LA DECENTRALISATION POUR UN DEVELOPPEMENT DURABLE:
OPPORTUNITES ET CONTRAINTES
Peter Koehn Directeur des Programmes internationaux
et Professeur de I'Administration publique
et des Sciences politiques Universite de Montana Etats Unis d'Amerique
Document presente a I'occasion de la Conference regional* sur
La gestlon du developpement en Afrique: Trente annees d'experience, les nouveaux defis et les prlorites futures -
Addis Abeba, Ethiopie 8-12 Mars 1993
Organisee par la Division de ('Administration publique, des ressources humaines et du developpement social de la Commission economique pour I'Afrique
Pendant des decennies, la decentralisation a ete soutenue comme I'approche politique/administrative qui favorisera le developpement. Le present document adopte ses definitions propres des termes "decentralisation" et
"developpement durable" et explore les relations theoriques entre les deux concepts. L'auteur examine ensuite I'experience de TAfrique d'apres l'ind£pendance en mettant un accent particulier sur les issues et les resultats. II s'attache a identifier les principales faiblesses, les obstacles et les contraintes associes aux efforts de decentralisation en Afrique. Enfin, ce document analyse les perspectives selon lesquelles la devolution peut constituer une alternative viable a la privatisation en tant que moyen d'accroTtre la capacite locale a realiser un developpement durable.
ITRODUCTION
Au cours des trente dernieres annees, plusieurs chercheurs, dirigeants politiques, decideurs militaires et fonctionnaires de I'Etat ont soutenu une forme ou une autre de decentralisation en tant que moyen de realiser les objectifs de
developpement. Aujourd'hui.le consensus general est que les resultats n'ont pas
ete a la hauteur des attentes. Le "mouvement de decentralisation n'a pas echappe au scepticisme populaire qui entoure generalement ia performance du secteur public africain. (Voir par exemple Werling : 223 235)Le present expose tente de determiner dans quelle mesure ce scepticisme estjustifie en ce qui concerne les efforts de decentralisation en Afrique. L'objectif de promouvoir un developpement durable constitue la norme par laquelle la decentralisation sera evaluee. Selon la methode adoptee ici, la premiere tache consiste a determiner dans quelle mesure de veritab!es mesures de decentralisation ont ete reellement mises en oeuvre. La deuxieme etape sera d' dentifier les principales contraintes qui s'opposent a la mise en oeuvre, ainsi que les resultats associes a la devolution de I'autorite dans trois cas de pays africains tres connus. En ce qui concerne les resultats, une attention particuliere sera axee sur I'accroissement de la capacite locale pour realiser un developpement durable.
La derniere partie de la presente etude est consacree a I'avenir. Quels changements pourrait-on introduire pour surmonter les faiblesses qui ont compromis dans le passe les efforts de decentralisation en Afrique et pour initier de maniere plus efftcace le processus de transfert de I'autorite a la communaute.
Quelles sont les implications de la gestion du developpement pour I'avenir de I'Afrique?
Definitions fonctionnelles
de
II importe de reconnattre et de garder a I'esprit qu'une stricte perspective
la decentralisation a ete adoptee pour les besoins de I'analyse presentee dans
le present document. D'une maniere fondamentale, une veritable decentralisation
implique le processus de transfert du pouvoir (voir Samoff et Jansen, 1989:3).
Tandis que les definitions normales englobent la decentralisation, la delegation et la devolution, la conception empruntee dans la presente etude se limite a la devolution, qui est "la forme la plus extreme de la decentralisation " (Rondinelli 1981:137-139), parce que c'est I'aspect du processus de decentralisation qui
requiert le transfert du pouvoir, a partir des institutions et des acteurs centraux auxinstitutions et acteurs constitutionnellement distincts mis en place au niveau de la
communaute. {voir Manhood, 1987:12 et Rondinelli et Cheema, 1983: 22-23 pourd'autres caracteristiques du type ideal de devolution gouvernementale). Plus
particulierement, nous sommes interesses par la maniere dont la devolution a etepratiquee en Afrique et quels en ont ete les resultats. Cette delimitation stricte nous permet de determiner le degre et I'impact des efforts de decentralisation de
I'autorite et des responsabilites sur des unites gouvernementales caracterisees parun controle rigoureux de la communaute en ce qui concerne les decisions relatives a la repartition (y compris les gouvernements locaux ruraux et urbains, les conseils des villages et des zones) sans semer de la confusion sur la question, en incluant
des references a des formes de decentralisation moins importantes qui nechangent pas la "dynamique essentielle de controle et de prise de decision" et qui
sont connues pour avoir echoue dans la realisation des ameliorationsfohdamentales de la performance (Wunch, 1991b :15; voir aussi Conyers,
1983:102). La privatisation aussi se trouve en dehors de cette definition; elle est consideree ici comme une alternative a la decentralisation gouvernementale.Contrairement a I'approche restrictive adoptee plus haut, la definition fonctionnelle du concept de "developpement durable" utilisee ici est expansive.
Le concept fusionne les objectifs lies de 1) la croissance de ('ensemble de biens
et de services rendus aux membres de la communaute et 2) I'accroissement de
aquite dans la distribution, avec cette notion que les deux procedes doivent se
r^aliser a long terme, quoique pas necessairement indefiniment. Les resultats
scomptes sont " la securite des moyens de subsistance durables" (Chambers, 1988; Oakley, 1991:35), la durability ecologique, et ('amelioration de la qualite de la vie (vpir Samoff et Jansen, 1989:4) pour les pauvres. Tandis qu'elle est plus
fr^quemment invoquee pour attirer I'attention sur la protection et I'accroissement
des bases de ressources naturelles et sur la minimisation de la degradation environnementale resultant des interventions humaines, I'expression"developpement durable", telle qu'employee ici, englobe aussi la necessite perrrjanente d'entretien de I'equipement, des infrastructures (voir Rondinelli,1991:
417), et des projets communautaires. La realisation d'un developpement durable
depend de la mobilisation des revenus, de I'habilite des masses pauvres a prendre part au processus de prise de decision (voir Hellinger, et al, 1983:5, 20-21), la responsabilite devant le peuple; I'apprentissage et I'adaptabilite, les reformes socio-politiques et les changements apportes a la structure de I'economie globale (pour ce dernier facteur, voir Adams, 1990:200-201).Apergu general et historique
A I'apogee de la periode des independences du continent africain, Frantz
Fanon a soutenu une forte argumentation pour la "decentralisation a outrance".Plus precisement, selon Frantz Fanon (1963:193, 118), "le peuple entier (doit) planifje(r) et decide(r) meme si cela leur prend deux ou trois fois plus de temps".
Fanon est persuade que "le temps pris a expliquer, le temps "perdu" a traiter ie travailleur comme un etre humain, sera recupere dans I'executton du plan. Le
peuple doit savoir ou il va et pourquoi (voir aussi Koehn, 1991b: 745-752).
A travers pratiquement toute I'Afrique, la decentralisation a constitue un important instrument politique a la fin de la periode coloniale. Par la decentralisation, les autorites coloniales "cherchaient a divertir les pressions exercees sur elles pour obtenir une plus grande participation des citoyens a I'administration a travers la decentralisation ou la delegation du gouvernement local et ne repondant a aucun engagement quelconque d'habilitation et de controle des collectivites locales (voir Conyers; 1983:106); Chambers; 1988).
A la fumiere de cet accent mis sur cette forme la plus extreme de decentralisation adoptee dans la presente analyse; les tentatives relativement rares sur le continent pour promouvoir le developpement par le biais de la devolution meritent un examen particulierement minutieux. Trois cas bien etudies ont e"te selectionnes aux fins de la presente etude. II s'agit des cas de la Tanzanie, de I'Ethiopie et du Nigeria.
Tanzanie
Bien que Rondinelli (1986-86) soutienne que " la politique tanzanienne de decentralisation a echoue quelque part entre la decentralisation et la delegation", elle implique de toute evidence le transfert de I'autorite et des responsabilites substantielles aux unites rurales et urbaines de gouvernement local (voir Samoff, 1979:31 -33). Le programme des villages Ujamaa constituait une experience locale de la devolution. Les comites de developpement des villages ou des sections ainsi que les cellules locales du parti jouaient un role crucial dans le processus tanzanien de planification a partir de la base (Rondinelli; 1983:86-87).
Les resultats de Texperience tanzanienne sont mixtes. Des etapes prometteuses vers un developpement local soutenu ont ete compromises par des
contraintes exercees sur le contrdle de la communaute rurale et urbaine ainsi que jr le pouvoir des unites cl6 aux niveaux des sous-regions et des sous-districts (Rondineili, 1983:75, 106-107);Stren, 1989:23; Hill, 1979/80: 189,191; Samoff.
1979: 35-38, 43), {2} ainsi que par I'ingerence bureaucratique (Samoff, 1979:37,39,46). De plus, tous les progres realises par quelques villages dans ['execution des projets de developpement tendaient a se perdre dans la controverse qui regnait suite a la nature de plus en plus coercitive du programme ex^cutif et impopulaire de villagisation du gouvernement central (voir Samoff 1979:
34,37) et suite a I'absence d'attention "aux principes fondamentaux de reparation et d'entretien" (Rondinelli, 1991: 423). Par ailleurs, la population locale avait re"ussi a echapper a certaines directives gouvernementales et a evoluer dans la direction de leurs propres chdix (Samoff, 1979:43; Samoff et jansen, 179:7).
Ethiopie
Le regime militaire ethiopien d'apres la revolution a herite d'un systeme politico-administratif hautement centralise. Au cours des premieres annees de la periode qui a suivi la revolution, le DERG a mis en place des associations de paysans locaux et des cooperatives des zones urbaines et a assigne d'importantes responsabilite"s de developpement a ces institutions des masses et a leurs dirigeants elus (voir Cohen et Koehn, 1977:10-18, 30-39; Brietzke, 1982: 247).
John Markakis (1987:266) fait observer que les associations de paysans "ont realise un ntveau important d'autonomie" aux cours de la "phase initiale et creative de la revolution". Les associations urbaines (Kebele), dirigees par des comites politiques elus, accomplissaient une grande variete de fonctions d'auto-assistance de la communaute et de reglement des confiits locaux sur les questions de terres et de logement (Koehn; 1980:88-92). Beaucoup de families paysannes ethiopiennes ont assiste" a une amelioration considerable de leurs conditions de
vie au cours des premieres annees qui ont suivi le renversement du regime imperial. Malheureusement, le nouveau regime n'a pas souvent reussi a assurer aux associations de paysans les ressources dont avaient besoin leurs membres pour engager des activites de developpement durable (voir Koehn, 1986:29, 31;
Stahl, 1977:74-76, 80-82) et les mesures de conservation imposees du haut n'etaient ni liees aux pratiques traditionnelles ni integrees aux systemes agricoles
locaux (Wood, 1980:194-197). En outre, les administrateurs de haut niveau ontbouleverse les engagements officiels du DERG a la decentralisation en refusant de deleguer les pouvoirs, en appliquant des strategies bureaucratiques qui concentraient I'autorite et en insistant sur ^intervention du pouvoir central dans les affaires internes en vue de s'assurer que la devolution de Tautorite ne soit pas
"abusee" (voir Koehn, 1991b:746). En depit de I'appui declare des principes de
I'auto-gouvernement et de I'autonomie regionale, le DERG n'a jamais mis en oeuvre "aucune mesure reelle de devolution, qu'elle soit politique ou sociale, aux principales unites communautaires de ['heritage abyssinien" (Davidson, 1987:11-12)- ...
Apres la courte periode d'apres la revolution pendant laquelle le nouveau regime a mis en place des conseils ruraux et urbains des masses et a exprime son engagement pour une decentralisation radicale, les dirigeants militaires ont poursuivi une strat^gie constante de recentralisation de I'autorite. La consolidation
du pouvoir de Mengistu Haile Mariam en 1977 a donne lieu a un retour official aux
tendances de centralisation. Le regime a mis en place des institutions"superieures" cooptees qui ont sape I'autorite locale de prise de decision des
associations paysannes et de Kebele (voir Koehn, 1991b, 747). Au debut desannees 80, le "centralisme" etait devenu un slogan cle dans les media et les
discours officiels" (Dessalegn Rahmato, 1987:164). Donald Rothchild (1987:130-131) a conclu que "parmi les Etats "marxistes" de propre aveux, aucun regime
est plus bureaucratiquement centralise dans son orientation officielle, tout en
&ant moins capable de controler les elements antagonistes en son sein, que le egirrte de Lt Col. Mengistu Haile Mariam en Ethiopie". Les consequences de !a
recentralisation comprenaient une I6gitimite extrSmement diminuee au niveau des
associations paysannes, la perte de I'enthousiasme au niveau de la population et fi
baisse de la productivity agricole (Clapham, 1988:160, Griffin and Hay,985:66). L'importance attachee par le gouvernement central sur les mesures de
conservation des infrastructures physiques ainsi que sa concentration sur des systemes complexes congus de I'exterieur en matiere de production des surplus,ont e"galement compromis la capacite locale de mettre fin a la degradation de I'environnement et a minimiser I'epuisement des ressources naturelles (Alemneh
Dejene, 1990:114; Wood, 1990:184). Enfin, tout comme en Tanzanie, un programme de villagisation de haut en bas (ainsi qu'un programme extensif de re-6tablissement involontaire nord-sud) ont produit des re"sultats negatifs du point de vue de la realisation d'un developpement durable (Alemneh Dejene,
1990:118,120,125; Cohen et Issaksson, 1987:450-463).
Nigeria
Le processus de decentralisation au Nigeria peut etre caracterisS comme un mouvement de la pendule. Les periodes de decentralisation ont ete suivies par
des programmes de devolution qui, a leur tour, sont remplaces par des regimes
recentralisants. A la lumiere de rimportance accordee a la devolution dans la presente etude, nous nous concentrerons sur la periode de reforme du gouvernement local immediatement apres 1976.Les reformes de 1987 impliquaient un niveau, substantiel de devolution
"basee sur le modele de gouvernement local conventionnel britannique" (Conyers,
1983:103). Des lois promulguees parchaque Etat instituaient des gouvernements locaux pour servir des populations d'un nombre jamais inferieur a 150.000 habitants et ne depassant pas 800.000 tetes d'habitants, creaient des conseils avec au moins trois quarts des membres elus, et laissaient aux gouvernements locaux la responsabitite exclusive et une autorite pour promuiguer des arretes concernant une longue liste de fonctions. La constitution nigeriane de 1978 reconnaissait des conseils de gouvernement local "democratiquement elus" en tant que troisieme niveau d'organisation gouvernementale et, au quatrieme niveau,
rSaffirmait que la plupart des fonctions figurant sur la liste exclusive doivent leur
etre conferees (voir Aleyu et Koehn, 1982:2-1).A la fin de 1979, 95 p. 100 ou plus des gouvernements locaux des 10 Etats
du nord visites par Pauteur ont declare qu'ils n'avaient accompli que trois
seulement des fonctions exclusives figurant sur la liste extensive : fourniture et entretien des marches et des pares automobiles, des abattoirs et des etals debetails, ainsi que Pinspection sanitaire. Des pourcentages des memes proportions
avaient dans le cadre de leur participation au developpement communautaire, accompli les activites leurs deleguees par le gouvernement etatique en assurant I'enseignement primaire et Palphabetisation des adultes, et en assurant des services agricoles et medicaux (Koehn, a paraitre). En somme, la plupart des gouvernements locaux des Etats du nord etaient impliques dans certaines fonctions cle du developpement local, mais ils n'avaient pas accompli les responsabilites dans les autres domaines (ex. la reglementation des paturages et des domaines forestiers; la protection contre les incendies; le logement et le fonctionnement des entreprises commerciales).Dans les Etats du sud, le programme de devolution de 1976 a egalement abouti a un accroissement de la capacite des gouvernements locaux a executer
des projets de developpement et a gerer certaines fonctions de service (Idode, 1980:400). II est interessant de noter que dans une enquete effectuee en 1980 sur environ 1400 residents de I'Etat de Gongola representant divers domaines du developpement local, 60p.100 des re"pondants ont indique que le niveau de gouvernement qui a fait quelque chose pour eux etait le gouvernement local et
trois quarts de ceux qui ont ete interviewes etaient de I'avis que le gouvernementlocal avait ete le plus sensible aux besoins des citoyens ordinaires (Ibraheem,
1981:68).En d6pit des ameliorations, cependant, la performance du gouvernement
local d'apres les reformes au Nigeria etait loin de repondre aux immenses besoins
en croissance rapide des populations rurales et urbaines (voir Koehn, a paraitre;Adebayo, 1985:25-27). En effet, le Bureau politique national (1987:116) a conclu
que la contribution des gouvernements locaux au processus de developpement du
Nigeria " a ete minime". En outre, il y a tres peu d'indices d'une progression vers
un d6ve!oppement local durable dans le cas du Nigeria. Parmi les explications les
plus convaincantes de cette faiblesse continue de la performance du
gouvernement local au cours de cette periode, Ton peut citer les contraintes et les
empietements du gouvernement etatique (Aliyu et Koehn, 1982:76; Koehn, a
paraitre), Tabsence d'une base de ressources suffisante (Koehn, 1990: 259-261),
I'absence de la participation populaire dans le processus de planification et de
prise de decisions (Koehn, 1990:182-188) et les attitudes affichees par certains
hauts responsables du gouvernement local vis a vis du developpement communautaire (Hay, et al, 1990: 154-160).10
Enseignements pour un deveioppement durable
Les trois etudes de cas examinees dans le present document ne presentent pas de resultats impressionnants en termes de deveioppement en general et de deveioppement durable en particulier. Quelles legons peut-on tirer, en ce qui concerne la mise en place de la capacite locale pour la realisation d'un deveioppement durable, a partir des quelques exemples ou la devolution a ete mise en application en tant que strat6gie de deveioppement officielle sur le continent africain?
La conclusion la plus evidente qui decoule de ces cas est que la decentralisation n'a pas ete suffisamment poursuivie en profondeur. La rhetorique de la devolution a surpasse sa pratique. Les efforts de devolution de I'autorite ont et6 s§verement compromis ou bouleverses par les autorites centrales, les acteurs du gouvernement etatique, et/ou les elites rurales et urbaines (voir par exemple, Rondinelli, 1983: 93-100; 106-107, 112-113; Manhood, 1987: 13-14; Koehn, 1990:285-286; Mathur, 1983:71). En moinsde quelques annees, les programmes de devolution adoptes en Tanzanie, en Ethiopie et au Nigeria furent officiellernent renverses ou defaits par des mesures compensatoires. En I'absence d'une devolution veritable, des efforts de conservation n'atteignent pas des resultats durables pour des raisons qui sont connues a savoir la persistance du controle exteYieur, 1'importance accordee aux solutions technologiques.la taille difficile a gerer, et la limitation des projets a des taches discontinues (voir Oakley, 1991: 36, 78) {3}.
De plus, dans les cas ci-haut examines.le gouvernement central pratiquait la devolution a partir du sommet vers la base sans aucune pression populaire importante. Quand I'impulsion pour I'autonomie et I'auto-assistance locale a surgi
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de la base, elle a et6 re"primee, d6couragee ou ignoree par les gouvernements, mdme dans les trois pays selectionnes, a cause de leur attitude officielle vis-a-vis de la devolution de I'autorite. Par consequent, les resultats de developpement les plus impressionnants en Afrique ont ete enregistres essentiellement ou totalement en dehors des structures de gouvernement local organise (Hellinger, et al, 1983:13-14, Manhood, 1987:17; Wunseh, 1981 a: 432; voir aussi Oakley, 1991:45- 46). Par exemple, le nombre et la valeur des projets d'auto-assistance de la communaute inities dans I'Etat de Kwara au Nigeria a la fin des annees 70 et au de"but des annees 80 depassait de loin les initiatives combinees des gouvernements local, etatique et national (Adebayo, 1985:25-26). De meme, les avantages de la decentralisation gouvernementale ont souvent ete cooptes par les elites locales puissantes en ['absence d'une grande mobilisation des masses populaires. Comme le souligne Brian Smith (1985:199), la decentralisation structurelle a elle seule peut "renforcer la position de ceux qui sont deja dominants dans la societe locale ...".
Devolution, Privatisation et developpement durable
La mauvaise performance des gouvernements africains prete main forte aux appels a la privatisation. Cela signifie le transfer! de I'autorite a des institutions non gouvernementales (voir Wunseh, 1991 a: 445). Dans le cadre de la gestion des projets de developpement, la privatisation implique aussi bien des ONG que des entreprises commerciales. Parmi les trois formes de decentralisation, seule la devolution offre des potentiates de soutenir la competition avec la privatisation en tant que strategie susceptible d'assurer la promotion du developpement durable.
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Plusieurs changements doivent etre apportes aux pratiques du passe si la devolution doit encourager le developpement durable. Premierement les
gouvernements doivent plutot recompenser que decourager ou ignorer touteimpulsion pour I'autonomie initiee a partir de la base (voir aussi Oakley, 1991:16).
Les recompenses appropriees comprennent le transfert du budget intergouvernemental et I'octroi de I'autorite d'exploiter les sources locales de revenus potentiellement lucratives qui s'apptiquent aux activites de developpement
durable (voir Rondinelli, 1983:120; 1981:143).Deuxiemement, la devolution ("decentralisation a outrance") doit se pratiquer au niveau le plus proche du peuple qui depend d'une part et est
responsable d'autre part, du developpement durable. {4} L'attention doit toujours
etre axee sur qui participe, qui b6neficie et qui contr6le (voir aussi Smaff et
Jansen, 1989:13-17). Donner le pouvoir aux pauvres villageois et aux habitants
des cites continuera a etre le principal defi du moment dans la gestion du
developpement de I'Afrique. {5} La plupart des succes enregistres par les ONG
sont dus a leur reconnaissance fondamentale de I'importance de la participation
du peuple dans I'administration, la planification et la prise de decision, la
distribution des avantages et le soutien des projets de developpement (voir Koehn
1990:291; Oakley, 1991:18,38; Cheema, 1983: 205-107. {6} La devolution
presente cette perspective que des fonctionnaires energetiques et devoues
trouveront interet (voir Wunsch; 1991 b: 16) a mettre leurs connaissances et competences au service des populations locales actives et devouees qui sont conscientes de la necessite de conserver les ressources naturelles et d'entretenir les importantes infrastructures. Peter Oakley (1991:37-39, 41) soutient que si lespopulations rurales participent a la prise de decisions relatives a I'utilisation des
ressources communes, ex. les paturages ou les forets; elles seraient plus porteesa proteger ces ressources et a faire pression sur les autres pour qu'ils fassent de
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meme" (voir aussi Alemneh Dejene 1990:127). La devolution au niveau du village
etldes quartiers est aussi susceptible d'accroTtre la volonte des ONG populaires
a collaborer avec les institutions gouvernementales (voir Hellinger, et al, 1983:40- 41). Troisiemement, comme corollaire du deuxieme point, les projets de developpement proposes qui sont d'une trop grande echelle ou trop complexes en termes de conception et/ou de gestion pour permettre un controle populaire, doivent etre reconceptualises avant d'etre entrepris (voir Koehn 1990:290) {7}.La devolution ne resoudra pas a el!e seule !es problemes auxquels sont confrontes les pauvres, tout comme elle ne peut realiser le developpement durable. Cependant, si la decentralisation a outrance se poursuit d'une maniere constante et avec conviction, elle reste une alternative viable a la privatisation et constitue une approche prometteuse pour controler la concentration excessive du pouvoir, insister sur la responsabilite en ce qui concerne les resultats et I'utilisation des ressources (Charlick, 1992:14-15), promouvoir la durabilite ecologique, sauvegarder les interets de la communaute et accroitre la capacite des masses
ru ales et urbaines a identifier et resoudre les besoins pressants.
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NOTES
1. La meme observation s'applique a I'Afrique clu norcl, I'Asie et I'Amerique latine (voir Nellis, 1983: 157, 165, 171-172; Cheema et Rondinetli, 1983:297).
2. Joel Samoff (1979:34) a declare en 1979 par exemple, que "les conseiis locaux ont ete renforces, ensuite genes par I'institution de commissaires nommes au niveau central, et par la suite substantiellement ignores dans la mesure ou leurs principles fonctions etaient exercees par d'autres institutions".
3. Au Soudan, par exemple, plusieurs projets forestiers communautaires sans succes se sont reveles etre des activity de boisement centralises diriges par des agents de boisement du gouvernement national sans la participation de la communaute (voir Oakley, 1991:44).
4. Dans le meme sens, le rapport du Bureau politique du Nigeria en 1987 (pp.117-119) identifie " le village, le clan, la communaute autonome ou le quartier urbain" comme "premiere unite du gouvernement local"
recommandee (voir aussi Adamolekun 1979:11-12). Dans le systeme du Bureau politique, les conseiis du village ou du quartier seraient investis de responsabilites fonctionnelles importantes, y compris ['attribution des terres en milieu rural,le developpement communautaire et le suivi des activites des fonctionnaires (voir aussi Yahaya, 1982:62-64 et les recommandations formulees par Myden, 1983:95-96).
Cette pratique n'implique pas que les fonctionnaires du gouvernement central n'auront aucun role a jouer dans le processus de developpement. Us devront certainement s'occuper des contraintes exterieures et traiter avec les institutions et les agents de la capitale multinationale.
5. Voir aussi Charte africaine pour la participation populaire dans le developpement et la transition, Arusha, fevrier 1990. En termes de formation pour la gestion du developpement, "les programmes doivent mettre ('accent sur les roles de facilitation que le service public peut exercer dans un systeme decentralise ... Les attitudes centristes, orientees vers le controle et paternalistes sont incompatibles avec la philosophie de decentralisation (Rondinelli, 1983:119).
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En vue de repondre aux conditions prealables et de mettre a profit les experiences acquises, I'assistance exterieure est particulierement necessaire au stade initial de I'organisation, de I'education, de propagande/negociation et de la formation de la population (voir Hellinger, et al, 1983:20-21; 29-32). Un delai strict doit etre fixe a la date la plus proche pour le retrait complet des acteurs etrangers dans les roles qui exercent une influence quelconque sur la prise de decisions de la communaute. Dans le processus de mise en oeuvre de la devolution, les agents exterieurs ne fournissent des ressources qu'en reponse a des demandes officielles de la part des membres de la communaute organisee.
L'objectif d'assurer une participation active et de developper des capacites- de gestion au niveau de toute la coiiectivite locale requiert une attention accrue de la part des gouvernements, des ONG et des donateurs (voir Charlick; 1882:9-10; Hellinger, et al, 1983:35-36).
Pour illustrer ce point, les lecteurs interesses sont invites a examiner les resultats issus du "Namibia Development Trust". Recemment, le succes d'un projet d'adduction d'eau finance par le Danemark au sud de la Tanzanie a encourage le Ministere tanzanien charge de Tadduction d'eau a poursuivre "une serie de nouvelles politiques qui sont presque semblables a celles qui etaient adoptees dans le projet:
la participation populaire dans les systemes de planification; la propriete communautaire des projets termines; la selection et I'emploi, au niveau de la communaute, du personnel para- professionnel pour assurer I'entretien; et la responsabtlite communautaire de certains couts de fonctionnement et d'entretien (Therkildsen, 1991:84-85). Concernant les relations entre la gestion de la communaute et I'entretien des systemes d'adduction d'eau, voir Rondinelli (1991: 417, 424). De plus, pour accroTtre les perspectives de durability, les projets devraient etre selectionnes en ayant "a I'esprit des liaisons economiques en amont et en aval", "le renforcement d'autres activites de developpement local", "la contribution a une dynamique de developpement auto-generee"," le suivi et revaluation en tant que parties d'un processus d'apprentissage d'adaptation en cours, et employer une technologie qui est "concue pour rester coherente avec les ressources, les capacites et les valeurs locales" (Hellinger, et al, 1983: 9-10;
Rondinelli, 1991: 427-428).
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7. Oakley et autres (1991: 171-172) font remarquer que "d'immenses projets avec des structures et des technologies complexes depasseront les competences des vastes majorites des populations rurales; dans ces projets, des professionnels de I'exterieur predomineront inevitabiement et la participation populaire sera reduite a des contributions gerees ou a des avantages passivement acceptes."