La loi Claeys-Léonetti et les patients en fin de vie
Docteur D. HONNART, Département de Médecine d’Urgence, CHU de DIJON
DH 2017-06
CONSENTEMENT AUX SOINS LOI KOUCHNER (2002)
• Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment
• Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix
• Si la volonté de la personne de refuser ou d'interrompre tout traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en œuvre pour la convaincre d'accepter les soins indispensables
• Le devoir d’assistance du médecin doit l’emporter sur le refus de soins dans les situations d’urgence (Circulaire 6 mars 2006)
• si le pronostic vital est engagé
• dès lors que le patient n’a pas disposé d’un délai minimum nécessaire pour réitérer en toute connaissance de cause sa volonté
Loi du 4 mars 2002 (loi Kouchner
)La mort en France (1)
• Près de 60 % des décès ont lieu à l'hôpital
• 7.5 % des 531 000 décès annuels en France ont lieu aux urgences et en UHCD (20 000), âge moyen 75 ans
• Contexte
– fragilisation du lien social et intergénérationnel – toute-puissance de la médecine
– la mort devient une affaire de soignants – insuffisance des soins palliatifs
La mort en France (2)
• Mort inattendue 20 %
– patients vus en SMUR dans 50% des cas – maximum de soins
• Mort suite à décision médicale 80 %
– 2/3 pathologie chronique avancée
patient adressé pour fin de vie (agonie insupportable)
LAT au terme d'une réanimation
– 1/3 pathologie aiguë
Problème des fins de vie attendues
• La famille panique lorsque l'état de santé du malade se dégrade vite
– appel au secours du SAMU
– transfert sur les urgences avec forte
probabilité de décès aux urgences dans des conditions difficiles
• Grandes difficultés en période de forte activité
– atteinte à la dignité du patient – familles parfois délaissées
• Nécessité de mise en réseau avec les soins de ville (HAD) et les unités de soins palliatifs
Loi Léonetti du 22 avril 2005
Loi Claeys-Léonetti du 2 février 2016
• Interdiction de l’obstination déraisonnable (acharnement thérapeutique)
• Procédure collégiale de limitation ou d’arrêt de traitements
• Prise en compte des directives anticipées devenues opposables et sans limitation de durée recherchées à l’admission et de l’avis de la personne de confiance
• Recours à la sédation profonde et terminale jusqu’au décès
• Renforcement des soins palliatifs
Limitation et arrêt des thérapeutiques actives (LATA)
• Comité Consultatif National d’Ethique
• Ce n'est pas un arrêt délibéré de la vie, mais admettre que la mort qui survient est la
conséquence de la maladie
• Peut avancer le moment de la mort (25 à 50
% en réanimation)
• Nécessité d’accompagnement, soins palliatifs
Loi Léonetti
• Prise en compte du refus de traitement exprimé par le
malade. Dès lors que ce refus est susceptible d’entraîner la mort
– le malade conscient doit avoir réitéré sa volonté (art 4)
– si patient inconscient, collégialité de la décision d’arrêt de traitement
• Les directives anticipées du patient hors d’état de
s’exprimer sont opposables (sauf disproportion manifeste)
• Si le malade est inconscient et ne peut manifester ses choix, la voix de la personne de confiance prime « sur tout autre avis non médical, à l’exclusion des directives anticipées » (art 8)
Ce que ne dit pas la loi
• Le médecin n'a pas le droit de provoquer délibérément la mort
– article R 4127-38 CSP inchangé +++
– pas de légalisation de l’euthanasie qui demeure un crime (Cour d’Assises)
• Pas de définition du traitement qui cesse d’être utile et proportionnel, laissant les équipes soignantes dans le flou
• Consentement, libre et éclairé, difficile en urgence
Particularités du contexte d’urgence
• Du temps est nécessaire, ce qui exclut l’urgence
• Les situations d’urgence ne permettent pas une application facile de la loi
• Problème fréquent : faut-il ou non entreprendre une réanimation ?
• Un délai n’est pas nécessaire lorsque le médecin estime qu’il serait déraisonnable d’entreprendre une réanimation +++
– nouvelle rédaction de l’article 37 du Code de Déontologie Médicale
– « (le médecin) peut renoncer à entreprendre ou poursuivre des traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou qui n'ont d'autre objet ou effet que le maintien artificiel de la vie », sans fixer de modalité particulière
Directives anticipées
• Possibilité de rédiger des directives anticipées concernant sa fin de vie
– document écrit, daté et signé (modèle possible) – valable sans limitation de temps
– révocable ou modifiable à tout moment
– surtout pour maladies chroniques (SLA, SEP évoluées, cancers en phase terminale…)
• Document conservé par
– le patient
– la personne de confiance
– un membre de la famille ou un proche
• Valeur contraignante pour le médecin
Procédure collégiale
• La décision de limitation ou d’arrêt des
thérapeutiques actives est prise par le médecin
– après concertation avec l'équipe de soins
– et sur l'avis motivé d'un autre médecin, appelé comme consultant (sans lien hiérarchique)
• La décision prend en compte
– les souhaits antérieurement exprimés, rapportés oralement par les proches
– les éventuelles directives anticipées – l'avis de la personne de confiance
Qui décide ou participe à la décision
• Patient
– seuls 20 % sont capables, directives anticipées rares
• Entourage
– consulté mais ne prend pas la décision (sentiment de culpabilité)
– parfois pas d'unité de vues dans la famille
• Collégialité
– décision prise par le médecin : décision médicale – en concertation avec les soignants
– parfois à l’initiative de la famille
– article 37 du Code de Déontologie Médicale : on peut seul ne pas entreprendre un traitement futile, mais collégialité nécessaire pour limiter ou arrêter une thérapeutique
– information, déni, patient refusé en réanimation (35 %) accès immédiat (SAMU)
Collégialité en urgence
• Grand centre
– appel au réanimateur qui écrit sa conclusion par écrit et non par téléphone
– après avoir vu le patient
• Centres plus petits
– avis du réanimateur à distance – sur présentation du dossier
• Responsabilité
– un seul nom figure dans le dossier
– absence de lien de subordination entre
médecins dans le cadre d'une éventuelle mise en cause de la responsabilité
La personne de confiance
• Tout patient majeur peut désigner par écrit une
personne de confiance qui peut être un parent, un proche, le médecin traitant…
• Cette possibilité, révocable à tout moment, est proposée lors de toute hospitalisation
• La personne de confiance peut assister aux
consultations, accompagner le patient dans ses démarches
• Elle est consultée au cas où le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté et de recevoir
l'information
• Son avis, sauf urgence ou impossibilité, prévaut sur tout autre avis non médical, à l'exclusion des directives anticipées
Mise en œuvre
• Donner du temps au temps
– réanimation d'attente +++, surtout en SMUR – étayage du diagnostic
– liens avec les proches
– permet de formuler l'obstination déraisonnable
• Donner du temps à la mort
– annonce de la mauvaise nouvelle – venue d'un proche éloigné
– transport à l'hôpital
– réanimation compassionnelle
Mise en œuvre
• Protocoles de soins (recommandations du groupe éthique de la SFMU)
– pas de scope, pas de bilan bio
– oxygène pour diminuer la détresse respiratoire si acceptée par le patient – VVP non obligatoire
– soins de bouche, pas d'alimentation
• Médicaments : morphine, midazolam, corticoïdes, antiémétiques, atropiniques (râles agoniques)
• Médicaments inutiles : catécholamines, remplissage, transfusion
Mise en œuvre
• Consignes écrites dans le dossier
– NTBR ou ANPR, non réanimation – liste des gestes précis écartés :
intubation, réanimation cardio- pulmonaire, hémodialyse
• Accompagnement
– ne pas laisser à l'abandon
– favoriser la présence de la famille
Obligations du médecin
• Motivation des choix thérapeutiques avec évaluation de leurs conséquences
• Prise en compte de l’avis de la famille sans lui faire porter le poids de la décision médicale
• La responsabilité de l’application de la décision incombe toujours au médecin
"On doit supprimer la souffrance sans supprimer le malade"
• Textes législatifs et réglementaires mal connus
– manque de formation des équipes
– absence de procédures de fin de vie et de culture de l’accompagnement
– sédation terminale, des patients dont on arrête les traitements actifs (éviter les agonies
douloureuses)
• Interdiction
– de l’euthanasie
– de l’obstination déraisonnable
Groupes de prise en charge
Conclusions
• Loi applicable malgré quelques difficultés
• Décision de LATA non prise en urgence absolue
– diagnostic, pronostic, souhaits du patient – réanimation d’attente