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« Spain marks », une campagne publicitaire du Ministère du Tourisme espagnol au début du XXIe siècle

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“ Spain marks ”, une campagne publicitaire du

Ministère du Tourisme espagnol au début du XXIe siècle

François Malveille

To cite this version:

François Malveille. “ Spain marks ”, une campagne publicitaire du Ministère du Tourisme espagnol au début du XXIe siècle. Image et corps : 5e Congrès international du GRIMH, Nov 2006, Lyon, France.

pp.197-210. �hal-01997667�

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François MALVEILLE

« Spain marks », une campagne publicitaire du ministère du Tourisme espagnol au début du

XXIe

siècle

Actuellement, le nombre de touristes dans le monde frôle les 700 millions.

On comprend aisément l'intérêt que suscite une telle activité sur le plan économique. Depuis les années de la dictature de Primo de Rivera (1923-1930), l'État espagnol se préoccupe de cette question. En 1962 apparaîtra la Subsecretarfa de Turismo, qui deviendra ensuite la Secretarfa General para el Turismo au sein du ministère de !'Industrie, du Commerce et du Tourisme que nous connaissons aujourd'hui. Parmi ses missions, il lui revient notamment celle d'assurer au niveau international la promotion de l'Espagne en tant que destination touristique. De nombreuses campagnes ont été lancées et le produit- phare du tourisme espagnol, le fameux Sol y Playa, a connu un développement remarquable. Cependant, depuis 1989, on parle d'une crise du tourisme et on note une évolution de ces campagnes. Il semble que les Espagnols cherchent des angles nouveaux pour attirer un public différent. À ce titre, la campagne

« Spain marks», présentée en 2002, est exemplaire. Sortant des schémas classiques, elle explore de nouvelles pistes, comme nous allons le voir. Elle donne à voir des photographies représentant des touristes marqués dans leur apparence physique, le plus souvent, par leur passage dans le pays. À l'évidence, la représentation d'un corps est devenue banale mais certaines images parviennent cependant à toucher quelque chose en nous. Il semble que les corps marqués présentés dans cette campagne portent un message qui parle autrement à nos sens. Ces corps représentés sont mis au service d'un secteur économique avec pour enjeu l'image de l'Espagne. Ce constat est loin d'épuiser les questionnements : Pourquoi ces images-là, et pas d'autres ? Que voyons- nous quand nous les voyons ? Comment fonctionne cette série ? C'est ce que nous allons essayer de mettre en lumière.

On peut définir le tourisme comme étant : « l'ensemble des activités réalisées par des personnes au cours de leurs voyages et de leurs séjours dans des lieux situés en dehors de leur environnement habituel, à des fins récréatives, professionnelles, familiales, éducatives, sportives, culturelles ou thérapeutiques1 . » La définition peut inclure aussi des considérations portant sur l'agrément, le type de loisirs, la psychologie qui explique ce besoin d'évasion conduisant à la recherche d'un dépaysement momentané et périodique. Le tourisme est aujourd'hui devenu un phénomène de civilisation qui concerne presque toutes les couches de la population, c'est pourquoi il a imprégné fortement les mentalités en alimentant les représentations collectives des pays.

1 Pierre BEZBAKH et Sophie GHERAROI (Dir.), Dictionnaire de l'économie, Paris, Larousse/Le Monde, 2000, p. 548.

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L'image d'un pays tel que l'Espagne en Europe doit beaucoup aujourd'hui aux représentations liées au tourisme d'une façon directe ou indirecte.

Le tourisme est un secteur économique essentiel pour l'Espagne. Il représente bon an mal an environ 12% du PIB et donne du travail à près de 10% de la population active. L'Espagne accueille les touristes par millions et est devenue l'une des toutes premières destinations avec la France et les États- Unis. Les enjeux sont donc considérables. On l'a vu, c'est au ministère de

!'Industrie, du Commerce et du Tourisme qu'il revient d'assurer la promotion de l'Espagne en tant que destination touristique en dehors de ses frontières, mais, en son sein, c'est plus particulièrement Turespana (Instituto de Turismo de Espana) qui a été chargé de cette mission. Pour ce faire, Turespana collabore avec les différents acteurs du secteur, dont, notamment, les communautés autonomes et les entreprises privées.

En matière de tourisme, l'image du pays joue un rôle primordial, car c'est elle qui détermine le choix de la destination. À la fin de l'année 2002 German Porras, alors Directeur Général de Turespana, se posait la question de l'image du pays récepteur.

Una de las tareas basicas de un ente responsable de la promoci6n turfstica es conocer cual es esa imagen y c6mo evoluciona, identificar los puntos débiles y disef\ar una estrategia para contrarrestarlos y para consolidar una imagen positiva. La comunicaci6n turfstica y la promoci6n estan definidas par la estrategia de imagen. [ ... ] La imagen de un destina turfstico es uno de los aspectas mas complejos y mas delicados del turismo2.

À titre d'exemple, il présentait ensuite les résultats d'une étude d'impact réalisée en 2000 concernant la campagne « Bravo Espana » en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, qui sont les trois pays qui envoient le plus de touristes en Espagne. Il s'avérait notamment que l'image de l'Espagne en tant que destination touristique, hormis ses qualités, était faible sur quelques points dont notamment la culture. Le modèle Sol y Playa, en effet, reste le modèle dominant, bien que d'autres activités se soient développées. Le tourisme est aujourd'hui aussi un tourisme culturel, religieux, sportif... Le problème du modèle dominant en Espagne est qu'il est transposable ailleurs. On parle beaucoup actuellement de la Turquie, de la Croatie ou de la Bulgarie qui offrent un produit similaire (le Sol y Playa) mais à un prix très inférieur. Les spécialistes considèrent donc qu'il convient de « reconstruire l'image de l'Espagne en tant que destination touristique » sous peine de le voir devenir obsolète3 • Le paradoxe de la situation tient aux records de fréquentation battus que contredit la baisse des revenus du tourisme en 2002. Cette crise relative signifie que le touriste dépense de moins en moins, il convient donc de faire évoluer l'offre - et l'image - afin d'attirer des touristes disposant d'un pouvoir d'achat supérieur.

Tel est donc le cahier des charges de la nouvelle campagne mondiale de promotion du tourisme espagnol du début du

xxre

siècle.

Autrefois les slogans utilisés étaient « Espana es diferente », « Toda bajo el sol », « La pasi6n de vivir » ou plus récemment, on l'a vu, « Bravo Espana ».

La nouvelle campagne présentée par Turespana en octobre 2002 s'appelle

« Spain marks » Les Espagnols eux-mêmes aujourd'hui désignent le plus souvent ces campagnes par leur slogan en langue anglaise. ( « Touché par

2 German PORRAS, « El Turismo : decubrir el mundo con otros ojos » dans Manuel VALENZUELA RUBIO (Dir.), Un mundo por descubrir en el siglo XXI, Madrid, Real Sociedad Geografica, 2003, p. 267-272.

3 El Pais, 2 février 2003.

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l'Espagne», en français.) Cette campagne a été créée par l'agence Publicis Espana, sous la direction de Turespana. Les directeurs créatifs s'appellent Mariluz Sanchez et Luis Solero. Ils ont fait depuis en Espagne des campagnes telles que celles de Coca cola light, ou encore celle du Trésor public. Le photographe de mode barcelonais José Manuel Ferrater est l'auteur de la majeure partie des photographies utilisées. L'ensemble de cette campagne internationale avait un budget important, de l'ordre de 36 millions d'Euros, selon German Porras4 Cette campagne sera diffusée dans de nombreux pays : la France, l'Allemagne, le Portugal, l'Italie, la Hollande, la Belgique, la Russie, la Pologne, le Danemark, la Norvège, la Suède, les Etats Unis, le Canada, la Grande Bretagne, La Finlande, le Japon, le Brésil, le Mexique et Singapour. On note qu'il s'agit de cultures et de pays très différents ce qui rend particulièrement difficile la nécessaire recherche d'une certaine universalité.

La campagne « Spain marks » compte dans un premier temps une vingtaine de modèles différents auxquels viendront s'ajouter quelques autres qui semblent correspondre à la volonté d'une communauté autonome ou à une région touristique spécifique (la Catalogne, l'Espagne Verte ... ). C'est pourquoi on peut trouver des slogans calqués sur le premier où le nom d'une communauté autonome remplace celui de l'Espagne. Elle apparaît dans la presse écrite, notamment les newsmagazines, dont elle utilise la qualité de présentation, qui contribue à valoriser ces publicités5 •

Contrairement à ce qu'on a souvent vu, cette série ne montre pas seulement, des lieux tels que des plages, des monuments ... Elle associe deux photographies, l'une d'un format modeste, d'environ 7 centimètres sur 9 qui montre le tourisme en couleurs, tandis qu'une autre photographie, en noir et blanc celle-ci, montre le plus souvent le corps d'un touriste « marqué par l'Espagne». L'exemple le plus évident est celui du corps marqué par le bronzage, mais on trouve aussi par exemple dans cette série, une photographie des pieds d'un pèlerin sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, les jambes d'une femme marquées par les lanières de ses sandales, des personnages ayant adopté la moustache de Dali ou la coiffure d'un modèle de Velazquez. On peut lire aussi sur des visages toutes sortes d'émotions, des larmes à l'émerveillement enfantin. La photographie en couleur évoque le plus souvent la carte postale classique, c'est-à-dire qu'elle donne à voir une image traditionnelle de l'Espagne : une plage, une fête, une procession ... Tandis que celle en noir et blanc semble être un témoignage de la trace de cette expérience individuelle chez celui qui l'a vécue, en l'occurrence, un touriste. Dans cette campagne, au-delà de la seule photographie noir et blanc, qui en constitue le cœur, il faut souligner l'importance de la coprésence de la « carte postale » en bas à droite, du slogan en rouge, du texte explicatif, des logos ( celui de Mir6 et les autres) et de la petite carte d'Espagne marquée d'un ou plusieurs points rouges. Ce contexte donne un sens particulier à la photographie principale.

Bien sûr, il n'est pas possible d'étudier ici l'intégralité de la série. Nous allons donc nous centrer sur quelques cas particulièrement signifiants en évoquant les autres exemples à titre de comparaison. Il n'est possible non plus de prendre en compte tous les aspects de chaque publicité, notamment le rapport texte/image, les couleurs, l'aspect artistique ... Nous prenons donc le

4 German PORRAS, op.cit., p. 272.

5 Marc BOYER et Philippe VIALLON, La communication touristique, Paris, PUF, 1994, p. 47.

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parti d'étudier prioritairement l'utilisation de l'image du corps dans le cadre de la communication touristique.

Le tourisme Sol y Playa occupe traditionnellement une place de choix dans la communication touristique de l'Espagne. Le bronzage reste par ailleurs la marque la plus attendue des vacances. Michel Pastoureau dans son livre Les couleurs de notre temps souligne la versatilité de la valeur de cette « couleur».

Tantôt subi, tantôt voulu, le bronzage correspond dans la culture occidentale actuelle à la marque des vacances, avec une connotation plus ou moins positive selon les époques, les milieux sociaux et les lieux6 Difficile de prétendre

à

l'universalité avec un code aussi instable, mais malgré tout, c'est la marque des vacances par excellence, et comme telle, sa fonctionnalité symbolique est indéniable.

Spain marks, 2002, 28.5 x 23 cm

© Turespaiia, Madrid. [D.R.]

La photographie qui a fait couler le plus d'encre de cette série est sans conteste celle où l'on voit une jeune femme de dos en robe de soirée noire, avec la marque de son maillot de bain sur les fesses. Elle fait penser

à

certaines photographies d'Helmut Newton, l'initiateur de ce qu'on appelle le « porno chic». Il y a quelque chose de sulfureux dans cette photographie. Les autres publicités montrant des corps partiellement bronzés sont plus anodines, la présence d'enfants soulignant l'aspect familial de ce type de vacances et apportant une touche de tendresse

à

cette campagne. À l'opposé, la

6 Michel PASTOUREAU Les couleurs de notre temps, Paris, C. Banneton, 2003, p. 46.

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photographie de cette femme a suscité une réaction épidermique en Espagne et son retrait a été exigé du fait de son caractère sexiste. Par ailleurs, il est curieux de voir que la marque partielle du soleil sur le corps, considérée souvent comme inesthétique, est ici sciemment utilisée, un peu dans le sens que décrivait Eric Orsena dans son roman L'exposition coloniale en 1988 : « [Irène et Nina]

parlaient de bronzage. Nina préférait rester blanche. Irène, non. Elle aimait tant le soleil du cap Saint-Jacques. Mais j'avais deviné sa raison. Emouvante raison.

Fille appliquée, peu pourvue de formes, elle attendait du bronzage qu'il souligne les zones utiles7. » La marque visible ici contribue à érotiser la photographie. La provocation passe ici par ce biais, et on peut noter que la campagne suivante, en 2004, « Smile you are in Spain», sera beaucoup plus sage.

La marque du string évoque ici l'objet qui, de plus, est absent. Le string est un accessoire très particulier, une sorte de paradoxe vestimentaire.

Dominique Cuvillier, écrivain et professeur d'histoire de la mode notait

à

ce propos :

Au-delà de l'effet cache-sexe, sa géométrie formelle et coquine signale que celui ou celle qui le revêt met en lumière sa part d'ombre sulfureuse, une façon d'afficher un désir de dévoilement soh, de vivre l'utopie sexuelle du moment qui consiste à se croire transgressif. Ce polygone textile contient en effet une charge érotique forte, une illusion fétichiste qui exprime surtout des envies d'exhibitionnisme puéril. [ ... ] Cette pseudo-dénudation [ ... ] est une façon de s'incarner en tant qu'individu sexuel8 .

On peut voir dans cette démarche l'affirmation d'adolescents dans leur rapport à leurs corps et à la société. Par ailleurs, les bras relevés, la position des mains, l'ondulation du corps, les lumières de la nuit, la robe renvoient à la danse, à la fête ... Ici, l'esthétique en noir et blanc joue aussi sur un rappel des photographies de nus et de lingerie. Cette photographie évoque en somme la vie nocturne, la séduction, la sexualité, ce qui renforce bien évidement l'impact de cet ensemble.

Les marques corporelles ne se limitent pas au seul bronzage. On trouve, par exemple, des images qui suggèrent la possibilité d'une blessure. L'une d'entre elles montre un homme de dos dont le jean déchiré par une corne lors d'une féria laisse voir une partie d'une fesse. Ici, seul le vêtement est altéré, mais cette marque superficielle semble renvoyer à la peur et l'excitation qui motivent ces activités. Dans le monde entier, la ville de Pamplona est connue pour ses « sanfermines » (fêtes de la Saint-Firmin). Le risque, les sensations fortes et l'émotion générés par ces courses de taureaux dans les rues de la ville attirent chaque année des milliers de personnes. On est bien loin du tourisme de Sol y Playa. C'est la culture sous différentes formes (Ernest Hemingway et son roman Le soleil se lève aussi ... ), la fête elle-même ...

7 Eric ÜRSENA, L'exposition coloniale, Paris, Le Seuil, 1998, p. 514-515.

8 Dominique CuvILLIER « Le string dans Le Nouvel observateur Hors série n°55 juillet-août 2004, Mythologies d'aujourd'hui, p. 57.

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Spain marks, 2002, 28.5 x 23 cm

© Turespana, Madrid. [D.R.]

Toujours aussi loin du tourisme de Sol y Playa, il est intéressant de signaler le cas de la photographie d'un pied en gros plan. Il s'agit du pied d'un pèlerin parcourant le chemin de Saint Jacques de Compostelle. Il porte un bandage et une main le tient. La photographie laisse penser qu'il s'agit d'un pied marqué par la marche et portant des blessures. Il est clair que la souffrance est un axe tout à fait exceptionnel pour la promotion du tourisme. On remarque également qu'il ne s'agit pas d'un pied «jeune», ce qui souligne l'idée de cheminement et laisse penser que le « jeunisme » n'est pas de mise dans cette campagne. Cette partie du corps est riche sur le plan symbolique : Le pied peut être considéré comme la base depuis la station debout, qui caractérise l'homme.

Le pied est aussi la partie de notre corps qui marque le sol lors de notre passage. En retour, celui-ci est marqué

à

son tour par le chemin, et cet échange peut prendre un sens symbolique fort. Ce pied traduit le contact entre le sol et le corps mais aussi entre l'âme et la spiritualité du lieu. La marque est voulue, la souffrance est acceptée d'avance comme une étape vers la libération de l'esprit.

La quête de spiritualité et le type d'images choisi renvoient bien évidement à la religion catholique mais aussi, de façon plus générale, à la découverte de l'Espagne intérieure. German Porras parlait ainsi en 2002 de ce pèlerinage :

LQué decir de la experiencia del viajero-peregrino que recorre el Camino de Santiago a lo largo de un mes? Cada jornada esta llena de descubrimientos: el paisaje, las obras de arte que jalonan el Camino, la relaci6n con las gentes de los lugares que lo integran, el contacta con otros peregrinos. Esta es aplicable especialmente al turismo que hemos dada en llamar cultural, porque su

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motivaci6n es precisamente conocer y sentir el legado hist6rico y artfstico de una sociedad, y que incidentalmente la Administraci6n turfstica espaf\ola estâ comprometida a desarrollar. Prueba de ello, es el "Plan de impulsa del turismo cultural" que el Gobierno aprob6 en julio de 2001 y que busca colocar a Espaf\a en un puesto de liderazgo también en este segmenta del turismo, coma corresponde al potencial de su legado patrimonial y a la riqueza de las manifestaciones de la cultura viva actual9.

C'est donc bien le tourisme culturel qui est visé ici. Cette image-là est le fruit de la collaboration entre la Xunta de Galicia et Turespana, dans le cas présent il s'agissait aussi de reconstruire l'image d'une région marquée par la catastrophe du pétrolier Prestige et la marée noire. Cet axe du tourisme culturel est particulièrement important dans cette campagne, comme nous allons le voir : La peinture (Velazquez, Dali. .. ), l'architecture (Gaudi. .. ) Altamira et ses grottes également sont le sujet de certaines photographies.

www.spain.info

Spain marks, 2002, 28.5 x 23 cm,

© Turespaf\a, Madrid. [D.R.]

Le tatouage est également utilisé dans cette campagne. Le tatouage fait partie de ce que le sociologue David Le Breton appelle les inscriptions corporelles. Ces marques volontaires du corps ont un sens particulier. Alors que le bronzage est une marque naturelle, liée à l'exposition au soleil, le tatouage est une marque culturelle, venue de la main de l'homme. On trouve, par exemple, dans cette série, un tatouage autour du nombril évoquant un trou d'un

9 German PORRAS, op. Cit., p. 267-268.

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parcours de golf. Le petit drapeau indique le numéro 18, le dernier trou d'un parcours. Le nombril devient 1c1 paradoxalement la fin, tandis que traditionnellement, c'est le symbole du centre du monde, de l'origine du monde.

Le golf est une des cibles de choix pour ces publicitaires qui visent un tourisme plus rémunérateur. Cette activité présente de nombreux atouts comme le soulignait El Pais en 2005 :

Un complemento a la playa que se va imponiendo es el golf. [ ... ] El de golf es un turismo eminentemente residencial -el 79% frente al 21 % que se aloja en establecimientos hoteleros-, pero es también un turismo mas caro. Su gasto media por estancia (una media de 6,5 dfas) ascendi6 en 2003 a 910 euros, frente al ingreso media por turista general de 711 euros entonces. Desde 1996 se han puesto en funcionamiento una media de 21 campos al af\o, y las perspectivas son buenas porque mientras en Espaf\a juega al golf el 0,6% de la poblaci6n, en Europa occidental ese porcentaje es superior al 1 %10.

Ce taux de 1 % est suffisant pour justifier cette publicité car un touriste de cette catégorie est plus lucratif, ce qui explique cet engouement pour le golf qui apparaît dans les lieux les plus incongrus, défiant les climats les plus arides.

Cependant, cette possibilité d'ajouter un attrait à une région avec un golf fait qu'il est le complément idéal du modèle Sol y Playa qui apparaît en fond dans la

« carte postale » associée. C'est le sport dans une version élitiste qui est évoqué ici. Il devient ainsi évident que ce n'est plus la course au record de fréquentation que l'on pratique mais une mutation du produit, un repositionnement qu'expriment les choix visuels de la campagne elle-même. Ce corps tatoué associé au golf comporte lui aussi une charge érotique. La peau apparaît frémissante, et le jean entrouvert est lui-même assez suggestif. Par ailleurs, ce type d'inscription corporelle comporte une dimension érotique en elle-même.

Autre exemple, une femme photographiée de dos, visage tourné vers l'objectif avec l'épaule tatouée d'un bison venant de la grotte d'Altamira. Il s'agit clairement ici d'une collaboration entre le musée d'Altamira, la Cantabrie et Turespana. Ce tourisme culturel lié pour le cas présent à la Cantabrie, utilise la préhistoire comme vecteur. Cette marque présente dans les grottes est transposée sur un corps humain en utilisant la technique du tatouage ce qui confère à cette image un côté primitif. Ces inscriptions corporelles ont des fonctions différentes selon les sociétés. Elles peuvent être un instrument de séduction, un mode rituel d'affiliation ou de séparation, elles rendent lisible un statut, elles constituent une sorte de mémoire. David Le Breton notait aussi en 1992 que « Nos sociétés occidentales ne [connaissaient] que des versions atténuées du marquage corporel », telles que le tatouage ou le maquillage par exemple11 . Le piercing n'était pas encore à la mode, sauf dans sa version classique des oreilles percées, qui n'avait pas la dimension transgressive que l'on associe au piercing. Le piercing est une modification du corps par l'ajout d'un objet généralement métallique. En l'occurrence, dans la série « Spain marks», on trouve ce type de marquage corporel. Une photographie en gros plan montre une bouche sur laquelle est fixée une boucle métallique représentant la ene (n), qui symbolise la langue espagnole. Ce piercing se trouve sur une lèvre, une bouche, c'est-à-dire le lieu de la parole, de la langue ...

C'est par la bouche que passe la nourriture, le souffle, la parole. C'est aussi une zone érotique. On touche ici les limites, semble-t-il, du cahier des charges de

10 El Pais 22-05-2005.

11 David LE BRETON, La sociologie du corps, Paris, PUF, 1992, p. 73.

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cette publicité. La transgression doit rester raisonnable pour que la campagne conserve une dimension consensuelle et familiale.

C:5fA~,i.

Spain marks, 2002, 28.5 x 23 cm

© Turespafia, Madrid. [D.R.]

Autre technique plus banale a priori, la coiffure. Quatre de ces images concernent le système pileux en général. Le cheveu se prête à toutes les modes.

Il est d'usage de changer de coiffure, et ce changement ne provoque généralement pas beaucoup d'émois, hormis les cas extrêmes. David Le Breton souligne la grande variété du traitement des cheveux ou du système pileux dans nos sociétés. Il note aussi que le collectif tend à exercer un contrôle rigoureux sur ce type de marquage corporel. Les images présentées marquent des formes de déviance par rapport aux normes actuelles. La moustache de Dali, ou l'accroche-cœur, ou encore, la chevelure type Las Meninas de Velazquez ... La chevelure en pics qui évoquent des montagnes marque aussi une transgression par rapport à la norme, et fait penser aux punks. Ces pointes apportent elles aussi une touche de modernité par rapport aux coupes de cheveux classiques.

Une recherche esthétique sur les volumes et les formes (l'arrondi de Dali ... ) montre que le corps est aussi potentiellement un lieu d'exposition artistique, un lieu culturel.

Le visage est la zone du corps humain qui porte le plus lisiblement les expressions, il porte l'identité, c'est le lieu le plus investi par la personnalité. Il est des marques que nous voyons tous les jours et qui, par nature, comportent une dimension banale. Ce sont les expressions de nos visages, qui portent la marque de l'émotion, depuis l'émerveillement enfantin d'une femme admirant

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un objet, le nez collé à une vitrine, jusqu'aux larmes suscitées par une procession de semaine sainte. Un miracle semble avoir lieu. Il se passe quelque chose qui change l'être et le corps exprime d'une façon ou d'une autre ce changement. L'émotion et l'expression qui en résulte est une des traces que porte le corps. La joie et la peine peuvent marquer un corps aussi sûrement qu'un tatouage ou un piercing.

www.spaln.info

SPAIN

Spain marks, 2002, 28.5 x 23 cm

© Turespafîa, Madrid. [D.R.]

Certains corps ne portent pas une marque physique mais expriment une empreinte intérieure par un comportement, la présence d'un accessoire ou d'un attribut. Par exemple, un homme porte une chemise à pois après son passage en Andalousie, un iguane tenu en laisse évoque les dragons du parc Güell et l'œuvre d'Antonio Gaudi ... Plus difficile à évoquer sans tomber dans des images convenues, la gastronomie n'est pas en reste. On peut voir par exemple le visage d'une jeune femme, souriant, un palillo entre les dents. L'évocation des Tapas se confirme sur la carte postale montrant quelques assiettes dans un bar, accompagnées de bière et de vin. Ici, c'est la seule présence de cet accessoire qui évoque l'activité, la juxtaposition faisant le reste. Notons que la gastronomie occupe elle aussi une place relativement importante dans cette campagne, car il s'agit d'un des points faibles de l'Espagne dont l'image en la matière n'est pas satisfaisante.

L'esprit peut lui aussi être marqué sans que l'apparence soit modifiée, le corps ne porte aucune marque visible, si ce n'est le regard, mais quelque chose a changé. C'est peut-être ce qui constitue la trame des souvenirs, cette marque

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mémorielle invisible. Dans les cas évoqués, le corps est donc devenu une sorte de théâtre dans lequel se jouent des drames et des comédies. Des accessoires et des décors donnent à voir au spectateur une pièce en deux actes. Acte un, la carte postale exprime le passé, l'expérience évoquée, l'.acte deux,. en, noir et blanc exprime le nouvel état de la personne, dont le corps exprime à·son tour le changement.

Quand on considère l'ensemble de la série, le premier point à souligner, c'est que le touriste est ici au cœur de la campagne. Le touriste - et son corps - passent de la périphérie au centre. C'est lui qui a le premier rôle, le corps du touriste devient ainsi le protagoniste principal de l'activité touristique présentée sous un angle tel qu'elle apparaît comme étant une expérience forte qui réhabilite le touriste en lui redonnant le rang de voyageur" L'anthropologue Jean-Didier Urbain dans L'idiot du voyage a montré l'artifice de cette opposition touriste/voyageur, qui perdure cependant. On craint toujours de « bronzer idiot», le tourisme de Sol y Playa, notamment, ayant généralement mauvaise presse. Dans le cadre de cette campagne, on assiste au contraire à une valorisation de l'expérience touristique et donc du touriste lui-même via l'image de son corps. Il est intéressant de noter une certaine homo.généité des attitudes et des traits. Il existe une expression générale, un type de regard profond, qui traduit une émotion de type initiatique, au-delà de la variété des expériences. Le passage en Espagne change quelque chose dans l'être, d'où ce slogan « Spain marks » ou « Touché par l'Espagne » qui mettent en relief l'impact émotionnel profond ressenti par le touriste, dont le corps et l'esprit garderont une trace comparable à celle résultant d'un rite d'initiation.

D'autre part, on note la variété de cette campagne : Chaque région est évoquée d'une façon ou d'une autre, le nord, le sud, l'intérieur ou la cote. On remarque une diversité du tourisme depuis le spiritwel jusqu'au matériel (shopping), depuis le culturel jusqu'au traditionnel (san Fermin ... ) C'est l'ensemble du tourisme qui est évoqué. La culture a.w sens large ... On note cependant la sous-représentation du milieu rural, de la nature. C'est un tourisme plutôt urbain qui est mis en avant, on ne parle pas encore des Casas rurales, notamment. L'intérieur du pays (Madrid ... ) est mis en valeur par rapport à la périphérie. Le modèle dominant Sol et Playa n'est pas négligé mais sa place dans cette campagne, par rapport à l'ensemble de la série, montre qu'il existe une volonté de se décaler de l'image de ce modèle. L'.évocation de ce tourisme est délicate car il produit un effet de « déjà vu >>- qui est hautement préjudiciable à la nouvelle politique de Turespana. Le tourisme de Sol y Playa représente toujours 70% de l'activité mais seuls trois exemples sur un total de 25 environ illustrent ici cette réalité alors que le tourisme culturel et le tourisme gastronomique sont surreprésentés par rapport à leur importance à l'époque.

Les accessoires associés ou évoqués par ces images montrent aussi un autre visage du modèle Sol y Playa, la robe du soir, et la séduction, la marque du masque de plongée, le sport. Le farniente est en net recul. Le tourisme culturel représentait toujours en 2005 moins de 10% de l'ensemble en Espagne12 et était donc toujours considéré comme un secteur émergent, sachant que malgré tout il peut exister une composante culturelle dans des voyages qui a priori ne le sont pas.

Le choix du noir et blanc est surprenant pour une campagne sur le tourisme. C'est une rupture par rapport à la tradition. On pouvait penser que la

12 El Pais, 23 OS 2005.

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mise en valeur d'un pays imposait le recours aux couleurs, que la mer, le ciel, le soleil devraient logiquement écarter le noir et blanc, comme cela est très souvent le cas. Il y a donc quelque chose dans le noir et blanc qui échappe aux photographies couleur, les nus en photographie fonctionnent souvent sur ce type d'image. Le choix du noir et blanc semble obéir à une logique de mise en valeur de la peau humaine. La force du noir et blanc en la matière n'est plus à démontrer. Il génère une émotion particulière, sa puissance esthétisante, synthétisante voire poétisante confère au sujet un charme particulier, une certaine élégance. Il inscrit le sujet dans le temps et l'associe aux souvenirs, au passé.

De plus, ce type d'image en noir et blanc est de nature à affirmer cette notion de qualité qui est un des axes de la communication touristique espagnole. On pense à une tradition du noir et blanc, aux grands photographes, à la mode ...

Le noir et blanc contribue aussi à donner une dimension élitiste à cette campagne qui joue sur des codes d'individualisation et d'exception. La représentation des corps évoque certains produits de luxe (parfums, haute couture ... ) Le noir et blanc marque ici une distance et un changement de perspective par rapport à l'objet. Ce passage au noir et blanc exprime aussi une rupture avec les campagnes précédentes qui mettaient en valeur les couleurs, le bleu du ciel et de la mer notamment. Ce changement exprime l'idée que le centre de l'activité touristique est la personne qui vit une expérience qui va la changer, la marquer, la toucher, bref, une expérience de nature à affecter son être.

On parle parfois de la photographie comme étant I'« art de fixer la trace de la lumière ». Dans cette série, il se produit une mise en abyme de la trace.

En effet, le corps représenté devient en quelque sorte une pellicule sensible qui porte la trace de son passage en Espagne. Ces corps en noir et blanc changent le rapport au territoire et à la culture. Ces corps souvent dénudés, montrent une peau qui semble être le point de contact entre l'objet et l'esprit. L'image de ces corps apporte une dimension nouvelle à cette communication. À l'évidence, ces corps marqués, modifiés, parcourus, portent un message qui parle autrement à nos sens. La représentation d'un corps est devenue banale mais certaines images parviennent cependant à toucher quelque chose en nous. C'est le fameux punctum de Roland Barthes développé dans La Chambre claire et qu'il oppose au studium. La majorité des photographies ne provoque chez le

« lecteur» qu'« un intérêt général, et si l'on peut dire, poli : en elles, aucun punctum : elles [lui] plaisent ou [lui] déplaisent, sans [le] poindre : elles sont investies du seul studium, [c'est-à-dire] une sorte d'investissement général, empressé, certes, mais sans acuité particulière. [ ... ] Le second élément [, le punctum,] vient casser (ou scander) le studium. Cette fois, ce n'est pas [le

" lecteur "] qui [va] le chercher, c'est [le punctum] qui part de la scène, comme une flèche, et vient [le] percer. Un mot existe en latin pour désigner cette blessure, cette piqûre, cette marque faite par un instrument pointu [ ... ], que [Roland Barthes appelle] le punctum ". Il termine son analyse en disant Le punctum d'une photo, c'est ce hasard qui en elle, [le] point (mais aussi, [le]

meurtrit, [le] poigne)13. » On note que dans le cas de Roland Barthes, c'est l'émotion, intense, qui l'atteint. Cette émotion, cette « blessure », cette

« piqûre », vient inscrire le souvenir de l'image dans la cire de la mémoire humaine. Cette trace mémorielle est le résultat d'une sorte d'alchimie entre la

13 Roland BARTHES,« La chambre claire» dans Œuvres complètes, T.V., Paris, Le Seuil, 2002, p. 809.

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photographie et le corps qui nous transmet quelque chose. La publicité a souvent utilisé des photographies représentant des corps sans qu'il existe nécessairement un lien fort avec le sujet de la campagne. Le sociologue David Le Breton souligne l'importance de la corporéité humaine en tant que phénomène social et affirme que « Emetteur ou récepteur, le corps produit continuellement du sens, [et qu'] il insère ainsi activement l'homme à l'intérieur d'un espace social et culturel donné14» Les publicitaires utilisent couramment cette fonction d'émetteur du corps représenté. Dans le cas d'une photographie, l'accroche vient souvent de ce corps, et elle coïncide fréquemment avec le punctum de Roland Barthes. Chaque être humain est un récepteur potentiel de ces campagnes. Pour les publicitaires, l'enjeu est d'optimiser cette réception, de faire en sorte que le message passe et laisse une trace chez celui qui le reçoit.

Le corps représenté, à ce titre, est un vecteur particulièrement intéressant.

Cette campagne et les corps qu'elle montre nous indiquent la façon dont ses promoteurs souhaitent que l'Espagne soit vue. L'image de l'Espagne est une image modelée, fabriquée en partie par les nombreuses campagnes réalisées.

Dans le cas présent, il s'agissait de trouver un axe nouveau, d'apporter une retouche à l'image préexistante. Un des objectifs essentiels de Turespana était de sortir de la représentation de l'Espagne des années 1960-1970, qui perdure encore aujourd'hui sous certains aspects et donner à voir une Espagne moderne, disposant d'atouts autres que le soleil et la plage. Le problème du modèle Sol y Playa est son indifférenciation, qui le rend transposable dans de nombreux pays.

Il s'agit donc de différencier l'Espagne, de la démarquer de ces concurrents actuels ou futurs en renforçant l'identité, la spécificité du lieu. Le corps est ainsi mis au service d'un projet de création d'image de l'Espagne en tant que produit touristique. German Porras dans la conférence prononcée fin 2002, alors qu'il venait de contribuer à lancer la campagne « Spain marks » insistait sur l'importance de l'émotion et affirmait que, sur un marché comme celui du tourisme, il y avait une charge émotionnelle importante dans la décision d'achat15Aussi n'est-il pas vraiment étonnant de voir l'utilisation qui a été faite de l'image du corps dans cette campagne. L'émotion liée au corps favorise l'impact et la mémorisation du message. Le corps s'avère être un vecteur d'émotion particulièrement efficace. Il porte le message vers les autres hommes et il est un facteur d'universalité, au-delà des différences culturelles, ce qui est bien utile pour une campagne internationale. Les corps donnent à voir les émotions et deviennent ainsi une sorte de palimpseste sur lequel s'écrivent et s'estompent les émotions successives. Le stylet de l'émotion laisse aussi une marque chez la personne qui découvre cette campagne, au détour d'une page d'une revue. Cette marque en appelle une autre, c'est la mécanique de cette publicité : Le corps représenté en noir et blanc communique aux corps récepteurs l'expérience vécue ou supposée telle, ce qui incite à vivre une expérience similaire.

Au-delà d'une dose de provocation, il existe une certaine élégance dans ces clichés : une campagne de promotion internationale pour un tel produit qui vise environ 50 millions de clients potentiels devait bien entendu conserver une dimension consensuelle. Entre la recherche de l'impact et celle de l'acceptation il convient de doser savamment les ingrédients d'une telle campagne. Cependant, après avoir observé ces images, il demeure un mystère, celui de la nature

14 David LE BRETON, op. cit. p. 4.

lS German PORRAS, op.cit, p.274.

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exacte de l'impact visuel de la corporéité. Entre la chair et l'esprit, il existe des corrélations qui nous échappent partiellement. Ainsi, la vision des corps, ce contact via la photographie en noir et blanc, génère une émotion difficile à nommer qui s'apparente à une sorte d'érotique, ce qui rappelle cette approche suggérée par Marguerite Yourcenar dans son roman Mémoires d'Hadrien :

J'ai rêvé parfois d'élaborer un système de connaissance humaine basé sur l'érotique, une théorie du contact, où le mystère et la dignité d'autrui consisteraient précisément à offrir au Moi ce point d'appui d'un autre monde. [ ... ] Dans les rencontres les moins sensuelles, c'est encore dans le contact que l'émotion s'achève ou prend naissance [ ... ]. Même les rapports les plus intellectuels ou les plus neutres ont lieu à travers ce système de signaux du corps. Avec la plupart des êtres, les plus légers, les plus superficiels de ces contacts suffisent à notre envie, ou même l'excèdent déjà. Qu'ils insistent, se multiplient autour d'une créature unique jusqu'à la cerner toute entière ; que chaque parcelle d'un corps se charge pour nous d'autant de significations bouleversantes que les traits d'un visage ; qu'un seul être au lieu de nous inspirer tout au plus de l'irritation, du plaisir ou de l'ennui, nous hante comme une musique et nous tourmente comme un problème, qu'il passe de la périphérie de notre univers à son centre, nous devienne enfin plus indispensable que nous- même, et l'étonnant prodige a lieu, où je vois bien davantage un envahissement de la chair par l'esprit qu'un simple jeu de la chair16

16 Marguerite YOURCENAR, Mémoires d'Hadrien dans Œuvre romanesque, Paris, Gallimard, 1982, p. 296- 297.

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