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Société internationale! Communauté internationale?

KOLB, Robert

KOLB, Robert. Société internationale! Communauté internationale? In: L'homme dans la société internationale : Mélanges en hommage au professeur Paul Tavernier. Bruxelles : Bruylant, 2013. p. 57-89

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:45022

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COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE ?

Robert Km.R (1)

1. - Position du problème

Depuis quelques années, il est à la mode de parler de la « com- munauté internationale » (2). Les textes juridiques internationaux en portent la trace : le concept se trouve dans une pléiade de traités

(1) Professeur de droit international à l'Université de Genève.

(2) Sur le concept de « communauté internationale ", voy., notamment, M. GIULIANO, La co- rnv.nilà intenwziona.le e il diritlo, Padoue, 1950. G. VJ,DOVATO, La. Comu.nità int.ernaziona.le, Florence, 1950. G. MA'rum, Il pmblerna _qiu.ridico della Comv.nità inte-rnazionale, Milan, 195G.

A. MIGLIAZZA, Iljenomeno dell'orga.nizzazione ela Comunilà int.ernaziona.le, Milan, 1958. L. LI'- GAZ Y LACAMillli\, " Volkerrechtsgemeinschaft : Ideologie, Utopie und Wirklichkeit », Mélanges C.

Schrnili, Berlin, 1959 (réimprimé en 1989), pp. 123 et s. A. 'llll!YOL Y SElmA, « Genèse et structurP de la société internationale», R.C.A.D.I., vol. 96, 1959-I, pp. 553 et s. CH. Dl' VJSSCHEH, Théories et.

réalités en droit international public, Paris, 4" éd. 1970, pp. 110 et s. H. MoSLI,H, << The Internatio- nal Society as a Legal Cornmunity ,, R. C.A.D.I., vol. 140, 1974-IV, pp. 17 et s. R.-J. DU PUY, Commu.- na.u.t.é internat-ionale et dispa.·rilés de développement, Cours général de droit international public, R.C.A.D.I., vol. 1G5, 1979-IV, pp. 1 et s. H. Mosum, <<International Legal Community », EPIL, vol. 7, 1982, pp. 309 et s. A. TIWYOL Y SElmA,<< Cours général de droit international public>>, R.C.A.D.I., vol. 17:3, 1981-IV, pp. 53 et s. R. J. DuPUY, La Communauté intenwtionale ent.m le mythe et l'histoire, Paris, H)86. E. LuAHD, Fntemational Society, New York, 1990. M. LACHS, << Quelques réflexions sur la Communauté internationale», Mélanges M. Vimll:y, Paris, 1991, pp. 349 et s.

P. M. DUPLJY, <<Humanité, communauté ct efficacité elu droit», Mélanges R.J. Dupuy, Paris, 1991, pp. 133 et s. G. ABI-SAAB, <<"Humanité" et: "Communauté" dans l'évolution de la doctrine et: de la pratique du droit international», Mélanges R.J. Dupu:y, op. cit., pp. 1 et s. G. HI,IlCZI,GH, <<The International Community of States», in: Questions qf fnterna.tiorwl Law, Budapest', 1991, vol. 5, pp. 75 et s. G.C. McGHim, International Cornrnu.nit:y: A Goal .for a. New World Orcier, Lanlum1, 1992. G. ABI-SAAB, <<International Law and the International Conununity: the Long Road to Uni- versality », Mélanges W Tie:ya, Dordrecht/Boston, 1994, pp. 31 et s. C. ToMUSCHA'r, << Die interna- tionale Gemeinschaft », Archiv des Vdlkerrechts, vol. 33, 1995, pp. 1 et s. G. ABI-SAAB, « Whither the International C01mnunity? », EJIL, vol. 9, 1998, pp. 248 et s. B. SIMMA et A. PAULUS, <<The International Community: Facing the Challenge of Globalization », EJIL, vol. 9, 1998, pp. 266 et s. P. MOiœAu DI,VAHŒ,s, La com.m.uncmt.é int.erna.tiona.le, Paris, 2000. D. KmTSIOTis, << Imagining the International Cornmunity », EJIL, vol. 1:3, 2001, pp. 961 et s. A. PAULUS, Die internationale Gerneinschqft im Vdlkerrecht, Munich, 2001. P.-M. DUPUY, L'v:nité de l'ordre juridique interna- tional, Cours général de droit international public, R. C.AD.I., vol. 297, 2002, pp. 207 et s. et 245 et s. E. JOLJANNJÇJ', << La communauté internationale vue par les juristes »,Annuaire français des relal'ions int.em.at-ionales, vol. 6, 2005, pp. 3 et: s. C. WAHlllliCK et S. TIEHNEY (eds), Towa.nis an Int.erna.tiona.l Le_qa.l Cornmunit:y, Londres, 200G. P.-M. DUPUY, <<La communauté internationale : une fkt.ion? », Mélœnges J. Salmon, Bruxelles, Bruylant, 2007, pp. 373 et s. Voy. aussi, dans un domaine plus partieulier, S. VILLALPANDO, L'émm:qence de la. cornmum.a.uté intem.a.l'ion.a.le dans la responsabilité des États, Paris, 2005.

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58 Droit international et organisations internationales

(p. ex., l'article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, 1969 (3), ou le préambule du Statut de Rome sur la Cour pénale inter- nationale, 1998 (4)), de résolutions d'organes internationaux (p. ex., la résolution 2625 [ 19701 de l'Assemblée générale des Nations Unies relative aux relations amicales entre États, la résolution 45/100 [1988]

de l'Assemblée générale sur l'assistance humanitaire (5) ou encore la résolution 1368 [2001] du Conseil de sécurité (6)), dans des jugements de tribunaux internationaux (p. ex., l'affaire de la Barcelona Traction, 1970 (7), l'affaire du personnel diplomatique et consulaire des États- Urâs d'Arnériq·ue en Iran, 1980 (8), ou l'avis sur la Menace ou l'em- ploi d'armes nucléaires, 1996 (9)) et dans bien d'autres documents juridiques (1 0). Encore plus fréquemment trouve-t-on des références à la notion dans le langage journalistique des médias et des décideurs politiques. D'où de constants appels à la mobilisation de la corrununauté internationale, des constats de passivité de la communauté internatio- nale, des affirmations relatives à l'absence de la communauté inter- nationale, et ainsi de suite. À contre-jour, le terme plus neutre, plus fade sans doute, de « société internationale » semble décliner, alors

(3) Voici le texte de cet article, relatif au ius cogens international : << Est nul tout traité qui, au moment: de sn conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit intcrnationnl généml.

i\ux fins de la présente Convention, une nornw impérative du droit international g(<néral C'St: une norme acceptée et reconnue par la communauté internationale des États dans son ensemble en tant que norme à laqul'llc aucune dérogation n'est permise et qui ne peut être mndifi<<c que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère , (italiques ajoutés).

( 4) préambule, § 1 ,,. : " Conscients que les peuples sont unis par des liens étroits et que leurs cultures forment un patrimoine commun [ ... ] , ; § 3 : " Reconnaissant que des crimes d'une telle gravité menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde » ; § 4 : << i\fflrmant que les crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester impunis » ;

§ 9 : " D~terminés, à ces fins et. clans l'intérêt des génériltions futures, à. créer une cour pénale internationale permanente et indépendante reliée au système des Nations Unies, ayant: compétence à. l'égard des crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale "·

(5) préambule, § 6 : << Souhaitant vivement que la communauté internationale puisse répondre rapidement. et efficacement aux besoins d'assistance humanitaire d'urgence[ ... ]"·

(6) Au paragraphe 4 : <<Appelle également la communauté internationale à. redoubler d'efforts pour prévenir et éliminer les actes terroristes, y compris par une coopération accrue et une pleine application des conventions antiterroristes internationales et des résolutions du Conseil cie sécu- rité, en particulier la résolution 1269 (1999) elu 19 octobre 1999. >> Une recherche sur le SEDOC (la machine cie recherche des documents des Nations Unies sur le Net) livre immédiatement. mille documents (maximum de la capacité) sous l'expression de « communauté internationale >> : http://

documents.un.org/results.asp.

(7) C.I.J. Recueil, 1970, p. 32.

(8) CL!. Recueil, 1980, p. 43.

(9) CL!. Recueil, 199G, p. 254, § G7; p. 255, § 7~3; p. 258, § 82; p. 2G~l, § 96 ; p. 2G4, § 100;

p. 265, § 10;).

(1 0) Voy., p. ex., entre tant d'autres, la résolution de l'Institut de droit international relative à l'assistance humanitaire adoptée à Bruges en 2003, § 3, du préambule. Cf. http://www.idi-iil.org/iclif<'/

resolutions[<'/2003_bru_03_fr.pclf.

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que celui plus connoté, plus sympathique assurément, de communauté internationale entame son ascension zénithale.

a) Le 'terme « société internationale » est neutre parce qu'il est des- criptif. Il désigne le réseau d'interactions qui existent de fait entre les sujets internationaux, c'est-à-dire les États surtout, mais d'autres ac- teurs également. Ce concept est purement sociologique : il n'implique aucune valeur, aucun adjuvant (11). C'est la simple photographie des rapports sociaux dans cet ensemble que l'on désignera comme relations internationales parce que les frontières d'un État sont transcendées.

Dès qu'il y a relation, qu'elle soit amicale, hostile, neutre ou mixte, il y a automatiquement une forme de société. Dès qu'il y a un contenu, il doit y avoir un contenant. La société n'est ici rien d'autre que la somme des liens et relations qui se tissent au-delà des frontières nationales des États, et notamment dans les rapports politiques entre États, sujets dotés du pouvoir légitime prépondérant (12). La société internationale est ainsi, dans son cœur, une« société de sociétés» (13), générant un droit international public ; autour de ce centre de gravité politique gra- vite une « société de rapports transfrontaliers » entre entités les plus diverses, générant un droit international privé, voire un droit interna- tional public au sens large. Ainsi, autour d'un astre multiple, s'égrène, en multiples mouvements, un système planétaire complexe.

b) Le terme «communauté internationale », proprement utilisé, connote quant à lui l'idée d'un certain type de rapports sociaux. S'il admet l'existence de rapports hostiles ou neutres, il postule un adju- vant nécessaire, à savoir l'existence de certains rapports ordonnés à un bien commun et supérieur aux membres sociaux pris individuellement.

Ceux-ci cessent de se voir uniquement comme fin ultime et exclu- sive ; ils cessent de placer immanquablement leurs intérêts propres au-dessus des intérêts des autres et de tous. Cette « dénarcissisation »

politico-juridique a lieu au moins dans certains domaines et situations.

Le bien commun ou l'utilitas publica ainsi dégagés sont l'adjuvant fondamental, la pierre philosophale de la communauté. L'individu sort

(11) Voy. les explications de E. LuAtm, (note 1), pp. 1 et s.

(12) « [U]ne société est internationale dans la mesure où le pouvoir effectif et l'usage de la contrainte inconditionnée y sont répartis et correspondent à des groupes polit:iques capables de médiatiser les rapports des individus et des groupes qu'ils embrassent, avec: des individus et des groupes étrangers. ,, Cette médiatisation (seulement partielle dans la société internationale ac- tuelle) suppose des «États,, ; sans ces États, il n'y aurait qu'un espace d'interactions mondiales unique, une société mondiale, mais non une société à proprement parler internationale. TiWYOL Y SEilllA (note 1, article de 1959), p. 568.

(l:l) A. THIJYOL Y St;HHA (note 1, article de 1981), pp. 5:3 et s.

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de son enfance narcissique ; il prend conscience de soi et de l'autre ; dès lors, il apprend les limites du moi ; il se coordonne avec les autres et, à la fin de sa maturation, il concevra des int0rêts qu'il pmtage avec un groupe et il sera prêt à se plier à une certaine discipline pour les réaliser. Si l'on fait abstraction des acceptions les plus vaporeuses, la communauté internationale se réfère donc, dans son sens générique, à une unité plus élevée que l'État nti singulns, capable de possé- der une dignité qui lui soit propre et, par conséquent, d'articuler et d'influencer l'action des membres sociaux par l'idée d'un bien corn- mun à l'ensemble des États (intérêts collectifs), de l'humanité entière

(intérêts humains), voire de la nature et de la biosphère (intérêts de l'espace de vie). Ce concept de communauté génère un droit consti- tutionnel, d'où d'ailleurs l'émergence de concepts tels que la « consti- tutionnalisation »des rapports internationaux (14). Il s'agit en somme de la reconnaissance d'un intérêt général plus élevé que l'addition des intérêts particuliers des sujets ou acteurs internationaux pris indivi- duellement. Dès lors, le concept est basé sur l'idée d'une socialisation réciproque ou d'une solidarité internationale s'opposant à une simple juxtaposition d'entités ayant leur justification en elles-mêmes. Mais de quel type doit être cette solidarité ?

Avant de tenter de répondre à cette question, il peut être de mise de brosser un rapide répertoire des moments saillants de l'évolution de l'idée de communauté internationale dans l'histoire occidentale (15).

Peu d'autres concepts sont aussi liés à l'expérience et à la dimension historique. Ensuite, il sera de mise de serrer de plus près les concepts de « communauté internationale » les plus courants dans le monde

(14) Voy. C. WALTEH, "International Law in a Process of Const.itutionalization »,in J. Ni.J~tAN

et A. NOLLKAI,MI'I'Il (eds), New Perspectives on the Divide Between Natimu:û and International La.w, Oxford, 2007, pp. 191 et s.; R. CHJ%1AIN et A. Pl~LLET (éd.), La Charte des Nat-ions Unies, Constit.ut.ion mondiale ?, Paris, 2006 ; S. SzuJœK, « La Charte des Nations Unies : Constitution mondiale?,,, dans J. P. CoT, A. Pl~LJBr et M. l~OHTEAU (éd.), LŒ Charte des NŒ/.ions Unies, Com- mentai"l·e article pŒr article, vol. !, 3" éd. 2005, 2005, pp. 29 et s. ; T. M. FHANCK, « Is the United Nations Charter a Constitution? »,Mélanges T. Eitel, Berlin, 2003, pp. 95 et s. ; P. M. DliPUY, « !.:uni- té de l'ordre juridique international», R.C.A.D.l., vol. 297, 2002, pp. 215 et s. ; B. l~ASSBENDEH, UN Security Council RC![onn Œnd /.he Righi. oJ Veto, La Haye/Londres/I3oston, !998, pp. 89 et s.

(15) Cette restriction n'est due qu'à des contraintes d'espace. L'opposition entre société et com- munauté n'apparaît d'ailleurs que tard clans l'histoire occidentale (voy. P. PASQUINO, << Communauté et société», in P. RAYNAUD et S. RIALS (éd.), Dictionrwire de philosophie politique, Paris, 1996, pp. 116 à 119). Elle est canonisée clans l'ouvrage classique de F. Tiinnies (F. TüNNŒS, Gemeinschqft.

und Gesellschajt, Leipzig, 1887, .traduit en français, Com.rnwwnté et société, Paris, 1944). Il s'y oppose une vision « atomiste-individualiste , et une vision " organiciste , des rapports sociaux et politiques. Là, une somme de relations entre entités <1galrs er porteuses d'une finalité uJLime propre;

ici, le creuset. complexe de culture et de corps commun. Là, la vision de la Révolution française ; ici, la conception elu corporatisme allemand.

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actuel. Enfin, il sera utile de sonder où l'on se trouw: aujourd'hui. Si la communauté internationale est embryonnaire, dans quel type de socié- té internationale vivons-nous ? Quels sont les facteurs qui inhibent le progrès vers une communauté internationale, communauté qui ne rem- placerait évidemment pas la société internationale plus large au sein de laquelle elle viendrait simplement inscrire une trame supplémentaire ? Quelles sont les conséquences de cette absence de communauté inter- nationale?

II. - Les repères historiques occidentaux de l'idée d'une communauté internationale

Il ne saurait être question d'analyser de manière approfondie les phases et les contextes dans lesquels a germé l'idée d'une communau- té internationale allant au-delà du constat de simples relations réci- proques. On se bornera ici à mentionner quelques étapes.

a) Les sociétés primitives (16)

Il n'y a nulle trace de la conception d'une cormnunauté œcuménique humaine chez les peuples dits primitifs. Leurs sociétés sont organisées selon l'autarcie et présentent ce qu'on appelle une « morale close » :

l'éthique et le droit sont indissociablement liés au groupe ou à la tribu particuliers. En dehors du groupe, point de salut. L'étranger n'est pas couvert par le droit du groupe : il est hors du droit, d'abord ignoré (pe- regrinus, marcheur, pérégrinateur de passage) sinon ennemi (hostis).

Ainsi, l'expérience du droit ne dépasse pas les frontières du groupe.

Il demeure lié à l'élément sacral et religieux ; il est situé et concret ; fondu dans une civilisation, dans un groupe. Dès lors, il ne présente pas encore cette contexture rationnelle qui, seule, permettrait de le généraliser pour l'appliquer à l'étranger comme être humain. Le droit est donc vécu comme attribut d'appartenance au groupe ou à la tribu.

Si l'étranger ne possède pas automatiquement des droits au sein d'un groupe dont il ne relève pas, des moyens sont rapidement dévelop- pés pour dépasser cette situation en cas de besoin par contacts com- merciaux, visites ou autres contacts ressentis comme étant légitimes.

L'étranger doit alors être admis au sein du groupe par des procédés spé- ciaux, comme le fut, par exemple, la proxénie en Grèce antique. Cette

(16) Voy., entre autres, U. WJ,SEL, Pnihfm-men etes Rechts in vorstaatlichen Gesellschq.jlen, Francfort-sur-le-Main, 1985; W. SEAOLE, Weltgeschichle des Rechls, Munich/Berlin, 3" éd., 1967, pp. 13 et s. et 49 et s. (traduit de l'anglais, The Quest.for Law, New York, l'" éd. 1941).

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, 62 Droit international et organisations internationales tendance à la morale close de la tribu comme unité politique suprême se continue encore au Moyen Âge sous l'aspect du principe de person- nalité (plutôt que de territorialité) dans l'application du droit : iura ossibus inhaerent. Chacun emmène avec lui son droit personnel, lié à son statut comme représentant d'un groupe social ou d'une population déterminée. Dans un tel cadre, l'idée d'une communauté œcuménique ne pouvait pas éclore.

b) La Stoa

C'est dans la Grèce tardive, à l'époque hellénistique, que l'idée d'une seule et unique humanité apparaît. On trouve cette conception chez les penseurs de la Stoa, qui influenceront la tradition chrétienne (17).

La racine des enseignements de la Stoa - ce qui explique de surcroît leur orientation œcuménique - est la raison dont sont dotés tous les hommes. La nature raisonnable de l'homme est posée comme étant la mesure de toute chose. !~individu est une petite unité dans un cosmos ordomlé rationnellement. Cette conception d'une rationalité univer- selle traversant le monde de bout en bout amène à une conception de droit naturel universel : lex est ratio sumrna insita natura (18).

Cette conception universaliste se traduit aussi dans une nouvelle vision . de la chose publique. Contrairement aux enseignements de la Poli- tique d'Aristote (19), la polis n'est plus perçue comme l'unité la plus élevée de la vie publique. La raison universelle, politiquement sous- tendue par l'Empire universel d'Alexandre, charrie le cosmopolitisme.

Tous les êtres rationnels sont dès lors citoyens d'un seul monde, pour lequel ils partagent solidairement la responsabilité éthique. Le domaine local n'est plus qu'une circonscription du monde. L'idée d'une com- munauté œcuménique fondée sur la raison commune s'impose ainsi comme conséquence naturelle. C'est des enseignements stoïciens que les religions monothéiques, le christianisme notamment, emprunteront l'idée universaliste. Toute doctrine cherchant son ressort ultime dans la

« raison » tend à l'universalité et s'ouvre par conséquent à l'idée d'une communauté internationale. Il en est ainsi parce que la raison est un attribut commun à tous les hommes, quels qu'ils soient et où qu'ils se trouvent. Il n'y a donc pas moyen d'échapper à la conclusion d'une

(17) Voy., p. ex., A. VE!mHoss, Abendlündische Rechtsphilosophie, Vienne, 1958, pp. 44 et s.

(18) Cicéron, De legibus, l, 6, § 18; II, 4, § 8.

(19) Politique, liv. i"', chap. l" et IL

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unité morale universelle. L'origine historique de la communauté inter- nationale dans le monde occidental se situe donc dans le mouvement de la Stoa.

En droit, ces enseignements stoïciens trouveront une première réa- lisation dans l'émergence du ius gentium romain. IJEmpire, à partir de l'époque des guerres puniques (Ile à

mc

siècle av. J.-C.), engloba de nombreux peuples allogènes, dépourvus jusqu'en 212 après J.-C.

(Constitutio Antoniniana) de la nationalité romaine. Parallèlement, le commerce méditerranéen se développa fortement. Dès ce moment, la stricte limitation personnelle du droit selon les anciens préceptes de la morale close devint intenable. Comment recevoir des commerçants étrangers à Rome si aucune protection juridique adéquate ne leur était offerte du fait de leur nationalité étrangère ? Il devint évident que l'an- cien droit applicable seulement aux citoyens romains ( ius quiritium) ne suffisait plus. Le consensus était général qu'il fallait réformer le corps juridique afin d'y inclure les étrangers. Cette réforme du droit romain fut confiée à des magistrats spéciaux dotés de pouvoirs considérables (praetor peregrinus). C'est donc par la jurisprudence que la rénova- tion du corps juridique fut entreprise, non par un législateur édictant des règles abstraites et générales. Ces magistrats spéciaux donnèrent corps à des règles juridiques applicables entre tous les hommes, quelle que fût leur nationalité : c'était l'heure de la naissance du ius gentiurn (20).

Afin d'élaborer un nouveau droit valable pour tous les hommes dans leurs contacts réciproques, le préteur des étrangers écarta les règles de l'ancien droit civil romain, trop imprégnées de formalisme et de religion locale. Le concept véhiculaire du nouveau droit devait être commun à

(20) Sur le 'ius ,qenl'ium : M. VOIGT, Das ius nalumle, aequmn el bon·um und 'ius ,qenlium der Ramer, 4 vol., Aalen, réimpression 1966 (l'' éd., Leipzig, 1856-1875, vol. !-IV). P. BoNFANTB, Histoire du droit romain, t. !, Paris, 1928, pp. 261 et s. G. MAY, Éléments de droit romain, 18' éd., Paris, 1935, pp. 39 et s. J. BHYŒ, «The Law of Nature,, in J. BHYCE, Studies i:n Histoi·u and Jurisprudence, vol. II, Londres, 1910, pp. 586 et s. G. Gnosso, Lezion.i di storia del di-ritto mmano, 5' éd., Turin, 19G5, pp. 272 et s. et 290 et s. S. RICCOBONO, Lineam.enti della sto-ria delle .fonti e del diritto romano, Milan, 1949, pp. 22 et s. A. GUAHINO, Di-ritto p1·ivato mmano, 9" éd., Naples, 1992, pp. 161 et s. M. LAUHIA, «lus gentium ,, Mélanges P. Koschaka, t. !, Weimar, 19:39, pp. 258 et s. P. FHEZZA, « lus gentium ,, Revue intenuaionale des dmüs de l'Anl'iquité, vol. 2, 1949, pp. 259 et s. G. LOMBAHOI, Sul concetto di ius gentiurn, Milan, 1974. G. LOMBAHDI, Ricerche in t.em.a di 'ius ,qentium, Milan, 1946. M. KASER, Rom.ische Rechts,qeschichte, 2" éd., Gottingen, 1982, pp. 134 et s. M. KASER, Jus gentiwn, Cologne/Weimar, 1993. Sur la notion de ius gentiwn chez Grotius, cf. P. HAGGENMACHI>Il, « Gcnr•se et. signification du conccpt de ius ,qent.ium. chez Grotius >>, Gmtiana., vol. 2, 1981, pp. 44 et s.

Cette conception n'est pas exclusivement occidentale. Ibn Khaldun, auteur arabe elu XIV'' siècle, dans son ouvrage Muqadclim.ah explique l'émergence et la consolidation des États sur la base d'un processus qu'il appelle '' asabiuah », c'est-à-dire de solidarité sociale ; cf. F. BAAL!, Ibn Khalclun's Sociological Thou_qht, New York, 1988, particulièrement pp. 43 et s.

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64 Droit international et organisations internationales

tous les hommes, de quelque ethnie qu'ils vinssent, et il devait se plier aux exigences particulières du droit, avec ses réciprocités, justice et sécurité. Quel concept pouvait mieux s'y prêter qu'une imaginée raison commune ? Ainsi, le préteur des étrangers forgea à la place de l'ancien droit formaliste un corps de règles fondées sur la raison commune à tous les hommes (21). À un tel droit purement rationnel, tous les hommes devaient pouvoir obéir, quelles que fussent leur nationalité et leur foi. Le

(21) Voy. la d('nnition de Gaius, Dig. 1, 1, 9: « Naturalis ratio inter omnes homines constituit, id apud omnes peraeque custoclitur vocaturque ius gentiun1, quasi quo iure omnes gentes utunt.ur. » (Ce que la raison naturelle a établi entre tous les hommes est observé également par tous ou presque tous les peuples.) Au contraire, selon une défini !"ion classique d'Ulpien, souvent contestée, le droit. naturel s'étend, clans ses préceptes fondamentaux, à la nature animée, c'est-à-dire aux animaux. Digeste, lib. l, l, 1, titre De iustitia, et ùtm : « lus nat.urale est, quocl natura omnins anirnalia clocuit [ ... ]. >> La distinction avec le droit des gens devient ainsi manifeste : « lus gentium est, quo gentes humanae ut.untlir [ ... ]hoc solis hominibus inter se conununis sit. >>Cette conception a généralement été contes- tée. Voy., p. ex., déjà SUAIŒZ, De Legibu.s a,c Dea Legislatore (1612), lib. II, cap. XVII, § 2. Parfois, le rejet de cette classification fut modéré, p. ex. chez.). OHTOLAN, &cpliwtion historique des instituts de l'Empereu-r Justinien, 12" éd., Paris, 1883, pp. 23 et 24 : « Le droit nnt.urel ainsi défini pourrait sc

nonm~er droit des êtres a,nimés. Mais les animaux peuvent-ils avoir un droit'? Non, sans cloute, dans l'acception morale de ce mot. Ce n'est que d'une manière bien impropre, en faisant abstraction de la pensée morale, conune ensemble de lois, c'est-à-dire nécessités générales résultant de leur organisa- tion même, auxquelles ils obéissent. sans les connaître, sans en avoir l'intelligence, poussés par leur seule nature, qu'on pourra les leur appliquer. [ ... ] De nos jours, nul ne donne ce sens au mot dmit na.tnrel. Cette expression ne désigne que le droit qui se déduit rationnellement de l'organisation de la nature morale de l'homme >> (italiques dans l'original). Beaucoup plus souvent, cette conception large ulpienne a été raillée, p. ex. chez G. BoNJEAN, E:rpliwt.ion méthodique des institutes de Ju.stinien, t. l, Paris, 1878, p. 13 : << Il nous semble qu'il était difficile de présenter une idée plus bizarre. Quel honneur pour l'honune que d'être assimilé à un mollusque ou à un insecte ! Quelle haute philosophie de jmisconsulte que celle qui confond des nécessités physiologiques, auxquelles le ver de terre ne sait se soustraire, avec cette grande idée du dmit, de la loi, c'est-à-dire du devoir, elu libre arbitre, de la responsabilité devant Dieu et devant les hommes ... >> (italiques dans l'original). Voy., clans le même sens dépréciatif, G. BœHME~~, Gnmdlagcm der bü.-rgerlichen Rechtsordnung, Zweites Buch, t.. l, Tü- bingen, 1951, p. 22: << Das ist nat.iirlich cine hochst primitive Jdcntifizicrung von kausalem Nat.urgesctz und normativer Sozialorclnung. >> Parfois, un auteur se borne à mettre en exergue le caractère ambigu el incertain de la définition ulpiPnm' : ef., p. ex., E. FECHNER, << Das Naturrechtsproblem ais Problem einer Rechtsontologie >>,in Rechtsphilosophie, 2" éd., Tübingen, 1962, p. 180. Enfin, d'autres auteurs, notamment en philosophie du droir., onr. pu au contraire approuver la défmition large d'Ulpien en louant cette absence d'arrogant anthropocentrisme inhérent aux railleries (et nous avouons être sen- sible à cette critique). Voy., p. ex., R MAilCIC, Recht.sphilosophie, Fribourg-en-Brisgau, 1969, p. 137, et R. MAHCIC, Geschù:hte der Reclüsphilosophie, Fribourg-en-Brisgau, 1971, p. (H : << Nimmt man die Scheuklappen ab und wirft den Blick (luf den abstcchenden Hintergrund der typisch griechischen und romischen Rechtsauffassung, elie elie Welt ais Kosmos, elen Kosmos insgesamt ais Rech/.sgemein- scha,/1. cler Dinge versteht : ela fiillt es einem \vie Schuppen von den Augen. Nicht darin erschiipft. sich der Unterschiecl Z\vischen ius naturale und ius gent.ium, dass jenes mehr umgreift ais die Menschen, clieweilen dies ausschliesslich elie Menschen erfasst ; Ulpians Hinweis client lecliglich cler Anschauung.

Der Abstand in der Heichweit:e ist. nicht in sich und an sich ein Gruncl, er ist l~olge des wesentlichen Hangunterschieds : Das Naturrecht ist. die clenkbar hiichste Norm (prima regula absolut.a), clas ius gen- t.ium nimmt den zweit.en Hang ein, seine normative Beschrankung auf den Menschen ist die Wirkung des spcziftschcn ontischcn Verhiilt:nisses, in dcrn Mcnsch und Sein (physis, natura) zucinandcrstch('fl [ ... ] >> (italiques dans l'original). Sur ce<< nat.ura omnia animalia docuit >>,voy. déjà G. COJlTilJS, De jure quod natum ornnia animalia docuü, Leipzig, 1727 ; voy. aussi R. WJ;JGAND, Die Na,tu.rrechtsleh:re de-r Legisten und Dekretisten von Inw·rius bis Accu.rsiu.s und von Gmlio:n bis Joha,nnes Teuto- nicus, partie II, Kanonisches Recht, Munich, 1967, pp. 121 et s. ; B. TIEilNEY,' << Natura. Id est Deus :

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phénomène de l'élargissement social produisit ainsi un élargissement de la vision et un creuset matriciel pour une nouvelle conception du droit.

Le préteur des étrangers s'inspira dès lors d'idées de justice naturelle, de la nature des choses, de l'utilité et de l'équité, telles qu'il les estimait les plus directement liées à la justice. Par exemple, la bonne foi devint ainsi le fondement de l'obligation conventionnelle au lieu d'anciennes formules rituelles et rigides, perçant le voile du formalisme pour directe- ment se nourrir de l'idée de justice sous-jacente. Le droit des étrangers devint ainsi plus phénoménologique que formaliste ; il s'érigea cormne la partie la plus moderne du droit romain ; et il finit par rétroagir sur l'ensemble du système, poussant à la réforme de l'ancien ius quiritium.

Dépouillant les institutions juridiques de leurs accidents locaux et de leurs vêtements contingents, cherchant systématiquement l'analogie des situations au-delà des limites nationales, il était inévitable que le droit gagnât en généralité et s'universalisât. Pour cette raison, le ius gentium se manifesta essentiellement en une série de principes géné- raux censés être communs aux peuples. La vocation du ius gentium à l'universalité, la place qu'il fait à la nature des choses ou à la raison, l'ont d'ailleurs depuis toujours rapproché du droit naturel. Ce ius gentium, prototype de droit universel, esquisse l'idée grandiose d'une commu- nauté universelle des honunes.

c) La République chrétienne du Moyen Âge

L'idée d'une « communauté internationale » trouve des réalisations sociologiques locales dès le Moyen Âge autour du creuset des doctrines religieuses : la république chrétienne en Occident, la communauté de foi musulmane en Orient. En Occident, ce sont les pouvoirs universaux de l'Empire et du Pape qui deviennent les dépositaires de la conununauté internationale de la foi. Ils fondent et cogèrent un ordre constitutionnel particulier en Europe. Celui-ci est imprégné d'lme caractéristique de dualité : ici, les pouvoirs universels avec leurs attributions politiques propres, notanunent la défense extérieure contre les infidèles ; là, les seigneurs locaux et les royaumes possédant une gamme de pouvoirs dérivés ou originaires. Cependant, mis à part cette structure duale du pouvoir, la pensée médiévale était toute pénétrée de l'idéal d'unité. Il y prédomine une constante reductio ad unum symbolisant la foi unique et le seul Dieu. Ainsi, par la foi en Dieu, tous les hommes sont unis les

A Case of Juristic Pantheism? »,Journal of the Hislol~lJ qf' Ideas, vol. 24, 196:3, pp. 307 et. s. Vattel évoque la formule ci'Ulpien clans la Préface (op. cil., p. 20), sans en donner une critique.

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66 Droit international et organisations internationales

uns aux autres. La fraternité générale des hommes a pour corollaire la fraternité générale des nations. De l'unitas divina découle l'unitas humana. Cette communauté de tous les enfants de Dieu est affirmée dans une lettre de Grégoire VII au Prince des Maures. J. de Salisbury parle d'une res publica hominurn ; G. d'Occam d'une universitas mortalium (22). L'idée de communauté politique se réalise concrète- ment, par exemple, dans la doctrine du pouvoir des Papes de destituer les rois qui manqueraient à leurs devoirs envers Dieu ou envers leurs subordonnés. Cette doctrine a été formulée avec une clarté pmticu- lière par E. Colonna et par le pape Grégoire VII en 1080. De même se succèdent les projets de fédération des États chrétiens face au danger musulman. C'est le cas, par exemple, du projet de P. Dubois, De recu- peratione terrae sanctae (1305) : selon lui, l'Occident forme una sit republica et il propose un concile général des États chrétiens sous l'égide du Pape. La revendication des rois à plus d'autonomie (rex im- perator in 1"8Q1W suo) ne vise pas à contester l'idée de communauté chrétienne, mais plutôt à se libérer de la gangue politique généralisée des pouvoirs universels. Cette revendication finira cependant par creu- ser la tombe de la république chrétienne médiévale, avec, comme point d'orgue, la guerre de Trente ans.

Que faut-il conclure de ce' qui précède ? Le Moyen Âge connaît l'idée d'une communauté des hommes et des peuples. Or il s'agit de com- munautés restreintes, régionales. Elles ne couvrent que les peuples unis par la même foi. Il s'agit de la formulation d'un bien commun particulier des personnes unies par la même foi (y compris contre les dangers extérieurs), et non pas de la formulation d'un bien commun de l'humanité. La communauté internationale existe et est vécue, mais elle n'est que locale et partielle. Toutefois, elle se remue et chemine : elle prend son essor dans le niveau régional où elle se concède un instant de répit sur la branche du vénérable arbre de Babylone, avant d'entamer son envol vers ce ciel universel et dépourvu de frontières, promis par la Stoa.

d) La scolastique espagnole au XJXe siècle

Au XVI" siècle, les penseurs de l'École de Salamanque (F. de Vitoria, G. Vasquez, F. Suarez, L. Molina) reprendront l'héritage universaliste de saint Thomas d'Aquin tout en lui donnant une nouvelle orientation.

(22) Sur ces prises de position, cf. F. A. VoN D1m I-lEYDTE, Die Geburtsst,u:nde des souveriinen Staates, Regensburg, 1952, PP- 223 et s,, spéc_ PP- 228 à 2:30,

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Il convient de rappeler que saint Thomas est le champion du courant intellectualiste dans la doctrine théologique. Le Moyen Âge avait vu le partage entre deux doctrines : celle des auteurs donnant la primauté à la volonté (volontaristes) et ceux donnant la primauté à la raison (intel- lectualistes). Pour les premiers, volontaristes, seule la soumission à la volonté insondable de Dieu rend juste et sauve l'âme de l'être humain.

La raison humaine, corrompue par le péché originel, ne saurait pro- poser quoi que ce soit de certain. Dès lors, l'homme n'a de salut que dans la soumission totale aux ordres de Dieu tels que révélés selon une interprétation littérale par les livres Saints (23). Autrement dit : v alun-

tas imperat intellectui. Il s'ensuit également de ces prémisses que ce monde est radicalement séparé de celui de Dieu. La Cité terrestre est dans une opposition totale avec la Cité divine. D'autres règles dirigent chacune des Cités : ici, la corruption humaine, là, la splendeur de la sagesse divine (24). Le volontarisme théologique a par ailleurs essaimé dans le domaine politique pour y fonder des doctrines d'absolutisme illimité du Prince. Pour les seconds, intellectualistes, influencés davan- tage par la Stoa, l'injonction divine n'est pas qu'un diktat aveugle d'une volonté insondable. Rien n'est bon ou juste simplement parce que Dieu le veut ; au contraire, Dieu veut les choses parce qu'elles sont justes et bonnes, non pas l'inverse ; toute autre conception serait douter de la bonté et de la justice de Dieu, ce qui serait sacrilège. Or l'homme, doté de la lumière de la raison, peut, bien qu'imparfaitement, participer à la connaissance de cet ordre divin, précisément parce que la raison lui indique ce qui est bon et ce qui est juste (25). L'homme recouvre ainsi

(23) L'origine de cette doctrine, défendue surtout par les franciscains et des penseurs corrune D. Scot ou G. d'Occam, se trouve dès saint Paul :Épîtres aux Romains, 3, 2:3-4, 28. Elle est déve- loppée par saint Augustin dans la deuxième partie de sa vie et sera reprise par saint Cyprien, saint Anselme ou Hugues de Saint-Victor, plus tard par Luther et Calvin.

(24) Ce dualisme représente par ailleurs un platonisme.

(25) Cette éthique humaine fondée sur la raison atteint son apogée chez saint Thomas d'Aquin.

Thomas reprend l'intellectualisme grec et en particulier l'idée que toute chose est ordonnée à une fin (aristotélisrnP). Il cherche à établir une• solide doetrine temporelle pour une Église désormais fermement installée dans r:e monde, contrairement au temps de saint Augustin. Le finalisme renvoie à l'idée de la raison inhérente à tout mouvement de l'univers. C'est à travers la raison qui lui est innée que l'homme connaît et participe à l'ordre divin des choses. Dès lors, la loi est plus raison que volonté : on ne peut vouloir que le bien et le juste, et cela, la raison doit l'indiquer à la volonté (" lex indicans»). Dieu lui-1pême est lié par l'ordre rationnel qu'il a créé, parce qu'il ne peut pas vouloir ce qui ne serait pas fondé sur la sagesse ct la raison divines. La fin de la loi est d'l\tre ordonnée au bien commun. C'est eette direction rationnelle qui lui confère sa qualité intrinsèque, non la simple volonté. Thomas rejette clone la volonté comme principe premier de l'action et ctu droit. Seule la raison assure à la volonté une dignité qui, étant elle-même aveugle, pouvant être dirigée autant vers le mal que vers le bien, lui fait défaut. Thomas rejette donc la règle du qu.od placu.it principi. En un mot : la raison est supérieure à la volonté. Il s'ensuit que Thomas réinsère entre la lex aeterna divine et la le:r hu.mana positive le droit naturel qui représente la participation de l'homme à l'ordre divin des choses à travers la raison. Dès lors s'ouvre la perspective d'un gigantesque système d'harmonie

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68 Droit international ct organisations internationales

une certaine autonomie morale, car sa raison lui permet de distinguer le bien du mal, le juste de l'injuste. De même, l'insoutenable tension entre la civitas terrena et la civitas coelestis, entre la vie et la foi, entre l'ici et l'au-delà se relâche. Les deux pôles sont unis par la frêle passerelle de la raison, qui permet d'atteindre à des valeurs objectives valables, selon le dessein divin, dans ce monde. Dès lors, le bien et la justice deviennent possibles dans le monde par les efforts intelligents des hommes, non seulement par la grâce insondable de Dieu ou dans la seule Cité divine.

Pour saint Thomas, l'humanité constitue une unité d'ordonnance- ment, car tous les hommes relèvent du créateur :c'est une commv:nitas perjecta inter omnes com1n,unitates (26). Cependant, saint Thomas n'a pas développé l'idée d'un empire universel ou même d'une commu- nauté universelle d'États. C'est précisément cette idée que l'École de Salamanque ajoute aux doctrines thomistes. Nous sommes désormais dans l'époque des grandes découvertes : les Indes, les nouveaux conti- nents sont conquis. Les peuples autochtones, qui n'ont pas la foi chré- tienne, sont-ils hors du droit ? Ne possèdent-ils aucun droit ? Peut-on donc les traiter arbitrairement ? À cette dernière interrogation, l'École de Salamanque répond par la négative. Pour ce faire, elle développe l'idée d'un bien commun de tous les peuples, d'un bonum commune hu?nanitatis. Ainsi, depuis le temps d'Aristote, qui considérait la polis comme la plus haute unité politique possible, puis du christianisme, qui limitait l'idée de conununauté internationale à ceux unis par sa foi, nous voici au maillon du dernier élargissement (ou de la réalisation des pressentiments de la Stoa), à travers le postulat d'un bien commun universel. En ce sens, Francisco de Vitoria (1499-1556) estime que les États sont unis par un ordre moral et juridique commun. Le bien de la communauté des États a la priorité sur le bien d'un membre particulier

universelle fondé sur la r8ison : la lex aeterna est l'ordre de la création divine selon la sagesse et la raison divines ; le rlroit: naturel, la participation cie l'homme à cet ordre qu'il peut (partiellement.) connaître par sa raison ; la loi positive, la concr(•t:isation d(~S principes dn droit naturel soit: par voie de conclusion, soit par voie d'adjonction là où subsistent des cloutes et des lacunes. Ainsi s'ébauche aussi l'embryon d'une théorie de l'I~tat rle droit : la loi positive ouvertement contraire m1 droit divin ou naturel n'a rle loi que le nom legis corruptio »). Si elle s'oppose au rlroit: naturel, elle pc>ut être suivie'- sans obliger (~n eonscir~nce-par souci de paix sociale ct d(~ s(•curit6 juridiquP. Si c~ll(~

s'oppose au droit divin, elle est absolument nulle. Le système moniste de Thomas permet ainsi l'élaboration d'une doctrine de bien commun et de justice sociale, valables pour ici-bas, récupérant au sein d'un seul édifice ln vie terrestre à côté de 1<1 vie éternelle de l'homme. Le primat: de 1;1 rcison assure dans cet. r'difiœ que la justice, et non l'arbitraire, soit k principe régulateur ck la vic sociale.

(2G) Voy., sur cette question, A. VJmDJlOSS, "Der klassische Begriff des "bonum commune" und seine Entfaltung zum "bonum commune humanitatis" •>, OZoR, vol. 28/D; 1977/8, pp. 143 et s. ; A. VEJmnoss, Abendldndische Rechtsphilosophie, Vierme, 1958, pp. ()8 et s. et pp. 74 et s. Voy.

aussi, plus généralement., D. J. O'CoNNOH, Aqv:in.a.s o.nd Natu.nû Lo.·w, Londres, 19()7; A. J. LJsSKA, Aq1.âna.'s Them·y qf Natuml Law, Oxford, 199G.

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de ce corps social international (27). Francisco Suarez (1548-1617) a développé ces idées. Dans des passages célèbres, il a évoqué un bonnm commune generis hnr;wni fondé sur l'unité du genre humain (28).

Des réverbérations lointaines et pJfaiblies de ces termes se trouve- ront encore chez C. Wolff, qui utilisera, vers le milieu du XVIII'' siècle, le concept de « civitas maxi'ftW ». Cette société suprême est fondée sur la nature des choses, mais trouve son fondement concret dans un consentement tacite des peuples. Elle recherche le bien commun des États par des règles qui émanent d'elle. Il s'agit, chez Wolff, d'une construction purement rationaliste, postulant par ailleurs un nébuleux rector civitatis maxi'ftWe capable de formuler la volonté générale (29).

Cette théorie n'a guère eu d'influence ; elle a été abandonnée par le plus fidèle disciple de Wolff, Emer de Vattel (30).

Cependant, en opposition à ce courant d'idées généreux de la scolas- tique tardive, d'autres forces, dans la réalité politique, travaillèrent pour en saper les bases. Avec la consolidation de l'État territorial souverain, reflétée jusqu'à un certajn point dans l'ordre dès traités de Westphalie au

xvne

siècle, l'on revint peu à peu vers une conception atomiste des relations internationales. Il y prévaut l'intérêt des États dotés de droits subjectifs naturels et inaliénables. L'idée de la communauté internatio- nale s'affaisse avec l'effondrement des structures universelles du monde médiéval. La politique, affranchie de la gangue morale et religieuse, libé- rée des contraintes de la raison stoïcienne, se concentre sur le pouvoir, esquisse et consolide la raison d'État. Le pouvoir est considéré désormais comme une force en soi : l'attention se concentre sur la mécanique toute causale de sa conservation et de son amplification. Certains chapitres du livre célèbre de Machiavel (31) en sont emblématiques, comme l'est aussi la pensée de Hobbes, exposée surtout dans les prolégomènes de

(27) De potestate C'i'vili, no 13.

(28) De legibus ac Dea lei}islalore, liv. II, chap. XIX, § 9.

(29) lus i}entium methodo scùmtijlca pertmctatum (1749), Prolegomena, § 21. Sur la théo- rie de Wolff, voy., p. ex., G. GimWE, The Epochs of International Law, W. I3erlin!New York, 2000, pp. 358 à 360.

(30) Le droit. des ge?~$ ou. pri:ncipes de la. /ni nal:urelle (1758), Préface (édition de Paris/

Lyon, Rey et. Gravier/A. Blanche, 1820, t. 1, pp. 29 et 30 : « Cette idée ne me satisfait point., et. je ne trouve la fiction d'une pareille république ni bien juste, ni assez solide pour en déduire les règles d'un droit des gens universel et nécessairement admis entre les États souverains. ») Sur cet. aban- don de la civit.as ma:rirna, cf. E. JouANNET, Enter de Vattel el. l'émemence doctrinale du dToil intenwtional classique, Paris, 1998, pp. 96 et. s. ; J. J. MANZ, Erner de Vat.tel, Versu.ch einer Würdigung, Zurich, 1971, pp. 125 et s., p. 181 ; F. MANcuso, Diritto, Sta.to, Sovranità -Il pensiero politico-,qiuridico di EmeT de Vattel tm assolulism.o e Tivolnzione, Naples, 2002, pp. 255 et s.

(:31) Il Principe (151:3), chap. XV. Voy. aussi l'étude de J. I3uHNHAM, Les Machia.véliens, Paris, 1949.

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70 Droit international et organisations internationales

ses ouvrages (32). L'affaiblissement de l'idée de communauté se perçoit tangiblement dans la disparition des anciennes doctrines de la guerre juste, interdisant le recours à la guerre sauf pour redresser un tort subi. La souveraineté des États a érigé à leur place un droit illimité et incontrôlable de faire la guerre (8;3). Les causes justifiant le recours à la guerre deviennent progressivement exclusivement politiques. À son apogée, au

xrxc

siècle, l'Btat a un intérêt manifeste à justifier sa guerre pour s'assurer du concours indispensable de sa population dans un monde où règne l'État-nation. Analytiquement, ces causes de guerre se résument dans le vocable des intérêts vitaux des États. Mais com- ment admettre alors une conununauté internationale, si l'on concède à tout membre du corps social un droit de se faire justice soi-même pour les causes les plus diverses dans lesquelles se manifestent ses intérêts propres ? Le monopole de la force est la première condition du progrès social (;34), d'une société ordonnée au droit et d'un sentiment efficace de communauté. L'émergence de l'État moderne ne s'explique au fond que par cette obsession de mettre un terme à l'insécurité endémique.

Il s'agissait d'exproprier le droit de chaque seigneur d'utiliser la force, qui avait semé tant d'anarchie tout au long du Moyen Âge. Par les évo- lutions susmentionnées, l'idée de communauté se rétracte autour des États uti singuli, c'est-à-dire de la communauté nationale. Elle s'efface sur le plan international. La communauté réelle, c'est l'État, la pol'is ; la communauté cosmopolite se perd dans les sables mouvants de la pensée de quelques philosophes, dont Kant fut l'un des plus grands. Les progrès du positivisme s'inscrivent dans cette trame de dissolution des univer- saux. Par son empirisme, sa concentration sur les phénomènes causals et observables, par sa déférence au pouvoir, le positivisme répondait bien à ces orientations nouvelles. Ainsi, ce n'est pas surprenant qu'il l'ait

(32) Notanunent dans son De Cive (1642). Voy. aussi Léviathan (1651), chap. XIII, sur l'ab- sence de confiance réciproque entre les hommes et entre F;t,ats ("homo horni?-â lupus ••).

(33) Cf. N. PoLITIS, Les nouvelles tendances d-u droit international, Paris, 1927, pp. lOO et 101 : «La souveraineté a tué la théorie du justurn bellwn. La prétention des États de n'avoir à rendre aucun compte de leurs actes les a portés à revendiquer le droit de faire de leur force l'usage que bon leur semblait. »

(34) « Nous touchons ici au cœur même du problème international. Devant cette question [le maintien de ln paix], tout rc•culc au second plan, parce que, en définitive, tout est conditionne' par elle. La guerre n'est pas seulement une monstrueuse aberration. Elle est l'obstacle qui rend impos- sible toute organisation solide de la communauté internationale. Quand elle éclate, l'armature du droit se déchire ; quand elle prend fin, les souvenirs et les appréh(~nsions qu'(•llc laisse continuent.

d'empoisonner l'atmosphère. Aucun résultat décisif ne peut être acquis aussi longtemps que le monde reste ployé sous sa menace. Toute l'histoire de l'humanité l'atteste : guerres privées, guerres civiles, guerres internationales, peu importe ; le refoulement de la guerre est la condition sine qua non du progrès social." Cf. M. BOUilQliiN, <<Règles générales du droit de la paix», R.C.A.D.l., vol. 35-1, HJ31, pp. !Tl et 174.

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emporté peu à peu sur les doctrines jusnaturalistes, orientées encore vers la raison commune et donc vers l'universel.

e) Le XDC siècle et le concert européen

Le XIXc siècle amène une nouvelle notion de « communauté inter- nationale », fort éloignée de celle de l'École de Salamanque. L'aboutis- sement de la phase d'atomisme et d'individualisme, inaugurée par les traités de Westphalie, amenait une réaction dialectique, des affaires communes pressantes exigeant une coordination et une direction de la politique internationale. La communauté du droit public européen est alors accaparée par un concert de puissances, prétendant parler et agir au nom de tous les États en promouvant les intérêts de paix de l'Europe (35). Ces puissances autoproclamées (Angleterre, France, Prusse, Autriche-Hongrie, Russie et, plus tard, Italie) formèrent un club s'arrogeant des pouvoirs de législation et d'action dans les affaires inter- nationales. Leurs délibérations arrêtées dans des textes étaient censées avoir force de loi par une partie non négligeable de la doctrine (36). Les affaires internationales d'importance vécurent au rythme des Congrès.

Certains d'entre eux donnèrent lieu à de véritables règlements inter- nationaux de grande portée, notamment le Congrès de Berlin de 1878.

Comment pouvait-on être admis à ce club des relations internationales si l'on était un État non européen ? L'admission était opérée par une dé- cision octroyée par les Puissances. Le nouvel arrivant était ainsi admis aux avantages du « droit public de l'Europe » (le droit international de l'époque). De cette manière, par le traité de Paris de 1856 (art. 7), il est déclaré que la Sublime Porte (Turquie) est admise à participer aux avantages du droit public et du concert européen. Seront ainsi égale- ment admis comme membres de cette « communauté internationale »

-club des puissances-, le Japon et le Siam (1894/5), la Perse (1896) et d'autres encore.

f) Le XX' siècle et le retour de la Communauté internationale œcuménique Le cataclysme de la Première Guerre mondiale a bouleversé les es- prits engoncés dans leur tranquille assurance. L'anarchie de la société internationale et le droit généralisé de faire la guerre ont cessé d'être les seules réalités politiques agissantes dans le monde, comme le voulait

(35) Voy. K. WOLFIŒ, Grea/. and Small Powers in Intenwtional Law .from 1814 to 1920, Wroclaw, 1961.

(:36) Voy., p. ex., .J. C. BLUNTSCHLI, Le droit intemational codifiA, Paris, 1870, p. 101, article 11 O.

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72 Droit international et organisations internationales

cet hégélianisrne si influent en Allemagne et en Italie, États ayant ob- tenu leur unité nationale très tard. Une réaction se dessine, le vent tourne. Les peuples demandent un changement profond ; ils se ruent derrière le président Wilson, accueilli en Europe comme un nouveau messie de paix. Si l'on veut éviter le retour à des catastrophes telle celle qu'on venait de vivre, les États devaient être disciplinés et respecter un droit commun. Pour que celui-ci les contraigne, il devait leur être supé- rieur et représenter un corps de règles objectif, et non simplement une collection d'actes juridiques subjectifs, comme le voulait le positivisme.

De plus, il fallait organiser une forme de sanction contre les violateurs du droit. On s'orienta donc vers l'idée d'une communauté internationale ou d'une solidarité nécessaire entre les États. Celle-ci était fondée sur l'existence d'un droit objectif commun (37) et devait être sanctionnée par ries institutions internationales dont la figure de proue était laSo- ciété des Nations. L'article 11 du Pacte de la Société reflète d'ailleurs à merveille cette nouvelle philosophie : la guerre y est stigmatisée comme un mal social affectant tous les membres de la Société, même si elle a lieu entre des États n'étant pas membres de l'Organisation. Il serait difficile de trouver une formule plus révolutionnaire pour l'époque, une solution tournant davantage le dos à la doctrine la plus solidement an- crée du

xrxc

siècle, à savoir le droit souverain de tout État de faire la guerre ou de rester neutre. La communauté internationale de ce début du

xxc

siècle se ramène ainsi essentiellement à l'affirmation de l'exis- tence d'un lien commun entre les États. Celui-ci est représenté par un droit international auquel ils sont également soumis et qu'ils doivent également respecter.

(37) D'où la notion si typiquement évoquée à l'époque, celle de « Constitution internationale "·

C'est tout naturellement vers l'idée d'une Constitution, telle qu'elle était connue en droit interne, que les esprits se tournèrent dans la recherche d'un pôle objectif dont procéderait le droit inter- national. Postuler une constitution revenait à asseoir le droit international sur une base objective susceptible de mieux concilier, comme en droit interne, pouvoir et droit. Car la Constitution n'est autre chose que l'organisation des pouvoirs et compétences sociales essentielles. Il ne s'agissait

()(~sonnais plus de juridiiicr alin d'('viter le vide juridique, mais d'objcctiviscr les fonctions ct disci- plines sociales essentielles pour éviter l'archipélisation elu droit promue par le positivisme. D'expé- dient pratique laissant de larges lacunes, le droit international elevait devenir un système fondé sur l'ordonnancement des compétences. C'est des Écoles allemande et italienne, les deux États où le positivisme avait le plus prévalu, qu'est partie cette réorientation de la pensée. L'École allemande, de facture normative, a lié la Constitution, outre qu'à l'idée de répartition des compétences, à des considérations matérielles susceptibles de traduire des exigences de justice et de bien commun propres à la société internationale (A. VE!lDHOSS, Die Ve'(jà.ssnng der Volkerrechtsgernei?lschqjl, Vienne/Berlin, 1926). UÉcole italienne, de facture sociologique, a cherché à fonder la Constitution clans les institutions sociales, le droit n'étant que l'expression d'une réalité sociale sous l'aspect d'ordre qui lui est inhérent. Le droit international prend dès lors corps clans les structures propres à cette réalité sociale qu'est la société des États (S. HOMANO, L'ordina:mento ,qiuridico, Pise, 1917).

Dans les deux cas, le droit. international se présente comme système basé sur un fait objectif. Voy.

en général R KoLB, Réflexions da philosophie du droit international, Bruxelles, 2008, pp. 19 et s.

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