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Du bon usage des banalités

ENGEL, Pascal

ENGEL, Pascal. Du bon usage des banalités. In: La philosophie malgré tout . Paris : Ed. de Minuit, 1978. p. 165-177

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http://archive-ouverte.unige.ch/unige:5044

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(2)

DU BON USAGE DES BANALITES

Cornrne tout le monde, le philosophe court le risque de dire des banalitks. Pourtant on a pu remarquer (non sans malice) qu'il Ctait aussi capable de tourner ce risque

B

son avantage, en faisant des banalitks un usage didactique ou noble : cc Une vertu nkgligke de l'enseignement philosophique est d'apprendre aux gens comment formuler des banalitCs d'une f a ~ o n impressionnante, ou, du moins, mkmorable B (1).

Beaucoup plus intkressant, et moins rkpandu, est ce qu'on pourrait appeler l'usage rkflkchi des banalitks, qui consiste

B

relever certaines banalitks cc dkterminantes >, parce que propres a nous apprendre des vkritks importantes. On ne regrettera pas que les philosophes disent trop de banalitks, mais au contraire qu'ils n'en disent pas assez. Non pas seulement

(c rappeler

,,

Ies banalitks importantes que nous avions oublikes, mais en inventer de nouvelles, donnant ainsi

B

la platitude le statut d'une mkthode, et peut-&re aussi d'un idCal (aprks tout nous pourrions n'avoir rien de rnieux

B

dire).

11 n'est pas rare que des philosophes s'attribuent Ie mkrite de nous rappeler, B l'encontre des dangereuses subtilitks dans lesquelles se sont engagks les autres philosophes, un certain nombre de banalitks. On se place a un niveau humble, voire vulgaire, pour r6sister aux entreprises du savoir distinguk.

II serait malskant d9accuser Ie philosophe de journalisme, puis- qu'il revendique lui-m&me ce statut : les choses qu'il a

B

dire sont simples, immkdiates (le tkmoignage restitue Ia splendeur de 1'CvCnement). Mais l'art des banalitks est une simple clause de style si la fascination que celles-ci exercent n'est pas le signe d'une profondeur particulikre. En principe, une banalit6 n'a rien d'enthousiasmant : les revendiquer serait plutGt le fait d'esprits dCsenchantCs. Mais era accord avec l'usage rCflkchi, il y a peut Ctre un dksenchantement nCcessaire qui n'a rien 21 voir avec la v6ritk autobiographique ou les circonstances historiques.

Beaucoup de desenchantements en philosophie peuvent provenir de ce que les remkdes proposCs au malaise dans lequel (1) KKEISEI., Les mathe'mntiques : Zeuv philosophie, pddagogie et praxis, confdrence B llE.N.S., 1975, ronCotC.

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nous place le plus souvent ce type d9activitC se rCv&lent en fais pires que le mal. Un premier type de rernhde consiste 2 rCduire la philosophie B une mCthode, ou B une description. Tout le monde est prCt B admettre la remarque de Wittgenstein: Ia difficult6 majeure en philosophie est cc de ne pas en dire plus que nous en savons s (2), si cela signifie un simple conseil de prudence. Mais, on peut souppnner que ce risque concerne la philosophie essentiellevnent. Dans ce cas, elle domerait une t description correcte des choses si elle se bornait a en dire moins qu'elIe n'en sait, ou que I'on en sait. Ce minimum que le philosophe puisse faire, c'est de se contenter de dCcrire, noter, relever ce qui a trait B notre savoir, nos pratiques. A ceci, on peut rkpondre :

1) Que le thBme d'une philosophie purement descriptive ou c( silencieuse )> est illusoire, s'il est vrai que B'on ne peui d6crire que des faits rnajeurs de notre savoir, dans le cadre par exemple de ce que Hao Wang appelle un cc factualisme substan- tiel )) (3), oh I'attention est port6e B un certain nombre de

<< gross facts ), jug& dCtermInants pour l'analyse d'une activitC

scientifique. Dans un tout autre dornaine, cherches B dCcrire comme Ryle la (c gkographie Iogique de nos concepts 2 (4.), n'a de sens que si l'on met ?'accent sur ceux de n ~ s concepts qrP ont une stabilitC relative (et qui sont de ce fait le plus souvent des lieux communs ou des mythes). Quant I'idkal d'une des- cription complkte, il risque de subir le mCme sort que l'eempire dont parlait Borgks oil l'cc art de la cartographie fut poussC B erne telle Perfection a qu'on leva << une Carte de I'Empire et qui coincidait avec lui, point par point )), et dont les dCbris se consumment B present dans les dCserts sitlads a m confins de E m p i r e (5).

2) On voit mal comment Cviter cette forlne d'essentialisme qui consiste B BrlCiimiter en toutes circoastances ce yui appal- tient en propre a la philosophie, et donc B Eui interdire d'knoncer certaines choses (celles oii nous en savons trop), ou ce qui revielit au mCme, B considkrer que certaines tdches incombent exclusivement aux philosophes.

Si 1'0x1 trouve des dCclarations de Wittgenstein qui vorrt dans le sens de ce que I'on psurralt appeler un deflationnisme

(c< la philosophie ne fait justement que mettse les choses

devant nous n), elks n'ont cependant rien B voir avec l'essen-

(2) Cite par 5. BOU~RESSE, Le mythe de Z'inte'ri~rite!~ MinGt, 1976, p. 655.

(3) Mao WANG, From mathematics to philosophy, Routledge rand Kegas-r Paul, Londres, 1974.

(4) RYLE, The concept o f mind, Penguin, 1976, p. 9.

(5) EORG~S; L ' A ~ t e u r et autres fextes; Gallimard; 1971, p. 1%.

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E)U

BON USAGE DES BANALITES 167 tialisme inversk qui caractkrise cetle attitude (6) : parce qu'on prescrit ce que pourrait faire la philosophie si elle faisait effectivemeat quelque chose, on constate am2remen-t qu'elle ale le fait pas. Mais si le constat nkgatif est vrai (la philosophie ne fait pas ceci ou cela), rien ne nous autorise B dkclarer que e'est cela prCcisCment qui devait Ctre fait : la dkvalorisatioa de l'id6al n'est pas plus justifike que celui-ci, s'il n'avait lui- m$me aucune justification. Si elle ne veut pas Ctre une simple gestuelle, la rkaction dkflationniste doit nous montrer quels genres de rkductions sont possibles.

Un autre rem2de consiste, au lieu de cbercher B donner

B

notre malaise des raisons nkcessaires (le philosophe en dit toajours trop), B ne pas lui donner de raisons du tout. La m6thode esh toujours assez bonne pour les rksultats, les concepts pour ce que nous avons a dire. Mais c'est une chose de dkclarer que nous pourrions ne pas avoir besoin d'une m6thode privilkgike, c'en est une autre de soutenir que nous n'avons besoin d'aucune espkce de mkthode que ce soit. En ce sens, on ne voit pas comment certains auteurs peuvent concilier Lane profession de foi de c< retour 5. la mktaphysique B

et aux a grandes questions

,,

sans autre spkcification, tout en prdtendarmt se dkmarquer de l'acadkmisme, entendu comme la tentative pour imposer a un domaine des questions fixCes B l'avance. k9acad6misrne en philosophie ne nous parait avoir rien de dangereux, une fois que I'on reconnait que ce nkst pas -pour une question dli\tre acad6mique qui la rend inintkressante, mais Le fait qu'elle ne soit pas posCe du tout. C'est pourquoi une dkfinition de la philosophie comme celle proposde par Putnam nous semble tout a fait correcte :

c Je vois la philosophie comme un champ qui a certaines questions ccntrales, par exemple la relation entre pensCe et rkalitd, et pour men- tionner des girestions sur lesquelles je n'ai pas Ccrit, la relation entre LibertC et responsabilit6, et celle de la nature de la vraie vie. I1 parait clair qu'en s'occupant de semblables questions, les philosophes ont for- mu16 des programmes rivaux, qu'ils ont avancC des hypothbses gCnCrales, et que Ics philosophes a I'interieur de chaque programme de recherche oilt modif% leurs hypothbses par essais et erreurs, mCme s'ils refusent parfois d'admettre que c'est ce qu'ils font. Jusqu'B ce point, la philosophie

(6) W.W. BARTLEY, Witlgcnstein, Quartel Books, 1973, p. 147. L'usage Ikon critique de la notion de c jeu de langage D a produit toute une litt6- rature avec des titres du genre : a le jeu de langage de la religion S, r la logique du pouvoir >>, a la grammaire de la justice w , etc., comme si nous posskdions des critbres essentiels des jeus de langage en question, alors que Wittgenstein remarquait : N RCflCchissez bien B ceci que le jeu de Langage est pour ainsi dire quelque chose d'imprkvisible. a (De la certitude, 5 559.)

(5)

168 C R I T I Q U E

est une a science >>. Chercher B montrer que la philosophie est une science en un sens plus serieux me parait &re a peine une occupation utile. B (7)

Une bonne part de la fascination qu'exerce sur nous I'empi- risme rkside en ceci : un art de transfigurer les banalitks du langage et du savoir, de produire a la surface du monde un double du monde qui n'en est pas non plus la reproduction.

Comme le dit G. Deleuze : (< Comme dans la science-fiction, on a l'impression d'un monde fictif, Ctrange, Ctanger, vu par

.

d'autres crkatures ; mais aussi le presentiment que ce monde est dCja le n6tre, et ces creatures, nous-m&mes B. (8). Nous sommes ramen& aux crit2res du savoir commun, mais on nous indique que ces crithes eux-mCmes peuvent ne pas Ctre corrects. L'empirisme nous confine au seul terrain de l'expe- rience quotidienne, tout en nous suggkrant que cette expe- rience pourrait bien ne pas se suffire a elle-mCme. 11 assigne comme srigine absolue a notre connaissance les impressions sensibles, tout en dCniant qu'aucune recherche sur I'origine de nos impressions ait une quelconque valeur. C'est que l'expk- rience est ClevCe, distendue jusqu'h un fant8me ou un double du monde qui pourrait bien Ctre le transcendantal, mais auquel on refuse toute pertinence. Ainsi le caractkre Cnigmatique d'un livre comme De la certitude semble venir de ce que Wittgenstein y analyse ::une catCgorie d'knoncCs dont le statut semble tout fait hybride, en ce sens qu'ils sont indiscuta- blement empiriques et dkcrivent des faits qui, de toute kvidence, pourraient ne pas &tre reels, et cependant donnent, comme les CnoncCs aprisriques ou grammaticaux, l'impressisn d'Ctre totalement et dCfinitivement soustraits au doute n (9). Des remarques comme : R Si tu sais que c'est IB une main, alors nous t'accorderons tout le reste x

( 5

I), << La terre est ronde, nous nous y tenons D ($229), :( A quelqu'un qui dit : 'j'ai un corps', on peut demander : 'qdi parle ici avec cette bouche ?' x

( 5

244), etc. nous paraissent tout B fait relever de l'usage

rkflkchi des banalitks et de ses effets plus ou moins proches de ceux de la litterature fantastique. On pourrait dire encore

(7) H. PTJTNAM, Mind, language and reality, Philosophical Papers, t. rr, p. XVIII, Cambridge University Press, 1975.

(8) G. DELEUZE, a Hume 2 , in Wistoire de la philosophie, Hachette, t. vr, 1972, p. 65.

(9) BOWERESSE, op. cit., p. 559. Nous ne nous proposons pas d'appeler Wittgenstein un u empiriste n (au sens classique d'une reconstn~ction du concept B partir du prCconceptue1) - iI y a de multitudes raisons de le denier (cf. BOUVERESSE, op. cit., p. 221, mais seulement de souligner I'oscil- lation caractdristique qui lui est commune avec les <( empinsees a entre 1'. empirique >, et le a transcendantal )). (Sur la philosophie cornme recher- che systdmatique des banalit&, cf. BDUVERESSE, op. cit., p. 7.)

(6)

DU

BON USAGE DES B A N a I T E S

que si l'empirisme a raison dans la manihe dont il dCcrit notre univers conceptuel, ce n'est que parce qu'il le dCcrit de la manigre dont il le dCcrit, et non parce qu'il rCp2terait ce que dit le sens commun : I'effet de rCp6tition de ce qui est trivial n'apparait que parce que ce n'est justement pas une rCpCtition, car les vraies rkpktitions de llexpCrience (banalitks), on ne les remarque pas, si l'expkrience est r6pCtition.

Le kantisme a accrCditC 1'idCe selon laquelle l'empirisme serait une doctrine seulement sceptique et non critique. Mais nous pouvons bien considker que l'empirisme a posC la question critique dans toute son Ctendue, en dkcrivant non seulement ce que nous savons, mais I'horizon de ce que nous poavons savoir, qu'il ne ram&ne nullement la possibilitC logique

B

la possibilitC empirique. LJambigui'tC caractkristique de I'empirisme, (du moins sous sa figure classique), c'est que la croyance sur laquelle se fonde le savoir n'est autre que la nCcessitC de notre ignorance des causes de nos impressions et de nos idCes. I1 n'y a pas de crithes de notre forme commune du savoir, mais cette forme commune est elle-m6me un critkre. En ce cas, le danger est le m&me que celui du dCfla- tionnisme dCcrit plus haut, si I'empiriste est celui qui attend de pied ferme quelqu'un qui viendra lui donner le secret de nos impressions : (( Je vous dCfie de jamais me trouver une cause B nos sensations D. Hume ast fier de l'attitude critique : << Nulle lecture, nulle enqu&te n'a jamais CtC capable dlCcarter la diffi- cult6 o i ~ je suis de me donner satisfaction sur un sujet de cette importance (l'induction). Puis-je mieux faire que de proposer la difficult6 au public, bien que, peut-Elre, je n'aie que de faibles espoirs d'obtenir une solution ? Nous aurons du moins par ce moyen le sentiment de notre ignorance, si nous n'augmentons pas notre connaissance (10). La fiertC est une simple gestuelle et l'ignorance une feinte humilitC parce que la nai'vet6 empiriste ne court aucun risque a affirmer son ignorance intouchable des causes de la croyance (11). On peut donc toujours voir

(10) HUME, Enquzte sup Ifentendement humain, Aubier, 1972, p. 84.

(11) On peut conjecturer que c'est que voulait dire Wittgenstein quand il Ccrivait : a A prksent la philosophie ne tuera pas Russell n (MALCOLM, A Memoir, trad. fr. in Le cnhier bleu et Le cahier brun, Gallimard, 1965, p. 389). Russell accuse lui-m@me Wittgenstein de Eausse humilit6 en le cornparant B Tolstoi': c Wittgenstein qui savait jongler avec les raffine- rnents de la mktaphysique, aussi intelligemment que Pascal jonglait avec les hexagones et Tolstoi' avec les empereurs, s'abaissa, renongant B ses talents, devant le sens commun, comme TolstoZ s'6tait abaiss6 devant les empereurs

-

par un mouvement identiq~ie d'orgueil. >) (Histoire de mes ida'es philosophiques, Gallimard, 1961, p. 269.) L'ignorance empiriste est - relativement peu dangereuse par rapport B celle de ce que Wittgenstein

appelle le a Mystique n.

(7)

dans Phage rkflkchi des banalitks la trace du r81e commode et fort impressionnant du scepticisme academique (12). Mais, c'est sans doute que nous accordons trop d'importance a ce que les empiristes disent, et moins ce qu'ils font.

Beaucoup de demarches philosophiques actuelles nous senlblent tirer leur intQCt de l'irnportance singulikre qu'elles accordent aux questions de mkthode : i'attention est portke B un certain nombre de techniques d'analyse et de clarification de notre apgareillage conceptuel beaucoup plus qu'B I'obtention de rksultats ou de thkses dkfinitives (l'Cpist6mologie et l'ana- lyse u linguistique D anglo-saxonnes ont particulikrement accrB ditC cette idke du (( progrks D en philosophie). La source princi- pale du dksenchantement est l'impossibilitk oh nous nous trouvons parfois de soutenir une thkse ou une thkorie (leitmotiv wittgensteinien). Mais on peut dire aussi que si certains concepts ou certaines thkses ont de I'intkrCt, ce n'est pas pour em-m&mes, (ce qui supposerait qu'on puisse les isoler du contexte de leurs usages), mais bien parce qu'une tentative, m&me ratCe pour les utiliser, produit des rksultats intB ressants. HB est assez caractkristique de la demarche empirique que certaines notions servent en rkalitC de f a ~ o n critique alors qu'elles ont l'air de fonctionner de fagon doctrinale.

Par exemple, Hume dkclare que :'ensemble de notre savoir repose sur des impressions primitives, et que les idees que n m s p8MVOns avoir dkrivent toutes d'impressisns atkcedentes.

On peut voir dans cette affirmation une thkse (meme la thkse ernpiriste pas excellence), et conclure que pour ll'ernpiriste, tout Ye rCeB, c'est l'irnpression, et le reste fiction. Cornme le dit Russerl : c Dans le Treatise de Hume, le monde entier se mCta- morphose: Pa nature, l'universum des corps identiques, le monde des personnes identiques, par conskquent la science objective qui les connait dans leur &rite objective, tout cela se mktamorphose en fictions ii (13) ; Xa condition nkcessaire des fictions, c'est le fond u originel

,,

de l'impression : (( le fond de I'esprit est delire, hasard, indiffkrence

,,

(14). Mais tout lJintkrCt de Ba cc thkse D des impressions primitives est manque si l'on se borne a relever ses consCquences dksastreuses (solipsisme, dissolution du monde objectif). Tout l'apport du

cr fictionnaliisme s empiriste reside en fait dans la capacitk indkfinie de production conceptuelle qu'il autorise. Comme le rernarque U. Mic'ilaud: c< 11 y a une richesse dklirante de l'esprit qui est la possibilitk mCme de toute constitution. Il y

(129 H u s s ~ X , La. crise des sciences europe'ennes et ZQ phe'nome'nologie

~mnscendantale, Gallimard, 1976, p. 162.

(13) HUSSERL, ibid.

(14) G. DELEUZE, Empirisme et subjectivitd, P.U.F., 1953, p. 4.

(8)

DU

BON USAGE DES BANALITES 171 a pourtant un prix

a

acquitter : il est toujours possible que ce qui est ainsi produit ne s'applique pas

,,

(15). Mais on ne saurait conclure de cette absence de garantie d'application (l'hypo- thkse d'une expkrience incontrblable est toujours possible) ri I'absence de contrble. Dans un texte cklkbre, Hume donne toute sa portke a la tbkse des impressions primitives : e Quand nous soupConnons qu'un terme philosophique est employ6 sans aucun sens ni aucune idke correspondante,

...

nous n'avons qu'a rechercher de quelle impression dCrive cette idke supposCe 2 (14). ke principe de rCduction B I'impression

((c aaceti-e )> des critkres de signification empirique) des pcrsi- tivistes ilogiques autorise une ~Cvision et un contr8le des croyances B l'intkrieur de ce que Husserl appelle la cc sph&re d'immanence >,, et la dkfinition d'un usage ICgitime de nos concepts (avec la notion de rkgle corrective a, ceci constitue la question quid juris proprement empiriste). On pourrait citer un certain nombre d'autres notions caracteristiques des passages Ia limite auxquels se livrent les empiristes, et dont la portCe est moins thkorique que critique. Ainsi, chez Quine, llutilitC de notions comme celles de cc stimulus meaning x (l7), et d'indktermination de la trad~rction (et de la rCfCrence) est moins dans I'explication qu'elles prksentent de Yusage du langage que dans le discredit jet6 sur des notions auxquelles on avait attribuk un pouvoir exorbitant, comme celles de signification, de proposition, d'analyticitk (1 8).

On rkpondra qu'on n'a pas attendu ce genre de critiques pour mettre en cause un certain nombre de notions .cr mythi- ques

,>

comme celle d'identitk, de sujet, de norn propre. Mais ce qui nous parait important dans les demarches empiristes et leurs passages 21 la limite, c'est que cette mise en cause nsus appvend quelque chose, faute de quoi la critique risque d'2tre aussi vague que les notions csitiquCes (19). L'effet de banalit&

(15) Y. M I C ~ U D , <c L'empirisme revisit6 B, Critique, no 332, p. 53.

(16) Hum, Enqugte ..., p. 57.

(17) QUINE, Word and Object, MIT Press, 1960, p. 32-33.

(18) BOUWRESSF, La parole malhet~reuse, Minuit, 1971, p. 55.

(19) Conclure, comme on Ie fait B la fin d'un skminaire sur L'identite' : I1 s'agissdt moins d'enrichir la notion d'identitk que de dkconstruire ce concept u, in L'identit&> seminaire de Ler7i-§trauss, Grasset, 2977, p. 319), ne parait gukre interessant si on ne dit pas de quelle identitt il s'agit.

" Par exemple, on ne sait pas ce qu'est le principe m6taphysique et

aristotklicien de l'identit6 2 qui doit se trouver << relativis6 *, a feuillet6 n (p. 23, p. 318). Lorsque Quine montre q~t'on ne peut appliquer la substi- tuabilitk des identiques (eadem sunt qui s ~ ~ p s t i t u i possunt salva veritate) B certains contextes de modalitCs, de citations, et d'attitudes proposi- tionnelles, il part d'ur, concept de ridentit6 suffisamment pr6cis (exten- sionnalit6) pour que I'absence d'application nous en apprenne long sur ce concept ek sur la nature des concepts en question. De m k m , quand

(9)

172 C R I T I Q U E

obtenu (qu'y a-t-il de plus banal que de dCclarer que notre concept de signification n'est pas clair ? II est moins banal de remarquer qu'il ne l'est pas dans les formes les plus Baborkes qu'on en a proposk) n'est alors que la ranc;on d'une clarification apportke B un problkme.

11 y a une objection plus grave : que l'effet de banalit6 ne soit pas l'indice d'un succks B (( rCsoudre D un problkme, mais de ce que nous avons kchouk a poser le bon problkme. Le prix pay6 par les idkalisations des empiristes, c'est qu'elles sont dans ce cas, condamnkes Ctre soit fausses soit triviales, usage incontrCilC des banalitks. C'est sur des critkres behavioristes (assentiment ou dissentiment par rapport B des stimuli extC- rieurs non verbaux) qu'est Ctablie la notion de cc stimulus meaning D chez Quine. Or, sous I'influence de critiques comme Chomsky, Quine (( relativise a son behaviorisme (dCjB peu radical puisqu'il admettait les termes dispositionnels en plus de ceux d'observation) en un behaviorisme <( mkthodologique *

parfaitement conciliable avec une forme dJinnCisrne : cc Les structures innkes, inconnues pour le moment, qui s'ajoutent a l'espace qualitatif pour permettre l'apprentissage du langage, sont spkcifiquement requises pour amener l'enfant a sauter Pe pas immense qul skpare de la simple ostention ou induction P (20). Mais selon Chomsky, si un behaviorisme radical est tout simplement faux, un behaviorisme mCthodo- logique est trivial (au sens des mathgmaticiens), parce qu'il passe c8tC des questions essentielles de lJinnCisme, celui concCd6 par Chine n'ayant rien

B

voir avec celui de Chom- sky(21). Alors l'empirisme deviendrait largement trivial quand on en propose des formes relativisCes, rnodCrCes. Cher- cher B relativises, par exemple, le principe de l'ernpirisme tel que le formule Russell : <( Toute connaissance synthktique est fondCe sur llexpQience D (22), revient em quelque sorte iz dire : il est vrai, sauf s'il est faux. L'usage philosophique des bana- litCs tourne a la platitude. Mais c'est peutCtre que les vrais problkmes de l'empirisme ne sont pas 18. Les discussions contemporaines sur le principe de l'empirisme portent en

les logiciens rnodaux proposent un concept << relativisk s de B'identitC

@.M. BARCAN, Extensionality, in Linsky, n~odality ared reference, Oxford, 1971), on sait de quel concept il s'agit. Cette dCmarche est le contraire d'une K dCconstruction s puisqu'elle vise B enrichir le concept, B d6ve- . lopper sa productivit6, tout en en montrant les inconvknients.

(20) QUINE, Lingtii~tics and philosophy, cite par CHOMSKY, RCflexions sur le Iangage, Maspero, 1977, p. 224.

(21) CHOMSKY, op. cit., p. 238 ; sur l'ensemble de la polkmique, cf.

BOUVERESSE, op. cit., p. 53.

(22) RUSSELL, Human Knowledge, Simon and Shuster, Mew York, 2948, p. 496.

(10)

DU BON USAGE DES BANALITES 173 rCalitC sur des formulations extrCmement prCcises de celui-ci.

C'est que la << libkralisation

,,

(ou comme dirait Carnap la <c to16 rance ,>) ne porte pas du tout sur la valeur de vCritC des ttzbses m prisence. Autant dire, si c'ktait le cas, que l'empirisme n'est pas une philosophie du tout. L'cc amknagement

,,

ne porte que sur les usages du principe, la variation de ses formulations.

Autrement dit, le mouvement de relativisation concerne en rCalit6 les conskquences du principe (mais de m6me on dirait, due stimulus meaning ,,) que l'on peut tirer pour dCcrire la manihe dont nos thCories c s'appliquent *

B

la rCalitC. Si ces remarques sont correctes, a l a s l'empirisme n'est pas plus une

a doctrine modkrCe

,,,

c< libdrale a qea'aucune autre, pas plus

(OU moins) radicale non plus (23).

Nous vsudrions, pour finir, donner deux exemples de ce qu'on pourrait appeler de << 11exp6rimentation philo- sophique D (24).

Le premier exemple est emprunti a Goodman qui, dans la Structure des apparences (Marvard University Press, 1951), reprend lle problkme posk par Carnap (25) d'une construction logique du monde sur la base de donnCes sensorielles. Carnap avait distinguC deux sortes de bases possibles pour une telle construction : la base cc physicaliste s qui a comme u n i t b primitives des kICments phknorn6naux (choses, processus), et la base cc phCnom6naliste B qui admet les ClCments phdno- mCnaux (qualitCs sensibles, apparitions, prCsentations, etc.).

Carnap est pass6 du choix d'une base h une autre par l'effet

(23) Pas plus que I'empirisme n'est << modCr6 x, il n'est pour une raison de ce type une doctrine qui cadrerait particulikrement avec le capitalisme << IibCral),. PrCtendrc que I'empirisrne : u pour des raisons conceptuelles et des raisons historiques a favoris6 : 1) la forme primitive du capitalisme (individualisme possessif), 2) le racisme (<( le racisme

\Gent facilement et rapidement B I'esprit lorsque, comme pour les empi- ristes, I'essence de la personne peut &re rCduite B sa couleur, sa langue, sa religion, etc. x), 3) le conservatisme en g6n6ral par c la doctrine que l'esprit humain serait B I'origine non structurC et mallkable x (RCflexions sur le Iangage, p. 160-161), nous parait absurde tant que l'on ne dispose pas d'une thCorie du rapport entre les raisons conceptuelles et les raisons historiques. On pourrait aussi bien dire que la doctrine selon laquelle I'esprit est structur6 (rationalisme) favorise le conservatisme. S'il est lCgitime (B notre avis) de rechercher en quoi le Trait6 sur Ie Gouver- nement Civil de Locke a u favoris6 >, le capitalisme, il parait beaucoup moins facile et rapide de voir en quoi sa th6orie de la connaissance a pu le faire.

(24) L'expression est de Jules VUILLEMIN, La Iogique et Ie m o ~ d e - sensible, Flammarion, 1971, p. 305.

(25) CARNAP, Die Logische Aztfbau der Well, 1928, trad. angl., University of California Press, 1969.

5

(11)

C R I T I Q U E d'un principe de cc tolCrance m qui permettrait de choisir tel systkme en fonction de la commodit6, le passage de l'un B l'autre syst&me Ctant seulement une question de conventions linguistiques et non pas de propri6tCs cc mktapbysiques

)).

Or, si ce principe est f6cond en ce qu'il autorise c( la production de th6ories comp6titives et l'exploration de possibilitk ink- dites )) (26) et parait tout B fait conforme B ce que nous appelons la productivitk conceptuelle, il se rkvkle cependant faux si les , diffkrents langages de la constitution ne sont pas neutres pas rapport 5 la base choisie et aux entit6s envelopp6es par le langage logique utilisC : en fonction de tels cc engagements ontologiques B tel systkme sera dit nominaliste s u platonicien.

Cette dernikre condition a pour effet d'accroitre la combina- toire des bases possibles qui se spkcifient en : ph6nomCna- liste/physicaliste, rCalisme/particularisme, nominalisme/plato- nisme. Autrement dit, phknomCnalisme et physicalisme ne sont pas exclusifs l'un de l'autre, et Yon peut les concevoir comme des sortes d'expCrimentations philosophiques rivales (27). La rivalit6 sera aloss tranchke par les critkres de simplicit6 et d'Cconomie reGus par le nominalisme : c'est pasce qu'on peut en quelque sorte mesurer la cc dimension D (nornbre de prCdi- cats prlmitifs, engagements respectifs) de chaque s y s t h e que l'on peut les cornparer de fac;on objective. Tout ceci ne va pas sans de nsmbreuses difficultCs, dont le rabattemezat du sCman- tique sur le syntaxique (l'engagement ontologique porte sur les variables likes par la quantification et non pas sur les pro- pridtCs skmantiques de chaque systkme : or, en quai peut-on supposer par exemple que la question du rCalisme n'est pas skmantique ?) n'est pas la moindre. Mais i'i~nportanr esk qLee l'on puisse se donner ainsi un autre critbe de compdtition que la simple commoditk linguistique. Et ce n'est pas le molndre paradoxe de la dtjmarche de Goodnan que plus restreink est le domaine de la constitution (la base empisique), plus hxu- riant est l'appareil conceptuel requis, et invessement (28) : comme si l'exploration de multiples possibilit6s csnceptuelles avait pour rkcompense IJaust6ritC nominaliste d9un univers rCduit aux seuls individus.

Le second exemple est Bknaalyse des Ensnc&s dfidentit4 effectude par Kripke B partir d'une ~Gfliexion sur la logique modale (29).

(26) B O ~ R E S S E , Q Le positivisme logique n, in Histoire de la philo- sophie, Hachette, 1973, t. VIII, p. 103,

(27) VUILLEMIN, op. cit., p. 307.

(28) Ibidem, p. 270.

(29) Saul KRIPICE, a Identity and necessity, in M d t z ed., Idividtratio,~

nn.d identity, New York University Press, 19716 : a Naming and necessity a ,

(12)

DU BQN USAGE LIES B A N G I T E S

Soit %e principe leibnizien d'indiscernabilitg des identi- ques (30) selon Iequel si deux objets x et y sont identiques, aIors toute propri6tC de x est une propriCtC de y, et rkcipro- quement. Si la propriCtC en question dCsigne par exemple la rnodalitC du nCcessaire, on peut en dCduire que si x est iden- tique B y, alors il est ne'cessaire que x soit identique B y (ce qui est un thCorgme de logique modale). Mais on demande comment des Cnonc6 contingents d'identitC sont possibles : si nous

-

devons dCcouvrir empiriquement de telles identitds, elles doi- vent Ctre nCcessairement vraies. L'expdrimentation consiste ici B chercher

B

cc appliquer ,> le thkorgme de logique modale B I'analyse des CnoncCs dJidentitC.

Ees philosophes se sont int6ressCs B diverses sortes d'Cnon- c6s dfidentitC. Les CnoncCs comportant des descriptions peuvent 6tre des CnoncCs contingents : e'est un fait contingent que l'homme qui inventa les doubles foyers h t le premier ministre des postes des Etats-Unis : ~'auraient pu $ere des personnes diffCrentes. Dans le cas d'6noncCs d'identitC entre des noms

(<< Hesperus est Phosphorus B), le problkme est de savoir si l'knonce porte sur des objets, ou sur des signes d'objets. On rtipond gCnCralement que 196nonc& est contingent parce qu'il porte sur des noms ou sur le sens des noms (Frege), et cela p a r e que k nom est une abrCviatim pow Ime description,

~ L I une famille de descriptions (Russell, Searle) : quand nous

utilisons urm nom propre, nous en faisons impliciternent ou explicitement 1'Cquivalent d'une description ou d'un groupe de descriptions qui permettent d'identifier son porteur. Si les 6noncCs de ce genre devaient Ctre nkcessaires, ce ne pourrait

&re le cas que dans une langue idkale, oii chaque nom aurait un seuf objet. Ce n'est pas la voie que suit Kripke, puisque pour lui la nCcessitC de fels CnoncCs provient justement de ce que les noms ne sont pas assimilables

B

des descriptions. Tout d'abord, %es CnoncCs d1iderrtitC entre norns ne ssnt pas mkta- linguistiques : ils portent sur des objets. Ce sont des (( dCsi- gnateurs rigides

,,

(par opposition aux descriptions) : ils dCsi- gnent le mGme objet dans tous les mondes possibles. Quand nous envisageons ce qu'aurait kt6 un individu dans une situation alternative (contrefactuelle), nous n'avons pas besoin, pour I'identifier, d'un erit2re d'identitk, ou d'une description. Si I'on dit par exemple que <c Nixon aurait gardC la prCsidence s'il n'avait pas r6vdlC I'existence des bandes magnktiques B, c'est bien de Nixon (celui du monde actuel) que nous parlons, et pas d h n aratre .ec Nixon P, ni d'une (< nixonit6 B Ze constituant.

in Semantics of natural languages, ed. Davidson and Harman, 44. Reidel, Dordrecht, 1972.

(30) e Identity and necessity B, p. 136.

(13)

176 C R I T I Q U E La banalitk (( dkterrninante

,>

est la suivante : quand nous dCsi- gnons un individu par un nom propre, c'est bien de cet indi- vidu que nous parlons. On peut donc dire qu'un objet dCsignC par un nom propre est pourvu de propriCtCs essentielles, mais cela indkpendamment de critkres qualitatifs dlidentitC. Ceci reviendrait a dire qu'un objet posskde des propriCtCs essen- tielles indkpendamment de ses dksignations et caractkrisations, car on peut seulement donner un critkre intuitif de son identitk individuelle (31). Contrairement aux nominalistes, Kripke n'h6 site pas B injecter de la mktaphysique dans ses analyses. Mais cette profession de foi <( essentialiste D nous parait tout B fait correcte si nous y voyons une f a ~ o n particullkrement judicieuse de dCcrire notre usage des noms propres. On zomprend pour- quoi les noms propres peuvent a la fois n'avoir qu'une dCno- tation et ainsi fonctionner comme de simples labels de conven- tion tout en ayant une rCfCrence absolue et << rigide

>,

(32). On pourrait dire que << l'essence s'exprime dans la grammaire s et que cela Eait partie du << jeu de langage

,>

que nous jouons avec les noms propres que les CnoncCs d'identitC en comportant soient nkcessaires. Kripke Ctend son analyse B des 6noncCs d'identitk scientifiques du type suivant : <( La chaleur est de l'agitation de rnolCcules D, et des Cnoncks de la thCorie <( de l'identitk B (de l'2me et du corps) : c< la douleur est re9 ou te!

Ctat du cerveau >>. Chacun de ces CnoncCs est considkrk par ceux qui l'utilisent comme contingent : c'est l'effet d'une d6couverte scientifique si ceux-ci sont vrais. Mais si les mots << chaleur >>

et <C douleur a sont ici des dksignateurs rigides, alors ce sont

des 6noncCs nkcessaires. Une conskquence paradoxale de l'ana- lyse du second CnoncC sera que le cartksianisme est vrai, puis- que le matkrialiste dit exactement Pe contraire de ce qu'il veut dire, quand il dit que son CnoncC est contingent. Mais ce qu'une telle dkclaration peut avoir de sophistique s'efface si nous norons que eeci seri plus dlClucidation des conditions d'6non- ciation de la thkse de la' identit6

,)

que de dkcision sus celle-ci.

(31) M Naming and necessity n, p. 327.

(32) Cette nCcessitC I. mktaphysique n des 6noncCs d'identit6 n'est peut-

&re que la consCquence nCcessaire de l'usage des embrayeurs et des expressions dkictiques : c le renvoi B 1'Cnonciateur n'est pas du mGme ordre que les renvois purement skmantiques. L'Cnonciation ne se lrouve pas alors repCrCe dnns le monde dont on parle; elle est prise comme point de rCf6rence limite de ce monde D (GRANGER, G Syntaxe, ~Cmantique, pragmatique ,), in Revue interrzalionale de philosophie, no 117-8, p. 404).

Kripke rabat en quelque sorte sur le skmantique cette propri6t6 pragma- tique de 1'6nonciation : u la nkcessitk D de a l'ancrage u des noms a m objets devient propre au monde dans IequeI on parIe, et non pas B une limite de celui-ci. Des remarques similaires sont chez WITTGENSTEIN, De la certitude, Gallimard, 1976, 5579, et t e cnhier bletk, Gallimard, 3965, p. 127.

(14)

DU BON USAGE DES BANALITES

Une des consCquences de la productivitd conceptuelle propre a caractkriser ce style ernpiriste, c'est que I'on ne salt pas vraiment de quoi parlent les ernpiristes. Mais c'est peut- Gtre seulement I'effet de ce que nous avons appelC l'usage x dCter- minant a des banalitCs. Car, on peut rkpondre, de la m&me manikre que des auteurs comme Kripke, que c'est parce qu'on pose ma1 le problkme de la rCfQence qu'on en arrive B dire que certaines expressions n'ont pas de rCfQence, ou sont

(( incrustables )> quant 5 leur rCfCrence. On peut dire que les philosopbes en ce sens sont toujours en mesure de dCterrniner de quoi ils parlent, et que le souPCon d'cc opacitC r6fQentielle ), (d'oir parlez-vous ? quel est votre discours ?) et celui corrklatif, d'excks de r6fCrence (il y a une autre th6orie dans ta thkorie, un discours dans ton discours), sont en gCnCral malvenus, si ]'on ne passe pas par le dCtour de certaines banalids, comme si l'on se trouvait toujours piCgC B son propre discours :

<< Mais si, apres avoir remarquC ce phCnomi.ne, vous y revenez, mal-

heur ! Pourquoi y &tes-vous revenu, s'il est sans signification ? ah ! ah ! ainsi il signifiait quelque chose pour vous, puisque vous y &tes revenu ? VojlB comment, par le simple fait que vous vous etes concentrk sans raison une seconde de plus sur ce phsnomkne, la chose commence B &tre un pex it part, charpCe de sens. n (33)

II y a longtemps, et dans un contexte assez diffQent du

&re, Russell avait rCagi violernment contre les excks de la

(( philosophie du langage ordinaire

,,

; rnais ce qu'il disait n'est peut-etre pas sans pertinence pour notre propos :

K La plus grave dc mes objections est que la nouvclle philosophie me semble avoir abandonnk, sans nCcessit6, la tsche importante qu'a travers les 2ges la philosophie avait poursuivie jusqu'ici

...

Elle semble se prCo- occuper non du rnonde et de notre relation au monde, mais seulement des diffCrentes ma~i&l-es dont les sots disent des sottises., (34)

(33) GOMBROWICZ, Cosmos, p. 20 folio.

(34) RUSSELL, Histoire de mes idCes philosophiqnes, Gallimard, 5961, p. 288.

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