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Le « Règlement Successions » et son impact sur les successions helvético-européennes

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Le « Règlement Successions » et son impact sur les successions helvético-européennes

ROMANO, Gian Paolo

ROMANO, Gian Paolo. Le « Règlement Successions » et son impact sur les successions helvético-européennes. In: Journée de planification du patrimoine de la famille

(organisée par les Professeures A. Leuba et M.-N. Ruffinen), 28 janv. 2014, Genève, 28 janvier 2014, 2014, p. 1-11

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:135141

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

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Le « Règlement Successions » et

son impact sur les successions helvético-européennes Gian Paolo Romano

[Genève, 28 janvier 2014]

Mesdames et Messieurs, permettez-moi de remercier chaleureusement les Professeures Leuba et Zen-Ruffinen pour m’avoir associé à cette belle journée d’études et aussi – sur une note plus personnelle – pour m’avoir permis d’y intervenir aux côtés du Professeur Lagarde.

C’est un merveilleux privilège que de prendre la parole après le Maître prestigieux et l’un des Pères fondateurs du droit international privé européen.

Le Règlement « successions » aura cours dans les Etats voisins de la Suisse et dans d’autres souvent « cointéressés » par les successions qui s’inscrivent en partie dans les milieux helvétiques : Espagne, Pays-Bas, Suède, et bien d’autres.

Le Royaume-Uni n’est pas dans le coup, alors pourtant que les Britanniques fixés en Suisse ou détenteurs d’actifs ici sont nombreux.

Les Traités liant un Etat membre à un Etat tiers sont maintenus. Si bien que les suc- cessions italo-suisses continueront d’être appréhendées par le Traité consulaire de 1868 (traité qui a stimulé quelques décisions récentes et remarquées).

Dans l’ensemble, le Règlement apportera un progrès dans l’organisation des succes- sions helvético-européennes (ou européo-helvétiques).

Trois me paraissent en être les facteurs principaux.

- D’abord, la Suisse et ses acteurs devront rechercher la coordination, non plus avec chacun des systèmes nationaux, en tâchant de s’ajuster à leurs caractéristiques di- sparates, mais avec un système unique, un seul : celui que consacre le Règlement.

- Ensuite, il y a plus de solidarité, de communauté d’inspiration, d’entente naturelle entre notre LDIP et le Règlement qu’entre notre LDIP et les prédécesseurs natio- naux de celui-ci.

- Enfin, ce régime helvético-européen accorde un plus large éventail d’options à ce- lui qui se voue à la planification du sort de ses biens – qu’elle soit individuelle ou concertée, et notamment familiale.

Pour essayer de voir tout cela, je vous propose d’aborder quatre points : et faire un comparatif quant au rattachement général que retiennent nos deux instruments (I) ; de dire un mot sur les compétences parallèles qu’ils ouvrent (II) ; puis sur le droit applicable (III-IV) ; et enfin sur l’impact en Suisse du « certificat successoral européen » (V).

***

Le Règlement accorde, on l’a vu, une prééminence à la résidence habituelle du de cujus.

La LDIP est, quant à elle, axée sur le domicile.

Vérifions jusqu’à quel point ces deux notions-clé se recoupent, ou ne se recoupent pas.

G.P. ROMANO, « Le Règlement Successions et son impact sur les successions helvético- européennes », (Conférence Genève, 28 janvier 2014), p.1-11.

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Mon voisin de pallier est Hongrois. Un contrat de deux ans le lie à la Mission de Hongrie auprès de l’OMC. Sa famille habite Budapest, où il rentre deux fois par mois.

Eh bien, d’après la quasi-définition du considérant 24 du Règlement, le « centre des intérêts de la vie familiale et sociale » de notre protagoniste, se trouve probablement en Hongrie.

Quid côté suisse ?

L’intention de s’établir indéfiniment à Genève fait défaut. L’article 20 al. 2 LDIP prescrit de se replier sur la résidence habituelle.

Celle-ci se trouve (je cite) « dans l’Etat dans lequel [l’intéressé] vit pendant une certaine durée, même si cette durée est de prime abord limitée ».

C’est une notion plus précise, parce que plus restrictive, que celle qui se dégage du Règlement.

Je crois donc que la « résidence habituelle » pour la LDIP se situerait en Suisse.

Auquel cas nous serions placés devant un conflit européo-helvétique de résidences habi- tuelles.

***

On peut penser que les fonctionnaires internationaux conservent, au regard la LDIP, leur résidence dans l’Etat accréditant.

Mais quid des nombreux « expatriés » travaillant chez nous pour un temps a priori limité dans le secteur privé – négoce, banques, et bien d’autres ?

Citons aussi les retraités vivant en Suisse (parfois au forfait fiscal) dont les attaches avec leur Etat d’origine demeurent prépondérantes.

D’après le Règlement, notamment sous l’angle du droit applicable, ils pourraient être tenus pour « objectivement rattachés » à leur Etat national.

Espérons que les cas de dissociation entre résidence habituelle et domicile seront plutôt rares.

Et venons-en à la compétence.

***

C’est là que la rencontre entre Règlement et LDIP livre le résultat le moins séduisant.

Rappelons que par « compétence » il faut entendre bien sûr celle qui habilite le juge à connaître d’un éventuel litige,

mais d’abord celle qui permet aux autorités, y compris administratives, de s’occuper d’opérations successorales souvent pacifiques : telles l’ouverture du testament, ré- ception d’une déclaration de « répudiation »…

Eh bien, les cas de concours de compétence contentieuse et gracieuse sont appelés à se multiplier.

***

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Le premier exemple que je vous proposerai est celui du ressortissant d’un Etat membre installé en Suisse. Et notamment d’un Français fixé en Romandie et titulaire des biens à la fois en Suisse et en France – dont un immeuble (Paris, Megève, Provence…).

Abordons les choses par le côté hexagonal.

Lorsque la résidence est dans un Etat tiers, le Règlement consacre un certain nombre de compétences subsidiaires.

La nationalité du de cujus cumulée avec des biens dans son Pays, c’en est un.

Donc : compétence française « donnée », laquelle a vocation à viser également les biens en Suisse, immeubles compris.

Venons au côté suisse.

Compétence de nos autorités également « donnée » en vertu du dernier domicile.

Jusqu’où s’étend-elle?

La LDIP prescrit de respecter la « compétence exclusive » revendiquée par l’Etat du situs.

C’est ce que revendique la France aujourd’hui.

Quid après le 17 août 2015 ?

La notion d’« exclusivité » invite à se projeter au stade de la reconnaissance.

Or la reconnaissance de la décision suisse demeure sous l’empire du droit international privé français.

Car le Règlement n’a pas unifié le régime d’accueil des décisions des Etats tiers pas plus que ne l’a fait la Convention de Lugano.

Je pencherai sans doute pour écarter le caractère exclusif de la compétence européenne au lieu de l’immeuble.

***

Alors, si nous avons bien raisonné, un concours franco-suisse de compétence frappe cette succession.

Les autorités des deux côtés de la frontière sont prêtes à s’affirmer compétentes pour tous les biens.

Y-a-t-il moyen de coordonner l’exercice de ces compétences pour éviter que le concours ne se mue en conflit (de procédure et de décisions) ?

Trois critères méritent de nous retenir.

***

Le premier est la litispendance.

Demande en pétition d’hérédité en Italie.

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Le défendeur à la procédure italienne demande au Tribunal de Genève de constater la validité d’une transaction portant sur les biens revendiqués par le demandeur en Italie.

Le test décisif consiste pour les juges de Mon Repos à vérifier si les « décisions italienne et suisse seraient contradictoires », sans qu’il importe de savoir si les deux demandes sont l’une préalable à l’autre, ou que l’une d’elle ait été introduite à titre subsidiaire ou alternatif.

Notion assez large d’identité de litiges, inspirée de la « Kernpunktheorie » dégagée par la Cour de justice.

Alors, identité des demandes formées devant les autorités françaises et suisses suffit- elle pour que l’autorité saisie en second lieu « suspende la cause » ?

L’article 9 LDIP prescrit au juge suisse le pronostic de reconnaissance.

La décision française serait-elle reconnue en Suisse ?

Probablement non, car la nationalité même jointe au lieu des biens ne figure pas à l’article 96 LDIP comme compétence indirecte tolérée.

Qu’en est-il si c’est le juge français qui est saisi en second lieu ?

L’article 17 du Règlement qui vise une litispendance intra-européenne ne prescrit pas un dessaisissement en faveur des juges d’un Etats tiers.

C’est la règle nationale de litispendance qui devient vraisemblablement applicable, règle est souvent aux contours plus incertains et moins libéraux.

***

Le second outil de coordination est-il plus performant ? C’est la désignation par les intéressés.

Or les intéressés… c’est intéressant, parce que qui sont-ils ? Il est naturel de penser d’abord au de cujus.

Est-il justifié de lui permettre de prévenir un conflit de procédures, qui risque de provoquer le désordre quant à la distribution de ses biens ?

Que le de cujus puisse unilatéralement désigner le for, voilà qui peut surprendre.

On peut penser que le for de l’administration et du contentieux successoral, ce n’est plus son affaire mais de ceux qui lui auront survécu.

Pourtant, dans le système Bruxelles/Lugano, on trouve un exemple saisissant de désignation unilatérale.

Le settlor est autorisé à choisir le for où tout le contentieux relatif aux « affaires relevant du trust » devra s’enraciner, y compris après son décès (et parfois surtout après son décès, notamment en cas trust mortis causa).

Si le de cujus désigné les autorités françaises, l’article 5 joint à l’article 87 al. 2 LDIP – qui permet au Suisse de l’étranger de désigner le for suisse – pourrait conduire à respecter le choix du de cujus de voir sa succession réglée en France.

Quid si le de cujus a désigné le for suisse de la résidence habituelle ?

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Le Règlement ne prescrit pas au juge français d’observer cette désignation.

Les dispositions qui permettent d’en tenir compte supposent que le for et la loi unilatéralement désignée soient d’un Etat membre.

***

Les survivants peuvent-ils s’accorder sur un for ? Côté suisse, il ne devrait pas y avoir trop de problèmes.

C’est ce que le Tribunal fédéral a rappelé s’agissant de la transaction judiciaire que j’ai évoquée qui comportait un choix de for par les successeurs.

Côté européen, le Règlement ne prévoit pas une telle possibilité lorsque l’accord de for porte sur les autorités d’un Etat tiers.

Je ne suis à la vérité même pas sûr que le droit international privé interne pourrait être sollicité.

***

Le troisième moyen de coordination suppose que ceux que j’ai évoqués jusque-là n’aient pas fonctionné.

L’article 12 du Règlement prévoit que lorsque la masse comprend des biens situés dans un Etat tiers, la juridiction saisie peut ne pas statuer sur ces biens « si l’on peut s’attendre à ce que la décision… ne soit pas reconnue dans l’Etat tiers ».

Et peut-être la LDIP pourrait aussi de facto parvenir à une telle limitation.

Ce qui conduit de facto à un morcellement juridictionnel : issue qui est contraire à l’inspiration des deux systèmes qui procèdent de l’idée de l’universalité de la compétence et de la suprématie à cet égard de l’attache domiciliaire.

***

Plus simple en apparence le deuxième cas de figure.

C’est celui d’un Suisse domicilié dans un Etat membre.

Pensons aux Helvètes qui s’installent par exemple en Espagne pour y jouir d’une retraite ensoleillée (et plus proche des vraies plages).

Le juge espagnol détient une « compétence générale ».

Donc, si notre Suisse tardivement expatrié a conservé un immeuble ici, il n’est plus besoin pour nos autorités suisses de vérifier que le juge de l’Etat membre ne « s’occupe pas » de cet immeuble : le Règlement prescrit aux juges européens de s’en occuper.

Le juge suisse n’est donc en principe pas compétent.

Donc pas de compétences parallèles. Voilà une bonne nouvelle.

Tout ceci ne vaut que lorsque le de cujus n’a pas désigné le for suisse.

L’article 87 al. 2 lui en donne le loisir en précisant que désignation de loi suisse vaut désignation de for suisse.

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Le juge espagnol ne pourra que se dessaisir si la décision espagnole n’est pas reconnue en Suisse (article 12).

Faudrait-il l’entendre comme exclusif au sens de l’article 96 LDIP ? C’est possible mais ce n’est pas certain.

Si bien que la compétence suisse est donnée pour les biens situés en Suisse dans la mesure où il désigne le droit suisse et le for suisse.

Ce qui nous place devant une autre situation de morcellement juridictionnel.

***

J’ai abordé surtout les choses sous un angle contentieux.

Ce qui n’est pas exactement celui de la planification successorale, qui est plus pertinent : parce que plus en adéquation avec les tréfonds rationnels du droit des successions et avec l’aspiration à la prévisibilité du droit.

Au fond, ce que le de cujus souhaite lorsqu’il songe à sa succession, c’est qu’il n’y ait pas de litiges entre les héritiers.

Il « planifie » afin de « dé-judiciariser » le désaccord éventuel entre eux.

Il travaille à la « désagrégation ordonnée » de son patrimoine pour éviter une désagrégation de sa famille.

La perspective : « après moi le déluge » ne le séduit en général pas.

Si bien que dès qu’un contentieux éclate entre les « continuateurs de sa personne », c’est souvent que les choses ne se sont pas passées comme il avait prévu et voulu, du moins implicitement.

***

Or, la « planification » – et par là la réduction du contentieux, la facilitation du règlement paisible et fécond des successions européennes – est l’un des objectifs du Règlement.

Cet objectif est favorisé par sa rencontre avec la LDIP. Ils font sur ce point très bon ménage.

Car ils procèdent des mêmes idées fondatrices.

J’en citerai trois.

- Rattachement objectif au domicile respectivement résidence habituelle, alors que l’Allemagne, l’Espagne, l’Autriche, lui préfèrent la nationalité.

- Le rattachement personnel s’étend aux immeubles. Alors que nos voisins sou- mettent leurs immeubles à la loi française même s’ils sont possédés par un Suisse domicilié en Suisse.

- Enfin, octroi d’un « droit de choix », droit que la majorité des Etats ignorent.

Sur ces trois points, le Règlement me paraît plus helvétique qu’il n’est français, alle- mand, italien, polonais, grec…

***

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Cette concordance est propre à encourager la planification.

Pour planifier, il faut savoir.

Or le nouveau régime helvético-européen favorise la connaissance préalable par le de cujus et ses proches du cadre normatif régissant la succession.

On planifie mieux, si l’on peut non seulement savoir, mais également choisir. Et ce sera dans une certaine mesure véritablement le cas.

***

Prenons un Suédois fixé en Suisse. La communauté suédoise de Suisse est discrète mais aguerrie. Pensons à Ingvar Kamprad (« Monsieur Ikea »).

Comparons les deux situations : décès avant et après le 17 août 2015.

Décès avant le 17 août 2015.

D’abord, succession non planifiée, ab intestat.

Pour la Suède, c’est la loi suédoise de la nationalité qui la régit.

Pour la Suisse, c’est la loi suisse du domicile. Chaque Etat estime que sa loi devrait gouverner également les biens situés dans l’autre, en tout cas les meubles.

La loi suédoise favorise l’époux survivant.

La loi suisse est plus généreuse vis-à-vis de l’enfant.

La tentation pourrait être forte pour l’un et l’autre d’ouvrir un contentieux au for qui appliquerait la loi pour lui plus favorable.

Course de vitesse vers le juge.

La guerre entre personnes privées est encouragée par ce désaccord étatique au mépris de la fonction universelle du droit privé.

***

Supposons que notre protagoniste ait voulu organiser ses affaires.

Il veut empêcher la guerre judiciaire entre ses proches.

Il veut aussi profiter de la liberté que lui donne le Droit (avec grand « D »).

Or la LDIP a beau lui dire : « vous pouvez choisir entre droit suisse et droit suédois ».

Cette faculté de choix n’est pas effective parce que la Suède ne la reconnaît pas.

Le propre des relations internationales privées, c’est qu’elles engagent deux commu- nautés étatiques : c’est qu’on est à deux, donc l’une et l’autre ne peuvent en faire à leur tête, elles peuvent se marcher sur les pieds, c’est le sens de la « coordination ».

Donc notre personnage serait obligé, s’il veut bénéficier d’une certitude, de désigner le droit suédois alors même qu’il a vécu pendant trente ans ici.

Un choix obligé n’est pas un choix.

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Si notre Suédois ne prend pas de dispositions mortis causa, le Règlement et la LDIP s’accordent pour le tenir soumis au droit suisse.

Les héritiers présomptifs le sauront.

Plus besoin de saisir le juge pour déterminer leur part dans la succession.

L’épouse devra accepter de partager la masse avec l’enfant.

Le désaccord est prévenu ou en tout cas « dé-judiciarisé ».

Ensuite, s’il veut organiser ses affaires, notre personnage pourra véritablement choisir entre le droit suédois et le droit suisse.

Les deux Etats sont aussi d’accord pour lui octroyer cette option.

S’il veut tout laisser à son épouse, il pourra désigner le droit de sa nationalité.

***

On peut en dire de même de l’Allemand domicilié en Suisse.

Aujourd’hui l’Allemagne prétend le soumettre aux impératifs du BGB.

Le choix du droit suisse que la LDIP est prête à entériner risque d’être peu effectif parce que l’Allemagne ne le respecterait pas.

***

S’agissant de l’éventail des facilités offertes au titulaire du patrimoine, le Règlement va même un peu plus loin que la LDIP.

A un triple égard.

D’abord, au profit des deux doubles nationaux.

Car il met sur un pied d’égalité les deux nationalités :

Le Franco-Suisse domicilié à Genève n’est pas autorisé pour la Suisse à désigner le droit français. La LDIP ne le considère pas « étranger ».

On peut bien sûr discuter des mérites respectifs des deux solutions.

Ensuite, le choix de la loi nationale est, pour le Règlement, valable alors même que la nationalité a été ensuite perdue, alors que pour la LDIP le choix devient dans ce cas caduc.

Enfin, s’agissant des dispositions à cause de mort, pour ce qui est de la validité matérielle et de leur interprétation, c’est la loi applicable (y compris optio iuris) au moment de l’établissement et non pas au moment du décès.

Un Suisse-Espagnol qui a fait testament holographe en laissant ses dispositions à cause de mort fidéicommissaire.

***

Quant à la modalité d’expression du choix, je crois que les deux textes se rejoignent.

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Il faut qu’elle soit la plus claire possible. « Une disposition à cause de mort est exigée » (Article 22 al. 2) et « par testament ou pacte successoral ».

Il serait imprudent de l’insérer dans un acte constitutif de trust par exemple.

La jurisprudence helvétique me paraît utilisable comme source d’inspiration.

On y trouve quelques décisions intéressantes.

Prenons l’ATF 125 III 35. Une Allemande domiciliée au Tessin avait fait testament notarié en Allemagne en désignant comme « héritière unique » (Alleinerbin) une personne.

La fille prétend à la réserve du droit suisse qui était à l’époque de trois quarts de l’actif.

A quoi s’oppose l’héritière instituée en invoquant le droit allemand implicitement dé- signé par la de cujus pour lequel le Pflichteil n’est que de la moitié.

La désignation avec des « éléments extérieurs » à l’acte : notaire allemand, partie allé- mande, formes allemandes, testaments antérieurs faits en Suisse choix de loi expresse, volonté de tenir au minimum la réserve (« elementi estrinseci sono parecchi ed assai importanti »).

Il ne faut en revanche pas de « conscience du choix » (Rechtswahlbewusstsein). C’est- à-dire qu’une personne peut s’être spontanément soumise à une loi et que cette soumission spontanée.

Le droit choisi régit également la révocation du testament.

Un Britannique établi en Suisse avait désigné le droit anglais dans son testament par lequel il constituait un certain nombre de trusts. Il s’était ensuite marié. Or il s’est trouvé que, pour le droit anglais, le mariage postérieur à un testament entraîne la révocation.

C’est là l’autonomie de la clause de choix du reste du document testamentaire.

***

Le « pacte successoral » est un instrument important de planification successorale, pour les Etats qui l’admettent, dont la Suisse.

Ce n’est plus seulement le de cujus, mais, puisque le pacte se fait à deux, c’est tout autre personne qui souhaiterait conclure un pacte avec lui, le cocontractant.

On sait que la Suisse est libérale et permet la conclusion de pactes successoraux, lesquels se subdivisent en trois catégories de pactes.

Certains Etats aussi – Allemagne – d’autres avec plus de réserves – France, RAAR, c’est une renonciation anticipée, mais non pas sous un pacte en tant que tel –, enfin certains sont plus rigoureux puisqu’ils prohibent tout pacte – Italie et Espagne.

C’est là peut-être l’un des domaines où la rencontre entre le Règlement et la LDIP sera la plus féconde.

Le premier concerne notre citoyen suédois ou espagnol domicilié et habituellement ré- sident en Suisse. La Suède et l’Espagne suivent encore aujourd’hui le droit national. Ce pacte ajusté au droit suisse et admis et régulier selon celui-ci risque de ne pas être reconnu en Suède et en Espagne.

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Un citoyen français pourrait, s’il est ici, faire un pacte successoral en faveur de son enfant et la validité ne sera remise en question s’il transporte sa résidence en France.

Je relèverai que le Règlement est même plus libéral et plus précis à cet égard que la LDIP.

Plus libéral, au moins dans un double sens. D’une part, il permet le choix de la loi du pacte sans obliger le choix de la succession. Je crois que le Règlement pourra exercer une force d’entraînement. C’est-à-dire que doutes qui subsistent aujourd’hui pourront être tranchés dans le même sens In dubio, pro interpretatione europaea.

Le fait que la loi applicable soit la même. C’est là une compensation de l’absence de réserve héréditaire.

Quid lorsque le pacte concerne la succession de plusieurs personnes ? C’est typiquement le cas de disposition réciproques à causes de mort.

Un Allemand et une Suisse se marient. Ils souhaitent rédiger un testament conjoint, valable pour le droit allemand mais qui n’est pas valable d’après le droit suisse.

***

Un mot enfin sur le « certificat successoral européen » vu de Suisse.

La question des documents de légitimation est délicate chez nous.

Les banques et les assurances qui détiennent des actifs successoraux veulent éviter d’engager leur responsabilité.

On comprend que l’Institut suisse de droit comparé (citons-le) soit souvent mobilisé pour rechercher si les documents étrangers – en provenance de Chili, d’Australie en passant par la Russie – produisent « des » effets chez nous.

Globalement, le « certificat européen » me paraît plus fiable que la quasi-totalité des instruments étrangers qui circulent aujourd’hui.

Encore faut-il qu’il puisse être délivré.

C’est là une première difficulté.

Car le Règlement énonce que le certificat « est délivré en vue d’être utilisé dans un autre Etat membre » (c’est l’article 62).

Les autorités italiennes pourront émettre un certificat pour son utilisation en Allemagne.

Mais dès que le système est en place en Italie, pourquoi les intéressés, s’agissant d’une succession italo-suisse, ne devraient pas pouvoir obtenir le précieux document qui pourrait leur ouvrir la porte des banques suisses ?

Il semble que le Règlement n’interdit (ni pourrait interdire) l’Italie de le faire.

Et je crois que la pratique pourrait bien s’orienter dans ce sens.

Le certificat compte parmi les documents « rendus, pris, dressés ou constatés » à l’étranger au sens de l’article 96 LDIP.

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Et ce d’autant que le Règlement évoque la « décision de l’autorité émettrice ».

Or aucune des compétences européennes subsidiaires ne pourrait être reconnue en Suisse sauf en cas de professio iuris en faveur de l’Etat national.

Ce rétrécissement est inconfortable, et parfois peu logique.

Un certificat successoral européen provenant d’Italie en tant qu’Etat national est reconnu (en vertu des conventions italo-suisses) alors que le certificat provenant d’Allemagne (dans les mêmes conditions) ne l’est pas.

Troisième difficulté.

Le certificat peut faire l’objet des « voies de recours » dans l’Etat d’origine. L’office du registre foncier dans ses Directives concernant les certificats étrangers servant de base à la requête d’inscription, rappelle l’applicabilité de l’article 25 lit. b) LDIP qui exige le caractère définitif de la décision.

Il serait fâcheux de ne pas reconnaître le certificat aussi longtemps que la voie de recours de l’article 72 n’ait été engagée et épuisée.

Mais comment passer outre la lettre des dispositions ?

***

Permettez-moi de tirer quelques conclusions.

L’organisation des successions helvético-européennes est facilitée à la suite du Règlement. Soyons reconnaissants à ses artisans.

Au de cujus revient le choix entre une de ses lois nationales et la loi de son attache domiciliaire. Ce choix peut être fait dès maintenant. Il devrait être exprès dans la mesure du possible. Le droit comparé des successions prendra de l’importance. Des analyses comparatives entre les droits éligibles pourraient rendre service aux intéressés.

Le choix de la loi nationale se recommande en général en cas d’incertitude quant au domicile ou à la résidence.

Et s’agissant d’un Européen domicilié ici, ce choix aurait pour avantage de favoriser la reconnaissance en Suisse de la décision européenne et déjà de la litispendance.

Pour le double citoyen domicilié en Suisse, le choix du droit suisse est aujourd’hui plus sûr.

En cas de résidence alternée dans deux Etats, il n’est pas exclu que le choix de la loi d’une des deux résidences trouverait accueil chez les autorités.

Cela reste néanmoins un pari assez risqué.

Je pense que le choix d’un for de l’Etat membre national, s’il s’accompagne d’un choix de loi, pourrait être respecté en Suisse. Plus délicate la situation inverse.

Enfin, et là je m’adresse aux décideurs.

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Je crois qu’il convient sérieusement de s’interroger sur l’intérêt qu’aurait la Suisse à une reprise partielle des solutions réglementaires.

Elles concordent sur presque tout.

Le point faible se discerne au niveau de la compétence.

Sauf qu’il peut tout contaminer et rendre les choses compliquées pour tout le monde (de cujus, parties intéressées, conseillers, notaires, juges) sans avantage pour personne.

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