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Blaireaux, ovocytes, alcool : un week-end à Londres

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2036 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 24 octobre 2012

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Blaireaux, ovocytes, alcool : un week-end à Londres

Albion demeure-t-elle perfide ? Pour l’heure, elle est dans la tourmente. Du moins est-ce l’impression ressentie au terme d’une fin de semaine automnale passée dans la capitale de ce royaume uni. C’est une surprise tou- jours renouvelée que d’observer à quel point les natifs de cette grande île continuent à nourrir des sentiments ambivalents vis-à-vis des animaux qui ont la chance (ou pas) de vivre sur son sol. Le monde entier connaît la passion de l’Anglais pour ses pets, cette dé- clinaison de lui-même. Et le monde entier avait aussi découvert – au temps de l’affaire de la vache folle – le peu de cas fait par les insulaires pour le destin de leurs bovins dont ils chérissent pourtant le lait. C’est là, du moins pour le citoyen naïf venu du Vieux Continent, une source de réflexion que rien ne saurait tarir. Or voici que cette réflexion s’enrichit aujourd’hui du cas pendable des blaireaux. Un mystère veut que le Britannique aime ce qu’il nomme badger, peut-être parce

qu’il voit un insigne dans ce mustélidé que d’autres peuples méprisent ; ou du moins qu’ils ne blairent guère, ridiculisent et trans- forment en outil pour mieux faire mousser.

L’affaire faisait ce dimanche la une de The Observer qui a pris fait et cause pour cet ani- mal. L’hebdomadaire dominical a entrepris de croiser le fer avec le gouvernement con ser- vateur de David William Donald Cameron.

Et il fait pour cela appel à la raison scienti- fique. Les meilleurs experts en médecine vété- rinaire et en bactériologie animale sont à ses côtés pour dénoncer un massacre et un scan- dale. Le massacre annoncé est celui des blai- reaux. Le scandale est, selon eux, que le sang versé n’aura aucun effet sur le portage du bacille tuberculeux qui sévit de manière en- démique dans le cheptel britannique.

Aussi The Observer et les scientifiques ac- cusent-ils leur gouvernement de mentir. Et ils réclament l’abandon immédiat des «stu- pides tueries» programmées sous peu dans

le Gloucestershire et le Somerset. Pour cette trentaine d’experts des maladies animales, cet abattage n’est au fond qu’une «distrac- tion coûteuse» qui, paradoxalement, risque fort d’aggraver le problème de la tuberculose bovine et qui coûtera beaucoup plus que ce qu’il est censé rapporter. Que le rapport coût- bénéfice soit objet de discussion ne peut sur- prendre. On peut en revanche s’interroger sur ce que peut bien avoir de «distrayant» le fait de détruire des hordes de blaireaux bri- tanniques. Est-ce ici le symptôme de la schizo- phrénie insulaire ? Pourquoi faut-il que cette destruction soit nocturne et menée par des tireurs d’élite ? Est-ce là encore une manifes- tation de la séculaire perfidie de ce peuple vivant entre tourbe et albâtre ?

On sait que dans la grande famille Myco- bacterium existe une variété – Mycobacterium bovis –, responsable de la tuberculose bovine et qui peut être transmise à l’homme dans certaines conditions. Loin d’être en voie d’éra- dication, la maladie animale demeure une source de préoccupation pour les autorités sanitaires de nombreux pays. En France, le nombre des cas augmente : le ministère de l’Agriculture parle d’une centaine de cas diag- nostiqués chaque année (Côte-d’Or, Dor- dogne, Camargue, etc.), la maladie se déve- loppant dans le même temps chez certaines

espèces d’animaux sauvages (san gliers, cerfs et blaireaux), ce qui rend un peu plus complexe son éradication.

Sur ce front, la situation sem- ble tout particulièrement préoc- cupante au Royaume-Uni où l’on a abattu 26 000 bovins infectés en 2011 (perte estimée : 115 mil- lions d’euros). Selon Owen Pa- terson, secrétaire britannique à l’Environnement, toutes les re- cherches menées depuis plus de dix ans montrent que l’abattage des blaireaux potentiellement infectés et infectants pourrait ré- duire les infections de 12 à 16%.

Mais il faut pour cela des abat- tages intensifs, effectués pendant de nombreuses années et sur de grandes surfaces. Britannique ou pas, le blaireau ne se porte géné- ralement pas volontaire pour par- ticiper à l’éradication d’une pa- thologie infectieuse. Il en va de même pour Mycobacterium bovis.

Et il faudrait faire disparaître pas moins de 100 000 blaireaux (un tiers de la population insulaire) pour commencer à être efficace chez les bovins. Plus de 150 000 en marge

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 24 octobre 2012 2037 humains ont signé une «pétition électronique»

destinée à faire revenir le gouvernement sur sa sanguinaire décision. Et pour Lord John Krebs (l’un des scientifiques les plus émi- nents du Royaume-Uni si l’on en croit The Observer), il s’agit ni plus ni moins d’une po- litique sanitaire «stupide». Pour Lord Ro- bert May, scientifique ayant travaillé pour le gouvernement de sa Majesté, aujourd’hui président de la Royal Society, la

politique gouvernementale «n’a pas de sens». Seule compte, selon ce pragmatique, une politique basée sur les preuves comme il existe des partisans d’une mé- decine du même nom.

Mais le ministère britannique de l’Environnement, de l’Alimen- tation et des Affai res rurales n’en démord pas : ses meilleurs ex- perts rassemblés en avril 2011 ont conclu que les preuves exis- taient que la disparition du blai- reau conduirait à la disparition progressive de Mycobacterium bovis. Il faut ici reprendre la mé- thode mise en œuvre contre les renards. Même David William Donald Cameron s’est exprimé expliquant qu’il s’agis sait ici

d’une bonne politique sanitaire puis qu’elle vise à la bonne santé des bovins mais aussi des blaireaux. Faut-il voir là un trait d’hu- mour insulaire ? Rien de simple ici : neuf vé- térinaires de premier plan ont écrit une lettre ouverte, coordonnée par la Société pro tec- trice des animaux. Ils avertissent que les tirs autorisés auront inévitablement pour consé-

quence de cibler de nombreuses truies ges- tantes. Et si l’affaire devait durer, des truies en lactation perdraient la vie ce qui condui- rait à la famine de petits porcins privés des maternelles mamelles.

Dans le métro de Londres, on peut voir actuellement une publicité qui ne semble guère surprendre les insulaires. Elle est si- gnée de la London Women’s Clinic (LWC)

et propose une sorte de partage des ovo- cytes. L’opération «Egg-sharing» réunit ainsi

«des femmes qui produisent des surplus d’œufs» et d’autres «qui sont incapables de les produire», de sorte «que les deux parties ont une chance de devenir enceinte». Où il semble être question de gratuité pour les premières dès lors qu’en dépit de leur pro-

duction ovocytaire (induite ?), elles auraient besoin d’une fécondation in vitro pour pro- créer. Sinon la facture est d’un peu moins de 10 000 euros. 69% de réussites pour les don- neuses ; 51% pour les receveuses. Soit une double prime à la générosité. Tous les détails sont disponibles sur le site.1

Alors que The Observer alertait sur la ques- tion du carnage des blaireaux, son concur- rent The Times évoquait un autre fléau en ti- trant : Are you a perentoholic ? Où l’on voit que la langue anglaise demeure formidable et que l’Anglais reste pragmatique. Pour répon dre oui, il suffit de cocher quelques cases : vous buvez du vin tous les jours ? Vous êtes en re- tard à la sortie de l’école ? Vous buvez en- core au moment où les enfants vont au lit ? Vous vous réveillez avec un sentiment de culpabilité ? En illustration, une jeune fem me souriante sur un canapé, grand verre de vin blanc (français ?) à la main droite, téléphone portable à l’oreille gauche. Peut-être est-elle donneuse à la LWC ? Il suffit pour cela d’être âgée de plus de 18 ans et de moins de 35, d’avoir un IMC inférieur à 28, de ne pas transmettre de maladies génétiques et de ne pas présenter de pathologies ovariennes ou d’endométriose, de ne pas avoir déjà eu plus de deux tentatives infructueuses de FIV. Et de ne pas fumer. Perfide, Albion ?

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

1 www.eggsharing.com/

Service d’alcoologie, CHUV, Lausanne

© istockphoto.com/Images in the Wild

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