26 | La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXI - n° 1 - janvier-février 2016
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RÉANIMATION
Fabrice Bruneel (service de réanimation médicochirurgicale, centre hospitalier de Versailles, Le Chesnay)
Antibiothérapie des infections intra-abdominales : 4 jours !
Contexte
La prise en charge des infections intra-abdo- minales (IIA) a fait l’objet de multiples recom- mandations, dont récemment, en France, des recommandations formalisées d’experts (1).
Ces infections relèvent en premier d’une prise en charge adéquate de la source de l’infection par chirurgie ou drainage sous contrôle radiologique, mais aussi d’une antibiothérapie maintenant bien codifiée selon les contextes. En revanche, les durées d’antibiothérapie sont fondées sur des avis d’experts et varient de 4 à 10 jours, mais, en pratique, les cliniciens traitent souvent plus longtemps. Dans un contexte général d’optimisation de l’antibiothérapie, avec une tendance à raccourcir les durées de traitement, cette étude STOP IT (Study To Optimize Péritoneal Infection Therapy) compare, en postopératoire des IIA, une durée d’antibiothérapie fixe de 4 jours à une durée traditionnelle (avec un maximum de 10 jours) [2].
Méthode
Il s’agit d’une étude multicentrique en ouvert, réalisée dans 23 services de chirurgie entre 2008 et 2013, aux États-Unis et au Canada. Les patients ayant été opérés ou drainés sous contrôle radiologique de manière consi- dérée comme adéquate pour une IIA, étaient randomisés concernant l’anti biothérapie, entre le groupe expérimental (durée fixe de 4 jours) et le groupe contrôle (durée définie par la résolution des signes de sepsis
[température < 38 ° C, leucocytes < 11 000/mm3, absence d’iléus] pendant au moins 2 jours, avec un maximum de 10 jours). Il s’agissait d’une étude d’équivalence, prévoyant l’inclusion de 1 010 patients, avec un critère de jugement composite : survenue soit d’une infection du site opératoire, soit d’une nouvelle IIA, soit du décès, dans les 30 jours suivant l’opération initiale. Plusieurs autres objectifs secondaires étaient aussi évalués.
Résultats
Au final, 518 patients ont été inclus, car l’étude a été stoppée à la première analyse intermédiaire pour futilité. L’âge moyen était de 52 ans, le score APACHE II moyen à 10 ; 2/3 des infections étaient communautaires, et 1/3 des patients n’avaient eu besoin que d’un drainage percutané. Dans le groupe contrôle, la durée médiane de l’antibiothérapie a été de 8 jours versus 4 jours dans le groupe expérimental (p < 0,001). Le critère composite principal est survenu chez 56 des 257 patients du groupe expérimental (21,8 %) versus 58 des 260 patients du groupe contrôle (22,3 %), avec une différence de − 0,5 % (IC95 : − 7 ; 8) [p = 0,92] (diapositive 1). La mortalité était globalement de 1 % (3 décès dans le groupe expérimental versus 2 dans le groupe contrôle), et il n’y avait pas de différence au niveau des 2 autres paramètres composant le critère principal. Concernant les critères de jugement secondaires, il n’y avait pas de différence entre les 2 groupes, si ce n’est une moindre consommation d’antibiotiques (exprimée en nombre de jours sans antibiotique entre J0 et J30) dans le groupe expérimental. Par ailleurs, il n’y avait pas non plus de différence au niveau du critère principal dans les sous-groupes d’intérêt (diapositive 2).
Références bibliographiques
1. Montravers P, Dupont H, Leone M et al. Prise en charge des infections intra-abdominales. Anesth Reanim 2015;1:75-99.
2. Sawyer RG, Claridge JA, Nathens AB et al. Trial of short-course antimicrobial therapy for intraabdominal infection. N Engl J Med 2015;372(21):1996-2005.
L’auteur déclare avoir des liens d’intérêts avec Astellas, Gilead, MSD, Novartis, Pfizer.
Concernant les infections intra-abdominales, il s’agit de la première étude randomisée incluant un important effectif et comparant 2 durées de traitement antibiotique. Cette étude d’équivalence a été stoppée pour “futilité” ; l’équivalence n’est donc pas démontrée stricto sensu puisque l’effectif prévu, de plus de 1 000 patients, n’a pas été atteint. Néanmoins, ces résultats suggèrent qu’une durée courte fixe de 4 jours est tout aussi efficace qu’une durée conventionnelle (ici de 8 jours en médiane). Il est important de souligner que cette conclusion ne s’applique qu’à la population étudiée, des patients avec une atteinte peu sévère, comme en témoignent la faible mortalité (liée aux comorbidités plus qu’à l’IIA) et le faible score APACHE II. Il ne s’agit donc pas du tout de patients de réanimation ; on ne dispose d’ailleurs d’aucune donnée sur les pourcentages de patients ventilés ou en choc septique.
Dans la population étudiée (patients peu graves de service de chirurgie présentant une infection intra-abdominale), cette étude méthodologiquement correcte suggère qu’après le contrôle adéquat du foyer infectieux, une antibiothérapie courte et fixe de 4 jours est équivalente à une antibiothérapie conventionnelle dont la durée dépend de la résolution des signes de sepsis. C’est la première étude de ce type qui vient renforcer scientifiquement la durée de l’antibiothérapie au cours des IIA peu graves.
Une étude du même type serait vivement souhaitable au cours des péritonites les plus graves prises en charge en réanimation, situations dans lesquelles la durée de l’antibiothérapie ne relève encore que d’un faible niveau de preuve (1).
Commentaire
0026_LIF 26 23/02/2016 10:40:24
La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXI - n° 1 - janvier-février 2016 | 27
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0027_LIF 27 23/02/2016 10:40:26