le Niger est subordonnée à l’amélioration des conditions au niveau des politiques agricoles et commerciales. Toutes les politiques ayant fait l’objet de convention (CILSS, UEMOA etc.) se focali- sent sur un aspect particulier : la libre circulation des produits céréaliers et les échanges triangulaires en période d’insécurité alimentaire. C’est le cas des dispositions en vigueur au niveau du CILSS et de l’UEMOA (protocole additionnel article 14 qui stipule que la sécurité alimentaire dans la région n’est garantie que s’il y a effectivement des possibilités d’échanges et de complémentarités entre régions excédentaires et déficitaires, entre pays excédentaires et déficitaires. En réalité, on l’a constaté pendant la crise, plusieurs de ces mécanismes n’ont pas opérationnelles. L’absence de vo- lonté politique conduit à des situations de replis sur soi. Au cours de la crise plusieurs pays voisins du Niger ont de fait « fermé leurs frontières ». Le prin- cipe sacro saint sur la libre circulation des produits agricoles et la logique de construction d’un marché régional ont pris un grand coup. L’un des effets pervers de cette situation est à l’origine de la flambée des prix constatés sur

23 Le CRC est la structure technique du CMC (Commission Mixte de concertation). C’est le CRC qui met en œuvre sur le terrain les décisions prise dans le cadre de l’utilisation des outils d’intervention par l’Etat Nigérien et ses Partenaires au niveau du CMC. ( stock national des sécurité, Fond de solidarité alimentaire fond commun des donateurs, etc..)

24 La distribution gratuite en temps de crise alimentaire signifie qu’il s’agie d’une cirse majeure (état d e famine généralisée) nécessitant l’intervention du Stock national de sécurité

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• le marchés frontaliers.. Dan ce domaine on observe une insuffisance notoi- re de mécanismes de contrôle de d’application des règles communautaires (CILSS, UEMOE, CEDEAO).

CONCLUSION

Au Niger, à l’inverse des pays comme le Mali ou l Burkina Faso, la crise alimen- taire de 2005 a suscité une controverse quant à sa nature véritable et les stratégies d’intervention mises en œuvre pour y faire face. L’analyse du contexte national et de l’ensemble des éléments constitutifs de la crise (causes structurelles et facteurs conjoncturels intensifiant à l’échelle nationale et sous régionale) nous inspire un certain nombre de réflexions en relation avec les travaux d’A. Sen.

Le contexte économique, institutionnel et juridique tel qu’il a été vécu au Niger renvoie à la conceptualisation de la faim et la malnutrition telle qu’elles ont été théo- risées et répandues sous l’appellation de « entitlement théorie of famine». Le cas du Niger en 2005 montre que « Le problème de la faim n’entretient pas seulement des relations avec la production de biens alimentaires et le développement de l’agriculture, mais aussi avec l’ensemble du fonctionnement économique et, dans une perspective encore plus large avec tout le contexte politique et social qui influence, par des biais divers la capacité des individus à se procurer de quoi manger » (Sen, 1988).

La gestion et la prévention de la crise dépendent de la perception et de la compréhension qui accompagnent l’exercice du pouvoir. « La distance politique et sociale entre les deux pôles peut jouer un rôle capital dans la non prévention de la crise. (Sen 2003).

De ce point de vu le traitement politique a joué un rôle important dans la méta- morphose de la crise. En 1973 -74, la mauvaise gestion de la crise fut considérée comme le mobile principal du coup d’état qui mit fin au régime du RDA. Désormais le nom du président Tanja est associé à la crise alimentaire de 200525. La conjonc- ture alimentaire en 2005 reste, à mon avis, d’une crise alimentaire «ordinaire» que la mondialisation de l’information et « l’humanitarisation croissante » ont contribué à entretenir et à amplifier.

25 La famine est appelée en pays hausa (sud di Niger « Maïguilachi » : l’homme aux lunettes, expression méta- phorique pour désigner le président de l’époque Tanja Mamadou qui refusaient de reconnaitre la gravité de la situation alimentaire.

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