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Conférence sur l'éthique

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Conférence éthique, CHU de Grenoble.

Contribution de M. Buosi Steeve.

Professeur de philosophie et culture générale. Officier(r) du SSA, Centre de Recherches du Service de Santé des Armées Emile Pardé.

Préambule: je tiens à remercier Madame la directrice de l'école de puériculture pour m'avoir une nouvelle fois invité à ce colloque, invitation à laquelle je réponds toujours avec le même enthousiasme. Je me permets de remercier tout particulièrement Mme Labolle-Grenouiller pour les mêmes raisons ainsi que pour son réel souci d'améliorer la réflexion sur l' éthique et la réflexion éthique dans le domaine particulier qu'est celui de la puériculture. C' est dans ce même souci qu'il m'a été demandé de répondre dans un premier temps à trois questions que je me suis permis de résumer de la manière suivante: Quels liens peut-on faire entre philosophie et éthique ? Qu'est-ce qu'un bon choix ? Que peut la philosophie en pédiatrie ? Et dans second temps de présenter rapidement les thèses utilitaristes et kantienne. Enfin et ce n'est pas le plus simple de réfléchir à la notion de compassion instrumentalisée.

Partie 1

1 Philosophie et éthique.

La philosophie est littéralement amour de la sagesse, en grec sophia, ce qui signifie à la fois « science », « connaissance spéculative » et « éthique ». Ici le mot éthique est à prendre au sens de morale mais non comme l'ensemble des règles de conduite et de valeurs au sein d'une société ou d'un groupe mais bien plutôt comme art et pratique ayant pour but la vie bonne et heureuse. Si cela signifie que l' éthique en philosophie ne se confond pas avec la morale au sens ordinaire, cela veut surtout dire que la morale philosophique prend le sens de règles de conduite réfléchies par un sujet, règles auxquelles ce dernier décide d' adhérer par un libre décret rationnel. Peut-être que cette liberté du sujet est discutable toutefois l'acte de philosopher se veut être une forme d' indépendance à l' égard des règles classiques qui régissent nos pensées et nos comportements et qui, bien souvent, sont mécaniquement suivies par un sujet.

L 'éthique en philosophie devient ainsi une éthique philosophique c'est-à-dire une manière singulièrement indépendante (ce qui ne signifie pas libre absolument) d' appréhender l'action. Le philosophe est donc un moraliste dans le sens très précis qu'il réfléchit à l'action, au « comment agir » mais ce, par ses propres forces sans référence ou allégeance a priori à des normes morales, religieuses ou juridiques. Les non philosophes remettront très vite en cause cette prétendue indépendance en objectant que tout homme est le produit de sa culture et que son jugement ne peut jamais se détacher complètement de celle-ci donc que sa réflexion sur le comment agir, sur le bien agir ou encore l' agir bon est forcément liée à une pré conception culturelle du bien, du bon c'est-à-dire est attachée à des valeurs qui préexistent au philosophe. C'est ici confondre la philosophie avec une religion ou une science ... Le philosopher est une attitude intellectuelle qui s' entend à la fois comme critique (au sens d'analyse) et interrogation ; ainsi, si la philosophie n'est qu' interrogation elle ne présuppose pas une quelconque liberté ou indépendance, elle l' éprouve c' est-à-dire la met à l' épreuve en même temps qu'elle cherche et interroge tout objet. On ne s' étonnera donc pas que philosophie et éthique soient

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intrinsèquement liées ; philosopher c'est penser l' action et ses critères, normes etc. mais philosopher c'est aussi suivre une éthique dans cette recherche qui s' entend comme doute radicale (et bienveillant) de toute évidence : le philosophe fait donc avant toute autre chose preuve de scepticisme, du grec skeptomai qui signifie « j' examine » (avant de juger). La prétention du philosophe se ramène alors à celle du juriste, du religieux ou du scientifique : tous s' appuient (au moins pour un instant) sur la croyance dans les forces de la raison: « je peux juger car la raison est l' instrument qui permet ce jugement ... », elle est ratio, c'est-à-dire « calcul », « compte » mais se définit aussi comme « faculté de connaître, de juger et de déterminer sa conduite ». Le paradoxe est alors le suivant : puisque nous avons une raison, qu'elle permet de juger voire de bien juger, que nous avons des normes, des lois, des règles, des procédures que sais-je encore ? Comment pouvons nous encore nous poser des questions sur le comment agir ? Pour répondre simplement à ce problème disons nous vivons paradoxalement une crise de la raison et de ses raisons depuis le XIX ème siècle (les racines de cette crise datant au moins de la Renaissance). Nous ne pensons plus que celle-ci est infaillible, mieux nous doutons d'elle au point de multiplier à outrance les règles, lois et protocoles.

La raison en est sûrement ce que les philosophes appellent la sécularisation ou la subjectivisation ou encore la montée de l' individualisme entendu comme déplacement historique du centre de référence : de Dieu aux hommes. Pour le dire autrement, notre culture s'est décentrée et a choisi l'individu, l'utilité et le progrès comme références ultimes. Or loin de faire seulement le jeu du subjectivisme et du relativisme moral, cette propension à ne plus respecter de norme transcendante fait le lit de toutes les formes de manipulation dont peuvent être objet les hommes. Ainsi si le philosophe, à l' instar d'un Xénophane ou d'un Socrate, entend remettre encore aujourd'hui en cause en les soumettant à la question les règles communes de l' agir c'est que celles-ci peuvent (si elles ne le sont pas) devenir mécaniques, inhumaines et dévastatrices (le cas Eichmann en est l' illustration la plus révélatrice). La psychologie sociale encore peu connue du grand public en France se révèle ici un outil d' étude expérimental performant dans ce domaine ...

2 Le problème du bon choix

Comment dès lors bien choisir alors que plus rien ne me dit ce qu'il faut choisir ? Mieux, comment bien choisir alors que tout le monde se fait l' écho de ce qu'il faut choisir : les médias, les politiques ... et qu'il y autant de « bien choisir » que d' individus ... Cette inflation des avis, des normes provoque inévitablement une inflation corrélative des règlements et des lois qui tentent de clarifier, de réguler et de contrôler ... Judicieux à condition que le droit lui- même ne soit pas gangrené par la remise en cause générale des valeurs. Qui en effet peut encore croire aujourd'hui qu'une bonne loi permettra de régler les problèmes de bioéthiques par exemple ? Sûrement pas les comités d' éthique pour ne citer qu'eux qui, rappelons-le, donnent des « avis ». Tournons-nous dès lors vers la religion ... même constat aggravé par le fait que tout le monde ne partage pas la même croyance et que notre époque voit une forte montée des communautarismes ... Que reste-t-il dès lors pour éviter un subjectivisme inévitable ? Peut-être une intersubjectivité. Les éthiques appliquées ou non contemporaines insistent toutes sur cette dimension du dialogue, nous-même

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aujourd'hui participons de cette idée que la formulation dialogale de problèmes éthiques permet celle de nos idées et valeurs. La forme d' éthique dialogale contemporaine permet en effet (sous certaines conditions strictes) ne serait-ce qu'une mise à distance, un examen critique qui donneront naissance à une valeur partagée ... Sans entrer ni dans les modalités de l' éthique dialogale ni dans les nombreux problèmes que fait naître cette propension à l' éthique dialogale, il est à noter que le simple exposé des conflits éthiques est une première étape vers leur résolution et que dans tous les cas, l'examen philosophique de certains cas permet d' éclairer les décisions et les actions. Le risque est bien entendu celui de la seule analyse des pratiques (dont la forme la plus contestable est le de briefing) mais aussi celui de la casuistique au sens restreint, risques qui peuvent être évités à condition que les études de cas ne soient pas présentées et interprétées comme de simples expositions ou des exemples à suivre ni comme des règles et que les règles formelles du débat éthiques soient respectées. L' exposé de problèmes ou de conflits éthiques comme propédeutique prend tout son sens lorsqu'il permet de désigner des problèmes généraux, de baliser les raisons de ces deniers afin de prévenir les acteurs en but à ce type de situations ; une éthique de la prévention se fait ici jour mais elle ne saurait se suffire à elle-même sans son complément nécessaire, la réflexion personnelle et dialogale (sous certaines conditions encore une fois) à savoir la réflexion philosophique. L'autonomie de la pensée et le dialogue semblent ici plus qu' ailleurs la clé de voûte de toute démarche éthique comme préalable mais aussi comme moyen et résultat.

3 Philosophie et éthique dans le secteur pédiatrique

On aura sans doute compris tout l'intérêt d'une philosophie pratique (mais en existe-t-il réellement une autre ?) mais que peut-elle réellement dans un secteur aussi sensible que celui de la pédiatrie, branche de la médecine qui étudie le développement psycho-moteur et physiologique normal de l'enfant ainsi que toute pathologie qui y a trait ? Quelques remarques et questions rapides peuvent ici illustrer ces possibles apports.

L'histoire montre que la médecine n' échappe pas à des courants, des idéologies (psychanalytique par exemple) et dans tous les cas ne peut fonctionner qu' à partir de modèles théoriques ou « fictions utiles » permettant de mieux appréhender son objet qui, par essence, est ici en devenir. Les concepts de self ou de faux-selfs chez Winnicott par exemple se doivent d'être examinés à la lumière de la critique philosophique : Que disent-ils ? Quelle est leur efficience ? Quelle est leur valeur de vérité ? La philosophie se fait ici à la fois historienne des sciences et épistémologie c'est-à-dire étude critique des méthodes, des moyens et des théories scientifiques. Le but est à la fois culturel (maîtrise de son activité par sa connaissance approfondie) et réformateur (amélioration des procédés et théories).

Cet aspect culturel n'est sans doute pas inutile tout comme il ne semble pas absurde de se pencher sur la philosophie de l'éducation qui, depuis des siècles (de Platon à James et Dewey en passant par Rousseau, Locke, Kant ...), s'est occupée de l'enfant et ce, non pour des raisons purement livresques mais parce que notre conception de l'enfant, notre rapport à l'enfant est le fruit qu'on le veuille ou non de ces pensées et travaux. La philosophie se fait ici historienne des idées car le présent ne peut prendre tout son sens que lorsque

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le passé devient signifiant.

Autre question, autre apport : d'où provient ce souci si contemporain de l'autre ? Que nous apprennent les trois grands monothéismes sur l'autre ? Quand la notion de sujet (au sens moderne) naît-elle et pourquoi ? Est-ce une notion universellement partagée ou pas ? N'y a-t-il, par exemple, aucun rapport entre notre souci contemporain de l' intersubjectivité (le peau à peau en néonatalogie) et le travail philosophique sur l' ego de Fichte ? Que nous apprennent les philosophes contemporains tels que Levinas ou Ricoeur sur l'Autre ? Questions non théoriques puisque leur réponses engagent notre rapport à un autre de plus en plus proche (spatialement) mais de plus en plus autre (culturellement) à l'heure de la mondialisation c'est-à-dire de l'ouverture des frontières terrestres et autres. La philosophie joue ici à plein son efficience pratique et devient, redevient philosophie pratique. Elle prend ici encore une fois la forme des lumières qui éclairent l'origine et donc le sens de nos pratiques mais elle sert aussi à travailler nos représentations individuelles et collectives : quelle est ma vision personnelle de l' enfant ? Quelle est notre anthropologie (vision de l' homme et de son petit) collective ? Kant n' affirmait- il pas d'ailleurs au XVIIIème siècle que toute la philosophie se résumait en une question : qu'est-ce que l'homme ? Qu'est-ce en effet que l'homme pour nous, aujourd'hui, à l'heure du post-humanisme voire du transhumanisme ?

Plus encore et pour terminer ce qui s'apparente à une éloge de la philosophie ou à un programme d' enseignement d'une philosophie de la puériculture ou de la pédiatrie, comment ne pas se poser la question de l'avenir de certaines pratiques émergentes comme celle de la grossesse pour autrui et autres questions concernant « l' utérus artificiel » qui a fait l'objet d'un travail universitaire de haut niveau de la part de Mme Labolle-Grenouiller ? Mais je laisse là ce point à une spécialiste ... La philosophie se veut ici activité de veille et prospecte pour que chaque problème soit envisagé avant de plus pouvoir l'être faute d'avoir été compris dans ses raisons. L'analyse de la notion émergente d' anthropotechnie est ici un assez bon exemple de ce que peut la veille philosophique, nous alertant ou seulement désignant à notre attention comme existantes ou possibles des positions qui dessinent à la fois un certain présent et peut-être un avenir.

Enfin et plus pratiquement encore la philosophie peut permettre d'interroger à la fois ce qui est demandé aux acteurs de terrain et l'avenir implicite contenu dans certains documents officiels, actes, colloques etc. et sert ici simplement d'outil d'analyse. Nous pouvons par exemple interroger le rapport Sommelet (qui, notons-le, commence par citer Montesquieu1) 2006 intitulé : L'enfant et l'adolescent : un enjeu de société, une priorité du système de santé. Celui-ci n' insiste-t-il pas sur une meilleure prise en charge de l' interculturalité, du handicap c'est-à-dire n'indique-t-il pas déjà dans sa démarche une certaine vision de ce que doit être la place à la fois de l'enfance et de la différence dans notre société ? Si oui que dessine-t-il ? Va-t-on vers une meilleure acceptation du handicap ou n'y a-t-il pas parfois dans certaines positions le risque d'une hypermédicalisation de l' enfance ? Question qui tend vers le problème plus général de savoir si parfois la médecine elle-même ne

1: « Pour faire de grandes choses, il ne faut pas être un si grand génie, il ne faut pas être au-dessus des hommes, il faut être avec eux »

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devient un instrument de domination des corps et des esprits (voir la notion de bio-pouvoir chez Foucault) ? En tout cas, autant de questions qui émergent à la lumière de l'examen philosophique attentif que chacun est en droit de faire et qui n'est certainement pas l' apanage de quelques érudits.

Partie 2

Le second volet de mon intervention doit rendre compte de deux modèles philosophiques (donc eux-mêmes problématiques) : le kantisme et l'utilitarisme. N'ayant pas la prétention de pouvoir en quelques minutes les résumer, je me bornerai ici à montrer rapidement comment par le biais de ces deux tendances la philosophie peut éclairer certains problèmes, expliquer certaines tendances contemporaines et susciter de nombreux problèmes.

1 L'utilitarisme.

Le pragmatisme de Rorty étant très à la mode aujourd'hui, la tendance semble se porter vers ce qui semble pour certains lui avoir donné naissance : son ancêtre (à tord d'ailleurs). L' utilitarisme chez Bentham ou encore Stuart Mill repose au moins sur les cinq principes suivants permettant lors d'un dilemme éthique ou lors de tout choix de s' orienter dans l'action. Le bonheur est défini comme bien-être physique, moral et intellectuel, le conséquentialisme (la moralité des actions est jugée en fonction des conséquences de l'action et non en fonction des qualités de l'agent de l'action), le principe d'agrégation (seul compte dans le calcul le solde d'individus affectés par l'action et non la distribution de ce dernier), le principe de maximisation (consiste à généraliser les actions bonnes, à les étendre au plus de nombre de personnes possibles), enfin l'impartialité et l' universalisme (il n'y a aucun privilège à accorder à un individu ou à un groupe d' individus dans le calcul et l'évaluation de la moralité d'une action n'est pas soumise à une culture particulière). Ces cinq principes sont évidemment problématiques pour la raison que nos sociétés ont parfois du mal à faire reposer la moralité sur un calcul rationnel sans pathos bien que les faits montrent souvent que nous sommes fondamentalement utilitaristes au moins dans la sphère privée et de plus en plus ouvertement dans la sphère publique.

2 Kant

Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, Première section

« Par exemple, il est sans doute conforme au devoir que le débitant n'aille pas surfaire le client inexpérimenté, et même c'est ce que ne fait jamais dans tout grand commerce le marchand avisé ; il établit au contraire un prix fixe, le même pour tout le monde, si bien qu'un enfant achète chez lui à tout aussi bon compte que n'importe qui. On est donc loyalement servi; mais ce n'est pas à beaucoup près suffisant pour qu'on en retire cette conviction que le marchand s'est ainsi conduit par devoir et par des principes de probité; son intérêt l'exigeait (…) Voilà donc une action qui était accomplie, non par devoir, ni par inclination immédiate, mais seulement dans une intention intéressée. »

A la question qu'est-ce qu'une action morale ? Kant répond que le seul critère de la conformité à la loi est insuffisant et qu'il faut distinguer la loyauté, la loi et le devoir. En effet, Le philosophe distingue les impératifs hypothétiques (ce

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que nous faisons pour des raisons d'intérêt) et les impératifs catégoriques (ce qui s'impose à nous sans condition). En d'autres termes seule l'action accomplie par devoir est moralement bonne (il nous faudrait ici faire l' historique de la bonté des grecs jusqu'à kant pour en saisir tout l' enjeu). " Agis comme si la maxime de ton action pouvait être érigée par ta volonté en loi universelle de la nature " ou : "Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu peux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle" voici deux formulations de ce principe qui montrent qu'une action pour être considérée comme moralement bonne se doit d'être soumise à un test d'universalisation, sa forme nous indique sa valeur alors que si nous jugions la valeur d'une action en fonction de son efficacité ou de sa finalité nous serions amener à la conséquence que : « Les prescriptions que doit suivre le médecin pour guérir radicalement son homme, celles que doit suivre un empoisonneur pour le tuer à coup sûr, sont d'égale valeur, en tant qu'elles leur servent les unes et les autres à accomplir parfaitement leurs desseins. ». Prendre en compte l'autre (le respect de la personne morale) et les conséquences de mes actions (universalité de la loi morale) sont ainsi les deux principes de la morale kantienne que je résume ici de manière abusive et arbitraire. Ajoutons ici la nécessaire autonomie de la volonté qui « est cette propriété qu'a la volonté d'être à elle-même sa fin », c'est-à-dire, de manière grossière, libre (thème développé dans la Critique de la raison pratique ). « L'autonomie de la volonté est le principe unique de toutes le lois morales et des devoirs qui y sont conformes ; au contraire toute hétéronomie du libre choix (...) est plutôt opposé au principe de l'obligation et à la moralité de la volonté ».

Ces deux positions antagonistes (utilitarisme et kantisme) n’en sont pas moins révélatrices de la possibilité de questionner sérieusement l’agir et de trouver des repères capables d’être prescritifs ou normatifs. Reste qu’ils supposent tous deux une certaine anthropologie et conception de la morale qu’il nous faudrait détailler en d’autres lieux.

Partie 3

1 La compassion (cum patior, je souffre avec)

Nous pourrions croire ici qu'il n' y a que peu de rapport entre les deux thèses évoquées ci-dessus et la question de la compassion or il n'en est rien. Si dans le cas de l' utilitarisme et du kantisme la raison est bien la faculté qui préside à l'action bonne il n' empêche que le rapport à autrui et le sens de l'autre, de ses souffrances sont bien le soubassement des thèses précédentes. Pour donner une idée de ce qui nous sépare de la moralité des grecs anciens disons simplement que celle-ci s' entendait comme praxis (activité) et comme eupragia (bonne pratique, réussite, succès) concernant le perfectionnement d'un sujet-agent. Le but d'un être humain était de savoir régler son âme par l'action et de devenir par habitude (éthos) telle ou telle personne alors que notre bien consiste à ne jamais (au moins théoriquement) négliger le rapport à autrui ce qui, il faut en convenir, est directement lié à notre culture judéo- chrétienne. Nous pouvons ainsi affirmer sans craindre de nous tromper que notre moralité et nos réflexions morales ainsi que nos questions d' éthique font la part belle à l' altérité et aux sentiments compassionnels ce qui, finalement, est assez récent ...

2 La compassion instrumentalisée

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Cette omniprésence du souci de l'autre (au sens propre) dans les questions d'action (la morale étant en philosophie une réflexion sur l'action) se doit aujourd'hui d'être comprise historiquement comme une invasion dans la tradition intellectualiste philosophico-moral qui régnait jusqu' ici d'une certaine forme de sentiment, de pathos qui n'est pas sans conséquence. Je laisse ici de côté la question de savoir si le pathos doit ou peut être évacué de la pensée rationnelle (ce qui est loin d'être certain) pour désigner le problème central d'une éthique de la compassion qui semble se résumer à l' instrumentalisation possible de la réflexion éthique. En effet, dès lors qu'une pensée se veut dominante sur les autres, elle empêche toute possibilité d' analyse réellement objective de certains cas ou problèmes ; notamment en désignant comme infâme les positions adverses. Ce n'est donc pas la compassion en elle-même qui est nuisible à la réflexion mais le fait qu'elle est acceptée comme un préalable à toute réflexion et position, comme s'il fallait toujours et encore s'y conformer. La mise en scène systématique de la compassion (et ce même dans le domaine politique) auquel nous assistons aujourd'hui est, semble-t-il, l' exact opposé d'une compassion bien comprise c'est-à-dire la possible conséquence de l'analyse d'un fait, d'une situation dite dramatique. En un mot, si compassion il peut y avoir ce n'est, à mon sens, que secondairement. Alors et alors seulement la compassion pourra générer l' action droite (celle qui répond correctement à un problème) alors que la compassion obligatoire amènera, au mieux une réaction, au pire un simple affichage hypocrite : lesquels ne permettront jamais d' entrevoir une action efficace. Il est possible que certains croyants puissent rétorquer qu'il faut que la compassion soit première parce que c'est elle qui guidera le bien agir mais c'est peut-être qu'il font une lecture singulière des évangiles qui, si mes souvenirs sont bons, placent au centre de toute relation non la notion de compassion mais celle d'amour ou mieux de miséricorde. Or c'est bien l' amour du prochain qui peut m' incliner à la compassion comme elle peut m' incliner (comme le Christ avec les marchands du temple) à une forme de juste colère ...De plus si la miséricorde est première elle s’entend bien comme indulgence vis à vis des fautes morales ce qui est nettement différent de notre compassion moderne qui s’affiche comme obligation au respect et acceptation molle de tout et de son contraire. Mais je laisse là la théologie et vous remercie de votre attention et vous prie de me pardonner pour les nécessaires raccourcis que j'ai dû emprunter.

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