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LEXIQUE E M BRYOLOG I E
méd1!cine/sciences 1 994 ; J O : 84-91L
'unité de la gastrulation chez les vertébrés
Juste après la gastrulation, les ver tébrés po èdent des plans d'organi sation imilaires caractérisés par des structures embryonnaires qui se res semblent. Parmi ces structures con servées figure la chorde, une rangée de cellules empilées le long de l'axe embryonnaire, qui e t précédée dans sa partie antérieure par une structure plus large : la plaque pré chordale. L'unité de la morphologie des embryons de vertébrés après la fin de la gastrulation apparaît donc clairement, et a été reconnue par les embryologistes dès le XIX• siè cle [ 1 , 2] . Plus récemm nt, la con servation des patrons d'expression des gènes à homéoboîte de type
Hox
a permis de renouveler au niveau moléculaire l'ob ervation de l ' un ité morphologique des embryons de vertébrés juste après la gastrulation, quand le plan de l'embryon se met en place [ 3] . En revanche, la comparai on de gastrulations des embryons de verté brés fait d'abord ressortir des diver gences. En effet, les formes généra les des gastrulas de vertébrés sem blent à première vue très différen tes : pendant la gastrulation, les embryons de poisson et d'amphibien sont sphériques, tandis que l'embryon de poulet est aplati à la surface d'une immense vésicule vitel line et celui de souris e t en forme de coupe. De plus, la présence d'une grande quantité de vitellu et/ ou la nécessité de développer des structures extra-embryonnaires ont une grande influence sur le dérou lement général du développement embryonnaire. Une autre différence i mportante entre les jeunes embryons de vertébrés est la période à laquelle les potentialités des diffé rentes régions tissulaires se restrei gnent : chez les amphibiens, les potentialités d'une cellule sont, dès les première divisions, dépendantesd sa position au sein de l'embryon, tandis que les cellules de la masse cellulaire interne de l'embryon de souris restent équivalentes jusqu'à un stade avancé.
Cependant, une série de données récentes tendent à dégager une vue unitaire de la gastrulation : les étu de de lignage cellulaire ont mis en évidence que les intenses mouve ments morphogénétiques de la gas trulation possèdent des caractéristi ques communes à tous les vertébrés. Par ailleurs, la caractérisation de nombreux gènes dont l'expression marque des populations cellulaires données pendant la ga trulation a révélé de fortes ressemblances chez des gastrulas que l'on croyait aupa ravant très différentes. Un nombre important de ces gènes codent pour de facteurs de transcription. Il s'agit par exemple du gène
Brachyury
(T) qui a été originellement cloné chez la souri [ 4] . Sa caractérisation a été détaillée dans l'article précédent du Lexique [5] . n autre gène a tout d'abord été identifié chez le xénope : il s'agit du gènegoose
coid [ 6,
7] . Des homologues de ces gènes ont maintenant été isolés chez le principaux modèles de vertébrés. La combinaison des approches dis ponibles chez les différents modèles a déjà permis d'obtenir des éclaira ges nouveaux concernant la régula tion et la fonction de ces gènes lors de la gastrulation des vertébrés. D'autres facteurs susceptibles de régir les interactions entre les popu lations de cellules en mouvement ont pu être identifiés : ainsinodal
chez la souris [8] etnoggin
chez le xénope [9] codent pour des facteurs diffusibles. L'analyse de leur fonc tion constitue une première étape vers la connaissance des facteurs précoces susceptibles d'a surer les communications entre le cellules en migration de la gastrula.Des éléments nouveaux en embryologie
soulignent l'unité des gastrulations de vertébrés
Grâce au marquage de cellules uni ques par injections de traceurs enzy matiques ou fluorescents, la connais sance des destins des cellules injec tées avant la gastrulation a fait d'énormes progrès [ 10, 1 1 ] . Chez les jeunes gastrulas d'amphibien, de poulet, de souris ou de poisson zèbre, des carte des territoires pré somptifs indiquent à quelles structu res de 1 'embryon en construction vont appartenir les descendants d'une population de cellules occu pant une région donnée de la jeune gastrula
(figure 1).
La comparaison des cartes des différents organismes montre qu'à une région de chaque gastrula correspond une région équivalente c hez les autres gastrulas [ 1 2] .C'est essentiellement le taux et la répartition du vitellus qui sont à l'origine des différences morpholo giques entre les gastrulas. Comme l'ont suggéré Beddington et Smith dan une revue récente [ 1 3] , en éli minant virtuellement les vésicules vitellines du pleurodèle (un batra cien modèle) et du poisson-zèbre et en faisant se rejoindre par une pro jection fictive les bords de la lèvre
s'engouffrent pour participer à la
formation du mésoderme. Chez le
poisson-zèbre, l'équivalent de ces
domaines se trouve à la marge du
blastoderme, à l'endroit où les cel
lules s'enroulent vers l'intérieur.
Des similitudes existent donc entre
les cartes des destins cellulaires des
jeunes gastrulas de vertébrés, ce qui
conforte l 'idée que, malgré une
apparente diversité du déroulement
de la gastrulation, les signaux actifs
lors de ce processus doivent être
conservés.
Diversité
des stratégies d'isolement
des gènes exprimés pendant
la gastrulation
Chez les vertébrés, diverses stratégies
ont conduit à identifier les premiers
acteurs moléculaires de la gastrula
tian. Un premier type d'approche
tire partie de la conservation au
cours de l'évolution des motifs pré
sents parmi les gènes de développe
ment de drosophile. Un de ces
motifs est l'homéoboîte
[ 14] .Afin
de cloner des gènes exprimés
pen-A nt Post Souris A nt Post Poulet
dant la gastrulation, des séquences
correspondant à une région ou à la
totalité de certaines homéoboîtes
ont été utilisées lors d'expériences
de PCR et de criblage de banques
d'ADNe construites à partir de gas
trulas. Les gènes isolés par cette
démarche font par exemple partie
des familles des gènes à homéoboî
tes cauda� euen-skipped ou fark-head de
drosophile. Ainsi, Xnot [ 1 5]
et
Xlim [ 16] ,
deux gènes spécifiques de
l ' organisateur de xénope aux
homéoboîtes très divergentes, ont
aussi été découverts. Un autre gène
spécifique de l'organisateur, goose
caïd, a été isolé en suivant une voie
de ce type. Blumberg et al. ont
conçu un oligonucléotide dégénéré
correspondant à l ' hélice III de
l'homéoboîte [6] .
Ce domaine dont
la conservation est extraordinaire
ment forte correspond au domaine
principal de liaison à l'AD . En cri
blant avec un tel oligonucléotide
une banque d'ADNe construite à
partir d'explants de lèvre dorsale de
blastopore de xénope, l'équipe de
E. De Robertis a cloné plusieurs
gènes dont goosecoid [6] .
Un second type d'approche consiste
à
isoler des gènes impliqués dans
unPleurodèle Poisson-zèbre
D
Ectoderme•
EndodermeMésoderme paraxial et latéral
D
Mésoderme extra-embryonnaire•
Chorde�
Vitellus Figure 1 . Carte des destinées présomptives aux stades précoces de la gastrulation de la souris, du poulet, du pleurodèle et du poisson zèbre. Les chevauchements entre les différents domaines, repérés lors des études de lignage, ne sont pas représentés sur ce schéma. L 'épiblaste de la souris a été aplati. Les lignes primitives de la souris et du poulet sont schématisées par un trait. Les embryons de p/eurodè/e et de poisson-zèbre sont représentés par une vue dorsale en perspective (d'après [ 12, 42-44]). m/s n° 1 vol. JO, janvier 94processus particulier selon des critè
res fonctionnels. Ainsi, le clonage de
noggin a été effectué par l'intermé
diaire d'un test basé sur le déclen
chement d'un programme de déve
loppement de type dorsal à la suite
d'injections de messagers transcrits
in vitro dans un œuf
[9] .Cette pro
priété a été révélée en restaurant
l 'apparition de structures dorsales
chez des embryons de xénope ven
tralisés par des irradiations aux
UV. Lamise en œuvre d'une telle stra
tégie de clonage chez la souris est
plus délicate en raison de la diffi
culté de manipulation des embryons
de mammifères.
Deux démarches qui tirent parti de
l'analyse génétique ont en revanche
abouti à l'isolement de deux gènes
de souris. La première est le clo
nage positionne! de la mutation
Brachyury [ 4]
qui constitue l'aboutis
sement d'un long travail (voir m/s
n° 10, vol. 9, p. 1 1 1 8) . La seconde
démarche, utilisant la mutagenèse
insertionnelle, a débuté par l'établis
sement d'un stock de souris transgé
niques portant des insertions multi
ples d ' u n vecteur rétroviral
MPSVnéo
[ 1 7] .Pour l'une de ces
insertions,
la
gastrulation
d'embryons homozygotes se déroule
de manière anormale et le gène
inactivé par cette insertion a pu être
cloné et a été nommé nodal [8] .
La diversité des stratégies mises en
œuvre pour isoler des gènes expri
més pendant la gastrulation montre
que plusieurs voies peuvent être
empruntées. Actuellement, l'essor
de la mutagenèse insertionnelle
dans des cellules ES de souris [ 1 8,
19]et des approches mutationnel
les chez le poisson-zèbre
[20]devraient permettre de caractériser
de nouveaux gènes impliqués dans
la gastrulation.
1
Les facteurs de transcription exprimés au début de la gastrulationLors de la gastrulation, la
spécifica-tion des principales populaspécifica-tions
cel-lulaires s'accompagne du
déclenche-ment de programmes génétiques
86
menl, l'activation d'un ensemble unique de facteurs de transcription. Récemment, plusieurs gènes s'expri mant au cours de la gastrulation et codant pour des protéines possédant un motif de liaison
à
l'AD de type doigts de zinc ou homéodomaine ont été i olé . Ain i, les g' nestwist
etsnail,
clonés chez la souri et le xénope, sont activés dans de terri toires mésodermiques, selon un pro fil compatible avec une implication possible de ces gène dan la spéci fication de sous-population de cel lules mésodermiques [ 2 1 , 22] . Ces dernières années, l'accumulation de données recueillie chez plu i urs espèces a permis de cerner plus pré cisément le rôle de deux fact urs de transcription :Brachyury
(T) et goosecoid.
Brachyury (T)
Chez la souris, l'expression de T débute dans l'ectoderme et le méso derme qui bordent la ligne primi tive [ 23] . Au cour de la gastrula lion, l'expression se maintient dans la région de la ligne primitive ainsi que dans les précurseurs de la chorde. Des homologues de T ont été isolés chez le xénope et le poi son-zèbre. L'expre ion du gène T de xénope, nomm '
X!Jra,
esl for tement activée dans toute la région marginale de la blastula tardive, le stade embryonnaire qui précède le déclenchement de la ga trula tion [24] , et les cellules de cette région qui s'engouffrentà
l'intérieur de l'embryon cessent d'exprimer T,à
l'exception de celle qui partici pentà
la formation de la chorde. Schulte-Merkeret
al. ont montré
que le patron d'expression du gène T de poisson-zèbre, nommé ZfT puisntl,
ressembleà
celui des gènes de souris et de xénope [25] : les messagers et la protéine sont locali sés au bord du blastoderme, dans une région pré omptive du méso derme ; plus tard, l'expression ne persiste que dans la chorde et dan une masse de cellules postérieures qui prennent partà
la morphoge nè e de la queue lors d'un phase de développement qui uit la gastrula lion. Début gastrulation Post Souris 1 Poisson-zèbre -Ani Ani Fin gastrulation "t - - - --·---- ,.--1 1 1 1 1 1 1 l Expressions de :�
Goosecoid _ _ _ _ _ _ )D
Brachyury•
Nodal (Souris)Figure 2. Diagrammes représentant les gastrulas de souris (à gauche) et de poisson-zèbre (à droite) au début (en haut) et à la fin (en bas) de la gastrulation. En haut, au centre, sont schématisées les projections fictives de la région de la ligne primitive de la souris, et de la marge du blastoderme du poisson-zèbre, étirée puis fusionnée latéralement. En bas, au centre, ont été ajoutées les projections des précurseurs de la chorde et de la plaque préchordale. La schématisation des domaines d'expression des gènes Brachyury et goosecoid sur les diagrammes centraux souligne la simi litude des profils d'expression des homologues de souris et de poisson-zèbre (d'après { 13]).
Goosecoid
La
caractéristique la plu captivante des patrons d'expression degoosecoid
s'observe aux stades qui précèdent la gastrulation. Chez le poulet, une population de cellules positives pourgoosecoid
peut être identifiée avant même que la ligne primitive ne se forme. Ces cellules peuplent un domaine postérieur de l'embryon, et les analyses clonales montrent qu'elles migrent ver le nœud de Hensen [26] . Chez le poisson-zèbre, les messagersgoosecoid
sont d'abord répartis ubiquitairement dans la blastula [27] , puis, juste avant lagas-trulation, ils ne sont plus détectés que dans la région marginale du blastoderme.
Au début de la gastrulation, l'expression du gène
goosecoid
des différents vertébrés est restreinteà
des structures homologues, connues sous le nom d'organisateur chez les amphibiens [7, 28] , de nœud de Hensen chez les amniotes [26] , ou de bouclier embryonnaire chez le poisson-zèbre [27] . Les populations de cellules marquées positivement par les gènesgoosecoid
subissent d'importantes migrations au cours de la gastrulation. Dans lesrents embryons, les cellules quittent les régions citées ci-dessus, pour par ticiper, chez tous les vertébrés où le gène a été caractérisé, à la forma
rion des cellules mésodermiques antérieures de la plaque préchor dale. Chez les vertébrés,
goosecoid
marque donc une population de cel lules en mouvement destinée à par ticiper aux structures céphaliques mésodermiques et endodermiques. Quelles fonctions pour ces gènes ? C'est la fonction du facteur de trans cription codé par le gène T qui peut être cernée le plus précisément puisque des tests fonctionnels ont été développés chez la souris et le xénope, et que des allèles nuls de cette mutation sont depuis long temps caractérisés chez la souris [5, 29] . Récemment, des allèles nuls du gène T de poisson-zèbre ont été décrits [30] , ce qui a permis d'obte nir de nouvelles données sur la fonction de ce gène.Bien que T soit exprimé dans tous les précurseurs du mésoderme au cours de la gastrulation, la présence de son produit ne semble directe ment nécessaire qu'à la seule mise en place de la chorde et de la queue. Le mode d'action de T dans la morphogenèse postérieure reste largement inconnu. On a longtemps cru que la formation de la queue était secondairement perturbée par l'absence de chorde différenciée. Il semble en fait que T ait un rôle spé cifique dans le bourgeon caudal où il est exprimé [ 13] . En effet, lorsque
X!Jra,
le gène T de xénope, est surexprimé par injection de messa gers dans l'œuf de xénope, une dif férenciation ectopique de méso derme, mais aussi le développement fréquent d'une seconde queue, sont observés [31 ] . Par ailleurs, T active la transcription d'autres familles de gènes codant pour des facteurs de transcription spécifiques de la région caudale. Ainsi, la surexpression deX!Jra
dans des explants cellulaires en culture provoque une activation ectopique deXlwx3,
un gène à homéoboîte de la familleeven
skipped,
normalement exprimé dans la région postérieure [ 3 1 ] . Chez le m/s n° 1 vol. 10, janvier 94poisson-zèbre, les messagers d'un autre gène de type
even-skipped,
dont l'expression est normalement cau dale pendant la somitogenèse, ne sont plus détectés à ce stade dans un embryon homozygote T /T [32] . La chorde est une source impor tante de signaux intercellulaires qui contribuent, dans la région troncale, à la polarisation du tube nerveux et des somites. Il est donc particulière ment intéressant que Halpern, et Kimmel aient récemment montré, chez le poisson-zèbre, que chez les mutants T/T, les précurseurs de la chorde conservent certaines capaci tés inductrices tandis que d'autres sont altérées. En effet, des précur seurs T/T sont capables, à l'instar des précurseurs de type sauvage, d'induire une rangée de cellules située à la base du tube nerveux, le << plancher >>. En revanche, la chorde ne possède plus les capacités d'induire un autre type cellulaire spécialisé situé dans la région médiane des somites [ 30] .Chez la souris, certaines données mènent à l'idée que l'absence de T provoque une anomalie de migra rion des précurseurs de la chorde au cours de la gastrulation [ 33] . En effet, si des cellules ES murines, mutantes pour T, sont placées dans un embryon receveur de type sau vage, elles ne subissent pas les inten ses mouvements d'extension conver gente caractéristiques de la chorde et restent majoritairement dans la région postérieure de l'embryon [ 33] . Une série d'observations récentes obtenues par le laboratoire de Kimmel sur le poisson-zèbre a permis, grâce en particulier à la transparence et à la grande taille de l'embryon, de mettre en évidence que des précurseurs de la chorde migrent de manière appropriée dans l'embryon homozygote mutant
pour le gène
T [ 30] . C'est seule
ment à la fin de la gastrularion que leur différenciation semble incor recte : au lieu d'être de grande taille et de posséder une forme caractéris tique due à une vacuolisation, les cellules T/T ne se distinguent pas du mésoderme paraxial. Elles restent de petite taille et d'aspect mésenchy mateux. Un mauvais positionnement
des cellules de la chorde lié à des anomalies de migration pendant la gastrulation ne serait donc sans doute pas la cause principale des défauts observés chez les embryons
T/T de poisson-zèbre.
En revanche, un exemple très clair de régulation de la migration cellu laire sous le contrôle d'un facteur de transcription a été mis en évi dence par l'équipe de De Rober ris [ 34] . Celle-ci a montré que l'expression ectopique de messagers
goosecoid
dans un groupe de blastomères les conduit à migrer vers la région antérieure de l'embryon. De plu , ces bla tomères migrent d'une façon active, caractéristique des cel lules de la plaque préchordale, où
s'exprime normalement
goosecoid.
Ilsemble donc que la présence de
gocr
secoid
dans un groupe de cellulesinflue sur le destin de ces cellules en déclenchant la machinerie cellu laire à l'origine d'un comportement migratoire caractéristique.
1
Factt:ur� diffusibles exprtmes au cours de la gastrulationCes dernières années, de nombreu ses substances diffusibles impliquées dans le phénomène d'induction mésodermique ont pu êu·e identi fiées chez le xénope [ 35] . Il s'agit principalement de membres des familles
TGF-�, FGF
et Wnt [ 36] . Plusieurs des gènes codant pour ces facteurs ont été clonés chez d'autres vertébrés mais les différents phéno mènes d'induction liés à ces facteurs restent moins bien compris chez ces espèces.Chez
1
'amphibien , les données apportées par les expenences d'embryologie classique, combinées à celles plus récentes utilisant l'injec tion de protéines purifiées ou l'injection d'ARNm correspondant, ont permis de dresser un plan d'organisation générale des proces sus d'induction en œuvre lors du développement précoce(figure 3
[37, 38] ) . Dans la blastula, une première série de signaux induisent la forma tion de mésoderme de type ventral ou dorsal. Dans la gastrula, la88
IBMP-41
�
Dorsal ---. Rotation corticocytoplasmique Facteurs diffusibles v D Mise en place du centre de Nieuwkoop Facteurs de transcription�
�
Induction de la zone marginale et de l'organisateur vRégionalisation du tube neNeux sous contrôle de la chorde
derme est affinée sous l'influence d'interaction ventralisantes ou dor salisantes qui prennent place dans un contexte de mouvements mor phogénétique complexes
(figure 3).
Deux gènes clonés récemment et qui codent pour des facteurs diffu sibles,
noggin
etnodal,
suscitent un intérêt particulier car tous deux sont exprimés au cours de la gastrulation dans la région organisatrice, une région connue de longue date pour ses importantes capacités inductrices.noggin
Chez le xénope, le transcrit zygoti que du gène
noggin
e t localisé dans la zone marginale dorsale de la blas tula tardive, et dans la partie dorsale de la lèvre du blastopore pendant la gastrulation. Après invagination, les cellules positives pournoggin
sont situées dans les précurseurs de la chorde et de la plaque préchor dale [9] .oggin partage un effet << dorsali sant » avec deux protéines codées par des gènes de la famille
Wnt :
Wntl
etWnt8.
Cependant, seulnog
gin
possède des propriétés laissant supposer qu'il pourrait faire partie du signal << dor alisant ,, réellement actif au cours de la gastrulation. Pre mièrement, au contraire des gènesWntl et
Wnt8 qui sont exprimés soit
trop tard, soit au mauvais endroit,noggin
est exprimé dans la région dorsale de l'embryon selon unpatron compatible avec sa fonction dorsalisante ; de plus, l'incubation de cellules de la zone marginale ventrale (cellules précurseurs du mésoderme ventral) avec la protéine
oggin purifiée provoque l'appari tion de marqueurs spécifiques du mésoderme dorsal [39 ] .
Par ailleurs, des résultats récents sug gèrent qu'à la fin de la gastrulation,
noggin
pourrait être un élément important du signal d'induction neurale.noggin
e t exprimé dans la chorde dont les propriétés d'induc tion neurale sont connues depuis longtemps. L'incubation d'ecto derme avec la protéine oggin puri fiée induit l'apparition de tissus ner veux en absence de mésoderme dor sal. Cependant,noggin
ne serait qu'un des constituants du signal d'induction neural car il n'induit que l'apparition de marqueurs de structures nerveuses antérieures, telotxA [ 40] .
nodal
Le gène
noda�
qui vient d'être cloné chez la souris, code pour une pro téine de la famille duTGF-�
[8] . Son expression est restreinte dans le temps et dans l'espace. Faiblement transcrit au cours des étapes préco ces de la gastrulation,nodal
n'est détectable par hybridationin situ
qu'à partir de 7,5jours de dévelop pement. Le patron d'expression du gènenodal est particulièrement
inté-Figure 3. Schéma hypothétique des étapes successives de régionali sation chez l'embryon de xénope. Dans la blastula, différents signaux con
duisent, dans la zone marginale, à l'induction de mésoderme de type ven tral ou de type dorsal (l'organisateur). Pendant la gastrulation, des forces dorsalisantes contribuent à respécifier le mésoderme latéral en un méso derme à caractère dorsal. Les signaux dorsalisants pourraient inclure des membres de la famille Wnt et/ou noggin en conjonction avec l'activine ou le FGF. Dans la région ventrale, des forces ventralisantes s'opposent au phé
nomène de dorsalisation. Les signaux ventralisants inclueraient Xwnt-8,
BMP-4, des FGF, et éventuellement des rétinoïdes. Dans la blastula âgée, les patrons d'expression des gènes goosecoid et T s'établissent en réponse à l'action de ces différents facteurs. Les migrations cellulaires de la gastru lation produisent alors une redistribution des différentes populations cellu laires exprimant ces gènes. Dans la neurula, l'expression de ces gènes se maintient dans les structures chordales, dont les propriétés inductrices con tribuent à la régionalisation du neurectoderme et du mésoderme paraxial adjacents (d'après [38, 45]).
m/s n° 1 vol. 10, janvier 94
ressant car les cellules positives pour
nodal
sont localisées au niveau du nœud pendant toute la gastrulation. Les cellules cessent d'exprimer nodal de manière concomitante à la dispa rition de celui-ci.Plusieurs données suggèrent que
nodal
a un rôle essentiel dans la for mation du mésoderme chez la sou ris. Les embryons homozygotes pour une insertion rétrovirale dans le gènenodal
ne forment pas de méso derme [ 1 7] . Après implantation, ces embryons possèdent des structures extra-embryonnaires bien dévelop pées alors que l ' e c toderme embryon naire prolifère puis dégé nère rapidement. Des cellules ES homozygotes pour cette insertion rétrovirale sont capables, lorsqu'elles sont injectées dan un blastocyste normal, de participer à la formation de tous les tissus ; en particulier, elles se différencient normalement en mésoderme [ 4 1 ] . La protéine Nodal n'est donc pas nécessaire, de façon cellulaire autonome, à la dif férenciation des cellules mésoderrni ques, mais plus probablement elle constituerait un signal sécrété par les cellules du nœud agissant sur les cellules en cours d'invagination et déterminant alors leur participation au lignage mésodermique.1
ConclusionNodal et Noggin sont deux facteurs synthétisés et sécrétés par les cellu les du centre organisateur, i mpor tants dans la mise en place du plan d'organisation géné rale de l'embryon. Jusqu'à présent,
noggin
n'a été isolé que chez le xénope et
nodal
que chez la souris ; des gènes analogues devraient rapidement être clonés chez les autres espèces de vertébrés et il est probable que leur analyse renforcera l'idée d'une importante conservation des gènes exprimés pendant la gastrulation , montrée par l'étude d eT
e tgoose
coid.
Une unité encore plus précoce du développement des vertébrés existe-t-elle ? L'étude des gènes régu lant l'expression deT
etgoosecoid
pourrait fournir des éléments de réponse à cette question.
De plus, l'utilisation de différentes
90
strategie disponibles chez la souris
et le poisson-zèbre devrait mener à
l'isolement d'un nombre croissant
de facteurs impliqués dans la gastru
lation. L'analyse fonctionnelle de ces
facteurs, menée essentiellement chez
l'amphibien, devrait dans l'avenir
s'enrichir de résultats issus des expé
riences réalisées chez les autres
modèles de vertébrés
•Jean-Stéphane Joly Michel Cohen-Tannoudji
Unité de génétique des mammijeres, ins
titut Pasteur, 25, rue du Docteur-Roux,
75015
Paris, France.
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TIRÉS A PART
---j...S.Joly.