A NNALES DE L ’I. H. P., SECTION A
J. B ASS
Moyennes et mesures en mécanique quantique et en mécanique classique
Annales de l’I. H. P., section A, tome 33, n
o3 (1980), p. 301-317
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301
Moyennes et
mesures enmécanique quantique
et
enmécanique classique
J. BASS
Université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI)
4 Inst. Henri Poincaré, ’
Vol. XXXIII, n° 3, 1980,
Section A :
Physique théorique.
RÉSUMÉ. En
mécanique quantique,
à un instantfixé,
la théorie desopérateurs
conduit à attribuer àchaque grandeur physique
X une loi deprobabilité.
Mais elle ne permet d’associer aucouple (X, Y)
une loi deprobabilité
que si lesopérateurs correspondants
commutent. Comme à toutopérateur
on peut associer desopérateurs qui
ne commutent pas aveclui,
il est doncimpossible
dereprésenter
l’ensemble desgrandeurs phy- siques
par lesprocédés
usuels du calcul desprobabilités
c’est-à-dire par des fonctions aléatoires stationnaires du temps.L’objet
de cet article estde montrer que, si l’on
représente
X et Y par des fonctions non aléatoires dont le caractère oscillant permette le calcul de moyennestemporelles
(opérateur lim 1 T r (. )dt),
on peut construire descouples
de fonc-tions
X,
Yqui
aient despropriétés comparables
à celles descouples d’opé-
rateurs : à X et à Y on peut associer des mesures ayant le caractère de lois de
probabilité,
mais cela n’est paspossible
pour lecouple (X, Y).
Lesfonctions
qui remplissent
ces conditions sont les fonctionspseudo-aléa- toires, qui
constituent une classe de fonctions stationnairescomplémentaire
de celle des fonctions
presque-périodiques.
Lesprocédés employés
pour les construire passent par l’intermédiaire de suitesarithmétiques équi- réparties
sur l’intervalle[0, 1 ], qui jouent
un rôlecomparable
à celui desvariables aléatoires
équiréparties
sur[0, 1 ].
Leurspropriétés
résultent des théorèmesergodiques
de H.Weyl (1916)
et ont des rapports étroits avec celles des nombres irrationnels.SUMMARY. - In
quantum mechanics,
for a system at a fixedtime,
thetheory
of operators associâtes to everyphysical quantity
X aprobability
Annales de l’Institut Henri Poincaré-Section A-Vol. XXXML 0020-2339/1980 301,$ 5,00/
(0 Gauthier-Villars
law. But it is not
possible
to associate aprobability
law to apair (X, Y)
of operators, when
they
do not commute. Therefore it is notpossible
torepresent the
physical quantities by
the usual methods ofprobability theory.
The aim of this paper is to showthat,
ifX,
Y arerepresented by
non random functions which are
oscillating
in such a way thatthey
generatetemporal
averages operator lim - their existpairs
of func-tions
X,
Y which haveproperties
similar topairs
of operators. To X andto Y it is
possible
to associate two measuresanalogous
toprobability
measures, but that is not
possible
for thepair (X, Y).
The functionssatisfying
to such conditions are the
pseudo-random function,
a class ofstationary
functions which is
complementary
of the class ofalinost-periodic
functions.The construction of thèse functions makes use of
uniformly
distributed séquences of realnumbers,
which constitute a simulation of random variablesuniformly
distributed over[0, 1 ].
Theirproperties
are conse-quences of the
ergodic
theorems of H.Weyl (1916)
and are related to theproperties
of irrational numbers.LA NOTION DE MOYENNE
Dans les
applications
desmathématiques,
onemploie
le mot « moyenne » pourdésigner
desopérations qui,
en apparence, n’ontguère
de rapportsentre elles. Sans
rappeler
les cas lesplus
élémentaires(moyenne
arithmé-tique, géométrique, ... ), je
vais confronter trois types de moyennesqui
sont d’un usage courant.
1. MOYENNE TEMPORELLE. 2014 Soit une fonction à valeurs réelles ou
complexes,
définie pour tout t(ou,
si l’onpréfère,
pour t > 0. On peut alors la supposer nulle pour t0).
Onappelle
moyennede f l’expression
Bien
entendu,
il peut arriver que la limite n’existe pas. Il est facile de donner desexemples
de fonctions ayant des moyennes, et aussi de fonctionsn’ayant
pas de moyenne. sin t a une
moyenne. ei log|t|
n’a pas demoyenne,
carexpression qui
ne tend vers aucune limitequand
T ~ oo .2. MOYENNE STOCHASTIQUE
(OU
ESPÉRANCEMATHÉMATIQUE). 2014 Sur
unensemble
Q,
on définit une tribu et une mesure deprobabilité
m. SoitAnnales de l’Institut Henri Poincaré-Section A
MOYENNES ET MESURES EN MÉCANIQUE QUANTIQUE ET EN MÉCANIQUE CLASSIQUE 303 une fonction mesurable sur la tribu
(variable aléatoire).
Sa moyenne estl’intégrale
deLebesgue
Si X est à valeurs
réelles,
on peut aussi introduire sa fonction deréparti-
tion
F(x)
==~ {0153 ; X(0153) x}.
On sait que EX sereprésente
alors parl’intégrale
deStieltjes
3. MOYENNE QUANTIQUE. ~ En
mécanique quantique,
on seplace
dans un espace de Hilbert
H,
muni duproduit scalaire (, ) .
On choisitun
élément 03C8
de norme 1. La moyenne del’opérateur
linéaire A dansl’état 03C8
est leproduit
scalaireJe me propose de
rappeler
enquoi
ces trois « moyennes » sont effective-ment
dignes
d’êtreappeler
moyennes, de montrer enquoi
elles sont cepen- dantdifférentes,
et desuggérer
certainesanalogies
entre les moyennestemporelles
et les moyennesquantiques, qui
ne seprolongent
pas aux moyennesstochastiques.
ÉQUIVALENCE
DES TROIS MOYENNESPartons de l’idée que, si ~p est une fonction à valeurs
complexes
ayantun domaine de définition
convenable,
J’admets ici que a pu être défini. Si en
particulier f
et X sont àvaleurs réelles et si A est hermitien
(auto-adjoint),
on définit(~,
est unparamètre réel).
Vol. XXXIII, n° 3-1980.
Si X est
m-mesurable,
existe. C’est une fonction deÀ, appelée fonction caractéristique
de la variable aléatoire X.L’existence de
exige
des conditionsbeaucoup plus
difficiles à énoncer. Elle n’est passpontanée.
Celle de est assurée si
l’opérateur
A est borné. S’il ne l’est pas, lesymbole
peut être considéré comme une donnéeplus
satisfaisante que A. Il définit un grouped’opérateurs
unitaires, dont A est, sous réserved’existence, l’opérateur infinitésimal,
et dont la moyenne existe.1/unification de la notion de moyenne résulte de la
propriété suivante, qui
se démontre assez facilement : chacune des trois moyennes ci-dessusest la transformée de Fourier d’une mesure de
probabilité m (1).
Cettemesure
apparaît explicitement
pour cequi
confère à la moyennestochastique
un rôleparticulier,
un caractère deréférence,
dont il ne fautpas abuser.
Dans le cas de la moyenne
temporelle,
la mesure ms’appelle
mesureasymptotique
de la fonctionf
C’est une mesure sur [R. En voici unexemple :
La fonction
caractéristique
de sin t est la fonction de BesselJo(~).
Onsait que
1 1 La mesure m a une densité
(non bornée) égale
à -2014,
.PROPRIÉTÉS PARTICULIÈRES
A CHACUNE DES TROIS MOYENNES
La fonction
~p(x)
== nous a servi à établir unepropriété
essentiellecommune aux trois moyennes. Elle va aussi nous permettre de mieux les
distinguer.
Mais une autre fonction vaparticiper
à cette recherche. C’est la fonctionrp(x)
== x2.Si X et Y sont des fonctions mesurables et de carré
intégrable,
on saitque X + Y est de carré
intégrable
et que XY estintégrable.
On a(1) Cela résulte du fait que ces trois « fonctions caractéristiques » sont des fonctions de type positif continues.
" "
S o S " o
"
o o" o o
Annales de ’ l’Institut Henri Poincoré-Section A
MOYENNES ET MESURES EN MÉCANIQUE QUANTIQUE ET EN MÉCANIQUE CLASSIQUE 305 Les fonctions de carré
intégrable
constituent un espace vectoriel.Si au contraire
f
et g sontdes f ’onctions moyennables
et dont les carrésont des moyennes
temporelles, il
n’en résulte pasque |f + g 12
admettenécessairement une moyenne, ou encore que
fg
admette une moyenne,car
l’opérateur lim 2T
_Tse comporte d’une
façon
très différente del’opérateur foo j-co
ou limr
Exempte. 2014 /(~)
==1, g(t)
= Les deux fonctions,f
et g ont une moyennequadratique égale
à 1.Mais f
+ g12
n’a pas de moyenne, carf g =
n’en a pas.Donc les
fonctions
admettant un carré moyen ne constituent pas un espace vectoriel.Si A et B sont des
opérateurs bornés, A2, B2, (A
+B)2
ont des moyennes dans tout état S’ils ne sont pasbornés,
leproblème dépend
de leurdomaine de
définition,
mais ce n’est pas dans cette direction que la discus- sion mérite d’êtrepoursuivie.
Il estplus
intéressant de comparer la struc- ture des mesures associées aux différents types de moyennes.Si X et Y sont deux fonctions mesurables
(variables aléatoires),
existe. C’est la fonction
caractéristique
ducouple (X, Y).
Supposons
par contre que les deux fonctionsf
et g aient chacune une mesureasymptotique. Il
n’en résulte pas nécessairement que~,f
+ ,ug aitune mesure
asymptotique.
Comme il est souvent difficile de manier lesmesures
asymptotiques,
on peut montrer lapropriété
ci-dessus par le raisonnement suivant.Supposons
quef
et g soientréelles,
bornées et que~, f
+ ,ug ait unemesure
asymptotique.
AlorsLa série étant uniformément convergente pour t
e [R,
on peutprendre
la moyenne de deux membres. En
particulier, f 2, g2, fg
ont des moyennes.Si donc
fg
n’a pas de moyenne, lecouple f,
g ne peut avoir de mesureasymptotique.
Suivant une définition
déjà ancienne,
on dit que,f’
et g sontcomparables
si
(ou
dans le cascomplexe)
existe. Je modifierai cette défini- tion en disant quef
et g sontcomparables
si existe(pour
tousnombres réels
~,, ,u).
Il existe donc des fonctions noncomparables.
Des
exemples
seront donnésplus
loin de fonctions ayant une mesureasymptotique
individuelle et dont lecouple
n’admet pas de mesure asymp-totique.
En ce
qui
concerne les moyennesd’opérateurs,
des difficultésanalogues
se
présentent,
mais sous une forme différente. Soient A et B deuxopéra-
Vol. XXXIII, n" 3-1980.
teurs hermitiens.
Supposons-les
bornés pour éviter toutecomplication.
Achacun des
opérateurs
A et B est associée dansl’état 03C8
une mesure, définie par sa fonctioncaractéristique, qui
a pourexpression
Au
couple (A, B),
il estlogique
d’associer leproduit
scalairequi
existequels
que soient les nombres réels ~, et ,u.Si A et B commutent,
03C6(03BB, ,u)
est la transformée de Fourier d’une mesurede
probabilité représentée
par sa fonction derépartition F(x, y) :
(intégrale
étendue auplan des x, y).
F est une fonction
positive
telle quef dF(x, y) = 1,
pourvue en outre
de
propriétés
decroissance, qui
en font bien lareprésentation
d’une mesurepositive.
Ce résultatprovient simplement
du fait quece
qui
entraîne que est de typepositif.
On peut dire aussi que l’en- semble desopérateurs
constitue un groupe unitaire à deux para- mètres.Si par contre A et B ne commutent pas, la factorisation de n’est
plus possible,
et il est bien connu que, sauf peut être pour certainsétats 03C8 particuliers,
latrans, f ’ormée
de Fourier de n’est pas une mesurepositive.
Dans certains cas, parexemple
celui del’opérateur position
etde
l’opérateur impulsion
etlorsque l’espace
de Hilbert H est un espace L2(ces opérateurs
ne sont pas desopérateurs bornés,
mais celaimporte peu),
on sait construire la transformée de Fourier de
~, ~c).
La fonction Fest absolument continue. On peut poser dF ==
fdxdy. f
est lapseudo-
densité de
probabilité
deWigner.
On saitqu’elle
peutprendre
des valeursnégatives.
Cette circonstance a fortement influencé le
développement
de la méca-nique quantique.
Elles’interprète
dans cequ’on appelle
la « théorie de lamesure » au sens
physique, qu’il
ne faut pas confondre avec la « théorie de la mesure » des mathématiciens. Pour des raisonsdiverses,
l’habitudeest de traduire toute notion de moyenne dans le
langage
desprobabilités,
sous forme d’une moyenne
stochastique,
ouespérance mathématique.
Lafonction
caractéristique ~p(î~~, ,u)
est une moyenne, àlaquelle,
si A et B necommutent pas, il est donc
impossible
d’attacher une loi deprobabilité.
On considère comme naturel que
chaque grandeur physique
soit indivi-duellement pourvue d’une loi de
probabilité. Que
cela ne soitplus
vraipour le
couple
est assezdéconcertant,
et a étéinterprété
de diversesfaçons,
Annales de l’Institut Henri Poincaré-Section A
MOYENNES ET MESURES EN MÉCANIQUE QUANTIQUE ET EN MÉCANIQUE CLASSIQUE 307
faisant intervenir des concepts
physiques, mathématiques
oulogiques originaux.
Je ne pense pas que la combinaison linéaire
d’opérateurs
~,A +~B joue
un rôle essentiel. Le résultat pourra être retenu sous la forme suivante : Si A et B ne commutentpas, il
n’est paspossible
d’associer aucouple (A, B)
une loi de
probabilité (valable
dans tout état03C8).
Cette loi de
probabilité
nous est apparue comme transformée de Fourier d’unequantité qui
avait le caractère d’une moyenne. Or nous avonssignalé
que, si l’on se réfère non
plus
aux moyennesstochastiques,
mais auxmoyennes
temporelles,
une circonstanceanalogue
à cellequi
estsoulignée
ci-dessus peut se
produire
d’unefaçon
tout à fait naturelle.Il existe des
fonctions f (t), g(t)
ayant individuellement des mesures asymp-totiques, et
tellesque le couple ( f, g)
n’ait pas de mesureasymptotique.
Expérimentalement,
voici ce que celasignifie : soit tT
lalongueur
totaledes intervalles de l’axe des t tels que 0 t
T,
x.1
Lorsque
T -~ tend vers unelimite, qu’on
peutappeler
la fonc-tion de
répartition de f
De même pour g.Portons maintenant
/(f)
enabscisses, g(t)
en ordonnées. Lepoint ( f (t), g(~))
décrit unetrajectoire compliquée, qu’on
peut matérialiser surl’écran d’un
oscillographe.
On sait définir 2014 et mesurer lafréquence
de l’ensemble des t T pour
lesquels
latrajectoire
traverse unrectangle
donné arbitraire. Il existe des cas,
qui
n’ont riend’anormal,
pourlesquels,
Vol. XXXIII, n° 3-1980.
lorsque
T -~ oo, cettefréquence
ne se stabilise pas et,mathématiquement parlant,
ne tend pas vers une limite.Je me propose de donner des
exemples
de cettesituation, puis
d’enébaucher une
interprétation.
FONCTIONS STATIONNAIRES
Suivant la définition
primitive,
unefonction
stationnaire est une fonc- tionf(t)
à valeurscomplexes
telle que lafonction de
corrélationexiste
quel
que soit T et soit une fonction continue de T. Enparticulier M f (t) ~ 2
existe.Vis-à-vis des moyennes
temporelles,
les fonctionsstationnaires jouent
le même rôle que les fonctions aléatoires stationnaires relativement aux
moyennes
stochastiques.
Elles en diffèrentcependant
surquelques points.
a)
SiE 1 X 12 existe,
EXexiste, et
Si par contre
existe,
il n’en résulte pas nécessairement queM~’
existe.
b)
SiE X 2
etexistent, E
X +y 12
existe.Si par contre et
M 1 g 12 existent,
il n’en résulte pas nécessaire-ment que +
g 12
existe.La fonction de
corrélation,
essentielle dans bien desproblèmes,
nejoue
dans cequi
suit aucunrôle,
sauf de servir à faire la classification des fonctions stationnaires. Par contre, nouscompléterons
la définition de la stationnarité enexigeant
que sif
estréelle,
la fonctionf
ait une mesureasymptotique,
c’est-à-dire que existe pour tout ~, réel.Il existe deux classes
principales
de fonctions stationnaires.10 LES FONCTIONS
PRESQUE-PÉRIODIQUES, qui
sont limites pour la conver- gence uniforme sur [R de suites depolynômes trigonométriques. L’exemple
le
plus simple
en est celui des sériestrigonométriques
absolument conver-gentes
Il
s’agit
là des fonctionspresque-périodiques
continues. On peut modifier la définition pour yenglober
des fonctions non continues.Une fonction
presque-périodique f
a une moyenne, et une fonction decorrélation, qui
est aussipresque-périodique.
Or la fonction estaussi
presque-périodique,
donc elle a une moyenne,qui
n’est autre que laAnnales de l’Institut Henri Poincaré-Section A
MOYENNES ET MESURES EN MÉCANIQUE QUANTIQUE ET EN MÉCANIQUE CLASSIQUE 309
fonction
caractéristique
de/
Donc une fonctionpresque-périodique
aune mesure
asymptotique.
2° LES FONCTIONS PSEUDO-ALÉATOIRES. Ce sont les fonctions
f
tellesque
Elles ont une moyenne
qui
est nulle.Sans entrer dans les
détails,
on peut dire que ces deux sortes de fonc- tions stationnaires sont associées à ladécomposition spectrale
dey(~).
y(-r)
est la transformée de Fourier d’une mesure sur IRappelée
mesurespectrale,
dont la composante absolument continuecorrespond
à la fonc-tion
pseudo-aléatoire
et la composante discontinue(atomique)
à la fonc-tion
presque-périodique.
Nous allons
rappeler
comment on peut construire des fonctionspseudo- aléatoires,
et montrer que certaines fonctionspseudo-aléatoires
n’ont pas de mesureasymptotique.
FONCTIONS
PSEUDO-ALÉATOIRES
Les modèles de fonctions
pseudo-aléatoires
que l’on sait construire serattachent à la notion de suite
équirépartie
dans l’intervalle[0,1 ].
Soit ~une suite de nombres réels
compris
entre 0 et 1. Soit 1 un intervalle arbi- traire contenu dans[0, 1 ].
Soit n le nombre depoints
..., XN de la suitequi appartiennent
à I.Si, lorsque
N ~ oo, lerapport -
N a unelimite,
égale
à lalongueur
de I, on dit que la suite xn estéquirépartie
dans[0, 1 ].
La définition s’étend au cas d’une suite de
points équirépartie
dans lecube
[0, 1 F
de ~.Une suite
numérique xn
estp-équirépartie
si la suite depoints
est
équirépartie
dans le cube de f~p.Les théorèmes de H.
Weyl donnent,
sous deuxformes,
une conditionnécessaire et suffisante pour
qu’une
suite xn soitéquirépartie.
1 ° THÉORÈME ERGODIQUE.
Quelle
que soit lafonction f, intégrable
au sens de Riemann sur
[0, 1 ],
Vol. XXXIII, n° 3-1980.
2° FORME SPÉCIALE DU THÉORÈME PRÉCÉDENT.
Quel
que soit l’entier /non
nul,
Enfin,
si la suite estéquirépartie quel
que soit l’entier nonnul,
la suite xn estéquirépartie.
On démontre alors que, si xn est une suite
2-équirépartie,
et siF(x)
estune ,
f
’onction telle queF(x)dx
=0,
tafonction f dé, f
nie parest
pseudo-aléatoire.
C’est une fonction discontinue en escalier. On peut en déduire des fonctions
pseudo-aléatoires continues,
en en faisant la convolution par des fonctionsintégrables
sur [R.Ces résultats sont utilisables parce
qu’on
sait construire des suiteséqui- réparties. D’après
un théorème de H.Weyl,
siP(x)
est unpolynôme de degré
p âcoefficients réels,
dont lecoefficient de xp
est un nombreirrationnel, la suite xn
=P(n)
estp-équirépartie
modulo 1. Celasignifie
que la suite desparties
décimalesP( n) == [P(n) - partie
entière de] est p-équirépartie.
COMPARABILITÉ
DES SUITESÉQUIRÉPARTIES
Nous allons mettre en évidence sur un
exemple
certainesanalogies
destructure
qui
existent entre les fonctionsstationnaires,
les suites et lesopérateurs.
La notation A 2014 B
désignera
deuxopérateurs qui
commutent.La notation
f
2014 ~désignera
deux fonctionscomparables.
Dans les deux cas, cela entraîne l’existence d’une mesure pour le
couple.
Soient
A, B, C,
D quatreopérateurs
ayant entre eux les relationsqui
corres-pondent
au schéma suivantIls forment 6
couples,
dont 4 commutent. C’est le cas des deuxopérateurs
d
..
d,. 1.
(h
a ha)
. 1 dde position x, y et
d’impulsion (h i
2014, - - pour uneparticule
a deuxBÏ C~C f
0~/
dimensions.
Annales de l’Institut Henri Poincaré-Section A
MOYENNES ET MESURES EN MÉCANIQUE QUANTIQUE ET EN MÉCANIQUE CLASSIQUE 311
Nous voulons construire des
fonctions f,
g, p, q de telles que leur schéma decomparabilité
soitNous allons montrer que cela est
possible,
en utilisant un modèlequi
seprêtera
à desgénéralisations
évidentes. Notons z lapartie
fractionnaire du nombre réel z, différence entre z et sapartie
entière. Considérons lesquatre suites n
où oc,
~3, y, ~
sont quatre nombres irrationnels.~2
peut aussi s’écrirean2,
modulo 1On dit que des nombres irrationnels am sont
indépendants
s’ils ne sontliés par aucune relation linéaire à coefficients entiers non tous nuls : la relation
03A3lm03B1m
== 0(lm entier) implique
que tousles lm
sont nuls.Supposons
d’abord que aet 03B2
soientindépendants.
On sait que la suiteYn)
estéquirépartie.
Elle a une mesureasymptotique.
Eneffet, d’après
le théorème de H.
Weyl,
On peut même dire que
l’indépendance arithmétique
de aet 03B2
entraînel’indépendance
des suites xn, yn au sensprobabiliste.
De
même,
si a et y sontindépendants,
la suiteun)
estéquirépartie.
Pour le
voir,
il suffit de démontrer que la suiteest
équirépartie
pour toutcouple
d’entiers non simultanément nuls.Il
s’agit
donc de la suiteElle est
équirépartie
si la suiteest
équirépartie
modulo 1 pour tout entier p non nul. Cela se ramène àVol. XXXIII, n° 3-1980.
Comme l103B1
+t2y
n’est pas nul parhypothèse,
etlog ( 1 + p
tend vers0,
la
propriété
est vérifiée. B nOn démontre de même que la suite
(un, vn)
estéquirépartie.
Supposons
maintenant que troisquelconques
des quatre irrationnels et,{3, y, 5
soientindépendants.
Alors les trois suitescorrespondantes
sontéquiréparties
à 3 dimensions etindépendantes
au sensprobabiliste.
Nousfaisons
l’hypothèse
suivante : les irrationnels et,{3, y, 5
ne sont pasindépen-
dants. Mais les quatre
triplets (et, {3, y), (et, {3, (5), (fx,
y,~ ({3,
y,~)
sont indé-pendants.
Exemple :
Essayons
de former la mesureasymptotique
duquadruplet
yn, un,~).
Elle se
représente
par sa fonctioncaractéristique
Nous voulons montrer
qu’il
existe des pourlesquels
cette moyenne n’existe pas. Choisissons
l3, 14
sont des entiers. ~pprend
la valeurMe2i03C0[l103B1n2
+ l203B2n2 + l3(03B3n2 + log n) + l4(03B4n2 + log n)] - + l203B2 + I3y + l403B4)n2 + (13 + 14) logn].
Par
hypothèse,
il existe des entiersIb t2, l3, 14
tels que +t2~
+t3y
+t4~
= O.Supposons
en outre que, pour cechoix, l3 + 14
ne soit pas nul. C’est lecas dans
l’exemple
ci-dessus. Alors cp se réduit àOr on vérifie que cette limite n’existe pas. Pour le
voir,
il suffit d’écrireet de remarquer que le
premier
terme tend vers ,alors que le second n’a pas de limite.
0
1Il existe donc des
nombres ~ ~ ~ (~
pourlesquels
v,ç)
n’existepas. Si au contraire on ne met en
jeu
que trois des nombres a,{3,
y,5,
leurscombinaisons linéaires ne
sont jamais nulles,
et la fonctioncaractéristique
existe sans restriction.
Il faut maintenant construire quatre fonctions de t telles que 4 des
Annales de l’Institut Poincaré-Section A
MOYENNES ET MESURES EN MÉCANIQUE QUANTIQUE ET EN MÉCANIQUE CLASSIQUE 313 6
couples qu’elles
forment soientcomparables,
les deux autres ne l’étantpas, conformément au schéma
Donnons-nous quatre fonctions de deux variables
F, G, P, Q.
Formonsles suites
Les
couples (F, G), (G, P), (P, Q), (Q, F)
ne font intervenir que trois des suiteséquiréparties.
Ils ont donc des mesuresasymptotiques.
Parexemple
(intégrale
étendue au cube0 x 1, 0 y 1, 0 u 1 ).
Mais aux
couples (F, P)
et(G, Q), qui
contiennent les quatresuites,
iln’est pas
possible
d’associer de mesureasymptotique.
Onpourrait plus généralement
considérer lequadruplet F, G, P, Q. L’expression
n’a pas de limite
quand
N --+ oo. Elle ne peut donc s’identifier àl’intégrale
bien que cette
intégrale
soitparfaitement
définie.Considérons maintenant les quatre fonctions
,f’(t), g(t), qui,
pour n t n +
1,
ont pour valeursCes fonctions satisfont un schéma de
comparabilité.
Les
couples ( f, g), (g, p), ( p, q), (q, f )
ont des mesuresasymptotiques.
Les
couples ( f p)
et(g, q)
n’en ont pas. On peut en outre démontrer que lecouple ( f g),
parexemple,
peut être choisi de telle sorte que sa « loi deprobabilité »
coïncide avec une loi donnée à l’avance. Sa fonctioncaractéristique
est tout à fait
générale.
Elle s’identifie à celle d’uncouple
de variablesaléatoires
F(x, y), G( y, u),
fonctions de trois variables aléatoiresindépen- dantes x,
y, u,équiréparties
sur[0, 1 ].
Laprésence
de y à la fois dans F etG,
Vol. XXXlll, n" 3-1980.
introduit le
degré
dedépendance qui
permet de compenserl’indépendance de x, y,
u. Un schémaplus simple
aurait consisté àpartir
de quatre suites du typeF(xn), G( yn), P(un), Q(vn).
Chacun aurait fourni une mesure deprobabilité
valable. Mais lescouples
du type(F, G)
auraient étéindépen-
dants au sens
probabiliste,
cequi
estbeaucoup
trop restrictif. Le schémaproposé
semble donc celuiqui
est le mieuxadapté
auproblème posé.
Montrons
en, fin
une constante additiveprés,
tes quatrefonctions f,
g, p, q sont
pseudo-aléatoires.
Il faut pour cela calculer leur fonction de corrélation. Faisons lepour f
On sait que, si une fonction est constantesur les intervalles
]n, n
+ 1[,
sa fonction de corrélation varie linéairement danschaque
intervalle. Il suffit donc de la calculer pour des écarts L entiers.On cherche
Comme les suites xn, yn sont constituées à
partir
depolynômes an2, 03B2n2
du second
degré,
elles sont2-équiréparties,
et lequadruplet
yn,z )
est, pour ï 5~0, équiréparti
dans le cube de On peut doncappliquer
le théorème de H.
Weyl
et la fonction de corrélation estégale
àSi donc
l’intégrale ff est nulle,
= 0 pour 1: entier non
nul,
donc aussi pour 03C4 réel > 1. En outrey(i)
varie linéairement dey(0)
à 0quand!
varie de 0 à 1 et est nulle ensuite.Donc
f
estpseudo-aléatoire.
Si
f F(x, 0, cette intégrale
est la valeur moyenne de f
On
vérifie alors que
f -
fonction de moyennenulle,
estpseudo-aléatoire.
/
est la somme d’une constanteM f
et d’une fonctionpseudo-aléatoire.
Remarque.
peut choisir F et G de manière que la loi ducouple ( f, g)
soit donnée à l’avance. Mais il n’est pas
possible
de choisirF, G, P, Q
demanière que les lois des quatre
couples ( f, g), (g, p), ( p, q), (q, /)
soientdonnées. Il existe des conditions restrictives de
compatibilité. L’exemple qui
suit les met en évidence dans un cassimple.
Exemple.
Cherchons desfonctions f, g,
p, q telles que les 4couples (A, B), (B, P),
(P,Q)~ (Q, A)
obéissent à des loisnormales,
avec des écartsAnnales de l’Institut Henri Poincaré-Section A
315 MOYENNES ET MESURES EN MÉCANIQUE QUANTIQUE ET EN MÉCANIQUE CLASSIQUE
types
unité,
et des coefficients de corrélationrespectivement égaux
à rl, r2, r3, r4’ On veut queRemplaçons
d’abord les variableséquiréparties x, y,
a par des variablesindépendantes X, Y,
Uqui
soient normalement distribuées.On va chercher les constantes a,
b, a’,
b’ defaçon
que(X, Y,
U variant de - oo à +oo).
L’intégrale triple
vautd’où on déduit que On pose
En fonction de
X, Y,
U on a doncEn continuant de la même
façon,
on introduira deux autres nombres83, e4
tels que
Ces
équations
déterminent0i, 82, ~3, 84
en fonction de rb r2, r3, r4.Cepen- dant,
elles n’ont de solution que si rb r2, r3, r4 satisfont à certaines condi- tions. Sans écrire ces conditionsgénérales,
on voit leur nécessité par le raisonnement suivant. En éliminante2
etB4,
on obtientIl en résulte que, pour que
81
ete3 existent,
il faut que De mêmeDans
l’espace
à 4dimensions,
lepoint
r3, r4 se trouve nécessaire-ment dans l’intersection de quatre
cylindres
de révolution intérieurs aucube ~ 1"~ ~ 1.
Vol. XXXIII, n° 3-1980.
Pour obtenir enfin
y),
il faut passer des variables normalesX,
Yaux variables x, y uniformément distribuées sur
[0,
1]
en posantOn a donc
où
X(x), Y( y)
sont les fonctions inverses dex(X), y(Y).
CONCLUSION
Les suites
équiréparties
sur[0,
1jouent
un rôleanalogue
aux variablesaléatoires
équiréparties
sur[0, 1 ].
Elles permettent de construire des mesures,qui
peuvent s’identifier aux mesures deprobabilité.
Mais ellesont certaines
propriétés qui
lesdistinguent
des variables aléatoires(fonc-
tions
mesurables).
Deux suiteséquiréparties
peuvent ne pas être compa-rables,
de sorte que leurcouple
nepossède
pas de mesure à deux dimensions.Ces circonstances sont
conséquences
depropriétés
dedépendance
oud’indépendance
de nombres irrationnels.En construisant convenablement des fonctions de suites
équiréparties comparables
parcouples,
partriplets,
mais non parquadruplets,
on arriveà définir des fonctions d’une
variable t,
constantes par intervalles(fonctions
en
escalier),
éventuellementrégularisables
parconvolution,
dont lescouples
sont pourvus de mesures mais dont lesquadruplets (dans l’exemple schématique choisi)
ne peuvent donner naissance à une mesure(de proba- bilité).
La situationprésente
degrandes analogies
avec cellequ’on
rencontreen
mécanique quantique,
où lacomparabilité
des suites estremplacée
par la commutativité desopérateurs. Cependant,
enmécanique quantique,
uncouple d’opérateurs
non commutatifs peut donner naissance à une «pseudo-
loi de
probabilité
», définie par une «pseudo-densité
»qui,
au moins pour certains états n’est paspositive.
Lamoyenne existe,
mais n’est pas une fonctioncaractéristique.
Au
contraire, si f
et g sont deux fonctionspseudo-aléatoires
construitesavec des suites non
comparables,
la moyennen’a aucune limite
lorsque
T ~ oo.Les deux
problèmes (temporel
etquantique)
ont donc à la fois desanalogies
intéressantes et des différencesqui
semblent fondamentales.Annales de l’Institut Henri Poisicaré-Section A
317 MOYENNES ET MESURES EN MÉCANIQUE QUANTIQUE ET EN MÉCANIQUE CLASSIQUE
BIBLIOGRAPHIE
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