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View of Een Kleine Luikse Mythologie (voor Jan)

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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EEN KLEINE LUIKSE

MYTHOLOGIE

(VOOR JAN)

Jean-Marie K

LINKENBERG

& Laurent D

EMOULIN

Nous sommes les auteurs des Petites Mythologies liégeoises, que Jan Baetens a préfacées (avec brio) parce qu’il était l’un des deux auteurs de Kleine Vlaamse Mythologiën, que nous n’avons pas préfacées, vu qu’elles étaient déjà écrites quand nous avons rédigé notre livre. Nous profitons de cette oc-casion pour nous rattraper : voyez dans ce petit texte une tentative de rendre le temps cyclique, et de produire, entre Flamands et francophones, une bande de Moebius

mytho-graphique.

Il nous a semblé en effet qu’il devait fatalement y avoir une intersection entre les deux ensembles mythologiques circonscrits par ces ouvrages. Le petit texte qu’on va lire est une tentative pour explorer cet espace hybride. Mais exploré, il ne le sera vraiment que si deux coups de projec-teur mythographique viennent l’illuminer : le premier lan-cé depuis la berge liégeoise, l’autre depuis le rivage flamand. C’est sur la première que nous nous tenons, laissant le soin à Jan de prendre place sur le second. Pour l’y encourager nous lui avons, à la fin des présentes lignes, ménagé l’espace

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nécessaire. Nous ne doutons pas que ce spécialiste des lit-tératures à contraintes saura remplir son oulipien devoir.

À première vue, rien ne semble plus étranger au Lié-geois que la Flandre. Entre eux deux est une altérité radi-cale, résumée par la formule lapidaire « Les Flaminds, ci n’èst nin des djins ! » qu’aiment à répéter des Luikenaars un peu connards.

Pourtant, un spectre hante la Wallonie : le spectre de la Flandre. Face à elle, le Liégeois, d’habitude si sûr de lui, se sent gagné par le soupçon. Est-ce vraiment bien sérieux de faire la foire comme il sait la faire, quand d’autres tra-vaillent ? Si, au printemps, il doit guider un de ses collè-gues venus du nord à travers les artères de la ville, il est tellement gêné par toutes les terrasses fleurissant un peu partout, déjà bondées à 14 heures, qu’il se sent tenu d’iro-niser sur le courage légendaire et l’abnégation des garçons de café de la Cité ardente, durs à la tâche et âpres au gain. Le Flamind est une fourmi (mais une fourmi colossale) lui tendant un miroir où il se découvre cigale. Le nord de l’un exacerbe le sud de l’autre et vice versa : face au Flamand, qu’il confondrait presque avec un Allemand, le Liégeois ne se sent pas parisien, mais marseillais ou napolitain ! Et puis, le Flamand, c’est du costaud. Si je suis la Culture, pense le Liégeois qui n’a pas lu Lévi-Strauss, lui il est la Nature. Et sans oser le dire tout haut, il pense : « Les Flaminds, c’èst cwand minme des djins ! »

À vrai dire, le Flamand n’est pas seulement un porteur de miroir. Il fait discrètement partie du paysage liégeois, à plusieurs titres.

Il y a tout d’abord ces Flamands que des erreurs his-toriques ont séparés de nous. Natifs de Riemst, de Bilzen

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ou de Herstappe, n’étaient-ils pas nos concitoyens au sein de la regrettée Principauté de Liège ? D’ailleurs, comme les anguilles se rendant dans la mer des Sargasses, à la cherche d’une Atlantide disparue, ces Flamands-là ne re-montent-ils pas opiniâtrement à la source de leur liégitude ? Oui : ils viennent discrètement faire leurs courses chez nous, à Cora ou à Ikea, où les oreilles attentives peuvent entendre leur robuste parler ; leurs enfants viennent parfois faire leurs études à Liège, où les déverse un bus portant l’exotique mention « De lijn » ; ils grouillent sur la Batte, où le Liégeois distrait les confond avec le Hollandais. Les pa-vés et les labourés du nord ne leur suffisant pas, ils viennent applaudir les « vrais Flandriens », c’est-à-dire leurs valeureux champions cyclistes, dans les côtes ardennaises, Stockeu, la Redoute ou La Roche-aux-faucons – vrais Flandriens parmi lesquels ils comptent, nous apprend la page 123 de la traduction des Petites Mythologies flamandes, « le Belge francophone Philippe Gilbert, dur à l’attaque, déterminé, acharné même », les auteurs oubliant de préciser que le francophone en question est liégeois, bien entendu. Et ces Flamands-là sont de plus sûrs supporters du Standard que ne le sera jamais un natif du Dju d’la : c’est tout dire.

En retour, nous leur rendons visite, comme on se rend au fond de son jardin. À Tongeren, que nous appelons familièrement Tongres, nous allons chiner aux puces du dimanche ; il y a peu, aux frontières de l’antique cité d’Am-biorix, notre belle jeunesse allait danser dans les boîtes avant-gardistes qui promouvaient l’ultra-moderne techno flamande. Nous réservons nos tables dans leurs restaurants, plus étoilés que les nôtres ; nous allons nous détendre dans leurs confortables saunas, moins pudibonds que les thermes

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de Spa ; nous nous rendons à Kanne non pour y voir des films, mais pour y jouir d’un véritable festival de tartes. Parfois, il nous prend la fantaisie d’aller jusqu’à Hasselt, la ville tournoyante, où nous nous sentons à la fois ailleurs et chez nous. Et ils nous accueillent. Salut, frères lointains et oubliés ! Salut, fidèles sujets du Comté de Looz ! Salut, fils d’Éburons comme nous ! C’est ensemble que César nous trouve, par-delà les siècles, toujours les plus braves !

Si le Liégeois s’amuse de ne pas encore trouver dans La Pléiade les œuvres complètes du Bruxellois Hergé (alors que son Simenon y est édité), il goûte un plaisir presque in-terdit en lisant avec délectation les aventures de Bob et Bo-bette, de préférence dans une vieille édition achetée d’oc-casion sur la Batte. Et sa satisfaction est agrémentée par le fait que les deux personnages s’appellent en réalité Suske et Wiske. Il n’a d’ailleurs aucune peine à retenir le nom de leur géniteur, Willy Vandersteen : car, bien qu’il éprouve un profond complexe en s’imaginant qu’il parlera toujours, quoiqu’il fasse, moins bien néerlandais que le Flamand ne parle français, il se rit des habitants d’Outre-Quiévrain aussi incapables de prononcer intelligiblement le nom des communes bruxelloises (comme « Maulennebèque ») que les patronymes des politiciens, des artistes ou des footbal-leurs flamands. (À ce sujet, un éditeur parisien me parla un jour avec enthousiasme d’un poète nommé « Jean Bétince » et je ne compris de qui il s’agissait que lorsqu’il évoqua le titre de son dernier opus en date, Faire sécession…)

Notons ensuite que le Liégeois a parfois tendance à es-sentialiser Liège, de telle sorte qu’il en voit des reflets à l’étranger, chaque pays ayant ainsi droit à sa variante de la Cité ardente. Ainsi, dans nos Petites Mythologies liégeoises,

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c’est à Lyon qu’échoit, pour la France, l’honneur d’une comparaison dûment étayée. Sans doute au Portugal, se-rait-ce Porto, grâce à sa résistance obtuse face à Lisbonne, qui emporterait le morceau. Pour la Flandre pas de doute : il est une ville de culture, quelque peu minoritaire écono-miquement, à gauche, un brin subversive, universitaire : het Vlaamse Luik, c’est Gent, assurément !

Puis il y a tous les Flamands qui sont venus à Liège pour échapper à la misère, à l’arrachage des pommes de terre et aux petits vicaires. Tous les débats actuels sur les migra-tions doivent nous rappeler que le Liégeois – c’était hier – a généreusement ouvert ses bras à ses frères inférieurs. Même si ces derniers ont travaillé au fond des puits de mine, ils y ont trouvé la lumière. Liège leur a apporté celle que fait naturellement luire la participation à une culture unique, millénaire et universelle. Et, merveille, ces braves gens lui en sont reconnaissants ! Onkelinx, Peters, Janssens ou de Jong, Meyer, De Vries ou Bakker : tous de bons Wallons qui fêtent aujourd’hui le quinze août en Outremeuse aux côtés des tard-venus Terroni, Campioli et Mendini. Cer-tains d’entre eux s’offusquent d’ailleurs de la présence en nos murs des plus récents encore Idrissi, Salah et Laaouej.

Il y a enfin une dernière Flandre liégeoise, plus proche dans le temps mais plus éloignée dans l’espace. C’est celle de la Côte. (Cette Côte qui s’éloigne pourtant dans le temps, au fur et à mesure qu’elle cesse d’être la Côte belge pour devenir la Vlaamse Kust). Cette Côte où, pour une quinzaine de jours, et sur une bande de terrain de quelques centaines de mètres de large, longue de soixante kilomètres, Flamands, Wallons, Bruxellois ne sont plus que des pré-noms, Belge étant enfin leur nom de famille.

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Il se sent, le Liégeois, propriétaire légitime de quelques parcelles de ce territoire. Blankenberge a longtemps été pour lui une excroissance de la Cité ardente. Une colo-nie. Un reposoir in partibus infidelium. Même si le sable s’envole au vent, son histoire y est restée inscrite. Il n’y a pas seulement quelques fortins pisseux pour rappeler au vacancier un passé pas si lointain : il y a aussi des anciens sanatoriums pour enfants de prolétaires scrofuleux, certes aujourd’hui reconvertis en séniories, mais qui témoignent encore du temps où le règne liégeois était sans partage (« ’s ist ein Wallon ! Respekt vor dem ! », Friedrich von Schil-ler).

De plus, grâce à la Côte, le Liégeois a pu percer les mys-tères de sa propre sociologie, sans passer par la case théorie (après Lévi-Strauss, Bourdieu). Il sait bien, le Liégeois, que passer de Blankenberge à Coxyde (ou à Saint-Idesbald), c’est pénétrer dans un autre milieu, s’élever, monter en puissance. Il sait qu’Ostende n’est pas loin, où, urbain, il pourra se fondre dans une autre ville. Et il sait aussi que Knokke doit à tout jamais rester hors d’atteinte : la place M’as-tu-vu, c’est pour les Bruxellois, et si d’aventure il y tente une expédition et qu’il y aperçoit un concitoyen, ce-lui-ci ne peut être qu’un traitre à sa classe.

Et en cherchant bien, on trouve d’autres accords plus subtils, mais non moins forts. Le plus éloquent à nos yeux est celui-ci. Pour bien réussir des carbonades flamandes, il faut un geste discret mais indispensable : y introduire une cuillère à soupe de sirop de Liège.

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