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Submitted on 4 Jan 2017
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Katia Zakharia
To cite this version:
Katia Zakharia. Entre la taverne et la cour, les poètes de l’amour, de la nuit et du vin. Thierry Bianquis, Pierre Guichard, Mathieu Tillier. Les débuts du monde musulman (VIIe-Xe siècle). De Muhammad aux dynasties autonomes, PUF, pp. 333-341, 2011, La Nouvelle Clio, 978-2-13-055762-3.
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« Entre la taverne et la cour, les poètes de l’amour, de la nuit et du vin »
Par Katia Zakharia Université Lumière-Lyon 2
On pouvait s’y attendre, le chant était connu dans l’Arabie pré-islamique, pour accompagner l’activité professionnelle, ponctuer les cérémonies (notamment funèbre) ou agrémenter les loisirs. Ce dernier aspect prendra rapidement le pas sur les deux autres, sous les Umayyades, pour devenir durablement l’une des distractions les plus prisées de la cour.
Les sources arabes utilisent pour parler du chant ancien, un lexique récurrent, difficile à définir, dans lequel reviennent les termes hudâ’/hidâ’, nasb, hazaj, sinâd, ghinâ’, mutqan et nawh. D’autres termes, concernant la poésie, comme le verbe anshada, portent à s’interroger sur les liens formels qu’entretenaient chant et composition poétique. L’existence à l’époque pré-islamique d’une musique de loisir est attestée par l’expression « laisser quelqu’un en compagnie du chant des Deux Sauterelles (al-Jarâdatân) » utilisée pour « laisser quelqu’un alors qu’il jouit, tranquille, des joies de la vie ». Les Deux Sauterelles seraient deux qayna (esclave-chanteuse), comme Hurayra, célébrée dans la mu‘allaqa d’al-A‘shâ. Ces esclaves chanteuses deviendront l’un des pivots de la société de cour abbasside.
L’association du chant aux activités quotidiennes ne servait pas seulement à rendre le travail moins pénible mais contribuait aussi, vraisemblablement, à éloigner les forces surnaturelles. Ainsi, le hudâ’ aurait initialement servi au chamelier pour cadencer la marche des chameaux tout en protégeant le convoi des djinns. Si la prudence incite à présenter cette information au conditionnel, la croyance à un rapport entre chant et monde surnaturel trouve une confirmation, sous les Umayyades, dans les récits des mésaventures de Gharîd (m. 716), grand chanteur mecquois : les djinns, qui lui inspiraient ses mélodies, avaient ensuite précipité sa mort, quand il avait exécuté un chant qu’ils lui avaient interdit.
Avec l’apparition de l’Islam, la question du statut du chant et de la musique se pose, comme elle s’est posée pour la poésie. Mais si les détracteurs de la poésie trouvent dans l’interprétation des textes sacrés un support pour la déprécier ou l’interdire, rien de semblable ne permet de déclarer le chant et la musique illicites et l’embarras de la morale islamique est manifeste dans la plupart des sources qui traitent de la question. C’est l’association du chant et de la musique à d’autres pratiques, clairement illicites, ou jugées déviantes (cercles
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