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Pourquoi les institutionnels investissent-ils si peu en immobilier ?

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Pourquoi les institutionnels investissent-ils si peu en immobilier ?

HOESLI, Martin E.

Abstract

La quasi-totalité des études académiques font apparaître que la part de l'immobilier dans un portefeuille "mixte", c'est-à-dire un portefeuille composé de plusieurs classes d'actif, devrait se situer dans une fourchette de 20-30%. Malgré cette assez belle unanimité concernant le rôle bénéfique que devrait jouer l'investissement immobilier dans la diversification d'un portefeuille, les investisseurs institutionnels allouent en pratique souvent une part sensiblement plus faible de leurs avoirs à cette classe d'actif. Le but de cet article est de proposer quelques pistes de réflexion concernant les causes de l'écart entre allocation théorique et allocation effective à l'immobilier dans le portefeuille des institutionnels.

HOESLI, Martin E. Pourquoi les institutionnels investissent-ils si peu en immobilier ?. 2003

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:5803

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Pourquoi les institutionnels investissent-ils si peu en immobilier?

Martin Hoesli*

18 février 2003

Résumé

La quasi-totalité des études académiques font apparaître que la part de l’immobilier dans un portefeuille «mixte», c’est-à-dire un portefeuille composé de plusieurs classes d’actif, devrait se situer dans une fourchette de 20-30%. Malgré cette assez belle unanimité concernant le rôle bénéfique que devrait jouer l’investissement immobilier dans la diversification d’un portefeuille, les investisseurs institutionnels allouent en pratique souvent une part sensiblement plus faible de leurs avoirs à cette classe d’actif. Le but de cet article est de proposer quelques pistes de réflexion concernant les causes de l’écart entre allocation théorique et allocation effective à l’immobilier dans le portefeuille des institutionnels.

* Université de Genève (HEC et FAME) et Université d’Aberdeen (Business School), Vice-président de la European Real Estate Society (ERES).

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Pourquoi les institutionnels investissent-ils si peu en immobilier?

1. Introduction

La problématique de l’allocation optimale des avoirs des investisseurs institutionnels entre les différentes classes d’actifs (actions, obligations, immobilier, etc.) revêt une grande importance. En effet, une meilleure performance, c’est-à-dire une rentabilité supérieure (pour un risque donné) ou un risque inférieur (pour une rentabilité donnée), permettrait à un fonds de pension, par exemple, de réduire le montant des cotisations versées par les membres et/ou d’améliorer les prestations du fonds aux cotisants lorsque ceux-ci prendront leur retraite. Il ressort d’une enquête récente que la problématique de la diversification d’un portefeuille entre les différentes classes d’actif constitue une des préoccupations majeures des institutionnels aux Etats-Unis (Worzala, Gilliland et Gordon, 2002). Selon les pays, la valeur des actifs détenus par les institutionnels est de plus très importante. On estime, par exemple, que les avoirs des fonds de pension aux Etats-Unis représentent 78% du produit intérieur brut (PIB) de ce pays, alors que ce chiffre s’élève même à 128% pour la Suisse.

La question de l’allocation optimale d’un portefeuille a fait l’objet d’une assez abondante littérature1. La conclusion générale de ces études est que l’immobilier constitue une classe d’actif importante dans le but de diversifier un portefeuille «mixte», c’est-à-dire un portefeuille composé de plusieurs classes d’actifs. Le poids optimal qui devrait être alloué à l’immobilier varie de 20 à 30% selon les études. Dans un précédent numéro de L’Expert- comptable suisse (1-2/2001), nous montrons, par exemple, que la part de l’immobilier dans le portefeuille d’un investisseur devrait, en Suisse, se situer dans les 30-40% (Hoesli, 2001). Les résultats de cette étude montrent également que, pour un niveau de rentabilité donné, l’écart type du portefeuille peut être réduit d’environ 10% lorsque de l’immobilier est inclus dans le portefeuille.

Lorsque l’on examine l’allocation effective des fonds de pension dans l’immobilier (voir tableau 1), on constate que celle-ci est assez sensiblement inférieure à celle préconisée par les

1 Pour une synthèse de cette littérature, voir Hoesli et MacGregor (2000), chapitre 10.

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études théoriques en la matière2. Ainsi, l’allocation effective des investisseurs institutionnels est le plus souvent inférieure à 10%, même si en Suisse cette part s’élève à environ 15%. Il nous paraît opportun de tenter de comprendre les raisons de l’écart entre allocation théorique et allocation effective. En particulier, il est important d’examiner si les études ayant été effectuées dans ce domaine surestiment le rôle positif que peut jouer l’immobilier dans la diversification d’un portefeuille. Si tel est le cas, les institutionnels ont raison de ne pas accroître la proportion de leurs avoirs qui est investie dans l’immobilier. Dans le cas contraire, il est important de tenter de comprendre les raisons qui poussent les institutionnels à ne pas accroître la part de l’immobilier dans leur portefeuille.

Tableau 1 – Allocation des fonds de pension dans l’immobilier pour divers pays

Pays Allocation dans l’immobilier

Etats-Unis 3%

Grande-Bretagne 3%

Japon 1%

Australie 5%

Suède 8%

Suisse 15%

Pays-Bas 5%

Danemark 9%

Finlande 7%

Irlande 5%

Norvège 6%

Source: pour tous les pays sauf la Suisse, UBS Asset Management, International Pension Fund Indicators 2001, Londres, 2001; pour la Suisse, Office fédéral de la statistique, Statistique des caisses de pension 2000, Neuchâtel, 2002.

Dans cet article, nous présentons quelques pistes de réflexion pour comprendre l’écart entre l’allocation théorique et l’allocation effective dans l’immobilier. Nous commençons par une analyse des critiques qui ont été souvent faites à l’encontre des résultats figurant dans les études théoriques en la matière. En d’autres termes, nous portons l’attention sur un examen de la validité des conclusions contenues dans ces études. Nous analysons ensuite si le calcul des statistiques concernant l’allocation effective dans l’immobilier pose des problèmes. Comme nous le verrons, l’écart entre l’allocation optimale et l’allocation effective subsiste après analyse de ces éléments. Il est alors nécessaire de considérer les raisons qui peuvent expliquer la faible allocation dans l’immobilier par les institutionnels. Ces raisons ont trait aux

2 Une conclusion similaire est valable pour les compagnies d’assurance-vie (voir Chun et Shilling, 1998).

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caractéristiques des marchés immobiliers et aux difficultés que peuvent rencontrer les institutionnels dans la mise en œuvre de leur stratégie immobilière.

2. L’allocation optimale est-elle trop élevée?

Nous discutons ci-dessous les éléments qui ont souvent été avancés pour remettre en cause les résultats concernant l’allocation optimale dans l’immobilier. Ainsi, certains estiment que cette allocation élevée découle de biais dans les analyses et que les institutionnels ont en fait raison de ne pas allouer une part plus importante de leurs avoirs dans l’immobilier. Les éléments examinés ont trait à la qualité des données concernant l’immobilier, la marge d’erreur statistique dont sont entachés les résultats de ces études, la fréquence des données utilisées et la nécessité de prendre en compte non seulement les actifs des institutionnels mais également leurs engagements.

Qualité des données concernant l’immobilier

Pour déterminer la proportion des actifs qui devrait être investie dans l’immobilier, il faut connaître la rentabilité moyenne et le risque de chaque classe d’actif, ainsi que le degré de corrélation existant entre chaque paire d’actifs. Il est bien connu que la détermination de ces paramètres n’est pas sans poser de problèmes en ce qui concerne les placements immobiliers.

En effet, les biens immobiliers sont hétérogènes et ne font l’objet que de très peu de transactions. De plus, le marché immobilier se caractérise par une assez forte opacité. Il est dès lors difficile de mesurer de façon adéquate l’évolution des prix et des performances des investissements immobiliers.

Etant donné le faible nombre de transactions sur le marché immobilier, on a très souvent recours à des indices immobiliers fondés sur des évaluations régulières d’objets par des experts en la matière. De nombreuses études ont montré que l’utilisation de ce type d’indice conduit à une sous-estimation du risque de l’immobilier et par conséquent à une sur pondération de l’immobilier dans un portefeuille. Ceci ne constitue à notre avis plus un problème à l’heure actuelle dans la mesure où des méthodes ont été développées pour corriger la sous-estimation du risque (voir Geltner, MacGregor et Schwann, 2003). Ainsi, en tenant compte de ces modifications, les résultats des études théoriques devraient être fiables. De plus, de nombreuses études ont été réalisées en se fondant sur l’utilisation d’un indice hédoniste (voir Hoesli, 2001). Ce type d’indice paraît particulièrement bien adapté pour mesurer les paramètres de rentabilité et de risque des investissements immobiliers. Les

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conclusions de ces études viennent confirmer de façon très nette une allocation optimale à l’immobilier de l’ordre de 20-30%.

Marge d’erreur statistique

Comme dans toute étude empirique, les paramètres nécessaires au calcul du poids optimal à allouer aux différentes classes d’actif sont entachés d’une marge d’erreur statistique. Il en découle que les poids optimaux sont eux-mêmes mesurés avec erreur. L’allocation effective des institutionnels, même s’il elle s’écarte de celle contenue dans la plupart des études théoriques en la matière, se situe probablement à l’intérieur de l’«intervalle de confiance»

entourant les poids optimaux. En ce sens, il n’est pas possible d’affirmer que l’allocation effective des institutionnels soit «inefficiente» (voir Liang, Myer et Webb, 1996). Même s’il est nécessaire de garder à l’esprit le caractère imprécis des paramètres obtenus, il n’en demeure pas moins que la valeur estimée du poids optimal de l’immobilier (les point estimates d’un point de vue statistique) est étonnement constante d’une période à l’autre et d’un pays à l’autre, de telle sorte que les conclusions des études théoriques ne paraissent à ce niveau pas remises en cause. Ce domaine amènera de nombreuses autres études dans les années à venir, mais nous ne pensons pas qu’elles viendront bouleverser de manière fondamentale les conclusions auxquelles ont abouti les chercheurs à ce jour.

Fréquence des données

Une autre piste intéressante nous semble être celle de la fréquence des données utilisées. Etant donné l’assez faible recul dont on dispose en ce qui concerne les indices immobiliers, on fait le plus souvent recours à des données calculées sur des fréquences trimestrielles, voire annuelles. Ceci découle du fait que d’un point de vue statistique il faut disposer d’au moins 15 à 20 observations pour obtenir des résultats tant soit peu fiables. Si l’on ne dispose que d’un recul de 20 à 30 ans, ce qui constitue dans la plupart des cas le scénario le plus favorable, il est bien clair que les pas temporels les plus longs qui puissent être utilisés sont des pas annuels si l’on veut disposer du nombre minimal d’observations.

Sur de telles fréquences, on obtient le plus souvent des corrélations faibles, voire négatives, entre les rentabilités de l’immobilier et celles des placements financiers (actions et obligations). Ainsi, pour la Suisse, la corrélation entre les rentabilités de l’immobilier et celles des actions est de –0,02 pour la période 1979-2001, alors que la corrélation entre l’immobilier et les obligations est de –0,33. Si des pas temporels plus longs pouvaient être utilisés (par

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exemple des pas de cinq ans), le degré de corrélation entre les rentabilités des placements immobiliers et celles des autres placements serait vraisemblablement plus élevé et positif3. En effet, on peut penser que sur des pas plus longs les rentabilités des différentes classes d’actif devraient évoluer de manière plus concomitante. Malheureusement, une étude utilisant des pas temporels de cinq ans nécessiterait un indice pour lequel on dispose de 100 ans de recul pour avoir le minimum de 20 observations nécessaires. A l’heure actuelle, il n’existe qu’un nombre très limité d’indices immobiliers pour lesquels on dispose d’un important recul4.

Des premières études ont été réalisées dans le domaine du comportement à long terme des différentes classes d’actif en utilisant les techniques de co-intégration (voir Chaundry, Myer et Webb, 1999 et Fraser, Leishman et Tarbert, 2002). Ces études suggèrent que la capacité de l’immobilier à diversifier un portefeuille demeure intacte sur le long terme. Elles montrent en effet que les rentabilités de l’immobilier ne sont pas corrélées sur le long terme à celles des placements financiers. D’autres études devront bien entendu venir corroborer ces premiers résultats.

Prise en compte des engagements

L’approche de type allocation optimale du portefeuille a fait l’objet de critiques car elle se fonde sur les actifs des investisseurs, mais ignore leurs engagements. Ainsi, il a été suggéré d’effectuer des analyses de congruence des actifs et des passifs (asset-liability matching). Il convient alors d’optimiser les actifs nets des investisseurs, c’est-à-dire la valeur des actifs de laquelle on soustrait la valeur actualisée des engagements futurs. Pour les fonds de pension, il convient bien évidemment de tenir compte de la pyramide des âges, c’est-à-dire des échéances des engagements. Plus ces engagements sont proches et plus les actifs doivent être liquides.

Peu d’études ont été effectuées à ce jour en utilisant ce cadre d’analyse, mais les premiers résultats semblent indiquer que le poids optimal de l’immobilier est inférieur à celui obtenu lorsque seuls les actifs sont pris en considération (Chun, Ciochetti et Shilling, 2000). La part des placements obligataires est alors plus élevée. Toutefois, si les engagements des fonds de

3 Ceci devrait d’autant plus être le cas que les données concernant l’immobilier sont mesurées avec erreur, ce qui conduit probablement à diluer les corrélations entre les rentabilités de l’immobilier et celles des autres classes d’actif.

4 Un indice a été développé, par exemple, pour la période 1628-1973 concernant les objets résidentiels situés en bordure d’un des canaux d’Amsterdam (voir Eichholtz, 1997).

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pension et des compagnies d’assurance sont corrélés à l’inflation, comme c’est souvent le cas, on peut penser que le rôle de l’immobilier dans la diversification d’un portefeuille devrait demeurer intact étant donné la capacité de cette classe d’actif à protéger contre l’inflation.

Cette piste paraît prometteuse et d’autres études devront venir confirmer ces résultats pour des périodes de haute et de basse inflation et pour différents pays.

3. Calcul de l’allocation effective dans l’immobilier

Dans cette section, notre attention se porte sur la critique qui a pu être faite à l’encontre de la statistique concernant l’allocation effective dans l’immobilier des institutionnels. Il est en effet souvent mentionné que le mode de calcul de cette statistique conduit dans de nombreux cas à une mauvaise mesure de l’allocation effective dans l’immobilier.

Etant donné la valeur unitaire élevée des objets immobiliers, il est nécessaire de disposer de sommes relativement importantes pour constituer un portefeuille immobilier qui soit suffisamment diversifié. Les placements immobiliers sont par conséquent principalement destinés aux institutionnels dont la taille du portefeuille est relativement importante. Il en découle que la part investie dans l’immobilier est généralement plus élevée pour les investisseurs institutionnels importants que pour les petits investisseurs.

La statistique concernant l’allocation moyenne des avoirs des institutionnels qui est investie dans l’immobilier devrait être calculée en tenant compte de la fortune relative des investisseurs. En d’autres termes, il s’agit de calculer une moyenne pondérée de l’allocation dans l’immobilier. Si la statistique de l’allocation moyenne dans l’immobilier correspond à la moyenne simple des pourcentages d’immobilier détenus par les différents investisseurs (moyenne équi-pondérée), elle attribue un poids trop important aux petits investisseurs et tend par conséquent à sous-estimer l’allocation effective des institutionnels dans l’immobilier.

Une autre source potentielle de biais découle du fait que l’allocation moyenne des institutionnels dans les différentes classes d’actif, et ce faisant celle concernant l’immobilier, est le plus souvent calculée sur un échantillon de propriétaires institutionnels et non pas sur leur population totale. Si l’échantillonnage ne répond pas aux normes en la matière, les statistiques peuvent être faussées. Même si les éléments mentionnés ci-dessus sont bien réels, ils paraissent toutefois bien insuffisants pour expliquer l’écart entre l’allocation théorique et

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l’allocation effective dans l’immobilier. Il convient toutefois d’utiliser les chiffres concernant l’allocation moyenne des institutionnels dans l’immobilier avec une certaine prudence.

Il faut encore mentionner que la statistique concernant l’allocation des institutionnels dans l’immobilier dépend assez fortement de la période à laquelle celle-ci est mesurée. Lorsque le marché des actions enregistre des performances très positives, comme par exemple lors de la deuxième moitié des années 1990, la part des actions sera plus élevée, par un pur phénomène arithmétique. L’inverse est bien évidemment vrai en cas de baisse du marché des actions. Les parts relatives investies dans les différentes classes d’actif sont moins sensibles aux performances du marché immobilier car les biens immobiliers figurent très souvent à leur valeur comptable dans le bilan des institutionnels. Pour illustrer notre propos, le tableau 2 contient l’évolution de l’allocation des fonds de pension suisses dans l’immobilier et dans les actions de 1987 à 2000. L’augmentation de la part relative investie en actions provient certainement de décisions délibérées concernant une plus grande allocation dans cette classe d’actif, mais aussi de l’évolution du marché des actions. Ces deux éléments sont d’ailleurs souvent liés.

Tableau 2 – Evolution de l’allocation des fonds de pension suisses dans l’immobilier et les actions, 1987-2000

1987 1992 1994 1996 1998 2000

Immobilier 17,5% 16,3% 16,1% 14,3% 11,8% 15,2%

Actions 6,8% 9,7% 13,7% 16,0% 21,1% 26,5%

Source: Office fédéral de la statistique, Statistique des caisses de pension 2000, Neuchâtel, 2002.

4. Caractéristiques des marchés immobiliers

Même s’il est nécessaire de rester critique par rapport à certaines études examinant le rôle de l’immobilier dans un portefeuille, la conclusion selon laquelle l’immobilier permet une meilleure diversification d’un portefeuille demeure clairement valide. Il en est de même de la statistique concernant l’allocation effective dans l’immobilier par les institutionnels, même si, comme nous l’avons dit, une certaine prudence est de mise dans l’utilisation des chiffres publiés. Il convient donc de chercher les causes de la faible allocation dans l’immobilier par une majorité d’institutionnels. Nous discutons ici les effets découlant de deux caractéristiques des marchés immobiliers, à savoir leur illiquidité et l’importance des coûts de transaction.

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Il est en effet très souvent fait référence à l’illiquidité des placements immobiliers et aux coûts de transaction élevés pour ce type d’actif5. A ce sujet, une étude a été réalisée aux Etats-Unis qui montre que l’allocation optimale dans l’immobilier n’est que de 9% lorsque ces éléments sont pris en compte dans l’analyse (Kallberg, Liu et Greig, 1996). Nous sommes d’avis que le caractère pénalisant de ces éléments apparaît assez fortement dans la mesure où cette étude se base sur des intervalles de temps relativement courts (des intervalles annuels). Vu l’horizon temps relativement long de la grande majorité des investisseurs institutionnels, on peut penser que l’effet de l’illiquidité et des coûts de transaction devrait être dilué et que les conclusions concernant le rôle bénéfique de l’immobilier sont peu modifiées lorsque ces éléments sont intégrés dans l’analyse. Il n’en reste pas moins que les frictions du marché immobilier influent de façon négative sur la façon dont sont perçus les investissements immobiliers par une majorité d’investisseurs et les conduit par conséquent souvent à privilégier d’autres types de placement.

5. Difficultés de mise en œuvre

Dans cette section, nous nous penchons sur les difficultés de mise en œuvre d’une stratégie immobilière. Le premier élément se réfère au manque de disponibilité d’objets sur le marché auquel peuvent être confrontés les institutionnels. Le deuxième point a trait à la difficulté de construire des portefeuilles immobiliers internationaux. Enfin, de plus en plus d’institutionnels voient leur performance mesurée en comparaison de celle d’un benchmark.

Si celui-ci ne comporte que peu d’immobilier, il devient difficile pour les gérants de justifier une part importante d’immobilier dans leur portefeuille.

Disponibilité des objets

Un élément qui nous paraît être trop souvent négligé concerne la disponibilité des objets immobiliers. Le nombre de biens immobiliers sur le marché est souvent insuffisant pour permettre la mise en œuvre de stratégies privilégiant les placements immobiliers. La disponibilité des biens immobiliers résidentiels dépend évidemment fortement de la proportion de ménages propriétaires de leur logement. Ainsi, dans des pays tels que la Grande-Bretagne, la France ou l’Italie cette proportion est élevée (respectivement de 56%, 67% et 68%), ce qui implique qu’un faible nombre de biens résidentiels peuvent être achetés

5 On parle alors de market frictions, les frictions du marché immobilier.

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par les institutionnels. Ces investisseurs privilégieront alors les immeubles de bureaux et les commerces, mais la valeur totale de ces types de biens est très inférieure à celle des biens résidentiels et ce dans tous les pays. Il en résulte que les institutionnels dans ces pays disposent de possibilités de placement assez réduites.

Il en est tout autrement dans un pays tel que la Suisse où le taux de ménages propriétaires de leur logement n’est que de 31%. Les institutionnels privilégieront alors les placements dans l’immobilier résidentiel et pourront détenir une assez forte proportion d’immobilier dans leur portefeuille. On estime d’ailleurs cette part à environ 15% pour les fonds de pension helvétiques, ce qui représente un chiffre supérieur à celui enregistré dans les autres pays (voir tableau 1).

Du point de vue de la moyenne des individus, il convient de noter que leur allocation dans l’immobilier se rapproche des allocations suggérées dans les études académiques. Cette allocation est soit directe, soit indirecte. Elle est le plus souvent directe dans les pays où la proportion de propriétaires de leur logement est élevée, alors qu’elle est fréquemment indirecte, c’est-à-dire qu’elle s’effectue par le biais des avoirs de leur fonds de pension, dans les pays où le taux de locataires est élevé. Ainsi, d’un point de vue macro-économique, il semble bien que l’allocation soit assez conforme aux allocations théoriques. Ce résultat est assez peu surprenant dans la mesure où, si l’on agrège les différents actifs, on doit retrouver à peu près la même répartition par classes d’actif qu’au niveau de la richesse d’un pays. Or, la part de l’immobilier dans la richesse de la plupart des pays est de l’ordre de 30 à 40%.

Investissements immobiliers internationaux

Il est souvent mentionné que les études sur la diversification optimale entre classes d’actif ne considèrent pas les placements financiers internationaux. Si de tels placements sont intégrés dans l’analyse, l’allocation dans l’immobilier devrait diminuer. Il est bien sûr facile de rétorquer que si les placements financiers internationaux sont pris en compte, il faut alors également considérer les investissements immobiliers internationaux. A ce sujet, de nombreuses études ont montré que la diversification internationale des portefeuilles immobiliers est plus efficace que celle des placements financiers (voir Sirmans et Worzala, 2003), de telle sorte que la prise en compte des actifs internationaux devrait plutôt conduire à une part plus importante d’immobilier que celle découlant de la seule prise en compte des actifs domestiques.

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Il faut toutefois noter qu’une stratégie internationale est particulièrement difficile à mettre en œuvre pour l’immobilier étant donné les connaissances locales nécessaires concernant les différents marchés sur lesquels on entend investir. De plus, la question de la couverture des risques de change n’est pas sans poser des problèmes pour les placements immobiliers (voir Hoesli et MacGregor, 2000, chapitre 12). Pour remédier à ces problèmes, il est possible de recourir à des placements immobiliers indirects, c’est-à-dire des placements dans des sociétés immobilières cotées. Ces placements semblent également fournir des opportunités de diversification internationale plus importants que les placements financiers (Eichholtz, 1996).

Ils devraient par conséquent permettre une diversification d’un portefeuille contenant déjà des placements financiers internationaux (Gordon, Canter et Webb, 1998). On se heurte toutefois alors à l’obstacle de la taille relativement modeste du marché de l’immobilier titrisé, ce qui peut fortement limiter la mise en œuvre d’une telle stratégie.

Ainsi, la faible allocation dans l’immobilier peut être, du moins partiellement, une conséquence de la non-prise en compte par les investisseurs des investissements immobiliers internationaux dans le spectre des placements, soit par un manque de connaissance des marchés (immobilier direct) ou une non-disponibilité des actifs (immobilier indirect)6. Si l’on ne considère pas les placements immobiliers internationaux, le portefeuille de ces investisseurs est ainsi probablement proche d’être «efficient».

Composition de l’indice de référence

Les gestionnaires de fonds sont de plus en plus souvent jugés par comparaison de la performance réalisée sur le portefeuille qu’ils gèrent à celle d’un indice de référence (benchmark7). La plupart des investisseurs cherchent à minimiser l’écart de performance par rapport au benchmark, c’est-à-dire à minimiser ce qui est couramment appelé l’erreur de suivi (tracking error). En d’autres termes, ils ne vont pas prendre des positions sensiblement différentes de celles de l’indice. Si l’indice de référence choisi ne contient qu’une faible part d’immobilier (ou pas d’immobilier du tout), les investisseurs seront amenés à ne considérer qu’une faible allocation dans l’immobilier. Ceci constitue à notre avis une des explications de la frilosité de certains investisseurs institutionnels eu égard aux placements immobiliers.

6 Des contraintes légales ou statutaires peuvent aussi dans certains cas limiter les placements immobiliers à l’étranger.

7 Pour une discussion sur le benchmarking immobilier, voir Bender et Hoesli (2002).

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6. Conclusion

Cet article nous a permis de mettre en évidence les causes possible de l’écart entre l’allocation théorique et l’allocation effective dans l’immobilier par les investisseurs institutionnels. Nous pensons que les conclusions des études sur le rôle de l’investissement immobilier dans la diversification gardent toute leur pertinence. De grands progrès ont été réalisés, par exemple, dans la construction d’indices immobiliers permettant de mesurer avec plus de précision la rentabilité et le risque de placements dans la pierre. Même s’il est vrai qu’une marge d’erreur non-négligeable subsiste, les conclusions de ces études nous paraissent fiables, dans la mesure où elles demeurent très robustes d’un pays à l’autre.

Ceci ne signifie bien entendu pas que les investigations en la matière soient exhaustives et que les efforts de recherche ne doivent pas être poursuivis. Les deux axes de recherche à privilégier sont selon nous les suivants: d’une part, la prise en compte des engagements des institutionnels et, d’autre part, l’application de méthodes d’optimisation de portefeuille sur la base de données calculées sur des intervalles de temps plus long. Ces études devraient améliorer notre connaissance concernant le rôle de l’immobilier dans la diversification d’un portefeuille.

Ainsi, l’écart entre l’allocation théorique et l’allocation effective nous paraît découler beaucoup plus de la politique de placement des investisseurs que de biais dans le calcul des poids théoriques. L’allocation relativement modeste dans l’immobilier provient selon nous à la fois d’éléments indiscutables et d’éléments plus critiquables. Concernant ces derniers éléments, nous pensons que de nombreux investisseurs accordent trop de poids à l’illiquidité des biens immobiliers et à l’importance des coûts de transaction, tant bien même ces éléments ne devraient pas être particulièrement néfastes étant donné l’horizon temps long de la plupart des institutionnels.

En revanche, nous pensons que la relative lourdeur de la gestion d’un parc immobilier, notamment en ce qui concerne l’entretien et la rénovation des objets, peut constituer un frein à l’investissement immobilier. De plus, nous estimons que les investisseurs institutionnels sont souvent confrontés à un problème de mise en œuvre de leur stratégie immobilière et ce pour trois raisons principales. Tout d’abord, la disponibilité des objets immobiliers est souvent limitée. Ensuite, il est difficile d’acquérir des biens immobiliers hors de ses frontières étant

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donné la mauvaise visibilité des marchés dès que l’on s’éloigne de son pays (ou de sa ville) d’attache. Enfin, l’allocation des institutionnels s’explique aussi souvent par la très faible allocation dans l’immobilier de l’indice par rapport auquel leur performance est jugée. Dans de nombreux cas, l’immobilier n’est tout simplement pas inclus dans le benchmark. Dans ces conditions, on peut comprendre la réticence de certains institutionnels à investir dans l’immobilier.

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Références

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