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Article pp.123-129 du Vol.29 n°146 (2003)

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Texte intégral

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D O S S I E R

La santé

ingérable ?

08/Dossier/Claveranne/146 14/11/03 8:56 Page 123

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V

oilà maintenant près de 30 ans que la crise hos- pitalière est au centre de tous les propos, qu’il s’agisse des rapports officiels, des colloques de professionnels et de chercheurs, ou encore des unes de la presse grand public. Or, malgré les nombreuses réformes mises en œuvres depuis plus de dix années pour tenter de juguler cette crise endémique, l’hôpital est aujourd’hui encore plus qu’hier, au centre d’interro- gations majeures quant à sa place dans la société, son coût, ses résultats, ses missions. Les articles de ce dos- sier visent à analyser la situation actuelle et les poli- tiques engagées, puis, au-delà des paramètres conjonctu- rels, à adopter un propos plus prescriptif, portant sur la recherche et la définition de leviers d’action, sans les- quels toute perspective en gestion se réduit à l’inutilité ou l’incertitude.

I. – RÈGNE DU « MÉNAGEMENT GÉNÉRALISÉ »

1. La restructuration comme « maître mot »

Depuis trente ans, le système de santé a été l’objet de réformes majeures, qu’il s’agisse des lois du 31 décembre 1970, du 31 juillet 1991 ou encore des trois

D O S S I E R

PAR JEAN-PIERRE CLAVERANNE

L’ hôpital en chantier : du ménagement

au management

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ordonnances du 24 avril 1996. Ces réformes ont mis en place des outils de ges- tion nouveaux afin de moderniser le sys- tème de régulation : le budget global, la comptabilité analytique, le programme médicalisé du système d’information hospi- talier (PMSI), les schémas régionaux d’or- ganisation sanitaire, les agences régionales de l’hospitalisation, les projets d’établisse- ment, la contractualisation, l’accréditation, etc., en sont les figures emblématiques et seront les objets d’analyse de ce dossier.

Ces réformes poursuivaient de manière générale quatre objectifs majeurs. Tout d’abord, il s’agissait d’améliorer la qualité et la sécurité des prises en charge et des soins. En corollaire, la réduction des dépenses de santé s’inscrivait comme l’un des objectifs les plus médiatisés de ces réformes. Par ailleurs, les pouvoirs publics visaient aussi à accroître l’autonomie des établissements et à développer la responsa- bilité des acteurs hospitaliers. Enfin, il s’agissait aussi d’objectiver l’affectation des ressources dans le système hospitalier dans un contexte de raréfaction des res- sources financières.

Au moment où nous écrivons ces lignes, le gouvernement a mis en place un nouveau chantier par l’intermédiaire des ordon- nances de simplification de la régulation sanitaire1.

2. Un bilan mitigé

Il convient de s’interroger sur le bilan de ces réformes : qu’ont-elles réellement pro- duit ? qu’ont-elles amélioré ou au contraire dégradé ? Ont-elles renforcé la cohérence

d’un système en mal de régulation ? En ont- elles au contraire augmenté l’entropie ? L’observation des acteurs de terrain des opérations de restructuration ainsi que la lecture attentive des rapports des pouvoirs publics – dont le rapport de la Cour des comptes en septembre 20022 – nous obli- gent à considérer ces réformes avec cir- conspection.

Dans un système davantage administré que réellement géré, les outils de gestion en place – lorsqu’ils existent – naviguent entre

« l’usine à gaz » et la perte de sens : la comptabilité analytique, quand elle existe (quelques dizaines d’établissements), n’est que peu souvent mise en perspective avec l’analyse stratégique et le PMSI est consi- déré comme une obligation administrative, alors qu’il s’agit d’un outil performant pour analyser la production de l’hôpital, aider à la définition d’un positionnement straté- gique, éclairer les problématiques de régu- lation. À travers le rappel de la trajectoire de cet outil, Olivier Lenay et Jean-Claude Moisdon dessinent les difficultés aux- quelles se heurte la régulation sanitaire française, hésitant à tour de rôle entre

« régulation homéopathique et incrémenta- lisme gestionnaire », pour proposer désor- mais un « nouveau » (?) mode de tarifica- tion des établissements sanitaires sur la base de leur activité.

Le bilan des recompositions hospitalières mis en avant pour témoigner de l’effort d’adaptation du système hospitalier doit éga- lement être considéré avec circonspection.

Certes, la réduction du nombre d’établisse- ments de 1992 à 2000 a été de 6,4 % pour 126 Revue française de gestion

1. Ordonnances du 5 septembre 2003.

2. Cour des comptes, La sécurité sociale, La Documentation Française, Paris, 2002 (notamment chap. VI, VII, et VIII).

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l’hôpital public sur les activités de court séjour (793 contre 742), mais elle a atteint, pendant la même période, près de 15 % pour les cliniques privées pour les mêmes activités (1 216 contre 1 026).

De plus, le souci de favoriser la recomposi- tion de l’offre se caractérise, depuis quelques années, par une politique de réduction des capacités en lits et places d’hospitalisation au moyen d’une véritable

« chasse aux lits ». Si les objectifs fixés par les représentants de l’État aux niveaux national et régional sont souvent remplis après ces quelques années de « chasse », les effets de ces réductions sur l’outil de production et la restructuration de l’offre de soins en général demeurent dans les faits extrêmement limités tant il est vrai que ces suppressions de lits se sont opérées le plus souvent au détriment de « lits papiers », c’est-à-dire de lits inscrits et autorisés pour des établissements mais non installés par eux faute de budget ou d’acti- vité suffisante. Il s’agit davantage d’une politique de mise en adéquation entre les capacités autorisées et les capacités réelle- ment installées que d’une politique de restructuration. Bien souvent, aussi, à la décharge des agences régionales de l’hos- pitalisation, les possibilités de favoriser les regroupements sont réduites. À ce titre, la non-fongibilité des enveloppes financières entre le secteur privé et le secteur public complique également toutes les opérations de restructuration.

Enfin, alors que l’un des objectifs récur- rent des réformes étaient de donner un nouvel élan au service public et de rétablir

l’équilibre entre les deux secteurs d’hospi- talisation, force est de constater que la réduction des lits de MCO3 a renforcé la spécialisation entre public et privé. La chi- rurgie se concentre désormais dans le sec- teur privé, qui réalise 53 % des séjours chi- rurgicaux pour 27 % des lits MCO. La médecine est quant à elle concentrée à l’hôpital public, qui prend en charge 80 % des séjours avec 63,5 % des lits MCO4. Jean-Pierre Claveranne et David Piovesan présentent ainsi les spécificités organisa- tionnelles et gestionnaires de la clinique privée française, qui est un objet qui jus- qu’à présent a peu été investi par les recherches en management.

3. « L’hôpital schizophrène »

La crise que subit l’hôpital aujourd’hui peut être représentée de plusieurs façons. L’ex- plosion du nombre de passages aux urgences en est sans doute l’une des expres- sions les plus marquantes (+ 50 % en 8 ans).

La démographie médicale laisse également imaginer aujourd’hui quelles seront les pénuries de demain et les conséquences organisationnelles sur les établissements de santé : le nombre d’internes a chuté de 56 % depuis 1984, la durée moyenne d’exercice salarié à l’hôpital est stable depuis la même date autour de 16 années dont 11 pour les chirurgiens5.

Mais surtout, cette crise hospitalière se manifeste aujourd’hui par des revendica- tions catégorielles fortes qui débordent des cadres classiques et institués d’expression du mécontentement par leur spontanéité et leurs logiques difficiles à repérer. Plus glo- L’hôpital en chantier : du ménagement au management 127

3. Médecine, chirurgie, obstétrique.

4. Données DREES, ministère de la Santé, décembre 1999.

5. Données DREES, ministère de la Santé, septembre 2002.

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balement, la crise de l’hôpital renvoie à une difficulté majeure des organisations de notre temps, la difficulté du « faire- ensemble », par-delà les citadelles, les cor- poratismes, les cloisonnements et les reven- dications. La crise que connaît l’hôpital est une crise parmi d’autres sur fond de crise généralisée, crise des structures, crise des identités, mais aussi crise du sens et crise de la gouvernance. Cette crise est le fruit des crises sociétales qui traversent le monde d’aujourd’hui et conduisent à faire de l’institution hospitalière le lieu d’interroga- tions panoramiques :

– interrogations sur le coût sociétal de l’institution ;

– interrogations de la communauté fran- çaise dans son ensemble, sur la solidarité et ses limites ;

– interrogations du malade sur le service reçu ;

– interrogations des médecins sur leurs savoirs, la fin ou l’atténuation d’une cer- taine aura et sur leur pouvoir de plus en plus contesté.

Dans ce contexte, l’hôpital se voit ainsi contraint de faire en permanence le grand écart pour assurer ses missions : grand écart dans l’éventail des services offerts, grand écart de l’accueil, grand écart entre la pathologie courante et la pathologie rare, grand écart enfin, entre le souci conjoint ou antagonique d’une « bonne gestion » et « d’une bonne médecine ».

L’histoire de la qualité à l’hôpital en est une bonne illustration. L’article de Sté- phane Fraisse, Magali Robelet et Didier Vinot, prend ainsi les démarches qualité comme support, presque comme prétexte, pour analyser les liens et les difficultés à traduire les politiques hospitalières par le management des établissements, qui eux-

mêmes voient leurs marges de manœuvre quasi réduites à l’efficacité de leurs dis- cours, face à des professionnels toujours plus spécialisés. Étienne Minvielle, de son côté, s’appuie, dans un article complémen- taire, sur l’histoire des démarches qualité à l’hôpital en analysant en quoi l’exporta- tion de concepts gestionnaires dans le champ sanitaire est problématique, oscil- lant entre transfert ad hoc et méconnais- sance des logiques sous-jacentes aux bureaucraties professionnelles.

Cette mise en tension, progressivement développée depuis la fin des années 1970 place aujourd’hui l’hôpital à la croisée des chemins.

II. – QUEL REBOND ? DU MÉNAGEMENT AU MANAGEMENT…

Si, comme dans la plupart des organisa- tions, tout le monde s’accorde à l’hôpital pour partager le diagnostic sur les dysfonc- tionnements, il n’en reste pas moins que la question des méthodes suscite, quant à elle, conflits, antagonismes et résistances. Du rêve au projet, seule la volonté politique de porter le changement peut permettre de pas- ser du ménagement au management.

Une telle perspective impose aux acteurs d’aborder les questions centrales, celles des statuts, des rémunérations, des responsabi- lités, des modes d’organisation et des modes de management. Il s’agit alors de trouver des leviers d’action afin de réformer pas à pas l’hôpital en dépit des résistances.

Cet hôpital de demain s’articule autour d’un mode de management renouvelé dont les maîtres mots sont : subsidiarité, expéri- mentation, leviers d’action, volontariat, contractualisation, évaluation. Il doit être 128 Revue française de gestion

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fondé sur des objectifs précis, contextuali- sés, hiérarchisés, mesurables et évaluables : par exemple, développer la chirurgie, désengorger les urgences, réduire le temps d’attente, attirer de jeunes médecins, fidéli- ser le corps médical, diminuer les actes inutiles et redondants, etc.

Les outils à la disposition du directeur- manager sont particulièrement nombreux, qu’il s’agisse des dispositifs déjà existants, tels que le PMSI, dont on est loin d’avoir exploité toutes les potentialités en termes d’aide à la décision mais aussi des outils encore peu utilisés dans le champ hospita- lier comme l’analyse des processus, le benchmarking, l’analyse de la valeur, la contractualisation interne si tant est qu’ils soient adaptables et adaptés au contexte spécifique du secteur.

Christophe Pascal prend ainsi l’exemple de la gestion par processus à l’hôpital pour

montrer en quoi elle dessine de nouveaux contours autour des prises en charges des patients en redonnant un sens renouvelé à la constitution de la valeur des soins. De leur côté, Gérard de Pouvourville et Joseph Tedesco rendent compte, dans une perspec- tive critique, des formes de contractualisa- tion interne dans les établissements hospita- liers publics.

Enfin, l’utilisation des plus beaux, des plus sophistiqués, des plus performants des outils n’est rien sans la conception et la mise en œuvre d’un dispositif d’évaluation ad hoc permettant de mesurer de façon per- manente et opérationnelle l’écart entre résultats attendus et résultats obtenus, de façon à agir au plus vite sur les leviers d’ac- tion pour corriger les éventuelles déviations et mettre la gestion au cœur du pilotage des systèmes de santé.

L’hôpital en chantier : du ménagement au management 129

LES CHIFFRES-CLÉS DU SYSTÈME DE SANTÉ FRANÇAIS

Dépenses de santé en France en 2001 :

10,1 % du PIB (1erde l’Union européenne), soit 148 milliards d’euros.

2 437 euros par personne et par an, avec un taux de croissance en valeur de 5,8 % par an.

L’hospitalisation représente 50 % des dépenses de santé.

Nombre d’établissements de santé en 2002 en France : 1 058 établissements publics, 3 145 établissements privés.

1 million de personnels de santé.

En libéral :

114 000 médecins (50 % de spécialistes), 37000 dentistes,

40 000 masseurs kinésithérapeutes, 35 000 pharmaciens,

4 000 laboratoires d’analyses médicales.

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