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GEO3N : exposition environnementale aux dioxines et risque de cancer du sein dans la cohorte E3N

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GEO3N : exposition environnementale aux dioxines et risque de cancer

du sein dans la cohorte E3N

Résumé.En France, comme au niveau mondial, l’incidence du cancer du sein a doublé en 30 ans. Outre le vieillissement de la population et les progrès du dépistage, les facteurs environnementaux à effet perturbateur endocrinien ont été suggérés pour expliquer cette augmentation. Parmi eux, on retrouve les dioxines, produites lors de la combustion de produits chlorés.

L’objectif du projet GEO3N était d’étudier l’association entre l’exposition environ- nementale (alimentaire et atmosphérique) aux dioxines et le risque de cancer du sein dans la cohorte E3N (98 995 femmes adhérentes de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale [MGEN], suivies depuis 1990).

Aucune association statistiquement significative n’a été mise en évidence entre exposition alimentaire aux dioxines et risque de cancer du sein dans la cohorte E3N (n = 63 830 dont 3 465 cas de cancer du sein ; risque relatif [RR] = 0,94 ; intervalle de confiance à 95 % IC [IC 95 %] = 0,86-1,04 pour les plus exposées versus les moins exposées).

Les expositions atmosphériques ont été estimées grâce à un indicateur spatialisé créé pour les besoins de l’étude. Il prend en compte : 1) les émissions de 2 620 sources industrielles identifiées et localisées sur le territoire français entre 1990 et 2008 ; 2) l’histoire résidentielle des sujets de la cohorte E3N (dont 78 % sont localisés à l’adresse) ; 3) des paramètres météorologiques ; 4) des paramètres techniques des sources. Cet outil a permis d’étudier l’exposition atmosphérique de 4 529 cas de cancer du sein et 4 529 témoins appariés.

L’étude sur la région Rhône-Alpes (429 cas et 716 témoins appariés) n’a pas montré d’association statistiquement significative entre l’augmentation de l’exposition atmos- phérique aux dioxines et le risque de cancer du sein. Les résultats de l’étude nationale (4 529 cas et 4 529 témoins appariés) sont en cours d’analyse. Les hypothèses fortes ainsi que les résultats d’études précédentes encouragent tout de m^eme à étudier de manière plus large l’effet de la pollution atmosphérique sur le risque de cancer du sein.

Mots clés :dioxines ; tumeurs du sein ; exposition alimentaire ; pollution de l’air ; SIG.

Abstract

GEO3N: environmental exposure to dioxins and breast cancer risk in the E3N cohort

In France, breast cancer is the leading cause of death in women. Its incidence has doubled over the last 30 years. In addition to an aging population and more widespread breast cancer screening, the hypothesis of environmental factors with endocrine-disrupting properties has been suggested to explain the rise in breast cancer incidence. These factors include dioxins, which are released during combustion processes of chlorinated organic materials. The French E3N national cohort (98 995 women who have been followed up since 1990) offers the opportunity to study the impact of environmental exposure to dioxins on breast cancer risk while taking the residential history of its members and their individual breast cancer risk factors into account.

THOMASCOUDON1,2

DELPHINEPRAUD1,2,3

ELODIEFAURE4

AURÉLIEDANJOU1

FRANCESCAROMANAMANCINI4

GIANLUCASEVERI4

BÉATRICEFERVERS1,2,3 1Centre Léon Bérard Département prévention, cancer, environnement 28, rue Laënnec 69373 Lyon cedex France

<thomas.coudon@

unicancer.fr>

<delphine.praud@lyon.

unicancer.fr>

<danjoua@fellows.iarc.fr>

<beatrice.fervers@lyon.

unicancer.fr>

2Unité INSERM UA8 Radiation : Défense, Santé et Environnement Lyon France

3INSERM U1052 Centre de recherche en cancérologie de Lyon 28, rue Laënnec Lyon France

4Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP, Inserm U1018) Facultés de Médecine, Université Paris-Saclay UPS, UVSQ, Gustave Roussy Villejuif France

<elodie.faure@gustave- roussy.fr>

<francesca.mancini@

gustaveroussy.fr>

<gianluca.severi@gustave- roussy.fr>

Pour citer cet article : Coudon T, Praud D, Faure E, Danjou A, Mancini FR, Severi G, Fervers B. GEO3N : exposition environnementale aux dioxines et risque de cancer du sein dans la cohorte E3N.Environ Risque Sante2020 ; 19 (S1) : 15-21. doi :10.1684/ers.2019.1381

Article reçu le 1erjuillet 2019, accepté le 9 octobre 2019

doi:10.1684/ers.2019.1381

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Contexte et objectifs du projet

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme en France et son incidence a augmenté de façon constante ces 30 dernières années[1, 2]. Les facteurs de risque du cancer du sein comprennent principalement des facteurs hormonaux et reproductifs ou liés au mode de vie. Les polluants chimiques environnementaux, présents dans l’air, l’eau ou l’alimentation sont suspectés d’^etre impliqués dans l’étiologie du cancer du sein, d’autant plus que certaines de ces substances, agissant comme perturbateurs endocriniens, pourraient modifier le risque de cancer du sein par divers mécanismes d’action notamment par voieœstrogénique.

Le projet GEO3N s’est intéressé à l’association entre l’exposition aux dioxines et le risque de cancer du sein.

Les dioxines sont des polluants chimiques produits lors d’une combustion incomplète de composés chlorés dans différents secteurs d’activité (incinération, métal- lurgie, chauffage au bois, etc.). Parmi les congénères de dioxines, la TCDD (2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-para-dio- xine) a été classée cancérogène certain pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) [3]. Les dioxines sont lipophiles et peuvent s’accumuler dans les tissus adipeux (demi-vie supérieure à sept ans chez l’homme). En population générale, l’alimentation est la source principale d’exposition aux dioxines[4].

Les résultats des études épidémiologiques [5-12]

concernant l’association entre exposition aux dioxines et risque de cancer du sein sont contradictoires et peuvent présenter certaines limites méthodologiques, telles que le manque d’ajustement sur les facteurs de risque individuels de cancer du sein, les faibles effectifs et

l’absence de considération de l’exposition alimentaire aux dioxines.

Concernant l’évaluation des expositions atmosphéri- ques, le coût et le très faible nombre de mesures de dioxines en air ambiant ont poussé les études à utiliser différents types de modèles. Un certain nombre se base sur les résultats de modèles gaussiens [9, 10, 13–16].

Néanmoins, ces études se concentrent le plus souvent sur des zones réduites en simulant les émissions d’une ou plusieurs sources industrielles. De plus, ces études se concentrent presque exclusivement sur les émissions des incinérateurs de déchets ménagers. Pour évaluer les expositions atmosphériques sur des zones d’études plus larges et des temps plus longs, des indicateurs implé- mentés dans des systèmes d’information géographique (SIG) ont été développés. L’étude la plus complète sur l’exposition atmosphérique aux dioxines utilisant un indicateur SIG a été réalisée par Pronket al.[17]. Cette étude menée aux États-Unis prend uniquement en compte la distance sujet-source et l’intensité des émis- sions des sources. Cependant, hors du cas des dioxines, des indicateurs SIG plus complexes ont été développés en intégrant notamment des paramètres influençant la dispersion des polluants, comme la direction du vent [18, 19], la vitesse du vent[20-22]ou encore la pollution de fond[23].

En collaboration avec l’équipe « Générations et santé » de l’Unité Inserm U1018, l’objectif principal du projet GEO3N était de tester l’hypothèse d’un lien entre le risque de survenue de cancer du sein et l’exposition environnementale aux dioxines parmi les femmes de cohorte prospective E3N.

Les objectifs spécifiques étaient :

– d’évaluer l’exposition alimentaire aux dioxines et d’estimer le risque de cancer du sein associé à cette The objective of the GEO3N project was to study the association between environmental exposure to dietary and airborne dioxins and breast cancer risk.

We assessed the association between estimated dietary dioxin exposure and breast cancer risk in 63 830 women from the E3N cohort (including 3 465 women with breast cancer). No statistically significant association was observed. The dioxin-emitting industrial sources in mainland France between 1990 and 2008 were identified (N=2620). The residential history of the E3N participants was geocoded, and 78% were located at the address level. A spatialized indicator for airborne dioxin exposure was developed by using a Geographic Information System (GIS) that took into account major dioxin dispersion parameters. Breast cancer risk associated with airborne dioxin exposure was estimated in 4529 case women with breast cancer matched to 4529 control women without it. In the Rhône-Alpes region (429 breast cancer cases matched to 716 controls), no statistically significant association was observed between airborne dioxin exposure and breast cancer risk. Analyses are still ongoing at the national level. Strong biological hypothesis and results from previous studies support the utility of further investigation into the effect of pollution exposure on breast cancer risk.

Key words:dioxins; breast neoplasms; dietary exposure; air pollution; GIS.

Tirés à part : T. Coudon

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exposition dans la population de femmes de la cohorte prospective E3N ;

– d’évaluer l’exposition atmosphérique aux dioxines grâce à un indicateur spatialisé complexe, prenant en compte l’ensemble des sources émettrices de dioxines sur 20 ans, et d’estimer le risque de cancer associé à cette exposition parmi les cas de cancer du sein et leurs témoins appariés dans une étude cas-témoins nichée dans la cohorte E3N.

La cohorte E3N

L’étude E3N, ou Étude épidémiologique de femmes de l’Éducation nationale, est une cohorte prospective fermée portant sur près de 100 000 femmes françaises, volontai- res, nées entre 1925 et 1950 et étant affiliées à la Mutuelle générale de l’Éducation nationale (MGEN). E3N a débuté en 1990 avec pour objectif d’étudier les facteurs de risque de plusieurs maladies chroniques, dont le cancer du sein, chez la femme[24].

Depuis 1990, les femmes répondent tous les deux-trois ans à un auto-questionnaire portant sur leur mode de vie (nutrition, activité physique, caractéristiques anthropo- métriques, traitement hormonal, antécédents médicaux et familiaux, etc.) et leur état de santé. À ce jour, douze auto-questionnaires ont été adressés aux participantes et le taux de réponse est resté à près de 80 % pour chacun d’entre eux. Les femmes ont également complété deux questionnaires d’histoire alimentaire en 1993 et 2005 et fourni des échantillons de sang et de salive en 1994-1999 et 2009-2011 respectivement. Cette cohorte, grâce à un suivi régulier, a l’intér^et de contenir un grand nombre d’informations de qualité, telles que l’histoire résiden- tielle des sujets sur 20 ans et les principaux facteurs de risque de cancer (facteurs hormonaux, reproductifs et nutritionnels, tabagisme).

Exposition alimentaire aux dioxines et risque de cancer du sein

L’exposition alimentaire aux dioxines a été évaluée parmi les 63 830 participantes de la cohorte ayant répondu au questionnaire d’histoire alimentaire en 1993 et ayant été suivies jusqu’en 2008 ; pendant cette période, 3 465 cas de cancer du sein ont été diagnosti- qués. Les données de consommation alimentaire issues du questionnaire alimentaires ont été combinées aux données de contamination des aliments par les dioxines fournies par le Conseil supérieur d’hygiène publique de France, selon une formule recommandée par l’Organisa- tion mondiale de la santé (OMS). L’association entre

exposition alimentaire aux dioxines et risque de cancer du sein a été estimée par des modèles de Cox, ajustés sur la cohorte de naissance et les facteurs de risque individuels de cancer du sein. Des analyses de sous-groupes ont été réalisées, selon le statut ménopausique et le statut des récepteurs auxœstrogènes (ER) et à la progestérone (PR).

À notre connaissance, cette étude est la première à avoir évalué la relation entre exposition alimentaire aux dioxines et risque de cancer du sein. L’exposition alimentaire aux dioxines moyenne a été estimée à 1,3 0,4 pg/kg poids corporel/jour parmi les femmes de la cohorte E3N. Cette estimation de l’exposition alimentaire est comparable à celles issues d’autres études en population générale conduites en France et en Europe.

Dans notre étude, 2,7 % des femmes avaient une exposition journalière estimée supérieure au seuil d’apport tolérable de 2,3 pg TEQ/kg(Toxic EQuivalency) poids corporel/jour fixé par l’OMS en 2001 [25]. Globa- lement, aucune augmentation du risque de cancer du sein n’a été observée (risque relatif [RR] = 0,94 ; intervalle de confiance IC 95 % [IC 95%] = 0,86-1,04 pour la catégorie [quintiles] des plus exposées versus celle des moins exposées). Une diminution significative du risque de cancer du sein ER-négatif PR-négatif a été observée chez les femmes post-ménopausées (RR = 0,65 ; IC 95 %

= 0,45-0,96 pour la catégorie des plus exposées versus celle des moins exposées ; p-tendance = 0,046). Ces résultats ont été détaillés et discutés précédemment[26].

Exposition atmosphérique aux dioxines et risque de cancer du sein

Étant donné la taille du territoire, la période d’étude à couvrir (1990-2008), ainsi que le nombre élevé de sujets et de sources de dioxines, il n’était pas envisageable d’évaluer l’exposition des sujets avec des modèles de dispersion atmosphérique. De plus, le nombre extr^emement limité de mesures de dioxines en air ambiant emp^echait l’utilisation de modèles statistiques de typeLand Use Regression. Nous avons donc choisi de développer un indicateur spatialisé d’exposition atmos- phérique aux dioxines, applicable à l’échelle française et sur une période de 20 ans.

Inventaire et caractérisation des sources émettrices de dioxines

Il n’existait aucun inventaire exhaustif des sources industrielles émettrices de dioxines sur l’entièreté de la période 1990-2008 en France. Pour construire l’indicateur, la première étape constituait donc en l’établissement d’un inventaire rétrospectif des sources industrielles de

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dioxines. Pour cela, les diverses bases de données nationales et régionales ciblant tous les secteurs suscepti- bles de rejeter des dioxines ont été sollicitées. Des questionnaires techniques ont également été envoyés aux industriels et opérateurs des installations. Les carac- téristiques techniques des sources de dioxines, telles que leur localisation, le type de four, la hauteur des cheminées, les systèmes de traitement des fumées, ainsi que les taux d’activités annuelles ont été recueillies et ont permis l’estimation de l’intensité des émissions (g-TEQ/an) grâce à l’utilisation d’un outil standardisé du programme environnemental des Nations unies (UNEP Toolkit)[27].

Sur le territoire national, au total 2 620 sources industrielles de dioxines ont été recensées sur la période d’étude. Entre 1990 et 2008 sur le territoire français, les émissions estimées ont diminué de près de 98,4 % montrant l’impact des différents arr^etés, notamment pour le secteur de l’incinération des déchets. Plus de détails sur les résultats de l’inventaire ont été précédem- ment décrits[28].

Localisation des sujets et des sources émettrices de dioxines

L’histoire résidentielle des femmes de l’étude entre 1990 et 2008 a été géocodée à partir de données récoltéesviales auto-questionnaires de l’étude E3N. Deux méthodes de géocodage automatique ont été comparées à un géocodage manuel. La comparaison des méthodes de géocodage a fait l’objet d’une publication[29]. Sur le territoire de France métropolitaine, un total de 28 511 adresses de 11 033 sujets ont été géocodées, dont 78 % avec une précision à l’adresse, 10 % à la voie, 8 % au lieu- dit et 4 % au chef-lieu de la commune.

Les sources de dioxines ont également été localisées.

Parmi les 2 620 sources inventoriées, 43 % ont été localisées à la cheminée, 14 % à l’adresse, 25 % à la voie, 7 % au bâtiment, 6 % à la parcelle et 5 % à la mairie.

Création et validation de l’indicateur spatialisé d’exposition atmosphérique aux dioxines

Le choix des paramètres à inclure dans l’indicateur spatialisé s’est basé sur une revue de la littérature. La distance à la source, la vitesse et la direction du vent, la durée d’exposition, la vitesse de sortie des fumées et la hauteur des cheminées ont été testées selon différentes combinaisons. Les performances de l’indicateur selon les différentes combinaisons ont été comparées à celle d’un modèle de dispersion atmosphérique (modèle SIRANE [30]) dans trois zones représentatives des lieux de vie des sujets E3N : le Grand Lyon (zone urbaine), le Bugey (zone rurale) et Le Havre (zone côtière avec un passé industriel).

Au total, plus de 100 combinaisons de paramètres ont été testées sur ces trois zones, avec pour chaque zone trois scénarios météorologiques. Pour chaque test, la concor- dance entre les résultats de l’indicateur spatialisé (en quintiles et en continu) et les concentrations obtenues avec le modèle de dispersion a été calculée. Des coefficients de kappa pondéré compris entre 0,71 et 0,84 (concordance substantielle à presque parfaite) et des coefficients de détermination R2 compris entre 0,66 et 0,86 ont été observés pour la combinaison de paramètres suivants :

* si hi> 90 mIndicateur spatialiséx

où j : résidence de la participante E3N (j = 1,. . .,J) pour l’année X ; i : source émettrice de dioxines présente dans un rayon de 10 km pour l’année X ; t : durée d’exposition (année) ; d : distance résidence-source (m) ; IE : intensité d’émission de dioxines de la source i (g/an) pour l’année X ; F : pourcentage de temps pendant lequel le vent souffle en direction du sujet (moyenne par pas de 108avec pondération par les moyennes des pas adjacents) pour l’année X ; h : hauteur de la cheminée de la source i (m) ; hmédiane: hauteur médiane des cheminées autour de la source i dans un rayon de 10 km (m) ; l’unité de l’indicateur spatialisé :mg TEQ/m2.

Une fois l’équationfixée, sa robustesse a été testée sur les m^emes zones en variant différents paramètres : nombre et position des sujets, nombre et position des sources, intensité d’émission des sources. Les niveaux de performances sont restés identiques. Plus de détails sur le développement de l’indicateur et l’évaluation de ces performances ont été publiés[31].

Estimation de l’association entre

exposition atmosphérique aux dioxines et risque de cancer du sein

dans la cohorte E3N

L’association entre l’exposition atmosphérique aux dioxines et le risque de cancer du sein a été estimée dans une étude cas-témoins nichée dans la cohorte E3N.

L’étude a été menée entre 1990 et 2008 incluant 4 529 cas de cancer du sein et 4 529 témoins appariés sur l’âge, la date d’inclusion, le statut ménopausique, le département de résidence et l’existence d’un échantillon biologique (sang, salive, aucun). L’exposition atmosphérique aux dioxines a été estimée pour chacune des participantes grâce à l’indicateur spatialisé. Nous avons estimé des rapports de cotes (RC) et leurs intervalles de confiance à 95 % correspondants (IC) pour cinq catégories d’exposi- tion définies par les quintiles de l’indicateur spatialisé d’exposition chez les témoins. Les RC et leurs IC à 95 % correspondants ont été estimés en utilisant des modèles

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de régression logistique conditionnelle multivariables, conditionnés sur les facteurs d’appariement et ajustés sur les facteurs de risque connus de cancer du sein et les facteurs de confusion éventuels.

Sur la sous-population habitant dans la région Rhône- Alpes (429 cas et 716 témoins appariés), aucune associa- tion statistiquement significative n’a été observée globalement entre l’augmentation de l’exposition atmos- phérique aux dioxines et le risque de cancer du sein[32].

Néanmoins, les résultats suggèrent une augmentation du risque de cancer du sein pour le second quintile d’exposition en comparaison au premier, ce qui a déjà été observé pour le cancer du sein ER-positif et chez les femmes post-ménopausées. Cette augmentation des rapports de cotes pour les faibles niveaux d’exposition et le cancer du sein ER-positif pourrait^etre compatible avec un effet de l’exposition aux dioxines sur le risque de cancer du sein non monotone. Ces résultats demandent à ^etre confirmés par l’étude d’un plus large échantillon de la population E3N. Ce travail au niveau national est en cours definalisation (4 529 cas de cancer du sein et 4 529 témoins appariés) et permettra également d’ajuster sur l’exposition alimentaire (Praudet al.,2020, en cours de soumission).

Conclusions et perspectives

Le projet GEO3N avait pour objectifs d’étudier l’association entre une exposition environnementale aux dioxines et le risque de cancer du sein, en répondant aux limites méthodologiques de la littérature, et d’amé- liorer les connaissances à travers une recherche inter- disciplinaire. Cette étude était la première à avoir estimé l’association entre exposition alimentaire aux dioxines et risque de cancer du sein dans la population générale.

Parmi la sous-population des femmes de la cohorte E3N résidant en région Rhône-Alpes, aucune association n’a été observée globalement entre le risque de cancer du sein et l’exposition atmosphérique aux dioxines. Ce m^eme résultat a été retrouvé en étudiant l’exposition alimentaire aux dioxines de toutes les femmes de la cohorte E3N. Il apparaît pertinent d’étudier l’effet conjoint dans des modèles statistiques de ces deux voies d’exposition sur le risque de cancer du sein.

Le travail méthodologique concernant l’évaluation de l’exposition atmosphérique aux dioxines a permis le développement d’un outil standardisé. La confrontation des classements selon l’indicateur spatialisé et selon le modèle SIRANE a montré que l’indicateur est capable de discriminer les sujets de la cohorte selon leur exposition.

Compte tenu de la diversité des caractéristiques des zones dans lesquelles nous avons calibré puis testé l’indicateur spatialisé, il peut^etre considéré que l’indica- teur est applicable sur tout le territoire français. En effet, les coefficients de kappa pondéré obtenus étaient élevés

(> 0,70), ainsi que les coefficients de détermination R2 , et ce, quels que soient l’année, le lieu, le nombre de sources, l’intensité des sources ou encore les paramètres météorologiques[31].

Malgré la concordance élevée entre les classements issus de notre indicateur et ceux issus du modèle Gaussien, certaines limites peuvent ^etre soulignées.

L’inventaire comprenait uniquement les sources indus- trielles, qui étaient les sources émettrices de dioxines majeures sur la période d’étude et responsables des plus fortes émissions. Néanmoins, l’impossibilité de prendre en compte les sources illégales ou accidentelles (type brûlage de câbles) a pu entraîner une sous-estimation de l’exposition atmosphérique aux dioxines. De m^eme, les paramètres inclus dans l’indicateur ne sont pas exhaustifs et certains facteurs influençant l’exposition atmosphé- rique (vitesse de vent, vitesse en sortie de cheminée) n’ont pas été inclus dans l’indicateur car ils n’amélioraient pas ces performances.

À la suite du projet GEO3N, plusieurs projets ont pu

^

etre développés et sont actuellement en cours pour pallier à certaines limites méthodologiques.

Le projet QHR permettra de considérer l’exposition vie entière (notamment avant l’inclusion dans la cohorte) grâce au développement d’un nouveau questionnaire sur les lieux de résidence des participantes depuis la naissance. Le développement de ce questionnaire per- mettra également d’investiguer l’impact de la temporalité des expositions sur le risque de cancer du sein.

Le projet XENAIR portant sur les effets à long terme de l’exposition à de multiples polluants atmosphériques (particules, dioxyde d’azote, ozone, benzo[a]pyrène, dioxines, polychlorobiphényles [PCB] et cadmium) sur le risque de cancer du sein dans une étude cas-témoin nichée dans la cohorte E3N. Il vise à étudier le risque de cancer du sein associé à une exposition chronique aux polluants, en tenant compte de leur effet sur le long terme, mais aussi de l’effet cocktail engendré par une exposition multiple. Dans ce cadre, l’inventaire de sources de dioxines a été adapté pour évaluer les rejets de cadmium sur la période 1990-2010. Les données recueillies ont permis l’application de l’indicateur déve- loppé durant le projet GEO3N pour estimer l’exposition au cadmium sur le risque de cancer du sein dans la cohorte E3N [33]. Cet indicateur pourra égalementetre^ utilisé pour étudier l’impact de l’exposition aux dioxines sur d’autres cancers ou d’autres pathologies. &

Remerciements et autres mentions

Ce projet a été soutenu par le programme Oncostarter du Cancéropôle Lyon AURA et a étéfinancé par l’ADEME, la Ligue contre le cancer 71 et de la Région AURA. Il a été mené en partenariat avec la fondation ARC. Nous remercions les participantes de la cohorte E3N d’avoir répondu aux questionnaires, les praticiens pour leurs

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rapports médicaux ainsi que les fournisseurs de données (Météo France, industriels, mairies). La cohorte E3N est soutenuefinancièrement par la Ligue contre le cancer, la Mutuelle générale de l’Éducation nationale, l’Institut Gustave Roussy et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale. AD et TC étaient soutenus par des

bourses ministérielles de l’École doctorale interdiscipli- naire sciences-santé, Université de Lyon 1. La bourse post- doctorale de DP estfinancée par la Ligue nationale contre le cancer.

Liens d’intér^ets: les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intér^et.

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