A.3ST3STÉE 18S9-1900 N° 91
ÉTUDE D'HYGIENE
LA VILLE DE (MORS
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN .MEDECINE
7 ■
présentée et sontenne publiquementle 13
Juillet 1900
par
\^_jrvx
Camille-Adolphe-Louis-Marie PIETTRE
Agrégédes Sciences physiques au Lycée de Cahors Né à Gaudry(Nord), le 17 décembre 1849.
Examinateursde laThés
MM. FERRÉ, professeur.... Président.
PICOT, professeur.... i CARLES, agrégé
j
Juges.CASSAÊT, agrégé... \
Le Candidat répondra aux questions qui lui serontfaites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
IMPRIMERIE Y. CADORET
17, Rue Poquelin-Molière, 17
(ancienne ruemontméjan) 1900
FACULTÉ DE
MÉDECINE
ET DE PHARMACIE DE BORDEAUXM. de NABIAS Doyen. | M. PITRES.
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PACHON.
N.
LAGRANGE.
C ARLES.
Le Secrétairede la Faculté: LEMAIRE.
Pardélibérationdu 5 août 1879, la Facultéaarrêtéqueles opinions émisesdans les hèsesqui
i sont présentées doivent être considéréescomme propres à leurs auteurs, et qu'elle n'entend
eurdonner ni approbation ni improbation.
A MA MÈRE
A mon Frère ALCIRIADE
A mon Frère le Docteur LEON
Officier de la Légiond'honneur.
SénateurdelaSeine,
Président du Conseilgénéral delaSeine.
A MA SOEUR
A MES PARENTS
A MES AMIS
Officier de l'Instruction publique,
Proviseur duLycée deCahors.
A MES COLLÈGUES DU LYCÉE DE CAHORS
Monsieur le Docteur G. FERRÉ
Professeurde Médecine expérimentale à la Faculté de Médecine de Bordeaux, Directeur du Serviceanti-diphtérique de la Ville de Bordeaux,
Directeur du Serviceantirabiquedela Villede Bordeaux, Officierde l'Instructionpublique.
Piettre 1*
SUR
LA VILLE DE CAHORS
AVANT-PROPOS
Bien rares sont les villes dont l'état sanitaire soit aussi bon
que celui de Cahors. Les témoignages
abondent
pourindiquer
qu'il n'y a guère d'épidémies qui
sévissent
encette ville
: ce nesont que des cas sporadiques dont la
bénignité est attestée
partous les médecins. Les épidémies si meurtrières
d'influenza qui
ont fait tant de victimes dans ces dernières années, ont bien
peu éprouvé les habitants de Cahors.
Il m'a fallu de nombreusesrecherchespourconstater quedans
la seconde moitié du xviic siècle (vers 1629), lapeste dévasta les
environs de Cahors, de Figeac et de Saint-Céré.
En revanche, si l'on parcourt l'histoire de
Cahors,
on est surpris de lire le récit des dévastations presquepériodiques qui
ont ensanglanté le Quercv, depuis la
domination romaine jus¬
qu'au xviii6 siècle.
Cette belle province, qui, au
premier
aspect,semble frappée
de stérilité à cause des montagnes de calcaire qui en couvrent
la portion appelée encore aujourd'hui « les Causses », est au contraire très fertile.
Toutes les céréales y trouvent un sol favorable ; la vigne prospérait jadis sur les collines : depuis les ravages du phyl¬
loxéra elle s'étend de plus en plus dans les plaines; les fruits s'y récoltent beaux et nombreux, les pâturages nourrissent de nombreux troupeaux.
Bien des minerais encore inexploités ont été signalés dans le Quercy.
On utilise les calcaires qui donnent de la chaux hydraulique
de bonne qualité, et même, on exploite des roches qui parais¬
sentavoir la composition de la pierre à ciment, et qui forment
des gisements d'une puissance considérable. On peut donc pré¬
voir l'utilisation progressive de ces roches, au fur et à mesure
qu'on se sera assuré de leur composition ainsi que de la valeur
des produits obtenus.
Dans la partie orientale du Quercy apparaissent les terrains primitifs, arrosés par de nombreuxcoursd'eau, etqui partagent
latempérature des montagnes de second ordre de l'Auvergne.
Entre ces terrains primitifs et les Causses qui forment toute
la partie centrale du Quercy, apparaissent de nombreuses et profondes vallées, défendues contre les frimas par de hautes montagnes, puis, d'espace en espace, des dépôts argileux ou siliceux de diverses époques, produisant, avec les autres forma¬
tions, des combinaisons infinies par les diverses proportions de
leurs éléments.
Aussi, grâce à cette variété de sites et de températures, tous
les végétaux de nos climats peuvent s'y développer, depuis
l'arnica montana, qui aime les régions froides, jusqu'aux faux pistachiers, aux thérébinthes, aux alaternes qui ne croissent spontanément que dans les lieux chauds et abrités.
Dans cesdivers milieux, l'hommelui-même éprouve des modi¬
fications évidentes qu'il tient du sol et du climat.
Rien n'est plus frappant que les traits caractéristiques qui distinguentau moral etau physique les habitants des montagnes granitiques, deceux des plateauxcalcaires et des basses vallées.
Les mœurs, les usages, la direction de l'activité et de l'intel¬
ligence varient aussi comme les localités.
Dans tout le Quercy, les efforts de l'homme s'appliquent plus
à l'agriculture qu'à l'industrie,
Sur le sol calcaire, pour triompher des obstacles, il aime
mieux exercer ses bras que les forces de son intelligence; dans
les terrains granitiques, il fait des combinaisons pour lutter
contre la nature : ici, la pensée est plus active, le caractère
dominant plus irritable, les discussions plus nombreuses.
La sobriété est une qualité précieuse à noter dans le Quercy,
àune époque où l'alcoolisme fait tant de ravages. Il est peu de
villes où l'on trouve autant de vieillards presque centenaires qu'à Cahors. Il me semble qu'on ne saurait trop
faire
remar¬quer ces cas si nombreux de longévité et qui me paraissent dus
à latempérance des Cadurciens.
N'est-ce pas aussi à cette qualité qu'il faut attribuer l'absence
ou tout au moins la portée très affaiblie des épidémies à
Cahors?
Avant d'indiquer le plan suivi, nous devons remercier M. le professeur Ferré qui a bien voulu nous donner les indications
nécessaires pour entreprendre cetteétude d'hygiène et accepter
la présidence de notre thèse. Nous le prions d'agréer l'expres¬
sion de notre sincère reconnaissance.
Il nous serait impossible aussi de méconnaître l'accueil aima¬
ble que nous avons trouvé auprès deM. le Dr Lebœuf, médecin
de l'état civil de Cahors, qui a bien voulu mettre à notre dispo¬
sition les nombreux renseignements de pathologie et de statis¬
tique qu'il arecueillisdepuis l'année 1872. C'est bien grâce àces remarquables travaux que nous avons pu étudier l'hygiène de
la ville de Cahors.
Que M. Mergier, directeur de l'Ecole normale d'instituteurs
de Cahors, reçoive aussi tous nos remerciements pour les nom¬
breux renseignements qu'il a bien voulu nous fournir, en met
tant à notre disposition les relevés si complets de météorologie
faits dans l'école qu'il dirige avec tant de distinction.
M. le Dr Caviole nous permettraaussi de lui adresser tous nos
remerciements pour les nombreux renseignements qu'il nous a fournis au sujet des établissements scolaires pour lesquels il a déployé unzèle et un dévouement donttous les universitaires lui seront toujours reconnaissants.
Nous tenons particulièrement à témoigner notre reconnais¬
sance à M. le Dr Moraud, médecin-major au 7me de ligne à Ca- hors, pour la bienveillanceet les bons conseilsqu'il nous a pro
digués.
Notre travailcomprend six chapitres:
Chapitre I. —
Histoire de la ville. Considérations générales
sur lasituation et le climat.
Chapitre II. —
Population.
Chapitre III. —
Pathologie. Maladies et mortalité. Maladies
zymotiques.
Chapitre IV. —
Hygiène spéciale
:Lycée
;Ecole normale
d'instituteurs ; Ecole communale. Caserne ;
Hôpitaux; Quartiers
de la ville.
Chapitre V. — L'eau
potable
;Egouts
;Eaux minérales.
Chapitre VI. —
Considérations
surle règne végétal et le règne
minéral du département du Lot.
CHAPITRE PREMIER
HISTOIRE DE LA, VILLE
Caliors est située, latitude nord 44°29'50", longitude occiden¬
tale du méridien de Paris 0°52'58" ; elle occupe une boucle du Lot, presqu'île qui va biaisant et descendant parsoubresauts inégaux, depuis sa gorge jusqu'à son point extrême, vers la ri¬
vière qui la forme.
Une largeur belle et bien soutenue, des eaux naturellement
vives, mais très souvent troublées par l'adjonction de torrents
accidentels, chargés de fines particules, tantôt calcaires, tantôt
argileuses etrouges, suivant que l'orage a lessivé tel ou tel pla¬
teau ; voilàlecaractère etlaphysionomiedecetterivière sinueuse,
que des montagnes abruptes,élevées et continuespoussent,avec
une rigueur qui ne se démentjamais, vers la presqu'île.
Celle-ci s'élève longtemps à pic sur la rive est, et elle a con¬
quis vers le sud-est tout ce qui lui était possible d'arracher à la base de la montagne voisine. L'ensemble est imposant, austère même, car les montagnes sont élevées et très sobres de végéta¬
tion.
Cahors porte dignement sonvieux nom. Cette ville a pénible¬
ment traverse les siècles nombreux qui se sont succédé depuis
(1) Nousdevonsà M.Meyer, notresavantcollègue du Lycéede Cahors, l'étymolo giedumotCadurci;ilestformé de deux mots celtiques, savoir: 1° cad=blanc; 2°oura=terre, avecle suffixe: eus, ca, cum.
On sait que cettedésinence, dansle dialecteceltique, est employée pour désigner soit leshabitants d'une région,soitlarégion elle-même suivant le mot sous-entendu.
Le motCardurcisignifie donc: habitants des pays blancs; on dirait aujourd'hui habitantsdes« Causses»oupayscalcaires.
son existence ; des guerres sansnombreont
accumulé
lesruines
pendant cette longuepériode, et les désastreuses restaurations
que chaque époque
impose
auxédifices construits
parles pré¬
décesseurs rendent pénible la reconstitution de la
ville gauloise,
de la ville gallo-romaine, de la ville moyen-âge,
de la ville
re¬naissance, car la ville moderne n'a pas assez respectélesmonu¬
ments siintéressants des âges passés.
La villegauloise ne comprenait que les
4/5 de la presqu'île,
c'est-à-dire la partie sud limitée à la
portion arrondie de la bou¬
cle du Lot. Onvoit encore une rampe taillée dans le roc, à par¬
tir du voisinage de la rivière qui monte en
suivant
ce rocauquel
elle est accolée jusqu'à la base des arceaux qui
soutiennent la
promenade. Des fouilles ontmontré les restesde l'ancienne voie
des Gaulois, et il a été possible de reconstituer la
position de
l'ancienne muraille quifermait lapresqu'île
de l'antique Divona,
Bibona, Duevona-Cadurcorum, comme en font mention Pline, Strabon, Ptolémée, la carte de Putinger, etc. Ce nom
devint
ensuite Cadurcum, Caours, Caorset puis Cahors.
Cette ville prit une grande extension sous
la domination
romaine : elle couvrit bientôt toute la presqu'île de ses édifices
et l'on pourrait dire de son luxe. On en trouve
bien
encorela
preuvedans lesrestes qui sont encoredebout surla
partie droite
de la presqu'île : il n'est guère
possible de s'occuper de l'autre
moitié qui est occupée par la ville actuelle.
Plusieurs voies
ro¬maines mettaient DivonaencommunicationavecBordeaux,Lyon, Périgueux et l'Auvergne; les habitants des lieux où passent ces routes les appellent estrades. C'est grâce à
elles
queCahors
devint une ville active et industrielle; la fabrication des toiles
de lin y prit une grande extension et
fit
connaîtreCahors dans
toutes les parties de l'empire romain.
Strabon
etPline le
natu¬raliste en parlent et Juvénal cite les
Nivei Cadurci, les Faciae
Cadurcae, lesvêtementspourl'hiver.Institorhybemi tegetis, niveique Cadurci.
L'empereur Auguste avait élevé
Divona
au rangde Cité;
un Sénatmunicipal le gouvernait.Son étendue était triple duterri-
Piettre 2
toire actuel. Mais ce n'est que sous le règne de Claude que furent achevés les édifices publics tels que, les thermes, le théâ¬
tre, un aqueduc magnifique, etc.
Les barbares couvrirent de cendres etde ruines le Quercy et n'épargnèrent pas la capitale, ettout cequi avait échappé aufer
des Vandaleset des Goths fut entièrement brûlé parTliéodebert.
Cahors ne se releva que lentement de ses ruines, mais elle ne
put recouvrer sonancienne splendeur. Cahors futau moyen-âge
le siège d'une université florissante, et le pape Jean XXII, Ca-
durcien d'origine, y passa quelques années de son pontificat. La
ville du moyen-âge n'occupait que la moitié de la presqu'île, et
ce n'est que depuis environ soixante ans que la ville moderne a obtenu son entier développement.
Elle est entourée d'un vaste plateau de calcaire de l'époque secondaire, recouvertd'espace en espace par des dépôts argi¬
leux et siliceux. Ce plateau, sur lequel courent des chaînes de collines dans toutes les directions et qui, sur quelques espaces,
est creusé en profondes vallées, s'appuie à l'est sur les terrains primitifs formés par les prolongements des montagnes du Can¬
tal. Il disparait au midi sous une formation de calcaire de l'épo¬
que tertiaire qui présente à sa surface des mouvements très variés.
La pente générale est très prononcée par le sud-ouest vers l'Océan Atlantique.
Leplateau calcaire est montueux, sans offrir de chaînes domi¬
nantes bienmarquées, si ce n'est celles des bords des rivières;
il est sillonné de vallées plus ou moins larges, de gorges plus
ou moins profondes.
La hauteur duplateau varie de 350 à 600 mètres au-dessus du niveau de la mer, et de 150 à 400 mètres seulement au-des_
sus des grandes rivières qui traversent le département. Les
vallées qu'on rencontre en grand nombre dans ce plateau ont
la forme de demi-cirques réguliers, dont la pente est toujours dirigée vers l'océan et qu'on peut attribuer à de grands écrou¬
lements occasionnés par la rupture de la voûte de vastes cavités
souterraines dont il existe encore un grand nombre dans la for-
mation calcaire. On peut d'autant plus admettre ces écroule¬
ments, qu'il est rare de voir deux champs
voisins où l'on n'aper¬
çoive des dépressions de terrains très marquées
qu'il faut
rapporter à une
semblable
cause.Il arrive
souvent encore, qu'après delongues pluies, il
seforme des espèces d'abîmes qui
bientôt, comblés en partie par les terres environnantes, ne laissent d'autres traces que des concavités analogues à celles
dont il vient d'être parlé.
Plusieurs de ces vallées sont arrosées pardes ruisseaux quise
perdent dans des cavernes situées à leur
extrémité. C'est
à ces grands écoulements qu'on doit attribuer les hauteurs etles bas-
fonds du sol calcaire.
Ilsn'ont, en général, produit que des bassins circulaires ou
elliptiques, quelquefois entourés
de roches taillées
àpic,
etle
plus souvent des pentes fortement prononcéesqui les font
res¬sembler à de vastes cirques.
Ces bassins s'appellent Cloups, dans l'idiome
du
pays.La
roche calcaire est en général dure, compacte, d'un gris clair ; elle présente une cassure conchoïde, souvent
écailleuse,
etoffre
de nombreuses veines spathiques. Les fossiles n'y sont pas abondants, mais on a pu yremarquer des gryphées arquées,
des
ammonites, des unios, des plagiostomes, des encrines, des
poly¬
piers, des pholodamies, des
gryphées-virgules
etdes nérites.
La ville de Gahors occupe précisément l'emplacement
d'un
énorme Cloup, et le Lot qui la sépare
des
montagnesqui la do¬
minent fut souvent sasauvegarde contre les invasionsdu dehors.
Vers le sud de la commune de Cahors, ontrouve des couches
marneuses alternant avec des couches entièrement formées de gryphées-virgules. «
Les alluvions, répandues à la surface
du plateau calcaire,
sont formées d'argile, de marne calcaire et de calcaire compact.
Météorologie.
La ville de Cahors jouit d'une température généralement
douce. Si parfois le thermomètre accuse une température
voi-
sine de — 10° pendant quelques jours d'hiver, ilremontebientôt
etjamais on ne voit régner un froid rigoureux.
Si, en effet, on consulte les renseignements météorologiques
recueillis tous lesjours à l'Ecole normale des instituteurs de Cahors, comme nous avons pu le faire, grâce à la grande obli¬
geance de son excellent directeur, M. Mergier, on constate,
en remontant jusqu'à l'année 1886, que pendant les mois
d'hiver les moyennes des températures minima sont modé¬
rées.
Dans cette période de 14 ans, voici les moyennes des tempé¬
ratures minima des mois de novembre, décembre, janvier et février.
Moyenne des températures minima pour les mois de :
Si, d'autre part, on procède de même pour les températures
maxima des mois dejuin, juillet, août et septembre, pendant
ce même laps de temps, ontrouve les résultats suivants.
Moyenne des températures maxima pour les mois de :
D'après ces moyennes, basées sur l'observation de 14 années consécutives, on voit que le climat de Cahors est tempéréetque
c'est pendant le mois d'août que règne la plus haute tempéra¬
ture, tandis que janvier est le mois le plus froid.
Voici le relevé des températures les plus basses depuisl'an¬
née 1886.
Novembre .... -j- 4°,la Décembre -f- 1°,20
Janvier 4~ 0°,1
Février + 0°,18
Juin
Juillet . . . .
Août
Septembre
25°,90 25°,41 28»,07 22°,00
Les températures
les plus basses ont
eulieu :
Années
1887 le 31décembre. . — 9,9.
1888 le 31janvier ... — 9.
— le 26février ... —11,1.
1890 le 29 novembre . — 10,5.
— le 1er décembre . — 9,2.
1891 le 18janvier ... — 14.
1893 le 13janvier ... — 11,2.
1894 le 5 janvier.... — 15.
1895 le 11 janvier ... —11.
1896 le 13janvier ... — 10,3.
1899 le 11 décembre . . — 10,5.
Les températures
les plus hautes ont
eulieu
1886 le 29juillet.... 36,9.
— le 8 août 36,3.
1887 le 24juin 34,4.
— le 3juillet 37,5.
— le 3 août 37,1.
1888 le 3juin 34.
— le 30juillet. . . . 31,8.
— le 14 août 34,3.
1889 le 8juin 36.
— les 14 et22 juillet. 33.
— le 14 août 34,3.
1890 le 26juin 34.
— le 17 août 34,3.
1891 les 28 et29juin . 35.
— les 28et29juillet. 35.
— le 15 août 37,5.
1892 le 28 juin 37,5.
1893 le 27juin 35,5.
— le 3juillet 37.
— le 14juillet. . . . 37,5
1893 le 13 septembre . . 38,3.
1894 le 29juin 34.
— le 6juillet 39,9.
— le 31 août 36.
1893 le 24juin 33,3.
— le 10 juillet .... 38.
— le 31 août 35.
— le 8 septembre. . . 36,8.
1896 le 16 mai 30.
— le 22 juin 31,2.
— le 7 juillet 37,9.
— les 4 et 15 août . . 30,5.
— le 17 septembre . . 30,3.
1897 le 25 juin 34,5.
— le 19juillet . . . . 35,4.
— le 4 août 32,2.
1898 le 21 juin 32,8.
— le 18juillet .... 37,8.
— le 18 août 39,2.
— le 7 septembre . . 37,2.
1899 le 11juin 33,2.
— le 22 juillet .... 37,2.
— le 4 août 37.
— le 5septembre. . . 36,
Il faut convenir qu'en juillet et août, la température, chaque
année, a été bien élevée. Mais on sait qu'il en est de même des
villes situées sous la même latitude, et qu'à Bordeaux, notam¬
ment, la température dépasse souvent les maxima relevés à Cahors pendant les mois de juilletet août.
Les rigueurs du froid ont correspondu, dans les tableaux de
mortalité par mois quej'ai pu consulter, grâce àlagrande obli¬
geance de M. le Dr Lebœuf, médecin de l'état-civil àCahors, à
une augmentation notable dans les décès.
Ainsi, dans la décade qui va du 1erjanvier 1882au31 décem¬
bre 1891, on voit qu'en mars 1890 la mortalité s'est élevée à 67
pour la commune
de Cahors
; or,les observations thermométri¬
ques relevées
pendant
cemois indiquent, pendant une période,
assez longue, un abaissement
de température qui est allé jus¬
qu'à — 7° le
4
mars1890
;cette température insolite pour ce
mois a pu être la cause
de cette mortalité énorme, correspon¬
dant à 51,6 p. 1000 par an.
De même, le mois de décembre
1899 présente
unemortalité
de 56 personnes,
tandis
quependant le même mois des années
1882 à 1898, la mortalité s'est élevée
seulement à 31
auplus.
C'est qu'en
décembre 1899, il
y aeudes froids tout à fait excep¬
tionnels pour le pays,
attendu
quela
moyennedes températures
minima du moisa été — 1°,53, et lamoyenne des
températures
maxima-f- 8°,65 : fréquemment
le thermomètre est descendu
aux environs de— 10°, et le 11 décembre,il a
marqué —10°,5.
Kremser avait fait observer, dès 1888, dans un
article inti¬
tulé : « Variation de latempérature del'air
atmosphérique dans
l'Allemagnedu nord»,
qu'il
y a unecoïncidence entre le taux de
la mortalité et les variations de température dans
le
royaumede
Prusse. Il fait remarquer que, dans
le Schleswig-Holstein, où
ces variations sefont le moins sentir dans le cours
de l'année,
il ne meurt annuellement que 22 p. 1000,
tandis
quedans le
Hohenzollern, oùles variations
atteignent leur maximum, il
y a32 décès p. 1000. —
Il convient, d'ailleurs, d'ajouter que les
variations de température nesont pas
le seul facteur qui doive
nous intéresser, puisqu'à
Batavia, où
onconstate très
peude
variations de température
pendant toute l'année, il règne
unemortalité bien supérieure à
celle de toutes les villes de l'Inde.
L'Etathygrométrique de
l'air,
àCahors, n'a
pas paruélevé à
ceux qui se sontjadis
occupés de cette question. Delpon, dans
son remarquable ouvrage sur
la statistique du département du
Lot, publié en 1831,
estime
quedans la vallée du Lot, l'état
hygrométrique dépasse
rarement 0,7.
On ne peut expliquer cette
assertion, étant donné la conscien¬
cieuse véracité de cet auteur, qu'ensupposantque
des expérien¬
ces peu nombreuses furent
faites
verscette époque, et surtout
qu'elles ont été faites au
milieu de la journée, et uniquement
alors.
En effet, si l'on consulte lescahiers de météorologiede l'Ecole
normale des instituteurs de Cahors, on constate une différence
remarquableetpresque constante entre lesétatshygrométriques
de l'airà 6 heures du matin, à 1 heure du soir et à 9 heures du soir. Les déterminations opérées tous les jours, depuis le mois
dejuin 1886, à 1 heure du soir, indiquent bien un état hygro¬
métrique souvent inférieur à 0,7.
Au contraire, il est bien peu de déterminations opérées à
6 heures du matinet à 9heures du soirquinedépassentpas0,7.
En résumé, l'état hygrométrique de l'air à Cahors atteint un
minimum presque quotidien à 1 heure du soir, et pour peu que le soleil paraisse, l'étathygrométrique reprend une valeurfavo-
rable à la santé pendant la plus grande partie de la journée.
Il fautajouter que l'atmosphère est presque toujours agitée,
le plus souvent par le vent du nord ou parcelui du midi, ce qui
dessèche continuellement le sol.
L'habitant des plateaux calcaires a lui-même la peaurude et sèche, le teintun peu bruni, la poitrine légèrement élevée, une stature qui indique la force et la santé.
Vivant sur un sol sec, aride, exposé à toutes les variations
subites du chaud et du froid, dans un pays sans étang, sans marais, dépourvu de hautes montagnes, de ruisseaux, de prai¬
ries, de boisde haute futaie, de tout ce qui peut former des
vapeurs ou condenser celles de l'atmosphère, le travailleur des champs subit l'influence de toutes ces circonstances.
La sécheresse de la peau intéresse nécessairement les fonc¬
tions cutanées, d'où il peutrésulter quelques modifications dans
le jeu des vaisseaux superfieiels. Si la transpiration est peu
abondante, les poumons doivent y suppléer; ils exhalent donc
une quantité de vapeur d'eau un peu supérieure à la normale;
cette déperdition est d'ailleurs facilitée par le faibleétat hygro¬
métrique de l'air pendant la plus grande partie de la journée.
Aussi, les poumons peuvent-ils acquérir un volume et une
capacité respiratoire en rapport avec la vitalité organique, d'où
résulte cette légère élévation du thorax si remarquable chez les
habitants des plateaux calcaires.
Dès le commencementde ce siècle, plusieurs médecins de
la
région ont émis l'idée que les sujetsde faible constitution
avaient surtout à redouter, en ce climat, des affections pulmo¬
naires dont ils ont depuis longtemps constaté la fréquence.
Les femmes, d'ailleurs, subissent encore plus que les hom¬
mes l'influence du climat, et c'est sur leur peau plus transpa¬
rente que l'on saisit bien les traits
caractéristiques signalés plus
haut.
Enfin, il faut tenir compte d'un dernier facteur, qui exerce
une influence assez analogue, c'est la pression atmosphérique.
Nous avons constaté que, depuis 1886, pendant des
mois
entiers, consécutifs, la pression atmosphérique a à peine
atteint
la valeur de 760 millimètres de mercure.
Il s'agit, bien entendu, de la hauteur corrigée et ramenée à
zéro.
Nous tenons surtout àfaire remarquer que le mois de décem¬
bre 1899, qui compta le chiffre extraordinaire de 67
décès
à Gahors, présente les résultats suivants :Moyenne de pressions à 6 heures du matin 749mm 4
Le maximum absolu eutlieule3 décembreet s'élevaà761mra8 tandis que le minimum absolu eut lieu le 14
décembre
etdonna
seulement 731mm2.
Eh bien, ces basses pressions, continues, ont coïncidé avec cette mortalité extraordinaire. Or, la physiologie nous apprend
que « le froid, une diminution de pression atmosphérique et
la sécheresse de l'atmosphère augmentent la quantité
absolue
de vapeur d'eau éliminée par les poumons et par suite l'activité
de ces organes ».
Il estdonc possible decroire queles nombreux décès
attribués
chez des vieillards à des affections pulmonaires, pendant le
mois de décembre 1899, peuvent dépendre d'un excès de travail exigé des poumons chez des sujets affaiblis par l'âge : cette
1 heure du soir 9 heures du soir,
749mm 5 750mm6
suractivité fatale fut la conséquence du froid et surtout des
faibles pressions atmosphériques.
D'après l'ouvrage cité plus haut
de
Delpon, « unelongue
série d'observations semble montrer qu'il y a un certain vent
dominant dans l'atmosphère de la région qui entoure
Cahors,
et qu'il donne à chaque année le caractère secou
pluvieux, froid
ou chaud qui la distingue. On a même remarqué que ce sont
les vents de l'équinoxe d'automne qui marquent de leur sceau l'influence qu'exercera l'état de l'atmosphère sur
les
êtresanimés pendant l'année suivante ».
Les vents d'ouest amènent la pluie : l'expérience apprend
d'ailleurs que la pluie est presque toujours produite par
les
vents qui soufflent en sens inverse
de la direction des
coursd'eau.
S'il pleut au printemps, avec le vent d'est,
c'est qu'il
y a,à
ce moment, rencontre de ce vent qui a traversé des montagnes glacées et qui rase la surface du sol, avec le vent
d'ouest plus
chaud et situé à une plus grande hauteur.
Ce double courant d'air se constateaisémentà Figeac, oùl'on
voitfréquemment la girouettede
l'église Saint-Sauveur indiquer
tel ou tel vent, et celle de l'église Notre-Dame duPuy, plus éle¬
vée d'environ 40 mètres, indiquer unvent de sens opposé.
Le plateau calcaire, coupé par de légères
inégalités de
ter¬rain, ofïre peu d'obstacles à l'action des vents.
Mais par sa pente vers l'Océan, il estplus
particulièrement
exposé aux vents d'ouestet du sud-ouest.
Aussi les arbres y sont-ils généralement inclinés vers l'est et
le nord-est.
Danstoutes les saisons, les vents d'ouest, du nord-ouest etdu
nord ysoufflent et s'y succèdent rapidement.
Pendant l'été et l'automne, on y redoute surtout le vent
solaire (1), qui non-seulement suit le cours
du soleil, mais qui
(1) Le vent solaire caractérise lesplateaux élevés, situés àune assez grandedis¬
tancedubord de lamer. Tandisque surles côtes del'Océan atlantique, le ventàune
orientation générale de l'ouest à l'est, pendantles trois quarts de l'année, avecdes
souffle de l'est, à midi du sud, le soir du couchant, et il se fixe
au nord pendant la nuit, pourrecommencer
le lendemain
à par¬courir ainsirégulièrement tous les points de l'horizon.
Ce vent est le fléau des campagnes, et cause les plus grands préjudices à la santé. Dès midi, il
répand
unechaleur brûlante,
dessèche les plantes et, la nuit, empêche la rosée dese
fixer
sur la végétation, tandis que le matin il dissipe le peu de roséequi
a pu se former. Bienfaisant au contraire
pendant l'hiver, il
tem¬père la rigueur du froid au milieu de la journée et,
dissipant
l'excès d'humidité de l'atmosphère dont l'état hygrométrique reprend une valeur normale pendant la plus grande partie du jour, il rend le climat propice à la santé del'homme.
Le vent le plus violent est ici celui du sud-est, surtout
dans
les mois de mars et de novembre, le vent d'est est très froid
tout le temps que les montagnes d'Auvergne sont couvertes de neige.
En résumé, les conditions climatériques sont généralement bonnes, et les froids intenses aussi bienque leschaleurs élevées qui régnentparfois, n'ont rien de particulier àla
ville
deCahors,
on peut même dire que souvent les rigueurs du climat sont atténuées,quel'hiver,généralementdoux,compte
peudejournées
froides, tandis que l'été est sensiblement aussi chaud que danslesautres villes situées sous la même latitude.
variationsdiurnesincessantes,on remarque aucontraire, dansle Quercy,quela direc¬
tion des couches d'airqui rasentle soltournede180 degrés pendant le jour,c'est-à-
dire d'une demi-circonférence enpassantpar les points cardinaux: Est, Sud, Ouest,
de 5à6 heures du matinà 9ou8 heures du soir. L'autredemi-circonférence,Ouest, Nord,Est est décrite pendant la nuit.
CHAPITRE II
DE LA POPULATION
Les recensements auxquels il a été
procédé
ontdonné les ré¬
sultats suivants :
Il semblerait, aupremier aspect,
qu'il
y a unléger accroisse¬
ment de la population depuis
1886
;il n'en est réellement pas
ainsi : si, en1891, il y a 15.524habitantsau
lieu de 13.713, cela
tient uniquement à l'arrivée à
Cahors d'étrangers à la popula¬
tion locale ; il y a au contraire
décroissance de la population, car
les décès sontdebeaucoupsupérieurs aux
naissances et celles-ci,
quiatteignaient,
il
y a40
ans,le chiffre de 325 à 350, sont actuel¬
lementtombées à moins de 200.
La population de Cahors va
donc toujours
endécroissant.
Ce mouvement, que l'on peut constater
dans tout le départe¬
mentdu Lot et même dans les départements voisins,
tient
par¬tout à ce que les naissances
diminuent de plus
enplus
; enjetant
lesyeuxsurle tableau suivant, on
constatera
quedepuis le com¬
mencement du xix0 siècle, saufdans lespériodes de
1821
à1830,
et de 1831 à 1840, les décès ont toujours atteint un
chiffre plus
élevé que lesnaissances.
Recensementde 1886.
— 1891.
— 1896.
13.713 15.524 14.502