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Ouvre grand tes oreilles : les dispositifs de collecte de voix dans la littérature contemporaine

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Academic year: 2022

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Fixxion 18 (juin 2019) 73

Les dispositifs de collecte de voix dans la littérature contemporaine

1 Lors de son discours de réception du Prix Nobel de Littérature, Svetlana Alexievitch revenait sur sa posture d’auteure à l’écoute des voix des autres :

Flaubert a dit de lui-même qu’il était “un homme-plume”. Moi, je peux dire que je suis

“une femme-oreille”. […] J’aime la façon dont parlent les gens... J’aime les voix humaines solitaires. C’est ce que j’aime le plus, c’est ma passion.1

2 Ce portrait de l’écrivaine en “femme-oreille” signe une œuvre qui, de La guerre n’a pas un visage de femme (1985) à La fin de l’homme rouge (2013), s’est constituée à partir des témoignages que l’ex-journaliste a inlassablement glanés, enregistrés, transcrits, réécrits pour composer ses “romans de voix” devenus les dépositaires d’une mémoire soviétique à la jonction de l’individuel et du collectif.

3 Écrivains de l’oreille, collecteurs de voix, c’est sous cette étiquette que l’on pourrait rassembler, au sein des “littératures de terrain”, des auteurs aussi divers que Jean Hatzfeld, Olivia Rosenthal, Jean-Paul Goux, François Bon ou encore Maryline Desbiolles. Car chez ces auteurs-arpenteurs, l’appréhension des lieux s’arrime aux témoignages de ceux qui les habitent, les traversent, s’en souviennent. Des rescapés du génocide rwandais à Nyamata pour la trilogie d’Hatzfeld aux parias de la cité de l’Ariane à Nice dans C’est pourtant pas la guerre, en passant par les voix ouvrières du pays de Montbéliard pour Mémoires de l’enclave, tous mettent en œuvre à leur manière des

“Architectures en paroles”, pour reprendre le beau titre du projet d’Olivia Rosenthal autour de la Prison de la Santé et de la réhabilitation du Cent Quatre à Paris.

4 C’est ce goût commun pour l’entretien que nous souhaitons explorer ici, en interrogeant les méthodes, les dispositifs et les protocoles qui sous-tendent ces collectes de voix. Ces outils de la collecte – magnétophone en tête –, les enquêteurs les exhibent volontiers, de même que la part belle est faite au métadiscours autour de questions portant sur la place de l’auteur, les choix de transcription, les scrupules éthiques et déontologiques. À travers cette scénographie de la collecte, les récits de voix semblent partager avec les sciences humaines et sociales la “politique du terrain”2 analysée par Jean-Pierre Olivier de Sardan. Les écrivains de l’oreille ne cessent en effet de dialoguer avec les modèles de l’enquête orale : sont tour à tour convoqués ou congédiés la collecte ethnographique, la méthode sociologique du récit de vie, le recours au témoignage par l’histoire orale, invitant à mettre au jour les emprunts et déplacements dont résultent les récits de voix.

5 Pour autant, si ces textes semblent à première vue s’inscrire pleinement dans la mouvance des “narrations documentaires”3 étudiées par Lionel Ruffel – ce que suggèrent un sous-titre tel que “reportages” pour Viande froide, ou encore la longue pratique du journalisme dont des écrivains comme Hatzfeld et Alexievitch sont issus – les récits de voix exhibent rarement les témoignages collectés à la manière d’un collage de documents bruts. Les voix qui habitent les textes d’Olivia Rosenthal, celles qui parcourent le livre-immeuble de Maryline Desbiolles, et même les chœurs des récits de Svetlana Alexievitch résultent au contraire d’un processus de réappropriation poétique du matériau collecté. Les diverses formes que prennent les récits de voix ne sont donc pas exemptes d’une certaine tension entre l’effet documentaire produit par le dispositif de la collecte, et la restitution qui ménage de savants jeux de transcription et de

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recomposition. C’est bien dans la mise en œuvre d’une “poétique de voix”4 couplée d’une esthétique du montage que réside la singularité de ces œuvres. En composant des textes polyphoniques, il s’agit de faire résonner dans le livre des voix multiples et contradictoires qui proposent le portrait mouvant et pluriel d’une communauté.

Archéologie d’une pratique : au confluent du témoignage et du récit de vie

6 Au cours des années 1980 émergent divers projets artistiques centrés sur des collectes de voix. En 1980, Georges Perec et Robert Bober réalisent Récits d’Ellis Island, documentaire poétique qui fonctionne en diptyque : on chemine des “Traces” du passage des émigrants sur “l’île des larmes” devenue musée, aux “Mémoires” orales de ceux qui sont arrivés aux États-Unis au début du XXe siècle. Pour Perec, cette enquête explore une “mémoire potentielle” qui aurait pu être celle de leurs ancêtres s’ils avaient quitté le continent européen. En 1985, Nicole Malinconi publie Hôpital silence, recueil des “mots perdus de l’hôpital” où, en tant qu’assistante sociale, elle fut témoin des violences faites aux femmes venues avorter. Un an plus tard paraissent les Mémoires de l’enclave, fruit d’une enquête de Jean-Paul Goux en résidence à Montbéliard auprès d’anciens ouvriers des usines de Sochaux. Il faudrait aussi citer la belle trilogie de John Berger composée de récits de vies paysannes en Haute-Savoie, publiée au cours de la décennie5.

7 Plusieurs facteurs ont contribué à l’essor de cette méthode consistant à recueillir la mémoire orale d’un territoire. D’un point de vue matériel, l’invention du magnétophone à cassettes en 1963, peu coûteux et simple d’utilisation, en fait l’outil indispensable d’une génération de sociologues auxquels les écrivains emboîtent le pas. Le progrès technique marque ainsi une étape supplémentaire dans l’histoire de l’enregistrement de la voix, prolongeant le désir d’un “roman parlant” qui, de Cendrars à Queneau, s’est efforcé d’introduire les voix populaires dans le texte littéraire6. À cela s’ajoute une raison plus géographique et politique, à savoir la décentralisation initiée dans les années 1980 : Florence Descamps rappelle que les régions et leurs institutions se dotent peu à peu de programmes de collecte ethnologique en vue de constituer des archives orales pour conserver les mémoires locales7, ce dont Mémoires de l’enclave porte clairement la trace. Le livre résulte en effet d’une commande initiée par le comité d’établissement des usines Peugeot pour écrire le récit de la mémoire ouvrière du territoire ; dans le texte, la mission ethnographique de “l’Informateur” s’inscrit dans l’héritage romantique de la collecte folklorique, modèle dont il s’agira de se déprendre au cours de l’enquête8. C’est dans la lignée de ce phénomène de décentralisation qu’on peut réinscrire la pratique des résidences d’écrivains auxquelles s’adossent souvent les projets de collecte de voix : Olivia Rosenthal aux Subsistances à Lyon pour Les lois de l’hospitalité, au Cent Quatre à Paris pour Viande froide, à Saint-Ouen pour Ils ne sont pour rien dans mes larmes ; le collectif Inculte au Triangle à Rennes pour écrire un roman collectif sur le quartier du Blosne… Ces dispositifs de collecte en résidence manifestent une nouvelle forme de mécénat public qui impute aux écrivains un rôle de médiation sociale sur le territoire, dans la rencontre avec les habitants.

8 S’il faudrait développer les enjeux de ces phénomènes, c’est pourtant de deux autres exemples, l’un issu du cinéma documentaire, l’autre de la sociologie, que l’on partira pour comprendre l’essor des collectes de voix à la fin du XXe siècle. Il s’agit de deux œuvres symptomatiques de leur temps, qui occupent souvent une place de choix dans la

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bibliothèque des collecteurs de voix : elles proposent en effet un creuset de questionnements avec lesquels les écrivains de l’oreille entrent en dialogue. Shoah de Claude Lanzmann, sorti en 1985, reflète l’héritage testimonial de la collecte ; la Seconde Guerre mondiale et le génocide juif constituent en effet une sorte d’arrière-pays des récits de voix contemporains. Quant à La misère du monde, ouvrage collectif dirigé par Pierre Bourdieu en 1993, les écrivains contemporains s’en sont saisis pour en faire le laboratoire des détournements littéraires de l’entretien et du récit de vie.

L’art-témoin avec Shoah de Claude Lanzmann

9 Composé uniquement de témoignages (ceux des survivants, ceux des bourreaux et ceux des témoins oculaires), Shoah s’inscrit pleinement dans l’ “ère du témoin” qu’a analysée Annette Wieviorka9 : l’ “avènement” du témoin ouvert par le procès Eichmann dans les années 1960 laisse place, dans les années 1980, à la patrimonialisation de la mémoire du génocide juif qui s’accompagne d’une médiatisation croissante de la figure du témoin, y compris sur la scène littéraire. Les récits de voix gardent le souvenir de l’enquêteur qui interroge le témoin de la Shoah10, et si la littérature contemporaine opte pour une démarche plus empathique que l’interrogateur intransigeant et provocateur qu’incarne Lanzmann, le film a joué un rôle séminal pour de nombreux écrivains. Il y a, d’abord, la conjonction de la voix et de l’arpentage systématique des lieux : Lanzmann parle lui- même d’un “film de géographe, de topographe”11 – initialement intitulé “Le lieu et la parole”. L’enquêteur n’en finit pas de revenir sur les lieux, inlassablement filmés pour que malgré l’absence de traces ils disent quelque chose des disparus. Refusant toute reconstitution, ce sont les voix des témoins, montées sur les paysages, qui donnent au spectateur l’indice de ce que fut le génocide. Il n’en ira pas autrement chez les auteurs contemporains : bien souvent, le premier arpentage des lieux s’avère déceptif, d’où le recours aux témoignages pour recomposer un portrait avec figures absentes. Arrivant à Terezín, qui fut utilisée par les nazis comme camp vitrine pour tromper les Alliés, la narratrice d’Une île, une forteresse ne cache pas sa déception : “Je m’attendais, peut- être, à quelque chose de plus spectaculaire, à une marque indélébile à même le paysage, mais l’empreinte est plus profonde, les couches, plus nombreuses, indissociables” (IF 45). Inversement, l’entretien avec Félix Kolmer, premier témoin rencontré, réactive comme par magie la mémoire du lieu : “Dans ses mots s’est bâtie la ville” (IF 38) – formule qui rappelle une fois encore les “Architectures en paroles” d’Olivia Rosenthal.

10 Selon Shoshana Felman, le film de Lanzmann marque l’avènement de l’ “art-témoin” : en recueillant les témoignages de ceux qui ont fait l’expérience directe de l’événement, l’artiste devient témoin au second degré ou encore “témoin de témoin”, garant de la transmission du récit et d’une mémoire sur le point de disparaître12. Catherine Coquio montre que ce paradigme de “l’art-témoin” fédère la réflexion française sur le génocide et le genre testimonial, qui trouverait son origine dans la figure de Perec ; l’une des questions centrales de l’auteur de W ou le souvenir d’enfance reposait en effet sur cette interrogation : comment témoigner de ce dont on n’a rien vu ? On sait qu’à cette question, le dispositif de W répond par le recours au témoignage d’autrui, ceux de Robert Antelme et de David Rousset. À la suite de Perec, les écrivains ont développé de semblables stratégies de témoignage au second degré : née en 1948, Svetlana Alexievitch n’a pas connu la Seconde Guerre mondiale, mais elle explique dans ses entretiens et son journal avoir grandi dans son souvenir, en insistant sur la figure mythique des “babas”, ces vieilles femmes assises sur les bancs publics qui racontaient, avec la voix des

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conteuses, le quotidien de la guerre aux enfants13. Autre image de cette transmission indirecte : Hélène Gaudy dans Une île, une forteresse apparaît en train de recueillir le témoignage de Georges-Arthur Goldschmidt, lui-même enfant de déporté (IF 72).

11 Les livres de voix héritent ainsi de la figure paradigmatique du témoin de la Shoah, suggérant que nous sommes encore dans l’ère identifiée par Annette Wieviorka.

Lorsqu’elle collecte les voix de ceux qui ont travaillé dans l’enceinte du Cent Quatre, Olivia Rosenthal choisit d’appeler ceux qu’elle interroge des “témoins” ; dans Ils ne sont pour rien dans mes larmes, le personnage de Denis raconte comment il s’est investi dans la transmission de la mémoire du génocide après avoir vu Nuit et brouillard14. On pourrait donc croire que les récits de voix prolongent le constat d’Alexandre Prstojevic selon lequel la Shoah serait devenue, depuis la fin du XXe siècle, un sujet romanesque à part entière15. Pour autant, selon les collecteurs de voix, être “témoin de témoin”, loin d’assigner à l’art une fonction de reconstitution, loin d’affirmer la supériorité d’une vérité romanesque, c’est proposer une esthétique du montage de sources orales, une écriture polyphonique qui convoque des points de vue contradictoires. Ce qu’accomplissent les récits de voix relève davantage d’une fonction mémorielle, en interrogeant la possibilité de “lieux de mémoire”16 qui ne soient pas muséifiés, qui demeurent vivants : c’est tout l’enjeu de Viande froide, où la narratrice se demande comment réhabiliter un lieu en évitant le double écueil de la table rase et de la muséification ; c’est aussi l’un des problèmes soulevés par Hélène Gaudy lorsqu’elle explore le devenir de Terezín, lieu de mémoire figé dans le passé.

La misère du monde ou l’entretien compréhensif

12 Si l’œuvre de Lanzmann reflète la place centrale de la figure du témoin dans l’enquête orale, La misère du monde de Pierre Bourdieu témoigne du succès de la méthode de l’entretien compréhensif, que les écrivains se réapproprient17. L’ouvrage dirigé par le sociologue vient couronner l’essor de l’approche biographique : dès les années 1970, les travaux de Daniel Bertaux autour du récit de vie confèrent à cet outil ses premières lettres de noblesse18. Les années 1980 sont marquées par une prolifération de l’usage du récit de vie, tant du point de vue scientifique qu’en tant que phénomène éditorial avec des textes publiés notamment par Terre humaine. Ce que les écrivains de l’oreille vont puiser chez Bourdieu, c’est notamment l’articulation d’une méthode de collecte sur le terrain et d’un dispositif textuel : comme l’explique le sociologue dans le chapitre sur

“L’espace des points de vue”, il s’agit de rejouer dans l’espace du livre la cohabitation et la confrontation des points de vue dans l’espace physique (cités et établissements scolaires) exploré par les enquêteurs. D’où la nécessité, pour aborder des lieux si complexes, de multiplier les perspectives et de faire varier les points de vue. Cette polyphonie des entretiens recueillis et publiés par Bourdieu conforte ainsi l’idée que le récit de vie le plus banal peut à la fois favoriser une connaissance sensible, incarnée, et atteindre la dignité d’un matériau littéraire : il s’agit, selon les mots du sociologue, d’apprendre à “offrir aux propos d’un ouvrier métallurgiste l’accueil recueilli que certaine tradition de la lecture réserve aux formes les plus hautes de la poésie ou de la philosophie”19. De la figure du sociologue en accoucheur des âmes aux questions de transcription de la parole enregistrée, nombreux sont les échos entre les protocoles des récits de voix et les préceptes méthodologiques de Bourdieu sur l’entretien compréhensif – au point qu’on pourrait considérer le livre comme le manuel secret des collecteurs de voix.

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13 Ce qui est mis en cause dans La misère du monde, c’est avant tout la posture de l’analyste. Bourdieu invite à prendre la mesure de la distance qui le sépare de l’enquêté afin d’atténuer le plus possible la part de violence symbolique inhérente à la relation d’entretien. Cette violence de l’entretien, Jean-Paul Goux l’avait déjà finement mise en scène dans la première partie des Mémoires de l’enclave, au cœur du Journal de l’Informateur : en choisissant de relater en détails un entretien raté (de la description minutieuse de la rencontre avec Christophe Jolicart, à la transcription des paroles de l’ouvrier retraité20), il s’agissait, au seuil de l’enquête, de mettre en garde contre les obstacles au projet de la collecte. Selon Bourdieu, recueillir un récit de vie implique l’adoption d’une posture d’empathie intellectuelle : “l’entretien peut être considéré comme une forme d’exercice spirituel, visant à obtenir, par l’oubli de soi, une véritable conversion du regard que nous portons sur les autres dans les circonstances ordinaires de la vie”21. Or, cette notion d’ “exercice” mental, les auteurs contemporains désireux de s’affronter aux voix des autres en font souvent un enjeu éthique et littéraire à part entière, des séries d’exercices proposés au lecteur d’On n’est pas là pour disparaître22 (se mettre à la place d’un malade d’Alzheimer), à l’exposition de soi qui tend à brouiller les contours entre soi-même et autrui, dont rend compte l’indistinction énonciative qui fait vaciller les voix portées par Maryline Desbiolles dans C’est pourtant pas la guerre.

Les collecteurs de voix transforment ainsi le conseil méthodologique en principe esthétique, travaillant à la constitution d’un sujet collectif à l’instar de François Beaune, dépositaire des voix méditerranéennes de La lune dans le puits :

Cet être, que j’écris, est à la fois moi et les autres, un éléphant gonflé de voix. […] Ceux qui parlent dans ce livre sont moi. J’ai digéré toutes les histoires, je les écoute, les réécoute, je me parcours de la trompe, je suis l’éléphant et je retrouve dans le reflet du point d’eau mes histoires miennes, minces et légères comme l’italique, qui me composent.23

14 Cette idée de réappropriation des paroles enregistrées renvoie à un autre problème central dans le rapport au récit de l’autre, à savoir les choix de transcription dans la restitution de l’entretien. Bourdieu soulignait le double écueil de toute solution, oscillant entre transcription littérale (qui échoue à rendre compte de l’esprit de l’entretien, la voix, les gestes et les silences) et transposition réécrite (infidèle à la lettre) :

Ainsi, transcrire, c’est nécessairement écrire, au sens de réécrire : comme le passage de l’écrit à l’oral qu’opère le théâtre, le passage de l’oral à l’écrit impose, avec le changement de support, des infidélités qui sont sans doute la condition d’une vraie fidélité.24

Là encore, les problèmes méthodologiques du sociologue font l’objet d’un déplacement, devenant de véritables partis pris poétiques dans la phase de restitution des voix enregistrées. La transcription devient “élaboration littéraire” selon les mots de Philippe Lejeune25, ou “transformation” selon Jean-Paul Goux26 : répétition de formules captées pour en faire des leitmotive ou des refrains ; déformation de la parole pour accentuer le réseau d’échos qui se tisse entre les voix ; choix typographiques qui fragmentent ou versifient la parole d’autrui pour favoriser une conversion poétique du récit de vie ; mises en relief lexicales et syntaxiques qui révèlent une idiosyncrasie de la voix. En témoigne le narrateur de Daewoo qui s’apprête à retranscrire l’entretien d’une ouvrière au chômage :

Je ne prétends pas rapporter les mots tels qu’ils m’ont été dits : j’en ai les transcriptions dans mon ordinateur, cela passe mal, ne transporte rien de ce que nous entendions, mes interlocutrices et moi-même, dans l’évidence de la rencontre. Je notais à mesure, sur mon carnet, les phrases précises qui fixent une cadence, un vocabulaire, une manière en fait de

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tourner les choses. […] J’appelle ce livre roman d’en tenter la restitution par l’écriture, en essayant que les mots redisent aussi ces silences, les yeux qui vous regardent ou se détournent, le bruit de la ville tel qu’il vous parvient par la fenêtre […].27

Cette poétique de la transcription est aussi une façon de suggérer comme Jean-Paul Goux que “la littérature s’avance masquée”, qu’elle ne se trouve pas toujours là où on l’attend28. Le renversement des perspectives est au cœur de ces récits qui travaillent à faire circuler la parole.

Un exemple de collecte : Jean Hatzfeld et les voix de Nyamata

15 De Dans le nu de la vie à La stratégie des antilopes29, les récits de voix de Jean Hatzfeld arborent un riche appareil paratextuel (photographies des témoins, cartes du district de Nyamata, chronologie, glossaire) qui renforce l’aspect documentaire des livres.

Pourtant, on sait comment le projet de recueillir les témoignages du génocide tutsi s’est construit contre la pratique du journalisme : depuis la fin des années 1990, Hatzfeld endosse la posture du transfuge, donnant son congé au grand reportage de guerre pour trouver refuge dans la littérature, devenant une figure d’écrivain voyageur. La trilogie d’Hatzfeld se fonde ainsi sur quatre écarts épistémologiques par rapport au journalisme : un écart temporel (la collecte a lieu après coup et sur un temps très long, devenant l’œuvre d’une vie) ; un écart géographique (la contrainte initiale est de recueillir les voix en huis clos, dans la bourgade de Nyamata, excluant donc le recours aux points de vue des élites intellectuelles de la capitale) ; le choix des acteurs (les voix relayées sont avant tout celles des rescapés, qui ont été “poussés dans le bas-côté” de l’Histoire (DNV 8)) ; enfin les questions posées diffèrent de celles de l’interview, portant moins sur les faits que sur la dimension affective du rapport du témoin à l’événement, jusqu’aux enjeux existentiels et métaphysiques. Ces choix initiaux seront en quelque sorte les piliers d’une collecte qui, si elle s’écarte du modèle journalistique, dialogue avec les modèles de l’enquête orale.

Échos d’enquête

16 Dix ans après son premier séjour au Rwanda, Jean Hatzfeld parvient à recueillir les témoignages des mêmes personnes que celles qui apparaissent dans le premier livre.

Cette réussite du projet invite à prendre la mesure de la spécificité du terrain choisi : la ruralité, l’absence relative de mobilité des témoins rencontrés sont autant de conditions de possibilité du dispositif de collecte sur le long cours, avec la mise en place après chaque livre de protocoles de retours, de contre-visites30. Par la durée inédite de l’expérience de terrain, le travail d’Hatzfeld s’inscrit dans la “temporalité longitudinale”

de l’approche biographique qu’analyse Claude Dubar31 : il s’agit de réaliser plusieurs entretiens avec une même personne à différents stades de sa vie, méthode extrêmement féconde selon le sociologue, mais très difficile à mettre en œuvre puisqu’elle encourt le risque d’érosion de l’échantillon et la dissolution du lien avec les personnes.

17 L’instauration de cette cyclicité de la collecte suggère que l’obstacle principal au projet a été levé. Dans le nu de la vie présentait en effet un écrivain au statut d’étranger : il était et demeure un “muzungu”, un Blanc dont la présence ne peut que susciter la méfiance puisqu’il incarne la complicité suspecte des Français dans l’organisation du génocide et rappelle l’abandon des populations tutsies aux machettes hutues ; il est aussi un étranger en cela qu’il n’appartient pas au cercle des rescapés, à l’extérieur duquel ne

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circulent pas les récits. L’un des enjeux sera donc de trouver des stratégies pour atténuer la dimension intrusive de la présence de l’écrivain sur le terrain : le problème ici semble être moins celui du sociologue de La misère du monde que celui de l’ethnologue désireux d’observer d’autres communautés. La posture d’Hatzfeld au fil des récits des marais rwandais marquerait une trajectoire qui rappelle les analyses de Vincent Debaene sur le travail de l’ethnographe dans l’entre-deux-guerres32 : on évolue du modèle muséal de la collecte documentaire – “all[er] chercher des récits de rescapés, au creux d’un vallonnement de marais et de bananeraies” (DNV 173) – au modèle de l’expérience de l’ethnographe en immersion dans le milieu étudié. Le projet d’Hatzfeld tend en effet vers cette assimilation progressive que recherchaient les partisans de l’observation participante à la suite de Marcel Mauss. Le dispositif de collecte repose donc sur ces stratégies d’apprivoisement et de familiarisation en vue d’une intégration progressive de l’écrivain : converser, sociabiliser, investir les lieux de vie de Nyamata, et non pas seulement enregistrer les témoignages :

D’où l’initiative de revenir là-bas et de converser avec eux, de boire des bières Primus chez Marie-Louise, ou du vin de bananes au comptoir de Kibungo, de multiplier les visites dans les maisons de pisé, sur les terrasses des cabarets, à l’ombre des acacias, d’abord timidement, puis avec plus de confiance, de familiarité, à la rencontre de Cassius, de Francine, d’Angélique, de Berthe et des autres, pour les convaincre de raconter. (DNV 8) 18 Cette assimilation – qui est aussi une quête de légitimité – passe par la présence de

Sylvie et Innocent, personnages qui facilitent la délégation de la parole entre l’écrivain et les habitants : Innocent, enseignant et écrivain public, sera ainsi décrit comme

“l’intermédiaire indispensable, puis le collaborateur idéal, et le traducteur formidable”

(SM 51) qui accompagne toujours l’écrivain, jusque dans le pénitencier de Rilima auprès des tueurs. Quant à Sylvie, assistante sociale, c’est elle qui introduit Hatzfeld auprès des premiers témoins rencontrés : le chapitre final de Dans le nu de la vie qui lui est consacré se présente d’ailleurs comme une école de l’écoute, une fabrique de la collecte de voix, invitant l’écrivain à prêter attention à la langue bouleversée des rescapés.

19 Pourtant, même dans La stratégie des antilopes, l’écrivain opte pour une position d’entre-deux qui consiste à demeurer un étranger de passage à Nyamata. Il faut lire dans cette distance conservée une précaution méthodologique, puisqu’en gardant le dispositif d’alternance entre temps de l’écoute sur le terrain et temps des retours ponctuels à Paris

“afin d’écouter les entretiens et lire les notes, à distance, et repartir avec de nouvelles questions” (DNV 173), il s’agit de maintenir la fraîcheur du regard, de conserver intacte la capacité d’étonnement du narrateur en vue de renouveler les angles d’approche du génocide. Cette distance est aussi une précaution éthique, dans le refus de s’arroger le droit de parler pour la communauté observée : ce qui demeure béant, au fil des textes, c’est l’écart infranchissable entre celui qui a vécu le génocide et celui qui ne l’a pas vécu, le discours des rescapés rejoignant ainsi la distinction développée par Agamben entre superstes (survivant) et testis (témoin oculaire)33, comme le rappelle Innocent :

Je remarque aussi qu’il se creuse un ravin entre ceux qui ont vécu le génocide et les autres.

Quelqu’un d’extérieur, […] il ne peut pas comprendre tout à fait le génocide. Même s’il a vu tous ces cadavres qui pourrissaient dans la brousse, après la libération ; même s’il a vu les entassements de cadavres dans les églises, il ne peut pas partager la même vision que nous.

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20 Cette brèche souligne les limites de la collecte, et redonne au projet sa juste proportion.

Elle indique aussi la sollicitation croissante de l’histoire au fil des livres, mue par un désir comparatiste entre génocide tutsi et génocide juif : la Seconde Guerre mondiale demeure le paradigme fondamental à la lumière duquel interroger rescapés tutsis et tueurs hutus. L’emploi systématique du terme “rescapés” fait écho au titre de Primo Levi, Les naufragés et les rescapés. C’est à Primo Levi qu’Hatzfeld doit le point de départ du projet – le parallèle entre le mutisme et le délaissement des rescapés juifs et tutsis au sortir de la guerre –, comparaison qui prend de l’ampleur dans Une saison de machettes et La stratégie des antilopes, où l’écrivain exhibe la fabrique de l’entretien en montrant l’élaboration des questions à partir des lectures de Raül Hilberg, Primo Levi, Charlotte Delbo, Christopher Browning34. Là encore, l’ombre de Lanzmann n’est jamais bien loin : au-delà de la référence à Shoah (SM 232), Hatzfeld a récemment écrit un article en hommage au réalisateur qu’on peut lire comme un autoportrait oblique, où il est question de vampirisation de l’enquêteur par les récits collectés, de vie qui se confond avec une quête sans fin, sans oublier la tâche de passeur de témoignages35. Il ne s’agit pas pour autant de confondre les démarches : alors que l’enquêteur Lanzmann incarne une insatiable traque de la vérité, Hatzfeld est bien un écrivain de l’oreille, plus proche des enjeux dégagés par Nathalie Heinich et Michael Pollak dans leurs travaux sur les témoignages de rescapées du génocide juif36. Contre Bourdieu et l’ “illusion biographique”, Nathalie Heinich fait de la cohérence du sujet l’horizon éthique vers lequel doit tendre le travail de l’enquêteur37 : c’est bien vers la constitution de telles

“identités narratives”, pour reprendre la formule de Ricœur, que s’oriente la tâche du collecteur des voix de Nyamata :

C’était bouleversant de voir combien ces rescapés prenaient des risques dans leurs narrations. Ils n’hésitaient pas à se laisser submerger par leurs souvenirs, leurs troubles, leurs douleurs. Ils acceptaient de franchir des interdits ou de raviver des cauchemars. Très souvent, ils racontaient des souvenirs et pensées qu’ils n’avaient encore jamais racontés.

[…] D’un jour à l’autre, le ton de leur voix n’était jamais le même. Même si leur histoire changeait en cours de récit, il fallait les écouter sans réserve. (SM 172)

Poétique du témoignage indirect

21 À la façon de Svetlana Alexievitch, les récits enregistrés au magnétophone par Jean Hatzfeld font l’objet d’un travail de sélection et de coupe avant d’être recomposés par le montage : le dispositif du témoignage indirect tient à la fois d’un art de l’élagage et du rapprochement. Or la progression des livres donne à voir une évolution dans les principes de composition adoptés. Dans le nu de la vie repose en effet sur un dispositif d’alternance stricte, où un chapitre à teneur plutôt descriptive, dont la narration est prise en charge par l’enquêteur, introduit le témoignage d’un ou d’une rescapée à la première personne après avoir évoqué le cadre de la rencontre. On assiste ainsi de manière codifiée, presque ritualisée, à la délégation de l’instance narrative, puisque chaque récit est pourvu d’un titre précisant l’identité et la profession du témoin.

L’alternance produit le plus souvent un effet de contraste entre la dimension bucolique de la description et la violence de l’expérience relatée dans chaque témoignage. Ce contraste suggère dès lors, dans la lignée de Lanzmann, ou à l’instar d’Hélène Gaudy, que les paysages ne portent plus trace des massacres, et que seul le témoignage permet d’accéder à un passé révolu. Dans les autres livres, Hatzfeld délaisse ce procédé de séparation stricte entre les chapitres au profit d’une plus grande porosité entre les voix : façon de représenter une intégration croissante du narrateur en chef d’orchestre qui

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monte des extraits de témoignages avant de les commenter, insère des récits de vie au gré des rencontres. Il en découle un mélange croissant des voix, comme si celle de l’écrivain trouvait davantage sa place parmi les récits collectés.

22 À ces choix de composition répond une poétique de l’étrangeté à travers la transcription de la langue des entretiens. Ceux-ci ont lieu soit en français du Rwanda, soit en kinyarwanda, la “langue des cultivatrices” (DNV 13) qu’Innocent traduit38. Hatzfeld souligne à plusieurs reprises la séduction qu’exerce sur lui cette langue à la fois familière et étrangère, “dont l’appropriation du vocabulaire français est magnifique” (DNV 13). Les récits de voix conservent ainsi la puissance métaphorique du langage avec ses euphémismes (“couper” pour massacrer, “forcer” pour violer), ce que reflètent les titres- citations, issus de paroles enregistrées, qui tous reposent sur une métaphore. L’écrivain choisit par ailleurs de maintenir des termes ou formules archaïsantes aux yeux du lecteur français afin de le défamiliariser, comme celui d’ “avoisinant”. Ce désir d’inquiéter la langue passe aussi par le refus de traduire des termes du kinyarwanda qui relèvent du lexique du génocide, des “interahamwe” pour les milices de tueurs aux

“gaçaça” de la réconciliation. Tous ces procédés concourent à étrangéiser la langue afin de donner à entendre l’inouï de l’expérience génocidaire. On oscille ainsi entre une poétique de la rupture qu’incarne la résurgence du verbe “couper” d’un témoignage à l’autre, et le travail de liaison du récit, qui s’efforce de rendre ces expériences transmissibles par la circulation de l’acte de raconter.

23 Et c’est peut-être dans ce dernier effort que réside l’un des enjeux majeurs des collectes de voix : c’est, en effet, dans le prolongement de la “tâche du conteur” dont Benjamin déplorait la disparition au profit de l’avènement du romancier, que l’on pourrait replacer les écrivains de l’oreille. Car c’est bien par la médiation orale que le conteur de Benjamin transmet ses récits, dans des formes étrangères au genre romanesque. À la solitude du lecteur de romans s’opposerait la communauté rassemblée autour de la figure du conteur, lui qui “tire ce qu’il raconte de l’expérience, de la sienne propre et de celle qui lui a été rapportée. Et il en fait à nouveau une expérience pour ceux qui écoutent ses histoires”39. En recueillant les voix des autres, Jean Hatzfeld assigne à la littérature la fonction d’assurer cette transmission des expériences vécues.

Maud Lecacheur ENS de Lyon

NOTES

1 Svetlana Alexievitch, “À propos d’une bataille perdue. Discours de Stockholm Prix Nobel de Littérature 2015”, La fin de l’homme rouge, trad. de Sophie Benech, Arles, Actes Sud, 2013, <Babel>, p. 655-676, p. 660.

2 Jean-Pierre Olivier de Sardan, “La politique du terrain”, Enquête [En ligne], janvier 1995, mis en ligne le 10 juillet 2013, consulté le 14 septembre 2018, URL : http://enquête.revues.org/263.

3 Lionel Ruffel, “Un réalisme contemporain : les narrations documentaires”, in “Usages du document en littérature”, Littérature, n°166, février 2012, p. 13-25. Selon Lionel Ruffel, les “narrations documentaires”

témoignent d’un “usage du document qui consiste généralement à l’exhiber, à le maintenir, non naturalisé, non transformé dans le corps même du texte”, p. 14-15.

4 Dominique Rabaté, Poétiques de la voix, Paris, Corti, 1999, <Essais>.

5 John Berger, Into their Labours : Pig Earth, Once in Europa, Lilac and Flag, Londres, Granta Books, 1992.

6 Voir Jérôme Meizoz, L’âge du roman parlant (1919-1939) : écrivains, critiques, linguistes et pédagogues en débat, Genève, Droz, 2001. Voir également Jean-Pierre Martin, La bande sonore : Beckett, Céline, Duras, Genet, Perec, Pinget, Queneau, Sarraute, Sartre, Paris, Corti, 1998.

(10)

82  

7 Florence Descamps, Les sources orales et l’histoire : récits de vie, entretiens, témoignages oraux, Paris, Bréal, 2006, <Sources d’histoire>, p. 25-27.

8 Le jeune Informateur avoue ainsi sa tendresse pour les “praticiens de l’enquête orale qui voyaient dans la culture et les traditions populaires la source d’une culture nationale”, citant Grimm, Novalis ou encore Brentano. Voir Jean-Paul Goux, Mémoires de l’enclave, Arles, Actes Sud, 2003, <Babel>, p. 15. Sur les projets de collecte folklorique au XIXe siècle en vue de constituer un patrimoine oral, voir également Paul Bénichou, Nerval et la chanson folklorique, Paris, Corti, 1970.

9 Annette Wieviorka, L’ère du témoin, Paris, Plon, 1998.

10 Pour ne prendre que l’exemple d’Une île, une forteresse, Lanzmann y est cité à de très nombreuses reprises : voir Hélène Gaudy, Une île, une forteresse, Paris, Inculte, 2016, p. 15, p. 97, p. 109 ; dorénavant IF.

11 “Les non-lieux de la mémoire : entretien entre Françoise Gantheret et Lanzmann”, cité dans Michel Deguy (dir.), Au sujet de Shoah, Paris, Belin, 1990, p. 287.

12 Sur cette notion d’ “art comme témoin” et la lecture de Shoshana Felman, voir Catherine Coquio, La littérature en suspens. Écritures de la Shoah : le témoignage et les œuvres, Paris, L’Arachnéen, 2015, p. 67-88.

13 Svetlana Alexievitch, “J’écris l’histoire des âmes”, Entretien avec Michel Eltchaninoff, Œuvres, Arles, Actes Sud, 2015, <Thesaurus>, p. 8-9.

14 Olivia Rosenthal, Ils ne sont pour rien dans mes larmes, Paris, Verticales, 2012, <Minimales>, p. 54-55.

15 Alexandre Prstojevic, Le témoin et la bibliothèque : comment la Shoah est devenue un sujet romanesque, Nantes, Éditions nouvelles Cécile Defaut, 2012.

16 Pierre Nora (dir.), Les lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 1995, <Quarto>.

17 L’ouvrage a par ailleurs rencontré un franc succès littéraire, dont témoignent ses adaptations théâtrales : on peut citer la création de Signes particuliers par Alain Timar à Avignon en 1994, ou encore d’Abbas par Dominique Fréhet au théâtre de la Villette à Paris en 1995.

18 Daniel Bertaux, L’enquête et ses méthodes : le récit de vie, Paris, Armand Colin, 2010, <128 pages>.

19 Pierre Bourdieu (dir.), La misère du monde, Paris, Seuil, 1993, p. 924.

20 Jean-Paul Goux, Mémoires de l’enclave, op. cit., p. 81-84.

21 Pierre Bourdieu, La misère du monde, op. cit., p. 914.

22 Olivia Rosenthal, On n’est pas là pour disparaître, Paris, Verticales, 2007.

23 François Beaune, La lune est dans le puits, Paris, Gallimard, 2017, <Folio>, p. 14-15.

24 Pierre Bourdieu, La misère du monde, op. cit., p. 921.

25 Philippe Lejeune, Je est un autre : l’autobiographie, de la littérature aux médias, Paris, Seuil, 1980,

<Poétique>, p. 291.

26 Jean-Paul Goux, La fabrique du continu : essai sur la prose, Paris, Champ Vallon, 1999, p. 159.

27 François Bon, Daewoo, Paris, Le Livre de poche, 2006, p. 42-43.

28 Jean-Paul Goux, Mémoires de l’enclave, op. cit., p. 455. Sur cette idée, voir aussi le beau chapitre “Voix vivantes – lettre morte”.

29 Jean Hatzfeld, Dans le nu de la vie, Paris, Seuil, 2000, <Points>, dorénavant DNV ; Une saison de machettes, Paris, Seuil, 2003, <Points>, dorénavant SM ; La stratégie des antilopes, Paris, Seuil, 2007, <Points>, dorénavant SA.

30 Voir SA p. 211-213 où le narrateur revient sur l’évolution de chaque personnage envers son rôle de témoin.

31 Claude Dubar et Sandrine Nicourd, Les Biographies en sociologie, Paris, La Découverte, 2017.

32 Vincent Debaene, L’adieu au voyage : l’ethnologie française entre science et littérature, Paris, Gallimard, 2010,

<NRF>, p. 66-68.

33 Giorgio Agamben, Ce qui reste d’Auschwitz, trad. de Pierre Alferi, Paris, Payot et Rivages, 2003, <Petite bibliothèque>, p. 17.

34 Voir notamment dans SM les chapitres “Le passage à l’acte” et “Un génocide de proximité”.

35 Jean Hatzfeld, “Pourquoi lui ?”, in Juliette Simont (dir.), Claude Lanzmann, un voyant dans le siècle, Paris, Gallimard, 2017, p. 145-151.

36 Nathalie Heinich et Michael Pollak, “Le témoignage”, in “L’Illusion biographique”, Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n°62-63, 1986, p. 3-29.

37 Nathalie Heinich, “Pour en finir avec l’illusion biographique”, L’Homme [En ligne], 2010, mis en ligne le 4 novembre 2012, consulté le 24 septembre 2018, URL : http://lhomme.revues.org/22560.

38 Sur cette question de la traduction des entretiens dans l’œuvre d’Hatzfeld, voir l’article de Fleur Kuhn-Kennedy,

“À voix haute ou silencieuse : Dans le nu de la vie de Jean Hatzfeld et les médiations du témoignage”, Cahiers Erta, n°8, 2015, p. 89-100.

39 Walter Benjamin, Le conteur, trad. de Cédric Cohen Skalli, Paris, Payot et Rivages, 2011, <Petite Bibliothèque Payot>, p. 62.

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