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Correspondances entre le style d'attachement et les souvenirs définissant le soi dans une population non-clinique

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Master

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Correspondances entre le style d'attachement et les souvenirs définissant le soi dans une population non-clinique

THÉVENOZ BURNAND, Chantal

Abstract

Cette recherche forme l'hypothèse générale que le style d'attachement influence la mémoire autobiographique et est, en retour, influencé par elle. Postulant que les Souvenirs définissant le Soi permettent d'accéder aux buts centraux du Self, nous avons collecté, au moyen du Questionnaire des Souvenirs Définissant le Soi, les SDS de 82 participants d'une population non-clinique, également divisée entre hommes et femmes, dont l'âge varie entre 30 et 40 ans.

Ils ont été répartis en quatre groupes (BA-BE – sécure, HA-BE – préoccupé, BA-HE – évitant et HA-HE – craintif) au moyen du Relationship Styles Questionnaire. Les résultats montrent des variations systématiques dans les Souvenirs définissant le Soi en fonction du style d'attachement. Ils révèlent une dissociation probable chez les individus BA-HE – évitants entre un comportement interpersonnel évitant et une absence d'évitement mnésique. Ils indiquent que les individus HA-BE craintifs recourent davantage que les autres à l'intégration.

Les résultats apportent aussi une contribution au débat sur la nature des deux dimensions [...]

THÉVENOZ BURNAND, Chantal. Correspondances entre le style d'attachement et les souvenirs définissant le soi dans une population non-clinique. Master : Univ. Genève, 2009

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:2451

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CORRESPONDANCES ENTRE LE STYLE D’ATTACHEMENT ET LES SOUVENIRS DEFINISSANT LE SOI DANS UNE POPULATION NON-CLINIQUE

Mémoire de Master en psychologie clinique Mai 2009

Mémoire dirigé par

M. Professeur Martial Van der Linden Mme Claudia Lardi

Jury

Martial Van der Linden Claudia Lardi

David Sander

Chantal Thévenoz Burnand

Chantal Thévenoz Burnand 74, rue de Montchoisy 1207 GENEVE

cthevenoz@bluewin.ch tél : (41-22) 735 28 21

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Résumé

Cette recherche forme l’hypothèse générale que le style d’attachement influence la mémoire autobiographique et est, en retour, influencé par elle. Postulant que les Souvenirs définissant le Soi permettent d’accéder aux buts centraux du Self, nous avons collecté, au moyen du Questionnaire des Souvenirs Définissant le Soi, les SDS de 82 participants d’une population non-clinique,

également divisée entre hommes et femmes, dont l’âge varie entre 30 et 40 ans. Ils ont été répartis en quatre groupes (BA-BE – sécure, HA-BE – préoccupé, BA-HE – évitant et HA-HE – craintif) au moyen du Relationship Styles Questionnaire. Les résultats montrent des variations systématiques dans les Souvenirs définissant le Soi en fonction du style d’attachement. Ils révèlent une

dissociation probable chez les individus BA-HE – évitants entre un comportement interpersonnel évitant et une absence d’évitement mnésique. Ils indiquent que les individus HA-BE craintifs recourent davantage que les autres à l’intégration. Les résultats apportent aussi une contribution au débat sur la nature des deux dimensions sous-jacentes au modèle bidimensionnel de

l’attachement chez l’adulte.

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Table des matières

Résumé... 2

Table des matières ... 3

1. Introduction... 5

2. Etat de la question ... 8

2.1. La Théorie de l’attachement ... 8

2.2. Différencier les styles d’attachement ... 10

2.3. Profils cognitifs, affectifs et motivationnels propres aux styles d’attachement... 12

2. 4. Le Self-Memory System : un modèle de la mémoire autobiographique ... 14

2. 5. Rôle du style d’attachement dans le SMS... 17

2. 6. Les Souvenirs définissant le soi: au coeur du SMS ... 19

2. 7. Différencier les SDS ... 22

2. 8. Attachement et souvenirs autobiographiques: données empiriques ... 23

3. Question de recherche et hypothèses théoriques ... 24

4. Méthode... 28

4.1. Population ... 28

4.2. Procédure ... 28

4.3. Matériel... 29

4.3.1. RSQ ... 29

4.3.2. I-PANAS ... 31

4.3.3. QSDS ... 31

4.3.4. Accord interjuge sur la cotation des SDS... 33

5. Résultats... 34

5.1. Score au RSQ ... 34

5.2. Caractéristiques générales des SDS ... 35

5.3. SDS relationnels : correspondances avec le style d’attachement ... 38

5.4. SDS en général: correspondances avec le style d’attachement ... 42

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5.5. Résultats complémentaires ... 42

5.5.1. SDS et style d’attachement ... 42

5.6. Résultats qualitatifs ... 44

5.6.1. Les trois SDS d’une participante BA-BE- sécure... 44

5.6.2. Les trois SDS d’une participante HA-BE - préoccupée ... 45

5.6.3. Les trois SDS d’un participant BA-BE – évitant ... 46

5.6.4. Les trois SDS d’un participant HA-HE – craintif... 47

5.6.5. Classification inattendues ... 48

BA-BE- sécure ... 48

BA-HE-évitant ... 49

6. Discussion et conclusions ... 50

Bibliographie... 57

Annexes ... 62

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1. Introduction

Trente ans de données empiriques sur l’attachement chez l’adulte ont montré le rôle central de ces patterns cognitifs, affectifs et motivationnels dans le fonctionnement psychologique. Les adultes insécures tendent à éprouver moins d’affects positifs (Kobak, 1999 ; Mikulincer & Orbach, 1995), plus d’anxiété et à réprimer davantage leurs affects (Diamond, Hicks & Otter-Henderson, 2006).

Leur régulation émotionnelle est donc moins fonctionnelle que celle des adultes sécures. Une majorité d’entre eux manifestent d’ailleurs une moins bonne estime d’eux-mêmes (Griffin &

Bartholomew, 1994). L’influence du style d’attachement sur les interactions sociales des individus est puissante, tant dans les interactions courantes que dans le domaine familial et amoureux. Elle porte non seulement sur le style de parentage, mais aussi sur la satisfaction conjugale (Barry, Lakey, & Orehek, 2007) et, plus largement, sur la recherche de soutien social (Kane et al., 2007).

La question de savoir comment faire évoluer ces patterns lorsqu’ils sont dysfonctionnels comporte donc des enjeux importants, pour l’individu comme pour son entourage. Elle représente un défi d’autant plus difficile que les styles d’attachement paraissent plutôt stables au cours de la vie, du moins à partir de la fin de l’adolescence. Une façon de l’aborder consiste à se demander comment ces patterns s’inscrivent dans l’architecture et dans le fonctionnement cognitif des individus. La présente recherche s’appuie sur les travaux de Martin Conway (Conway, 2005), en collaboration avec Christopher Pleydell-Pearce (Conway & Pleydell-Pearce, 2000) et avec Jefferson Singer et Angela Tagini (Conway, Singer & Tagini, 2004), qui ont proposé ces dernières années un modèle cognitif de l’attachement. Ce modèle articule la théorie de l’attachement (d’origine

psychodynamique et éthologique) et les données empiriques qui viennent l’étayer (issues de la psychologie développementale et de la psychologie interpersonnelle) avec un modèle cognitif du Self et de la mémoire autobiographique.

Le style d’attachement apparaît, dans ce modèle, comme un ensemble de stratégies et de

représentations associées à des buts centraux du Self. Ces stratégies et ces représentations sont forgées dans le creuset des interactions précoces entre l’enfant et ses donneurs de soins. Parmi ces représentations figure un « modèle de soi » comme étant digne d’être aimé, socialement adéquat et compétent, ou au contraire comme indigne d’être aimé, socialement inadéquat et incompétent. Elles comprennent aussi un « modèle des autres » comme sensibles ou insensibles aux besoins de l’individu et comme soutenants, ou non, envers lui. Les stratégies d’attachement concernent la confiance, le rôle et l’importance du rôle que l’individu accorde ou refuse aux autres dans la poursuite de ses objectifs. Parmi les buts du Self liés au système d’attachement figurent

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l’estime de soi et la valorisation des figures d’attachement. Ce sont donc des buts centraux pour l’identité de la personne.

Le Self-Memory System de Conway offre une explication de la grande stabilité de ces patterns, en faisant appel aux mécanismes reconstructeurs de la mémoire autobiographique. Les théories sur soi et sur le monde contenues dans les patterns d’attachement se nourrissent de souvenirs épisodiques, à l’instar de toutes les autres croyances et valeurs du Self. En effet, les souvenirs épisodiques communiquent à l’individu de manière efficace et concise des informations précieuses, issues de son expérience personnelle, sur la hiérarchie inconsciente de ses buts. Ils l’informent aussi utilement sur les comportements qui facilitent l’accès à ceux-ci ou qui y font obstacle. Pour assurer la cohérence entre les traces mnésiques des événements passés et les croyances

constitutives du style d’attachement, le Self biaise ces événements et module l’accessibilité de leur trace mnésique grâce aux processus exécutifs. Ces traces mnésiques s’associent aux patterns cognitifs, les consolident et les stabilisent.

En résumé, les souvenirs autobiographiques liés aux patterns d’attachement encapsulent certains buts et certaines croyances centrales d’un individu. Et ils les consolident, au prix d’une certaine distorsion de la réalité.

Existe-t-il des patterns de distorsion propres à chaque style d’attachement ? Les processus cognitifs et affectifs spécifiques à chaque style (voir à ce propos Pietromonaco & Feldman Barrett, 2000) impriment-ils à la mémoire autobiographique une signature typique de chacun d’eux ? C’est la question à laquelle cette recherche vise à apporter des éléments de réponse.

Pour récolter des souvenirs identitaires centraux, nous adoptons la méthode proposée par

Jefferson Singer, le Questionnaire des Souvenirs définissant le soi (Singer & Salovey, 1993). Selon cet auteur, les SDS se distinguent des autres souvenirs d’un individu par leur relation particulière avec les thèmes les plus critiques de l’identité. Chargés de détails et organisés sous forme narrative, les SDS seraient des « passages particulièrement éloquents » de l’histoire de vie de l’individu (Blagov & Singer, 2004, p. 123), en lien avec un thème ou un conflit central pour la personne. Les critères définitoires de ces souvenirs et le concept même de Souvenir définissant le soi s’articulent bien avec le Self-Memory System (Conway, Singer & Tagini, 2004).

En postulant que les SDS offrent ainsi des fenêtres sur l’identité des participants à notre recherche, nous avons collecté les SDS de 82 participants d’une population non-clinique (43 femmes, 39 hommes), dont l’âge varie entre 30 et 40 ans. Le Questionnaire des Souvenirs définissant le soi n’étant pas ciblé sur le système d’attachement, les souvenirs récoltés peuvent être considérés comme représentatifs de la mémoire autobiographique de l’individu en général. Ils permettent donc

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d’explorer les correspondances entre mémoire autobiographique et le style d’attachement. Nous avons mesuré et codé les caractéristiques des SDS des participants au moyen du système de codage des Souvenirs définissant le soi. Ce codage concerne la forme narrative (structure) et leur contenu (intégration, contenu, délai et affects) (Singer & Blagov, 2000 ; adaptation française : Lardi, Billieux & Van der Linden, 2006). Nous y ajoutons un cinquième critère : la tension (malaise,

désaccord ou gêne chez un des personnages du SDS) (Thorne, McLean & Lawrence, 2004).

Nous formons l’hypothèse générale que le style d’attachement (qui peut prendre quatre formes différentes : BA-BE – sécure, HA-BE – préoccupé, BA-HE – évitant et HA-HE – craintif) est associé à des caractéristiques différentes dans la forme et dans le contenu des SDS. Pour déterminer le style d’attachement des participants, nous employons le Questionnaire des Styles d’Attachement de Griffin et Bartholomew (1994). Nous testons nos prédictions sur les patterns mnésiques associés au style d’attachement avec des tests statistiques paramétriques et non paramétriques, compte tenu de la taille réduite de notre population (82 participants, répartis en groupes de 14 à 28 sujets selon leur style d’attachement).

Cette recherche peut être une étape préalable à d’autres recherches. Si les résultats devaient montrer que la mémoire autobiographique des individus est significativement contrainte par les patterns cognitifs, affectifs et motivationnels de leur système d’attachement, une nouvelle question se poserait. Intervenir sur les souvenirs liés aux patterns d’attachement permet-il d’intervenir sur ces patterns ? Et comment pourrait-on aider les individus à modifier des représentations et des stratégies d’attachement dysfonctionnelles dans l’espoir d’améliorer leur adaptation et leur bien- être ?

Cette idée va dans le sens des travaux de plusieurs chercheurs. Jefferson Singer (2005, 2006) propose par exemple d’utiliser les souvenirs identitaires des personnes pour leur développement personnel. Holmes, Arntz et Smucker (2007) proposent des techniques cognitivo-

comportementalistes de re-scriptage des images intrusives dans différents troubles psychiatriques.

Wild, Hackman et Clark (2008) ont appliqué des méthodes de re-scriptage à des souvenirs précoces liés à des images négatives dans la phobie sociale. À la différence des troubles psychiques auxquels ces récentes méthodes d’intervention ont été appliquées, les souvenirs centraux dans l’attachement ne présentent toutefois généralement pas de forme intrusive. Ces pistes de recherche n’en paraissent pas moins prometteuses.

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2. Etat de la question

2.1. La Théorie de l’attachement

De nombreuses recherches sur les comportements sociaux de l’adulte montrent qu’il existe un

« système d’attachement » qui préside aux comportements destinés à s’attirer l’attention, le soutien et la protection d’autres personnes ou à éviter d’être rejetés par eux (pour une revue, voire

Pietromonaco & Feldman Barrett, 2000). La théorie de l’attachement modélise le besoin universel de l’homme de former des liens affectifs étroits. Elle postule que les individus sont biologiquement prédisposés à développer ces liens. Elle propose une théorie normative du fonctionnement du système d’attachement chez l’humain et une théorie des différences entre les stratégies d’attachement des individus, élaborées en réponse à leurs expériences de vie (Griffin &

Bartholomew, 1994).

L’enfant développe, à partir des premières interactions avec ses donneurs de soin, des modèles de relations qui l’aident à comprendre, interpréter et anticiper le comportement de ses proches. Il les intègre dans ce que John Bowlby (1969, 1973, 1980) a appelé des Modèles internes opérants (MIO). L’individu développe un « modèle de soi » et un « modèle des autres » (Guedeney &

Guedeney, 2006 ; Pietromonaco & Feldman Barrett, 2000). Si, conséquemment aux réactions de l’autre, l’individu se perçoit lui-même comme digne d’être aimé, adéquat et compétent, son modèle de soi est positif. Si, au contraire, il se perçoit comme indigne d’être aimé, incompétent ou

inadéquat, son modèle de soi sera négatif. Si l’enfant infère qu’il peut compter sur la disponibilité de ses figures d’attachement, il développera un modèle des autres positif. Mais s’il perçoit les autres comme insensibles ou indifférents à ses besoins, son modèle des autres sera négatif. Dans tous les cas, que les donneurs de soin (généralement les parents) répondent adéquatement ou non à ses besoins, l’enfant s’attachera à eux.

Les comportements et les affects positifs manifestés par les enfants soignés par des parents disponibles et sensibles font parler de liens d’attachement « sécure ». Les comportements anxieux et les affects négatifs observés chez les enfants de parents indisponibles ou insensibles font parler d’attachement «insécure » Ces MIO et les affects qui leur sont associés opèrent toute la vie, de manière inconsciente, en guidant la manière dont l’individu perçoit les autres et se conduit dans les relations interpersonnelles (Guedeney & Guedeney, 2006).

Les données empiriques montrent que le style d’attachement est plutôt stable entre le début et le milieu de l’âge adulte (Klohnen & Bera, 1998, cités par Pietromonaco & Feldman Barrett, 2000, p.

163). Par exemple, un enfant qui aurait subi des carences affectives dans sa prime enfance mais

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aurait ensuite grandi dans une famille d’accueil attentive et aimante tendra à maintenir ses modèles internes opérants négatifs initiaux. Il continuera, dans la majorité des cas, à se croire indigne d’être aimé et/ou à croire les autre incapables de répondre à ses attentes.

A l’âge adulte comme dans l’enfance, le système d’attachement de l’individu s’active chaque fois qu’il a besoin du soutien d’autrui. Il s’active aussi en réponse aux déclencheurs que sont les situations de perte, de séparation ou de menace pour soi ou pour les figures d’attachement (Mikulincer, Gillath & Shaver, 2002, cités par Guedeney & Guedeney, 2006; Simpson & Rholes, 1998, cités par Guedeney & Guedeney, 2006), et que sont également les conflits, les défis de la vie et tous les autres événements générateurs d’anxiété ou de doute sur soi (Kobak, Cole, & Ferenz- Gillies, 1993, cités par Guedeney & Guedeney, 2006).

Au fil du développement, les liens d’attachement perdent leur caractère hiérarchique, propre à l’enfance, pour devenir réciproques, chaque partenaire devenant à la fois donneur et receveur de soutien, d’attention et de sécurité. Une figure d’attachement à l’âge adulte se caractérise, suivant la proposition de Hazan et Zeifman (1999, cités par Guedeney & Guedeney, 2006), comme quelqu’un dont on veut rester proche, avec qui l’on veut passer du temps, vers qui l’on se tourne en cas de détresse ou quand on est déprimé, sur qui l’on compte en cas de besoin et qui nous manque quand on en est éloigné.

Mais le champ d’influence de ce système dépasse le cercle des figures d’attachement

(amoureuses, familiales et amicales). Il s’étend aux interactions sociales courantes, comme le soulignent Pietromonaco et Feldman Barrett (1997). Si bien que l’attachement influence finalement de nombreux registres de la vie: la recherche de soutien social (Barry, Lakey & Orehek, 2007;

Collins & Feeney, 2004 ; Simpson, Rholes, Orina & Grich, 2002), la satisfaction conjugale (Kane et al., 2007) ou, par exemple, la religiosité (Cassibba, Grandqvist, Constantini & Gatto, 2008). Des relations apparaissent aussi avec différents aspects de la régulation émotionnelle : self-disclosure (Bauminger, Finzi-Dottan, Chason & Har-Even, 2008 ; Mikulincer & Nachshon, 1991), coping (Kemp & Neimeyer, 1999 ; Stroebe, Schut & Stroebe, 2005), répressivité (Diamond, Hicks & Otter- Henderson, 2006 ; Mikulincer & Orbach, 1995 ; Vetere & Myers, 2002), dépression (Carnelley, Pietromonaco & Jaffe, 1994 ; Toth, Rogosch, Sturge-Apple & Cicchetti, 2009). Les adultes avec un attachement sécure expérimenteront, par exemple, des affects plus positifs que les autres

(Mikulincer, 1995). Ils seront généralement moins déprimés (Simpson & Rholes, 2004), moins anxieux et auront une meilleure estime d’eux-mêmes (Griffin & Bartholomew, 1994).

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2.2. Différencier les styles d’attachement

Les styles d’attachement sont des « patterns systématiques d’attentes, de besoins émotionnels, de stratégies de régulation émotionnelle et de comportement social » (Shaver & Mikulincer, 2002, cités par Guedeney & Guedeney, 2006, p 134). Ils comprennent donc des représentations et des stratégies émotionnelles et comportementales, pour réguler les affects éprouvés dans les relations proches (Griffin & Bartholomew, 1994)

En trente ans, les chercheurs n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur un système unifié d’analyse et de classification des styles d’attachement chez l’adulte. Il n’existe pas encore de consensus sur la nature exacte de l’attachement sécure après l’adolescence. La conceptualisation de

l’attachement chez l’adulte tend d’ailleurs à se réorganiser autour de notions différentes, particulièrement celles d’anxiété et d’évitement, comme nous allons le voir. Deux approches dominent le débat.

La première est catégorielle. Elle consiste à classer le style de l’individu selon une typologie directement dérivée de la classification conventionnelle de l’attachement chez l’enfant. Par exemple, l’entretien semi-structuré de Main et collaborateurs (Adult Attachment Interview ; Georges, Kaplan & Main, 1984), très souvent utilisé, permet de sonder les représentations actuelles de l’adulte sur ses anciennes relations en tant qu’enfant avec ses propres parents. En fonction du résultat, le style d’attachement de la personne sera classé comme sécure/autonome, préoccupé, détaché ou non résolu-désorganisé.

La deuxième approche est dimensionnelle. L’un des modèles les plus usités est celui de Bartholomew et collègues, auteurs d’un auto-questionnaire (Relationship Questionnaire ;

Bartholomew & Horowitz, 1991) et d’une échelle (RSQ, Relationship Styles Questionnaire ; Griffin

& Bartholomew, 1994) au moyen desquels l’individu décrit ses relations actuelles. Cette approche est fondée au plan théorique sur les concepts de Modèle de Soi et de Modèle des autres de Bowlby (contrairement à la plupart des autres approches de l’attachement adulte, développées empiriquement). Les réponses sont analysées selon deux dimensions. En combinant les scores aux deux dimensions, il est possible d’attribuer à la personne l’un des quatre styles suivants:

sécure, préoccupé, évitant, craintif.

Plusieurs analyses statistiques ont récemment confirmé l’existence probable de deux dimensions sous-jacentes à l’attachement adulte (Brennan, Clark et Shaver, 1998 ; Kurdek, 2002 ;

Pietromonaco & Feldman Barrett, 2000). Nous avons donc choisi pour cette recherche une approche dimensionnelle et retenu le modèle de Bartholomew, pour trois raisons. Les outils proposés évaluent l’ensemble des relations de proximité de la personne (amoureuses, parentales,

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amicales). Les qualités psychométriques du RSQ ont été testées (voir chapitre Méthode). Enfin, ce modèle repose sur des bases théoriques plutôt qu’empiriques.

La question se pose de savoir si les deux dimensions sous-jacentes à l’attachement dans le modèle de Griffin et Bartholomew (1994) sont mieux décrites sous les labels Modèle de soi/Modèle des autres ou sous ceux d’Anxiété/Evitement. Griffin et Bartholomew utilisent la terminologie Modèle de soi/Modèle des autres. La Positivité du Modèle de soi « indique la mesure dans laquelle les personnes ont internalisé un sens de leur propre valeur et prévoient donc une réaction positive des autres » (Griffin & Bartholomew, 1994, p. 431). Pietromonaco et Feldman Barrett (2000, p.

159) ajoutent qu’il vaudrait mieux parler du « Modèle du Soi en relation avec les autres ». La Positivité du Modèle des autres indique, quant à elle, « la mesure dans laquelle l’individu prévoit généralement que les autres soient disponibles et le soutiennent.» (Griffin & Bartholomew, 1994, p.

431). Mais Bartholomew et collègues désignent aussi occasionnellement ces deux dimensions sous les termes d’Anxiété et d’Evitement, « ce qui suggère qu’un modèle négatif de soi est

étroitement associé à la peur d’être abandonné et qu’un modèle négatif des autres est étroitement associé à un comportement évitant », comme le soulignent Brennan, Clark & Shaver (1998, pp. 49 et 50).

Nous choisissons d’appeler ces dimensions Anxiété et Evitement, compte tenu des résultats de Kurdek (2002). Sur la base d’analyses factorielles confirmatoires, plutôt qu’exploratoires, c et auteur a trouvé que le modèle à deux dimensions Anxiété/Evitement mesurés par les items du RSQ de Griffin & Bartholomew (1994) sélectionnés par Simpson, Rholes et Nelligan (1992, cités par Kurdek, 2002) s’ajuste raisonnablement bien à ses données. En revanche, le modèle à deux dimensions Modèle de soi/Modèle des autres mesurés avec les items du RSQ proposés par les auteurs du questionnaire eux-mêmes ne s’ajuste pas à ses données. Ses conclusions rejoignent celles de Brennan, Clark et Shaver (1998), qui ont effectué une analyse factorielle exploratoire sur les données de 1086 participants entre 16 et 50 ans. Troisième raison pour adopter la terminologie Anxiété/Evitement, Pietromonaco et Barrett Feldman (1997, 2000) relèvent que les données empiriques corrélationnelles entre style d’attachement et Modèle des autres manquent de consistance, tandis que les corrélations entre style d’attachement et Modèle de soi sont, elles, cohérentes.

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Figure 1. Dimensions et styles d’attachement D’après Griffin et Bartholomew (1994)

L’anxiété dans le domaine de l’attachement est purement relationnelle. Elle désigne une forte aspiration à l’intimité et le désir d’être approuvé par l’autre, associés à la peur d’être rejeté ou abandonné (insécurité dans l’intimité). L’évitement désigne un inconfort dans l’intimité qui conduit à éviter celle-ci, doublé de la peur de se sentir dépendant de l’autre et de sentir l’autre dépendant de soi, qui conduisent à valoriser l’indépendance (Barry, Lakey & Orehek, 2007 ; Brennan, Clark &

Shaver, 1998 ; Guedeney & Guedeney, 2007).

En croisant les scores des individus sur ces deux dimensions, nous distinguerons dans cette recherche quatre groupes d’individus. Les personnes qui manifestent un bas niveau d’anxiété (BA) et un bas niveau d’évitement (BE) seront désignées comme « BA-BE - sécure» (correspondant au style d’attachement « sécure » dans la typologie de Griffin et Bartholomew, 1994). Les personnes dotées d’un bas niveau d’anxiété et d’un haut niveau d’évitement seront appelées « BA-HE – évitant ». Celles qui manifestent un haut niveau d’anxiété mais un bas niveau d’évitement seront dites « HA-BE – préoccupé ». Enfin, celles qui ont un score élevé tant sur la dimension d’anxiété que sur celle d’évitement seront qualifiées « de HA-HE – craintif ».

2.3. Profils cognitifs, affectifs et motivationnels propres aux styles d’attachement

Sur la base des données empiriques des trente dernières années, Pietromonaco et Feldman Barrett (1997) résument les caractéristiques essentielles de ces quatre patterns d’attachement de la façon suivante.

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Les individus BA-BE – sécures ont un modèle positif d’eux-mêmes et positif des autres (Bartholomew & Horowitz, 1991 ; Collins & Read, 1990 ; Hazan & Shaver, 1987). Ils sont peu anxieux et peu évitants dans les relations de proximité. Ils se sentent bien à la fois en situation d’intimité et en situation d’indépendance et cherchent un équilibre entre les deux (Bartholomew &

Horowitz, 1991). Ils ont généralement une vision optimiste de leurs relations, faisant état d’une plus grande satisfaction et d’un meilleur ajustement dans leurs relations amoureuses que les individus doté d’un autre style (Collins & Read, 1990).

Les personnes HA-BE – préoccupées ont une représentation négative d’elles-mêmes

(Bartholomew & Horowitz, 1991 ; Collins & Read, 1994, cités par Pietromonaco & Feldman Barrett, 2000) et une vision instable de l’autre. Bien que celle-ci paraisse positive au vu de la sociabilité élevée de ces personnes (Bartholomew & Horowitz, 1991), la nature humai ne leur paraît moins positive qu’aux individus d’un style différent (Collins & Read, 1990) et ils croient moins souvent aux bonnes intentions d’autrui (Hazan & Shaver, 1987). Leur profil affectif est particulier. Non

seulement elles rapportent des affects plus intenses et des hauts et des bas dans leurs relations amoureuses (Collins & Read, 1990 ; Hazan & Shaver, 1987), mais elles sont aussi plus

expressives émotionnellement (Bartholomew & Horowitz, 1991) et manifestent davantage d’anxiété et d’impulsivité (Shaver & Brennan, 1992, cités par Pietromonaco & Feldman Barrett, 2000). Elles recherchent une étroite proximité avec les autres, dont elles attendent une grande réceptivité, mais sont moins satisfaites de leur relation amoureuse que les individus BA-BE – sécures (Collins &

Read, 1990 ; Kirkpatrick & Davis, 1994, cités par Pietromonaco & Feldman Barrett, 2000).

Les individus BA-HE – évitants recherchent moins de relations de proximité que les personnes sécures ou préoccupées (Bartholomew & Horowitz, 1991), voire même les évitent autant que possible. Ils sont moins satisfaits dans leurs relations amoureuses (Collins & Read, 1990 ;

Kirkpatrick & Davis, 1994, cités par Pietromonaco & Feldman Barrett, 2000) et répriment davantage leurs affects négatifs (Mikulincer & Orbach, 1995). Bien que leur estime de soi soit aussi élevée que celle des individus sécure, certains théoriciens supposent que cette évaluation positive vient de leur capacité à inhiber ou à dénier leurs sentiments négatifs envers eux-mêmes, plutôt que d’une foi authentique dans leur propre valeur (Bartholomew & Horowitz, 1991 ; Bowlby, 1980 ; Cassidy & Kobak, 1987, cités par Pietromonaco & Feldman Barrett, 2000 ; Main, 1991, cité par Pietromonaco & Feldman Barrett, 2000).

Enfin les individus HA-HE – craintifs sont à la fois très anxieux et très évitants. Ils ont une vision négative d’eux-mêmes et des autres (Bartholomew & Horowitz, 1991, 1994). S’ils se sentent mal à l’aise dans des situations de proximité, ils recherchent quand même, paradoxalement, l’intimité.

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Comme les individus BA-HE – évitants, ils sont moins satisfaits que les individus BA-BE – sécures ou HA-BE – préoccupés dans leurs relations amoureuses et répriment davantage leurs réactions affectives négatives.

2. 4. Le Self-Memory System : un modèle de la mémoire autobiographique

Le théoricien du Self Martin Conway considère que les patterns d’attachement sont centraux pour le Self (Conway & Pleydell-Pearce, 2000 ; Conway, Singer & Tagini, 2004). Ce concept réfère à un ensemble de représentations et d’évaluations sur soi, associées à des processus cognitifs et affectifs (Harter, 1999). Les définitions contemporaines du Self restent inspirées de la distinction originelle de William James entre le I-Self (l’agent des connaissances sur soi-même) et le Me-Self (les connaissances à propos de soi) (James, 1890, 1892, cité par Harter, 1999, p. 6). Nous adoptons la perspective de Conway (2004, 2005) parce qu’elle permet de modéliser, à travers le Self-Memory System, les processus mnésiques à l’œuvre dans le système d’attachement.

Conway définit la mémoire autobiographique comme un système d’encodage et de reconstruction des épisodes vécus, sous forme de connaissances épisodiques et sémantiques. Les outputs servent à étayer les croyances de l’individu et à guider ses comportements instrumentaux dans la poursuite de ses objectifs.

Selon ce modèle, la mémoire autobiographique est gouvernée par les buts de l’individu. Nous formons et perdons continuellement de nouveaux souvenirs. Les souvenirs liés à des buts désactivés sont rapidement effacés durant les cycles de sommeil par les mécanismes inhibiteurs du Self (pour prévenir une surcharge du système cognitif), sauf ceux qui présentent une utilité à long terme. Seuls échappent à l’oubli les souvenirs d’expériences personnelles « contenant des connaissances de grande valeur pour les buts centraux » de l’individu (Conway, Singer & Tagini, 2004, p. 508). Autrement dit, notre mémoire est au service de nos motivations et constitue, avec elles, notre identité. L’individu a besoin de souvenirs fidèles à la réalité passée, qui l’informent sur les comportements qu’il a déjà produits, sur ceux qui l’ont rapproché de ses buts et sur ceux qui l’en ont éloigné. Ces souvenirs fidèles lui permettent, d’une part, de ne pas reproduire un même comportement en boucle et, d’autre part, de sélectionner des comportements semblables à ceux qui, d’après son expérience, sont les plus efficients, tout en évitant de reproduire les autres.

Conway, Singer et Tagini (2004) postulent donc que la mémoire répond à un besoin de

« correspondance adaptative ».

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Simultanément l’individu forme des croyances sur lui-même pour maintenir une image cohérente de soi, malgré la variabilité de ses comportements à travers le temps, et pour donner du sens à ceux-ci. Il forme également des croyances et des prévisions sur le monde et sur ses interactions avec celui-ci, pour orienter ses comportements conformément à ses buts. Afin de soutenir ses théories sur soi et sur le monde, il a besoin de souvenirs cohérents avec ses croyances, au risque d’une certaine distorsion des événements passés. Ce besoin de cohérence du soi (« self-

coherence ») exerce sur sa mémoire une contrainte symétriquement inverse à la cohérence adaptative (Conway, Singer & Tagini, 2004). La cohérence du soi fait appel aux mécanismes d’inhibition, largement inconscients, du Self pour limiter l’accès à certains souvenirs

autobiographiques. Le Self de travail abaisse l’accessibilité des traces d’événements qui menacent la structure de ses buts et il en forme un souvenir biaisé. L’exactitude du souvenir est sacrifiée au profit de sa cohérence avec les thèmes centraux de l’individu.

Les Modèles internes opérants d’attachement, comme nous allons le voir, peuvent être conçus comme des représentations sémantiques et des processus du Self, étayés par des souvenirs épisodiques, dominés par le besoin de cohérence du soi.

Selon le modèle de Conway, les souvenirs autobiographiques naissent de l’interaction entre trois sous-systèmes constitutifs du Self Memory System.

Le premier de ceux-ci est le Self de travail. Le SdT forme une représentation des buts ; les ordonne hiérarchiquement ; met en œuvre des moyens pour les atteindre et évalue les discordances entre l’état idéal et l’état réel du Soi (Conway, 2005). Il utilise pour cela des processus exécutifs. Le Self de travail correspond donc au I-Self de James, l’architecte des connaissances sur soi. La nature des buts et leur degré d’activation varie en fonction des exigences de la tâche en cours et de l’évolution à long terme de la personne. La deuxième fonction du Self de Travail est de d’organiser le « présent psychologique » en générant une trace de l’expérience vécue, à partir du moment où le but est installé jusqu’au moment où il est atteint ou désactivé (Conway, Singer & Tagini, 2004).

Ces moments psychologiques constituent par définition des souvenirs épisodiques, qui sont des enregistrements de succès ou d’échecs dans la poursuite des buts. Ils conservent aussi la trace des affects positifs ou négatifs associés à ce résultat, car le progrès ou le recul dans la poursuite d’un but est signalé par le déclenchement d’un affect positif ou négatif (Conway, Singer & Tagini, 2004). Les souvenirs épisodiques engendrés quotidiennement sont donc aussi nombreux que les objectifs à court ou long terme poursuivis ou atteints en vingt-quatre heures.

La Mémoire Episodique stocke les souvenirs épisodiques générés par le SdT, sous forme de patterns de détails visuels, auditifs, olfactifs, moteurs, affectifs et sémantiques.

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Le Self à Long Terme, troisième sous-système du système mnésique identitaire, stocke les

connaissances sémantiques extraites par l’individu de ses expériences et les tient à disposition du Self de Travail pour la prise en compte des buts à long terme (Van der Linden & Lardi, 2006). Il comprend deux modules: la Base de connaissances autobiographiques et le Self conceptuel.

La Base de connaissances autobiographiques, premier module du Self à Long Terme, regroupe des connaissances ancrées dans un contexte spatio-temporel. Elles sont articulées en trois niveaux. Les schémas de l’histoire de vie rassemblent les informations au niveau le plus global et reflètent la compréhension de sa vie par l’individu, dans son contexte socio-culturel. Les périodes de vie couvrent des durées plus courtes et reflètent des buts très fondamentaux (Conway, Singer &

Tagini, 2004 ; Blagov & Singer, 2004). Enfin, les événements généraux sont des groupes d’événements de quelques heures, jours ou semaines réunis par un but ou un thème commun.

Durant leur consolidation, les souvenirs épisodiques durables sont intégrés selon cette architecture à un réseau d’autres souvenirs liés aux mêmes thèmes. Chaque individu aurait ainsi des

« grappes » de souvenirs autobiographiques, reliés par des croyances, des valeurs ou des modèles internes de travail communs.

Le Self Conceptuel, deuxième module du Self à Long Terme, rassemble des connaissances abstraites, décontextualisées sur soi. Il s’agit des scripts personnels, des Self possibles, des aspects conceptuels des modèles internes de travail, des attitudes, des valeurs et des croyances de l’individu (Conway, Singer & Tagini, 2004). Il interagit avec le Self de travail en fournissant des représentations et des scripts pour guider les interactions avec l’environnement. En interagissant aussi avec la Base de connaissances autobiographiques – elle-même liée à la Mémoire Episodique - il contribue à l’organisation de l’histoire de vie et au sentiment d’identité.

Deux points importants pour notre recherche se dégagent de ce modèle. Premièrement, les souvenirs autobiographiques cristallisent des connaissances centrales de l’individu. Ils fournissent de la spécificité à ses représentations sémantiques. Les détails sensoriels, particulièrement les images, les odeurs, les sensations et les affects dont ils sont chargés, produisent un « effet de réalité ». Ils permettent de « revivre » les expériences passées (dans leur version reconstruite) dans un état de conscience autonoétique et donnent ainsi de la « chair » aux croyances, aux valeurs et aux schémas mentaux. Cette richesse en détails sensoriels et affectifs serait entretenue par de fréquentes remémorations. Le pattern sensoriel, et particulièrement les images mentales, d’une grappe de souvenirs deviennent ainsi une signature d’un thème central pour le Self : l’image mentale est le « langage des buts ». .

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Deuxièmement, le besoin de cohérence pousse l’individu à inhiber certains souvenirs qui ne sont plus pertinents avec ses buts principaux, voire qui les contredisent. « Pour maintenir la cohérence entre les souvenirs, les connaissances conceptuelles, les buts et le soi conceptuel, des processus de contrôle du Self de travail modulent l’accessibilité de la connaissance autobiographique et des souvenirs épisodiques » (Conway, 2005, p 600). Le Self de travail peut réduire l’accessibilité ou déformer la trace mnésique des événements qui menacent la structure de ses buts. Les souvenirs épisodiques sont donc simplifiés et reconstruits au cours de leur transformation en souvenirs autobiographiques durables, pour se conformer aux représentations du Self à Long Terme.

Ce modèle de la mémoire autobiographique trouve le soutien de données empiriques même antérieures à sa formulation.

Csikszentmihalkyi et Beattie (1979, cités par Conway & Pleydell-Pearce, 2000) ont, par exemple, étudié des groupes de personnes ayant connu de grandes privations dans leur enfance. Elles pouvaient toutes récupérer des souvenirs hautement détaillés de l’épisode autobiographique où elles avaient imaginé une solution (but) à leur problème, et fournissaient des souvenirs aussi vivaces des étapes franchies pour atteindre cette solution (approche du but). La facilité d’accès à ces souvenirs reflèterait la centralité des buts concernés pour le Self et la richesse de détails résulterait de la fréquence à laquelle ces souvenirs pertinents ont été remémorés.

Singer et Salovey (1993, cités par Conway & Pleydell-Pearce, 2000) ont montré la relation entre affect et progression vers les buts. Ils ont trouvé que les souvenirs associés à des sentiments de bonheur et de fierté (affect positif) étaient fortement liés au déroulement favorable de plans personnels (approche du but) et à l’atteinte d’un but.

Nous décrirons des données plus récentes dans le chapitre sur les Souvenirs définissant le soi, ci- dessous.

2. 5. Rôle du style d’attachement dans le SMS

Nous avons vu plus haut que les styles d’attachement sont des patterns typiques de

représentations, d’affects et de stratégies. Cette recherche postule, conformément au modèle du Self-Memory System, que ces patterns affectifs, cognitifs et motivationnels déterminent le

fonctionnement de la mémoire. Laquelle, en retour, contraint le fonctionnement émotionnel, cognitif et social des individus.

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Bowlby, selon Conway & Pleydell-Pearce (2000, p. 268), pensait que les Modèles internes

opérants (MIO) « oeuvrent pour maintenir une image positive des parents1, en gardant les aspects les plus positifs disponibles pour la réflexion et en tenant hors de portée de la conscience des aspects négatifs». « De telles représentations (MIO) doivent clairement former une partie

importante du Self; et les buts du Self de travail qu’ils spécifient devraient influencer l’accessibilité de la connaissance autobiographique » (Conway & Pleydell-Pearce, 2000, p. 268). En effet, croire à sa valeur personnelle ou croire au soutien de son entourage constituent sans doute, pour les individus avec un attachement BA-BE – sécure, des croyances critiques pour la poursuite de leurs buts et pour leur identité. A l’inverse, aspirer à revaloriser son image dans le regard des autres et/ou se protéger contre le risque d’être rejeté par eux, dans le cas d’un attachement insécure, constituent probablement aussi des buts centraux pour le Self. De telles valeurs doivent influencer les processus d’inhibition et de récupération du Self de travail et biaiser ainsi l’encodage et la récupération des souvenirs autobiographiques

Du point de vue cognitif, les Modèles internes d’attachement de Bowlby sont redéfinis par Conway, Singer et Tagini (2004) comme des réseaux comprenant « des connaissances autobiographiques de l’enfance, quelques souvenirs épisodiques, des croyances conceptuelles centrales sur soi et sur les significant others et, surtout, des structures de buts formant le noyau de la hiérarchie des buts du Self de travail» (p 512).

En d’autres termes, l’activation de n’importe quel élément (croyance conceptuelle sur soi, connaissance autobiographique, but ou souvenir épisodique) du réseau neuronal se propage à l’ensemble, activant les connaissances symboliques, les images sensori-perceptives et les schémas mentaux du MIO.

Figure 2. Modèle interne opérant (MIO) D’après Conway, Singer et Tagini (2004)

1On pourrait compléter : « des parents et/ou de soi-même »

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Les déclencheurs d’une telle activation, selon la théorie de l’attachement, sont les situations demandant une recherche de soutien, les situations de perte ou de séparation, les situations menaçantes et les défis importants. On peut dès lors se représenter les modalités d’action des Modèles internes opérants du système d’attachement. Lorsqu’il est confronté à une situation déclenchante, l’individu va puiser des schémas relationnels, des scripts personnels et des connaissances pour interpréter la situation. Les processus de contrôle de son Self de travail orientent ses ressources attentionnelles et modulent le seuil d’accessibilité des connaissances sémantiques et épisodiques sous l’influence des MIO. Les MIO influencent la compréhension de la situation et les réactions de la personne – comme prédit par la théorie de l’attachement. Ils

influencent ensuite l’encodage mnésique de cette nouvelle expérience, et, ultérieurement, la récupération de ce nouveau souvenir, conformément au modèle du Self-Memory System. Ce souvenir vient se greffer sur une grappe de souvenirs d’attachement et vient ainsi renforcer les Modèles internes opérants de la personne.

Les données de Bakermans-Kranenburg & van Ijzendoorn illustrent cet effet. Les auteurs ont récolté les souvenirs de 83 mères de famille au moyen de l’Adult Attachement Interview (Main, Kaplan & Cassidy, 1985). Les mères avec un style d’attachement détaché (ndlr : Basse Anxiété - Haut Evitement) montraient typiquement des souvenirs autobiographiques très appauvris pour les expériences enfantines affectives négatives. Elles pouvaient néanmoins répondre plus rapidement que des individus sécures (ndlr : Basse Anxiété - Bas Evitement) à des questions qui n’étaient pas centrées sur l’expérience affective. Autrement dit : leur Self de travail inhibait sélectivement la récupération des souvenirs d’interactions précoces négatives. « Pour les personnes avec un attachement insécure, accéder aux connaissances d’attachement peut avoir un effet exacerbant ou déstabilisant » commentent Conway et Pleydell-Pearce (2000, p 268) à propos de ces résultats.

« Par conséquent l’accès à cette connaissance est rendu plus difficile.»

2. 6. Les Souvenirs définissant le soi: au coeur du SMS

Pour étudier l’effet de l’attachement sur la mémoire autobiographique, il faut recueillir des souvenirs identitaires centraux. Le SMS peut maintenir des traces mnésiques durables d’information

pertinentes mais d’importance secondaires dans la hiérarchie du Self (dans le cas d’un étudiant, par exemple, occuper un emploi alimentaire inintéressant). Singer et Salovey ont identifié une catégorie de souvenirs autobiographiques plus centraux que d’autres (Singer & Salovey, 1993), intitulés Souvenirs définissant le soi (SDS).

Les Souvenirs définissant le Soi sont des « passages particulièrement éloquents » qui dramatisent les thèmes majeurs de l’histoire de vie de l’individu (Blagov & Singer, 2004, p. 123). Ils se

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distinguent par une relation particulière avec les thèmes les plus critiques de l’identité. Chargés de détails sensoriels et organisés sous forme narrative, les SDS seraient des messages

« sténographiques », concis et efficaces, signalant aux individus les thèmes fondamentaux de leur identité.

Conway, Singer et Tagini (2004) les considèrent comme « des intégrations particulièrement fortes de scripts personnels2 dans le Soi conceptuel et de connaissances dans la Base de connaissances autobiographiques, thématiquement liées à ces scripts » (p. 507). Ils faciliteraient ainsi la prise de décision. Leur mérite est de fournir « un modèle immédiatement accessible et tangible pour les décisions et les actions, basé sur des expériences concrètes passées », explique Singer (2006, p 223). Mais ces modèles réducteurs peuvent conduire à des interprétations « biaisées » de la réalité (Conway, Singer & Tagini, 2004 ; Singer 2006).

Les SDS présentent cinq caractéristiques: 1) ils suscitent une forte émotion durant la

remémoration ; 2) ils sont vivaces ; 3) ils sont fréquemment remémorés et constituent ainsi un jalon dans la conscience ; 4) ils sont liés à d’autres souvenirs similaires (même scénario, mêmes

émotions) ; 5) ils tournent autour d’un thème ou d’un conflit très important dans la vie de la

personne (p ex des amours non réciproques, des succès ou des échecs, etc.) ; enfin ces souvenirs ont plus d’un an d’ancienneté (Blagov & Singer, 2004 ; Singer, 2005 ; Singer, 2006).

La première marque distinctive des SDS, c’est la charge émotionnelle qu’ils conservent longtemps après les événements qui les ont suscités. La force de ces affects indique, d’ailleurs, que le souvenir a gardé sa connexion avec les buts les plus importants du Self (Singer, 2005) car le progrès ou le recul dans la poursuite d’un but est signalé par un affect positif ou négatif.

Deuxième critère, ce sont des souvenirs vivaces, autrement dit chargés de détails sensoriels (visuels, olfactifs, auditifs, perceptions internes, etc). Ces détails restent d’autant plus vifs que les souvenirs sont souvent récupérés. La fréquence des évocations constitue, justement, le troisième critère d’un SDS et dépend de leur utilité dans le fonctionnement psychique.

Quatrièmement, les SDS sont liés à d’autres souvenirs partageant le même thème, le même scénario et les mêmes affects associés. Cela s’explique par leur processus de consolidation, qui consiste à intégrer les détails de l’épisode mnésique avec des connaissances épisodiques et des

2 Selon Sylvain Tomkins (1979, cité par Conway, Singer & Tagini, 2004), les scripts sont des

« règles de l’individu pour prédire, interpréter, répondre à et contrôler un set magnifié de scènes ».

Ils contiennent des modèles pour des séquences d’actions liés à des affects et aux résultats de ces actions.

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représentations abstraites du Self à long terme (SMS). Chaque récupération contribue à intégrer davantage le souvenir avec ce réseau cognitif, donc à renforcer certaines similitudes entre les souvenirs.

La cinquième propriété des SDS est leur lien avec un thème ou un conflit centraux pour la personne, autrement dit avec les buts de celle-ci. On observera qu’en parlant de « conflits non résolus dans la vie de la personne », Singer (2005) souligne la dimension conflictuelle intra- psychique du système motivationnel.

Un grand nombre de données empiriques ont montré que les Souvenirs définissant le soi se rapportent bien aux buts ou aux conflits centraux de l’individu. Thorne, Cutting et Skaw (1998, cités par Conway, Singer & Tagini, 2004) ont recueilli auprès de jeunes adultes, à six mois d’intervalle, deux échantillons de souvenirs concernant des relations importantes. Même quand les épisodes variaient par leur contenu, les auteurs ont trouvé qu’ils reflétaient des « thèmes motivationnels » et des structures narratives similaires.

Demorest et Alexander (1992, cités par Conway, Singer & Tagini, 2004) ont aussi montré une continuité thématique identitaire, mais cette fois entre les récits de souvenirs et les récits imaginaires d’un même individu. La démonstration n’est évidemment pertinente qu’à condition d’admettre que les souvenirs sont des construits cognitifs et non des enregistrements de la réalité.

Dans un premier temps, les participants devaient fournir des souvenirs autobiographiques relatifs à des incidents émotionnellement forts (« scènes » dans la théorie de Tomkins, 1979). On leur demandait ensuite d’en abstraire des règles séquentielles (« scripts »). Un mois plus tard ces participants devaient imaginer des récits fictifs. Les scripts des souvenirs originaux et ceux des histoires imaginaires se sont avérés très proches. Ces résultats suggèrent que les expériences remémorées et les expériences imaginées sont reliées par des thèmes personnels importants pour la personne.

Moffitt et Singer (1994, cités par Conway, Singer & Tagini, 2004) ont également éclairé les liens entre SDS et buts centraux du Self. Ils ont récolté les SDS d’étudiants en demandant d’indiquer quelles réactions affectives les accompagnaient. Une semaine plus tard, les mêmes participants ont dressé une liste de leurs aspirations personnelles, les ont évalués sur dix dimensions et ont indiqué la pertinence de leurs souvenirs par rapport à ces désirs. Il est apparu que les participants qui récupéraient le plus de souvenirs pertinents par rapport à leurs ambitions étaient aussi ceux qui réagissaient le plus positivement à leurs souvenirs. Les participants qui, parmi leurs aspirations, évoquaient le plus grand nombre de désirs d’éviter un problème étaient ceux qui récupéraient dans leurs souvenirs un taux supérieur de buts ratés. Enfin, les sentiments des participants à propos de

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leurs aspirations personnelles étaient corrélés à la valence hédonique des souvenirs récupérés une semaine plus tôt. D’ailleurs, les souvenirs d’échec dans la poursuite d’un but étaient associés à des affects négatifs. Ces résultats semblent démontrer le lien entre SDS et buts centraux.

Les SDS jouent apparemment un rôle important dans la régulation émotionnelle. Josephson, Singer et Salovey (1996, cités par Conway, Singer & Tagini, 1994) ont observé que les individus non déprimés évoquaient des souvenirs positifs pour relever leur humeur négative. En revanche, des individus moyennement déprimés, lorsqu’on induisait chez eux une humeur négative, perdaient partiellement cette capacité à invoquer des SDS réparateurs d’humeur. Blagov et Singer (2004) ont dressé le même constat et l’ont élargi en montrant que le niveau d’ajustement émotionnel est lié aux caractéristiques des SDS. Ils ont récolté les souvenirs d’une population d’adolescents et de jeunes adultes, auxquels ils ont soumis le Weinberger Adjustment Inventory - Short Form (WAI ; Weinberger, 1997, 1998). Ces SDS ont été codés, entre autres, sur la dimension d’intégration, c’est-à-dire sur le fait que les individus attribuent une signification au souvenir sous forme d’une leçon sur soi, sur les autres ou sur le monde. Les participants qui fournissaient le plus de souvenirs intégrés étaient ceux qui montraient la plus grande maturité émotionnelle et le meilleur ajustement au WAI. Les auteurs suggèrent que donner du sens à un souvenir est une stratégie d’aide à la gestion des émotions négatives.

Ainsi les Souvenirs Définissant le Soi semblent bien, comme le dit Singer (2005) « ouvrir une fenêtre » sur le noyau identitaire des personnes, dans ses aspects motivationnels, cognitifs et affectifs. Ils offrent au chercheur un moyen d’explorer la structure et le fonctionnement du Self, en gardant à l’esprit qu’ils reflètent un moment particulier de l’évolution du Self. Etant activés en fonction des buts actuels, il va de soi que les souvenirs d’une personne à 20 ans pourront être sensiblement différent de ceux qu’elle aura à 40 ans.

2. 7. Différencier les SDS

Les SDS peuvent varier principalement sur quatre dimensions, d’après la cotation recommandée par Blagov et Singer (2004) : le contenu, la structure, l’intégration de la signification et les affects.

Le contenu réfère au type d’événement évoqué dans le souvenir et reflète une préoccupation de l’individu. La structure désigne le degré de spécificité de la narration, autrement dit la

contextualisation spatio-temporelle et le nombre de détails sensoriels, qui confèrent au souvenir sa spécificité et sa vivacité. L’intégration de la signification désigne une signification attribuée par l’auteur à son souvenir, sous forme de « leçon de vie » à propos de lui-même, des autres ou du monde. Enfin, l’intensité et la valence des affects au moment de la récupération du souvenir seront également cotés.

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2. 8. Attachement et souvenirs autobiographiques: données empiriques

Nous n’avons pas trouvé de publication sur les liens entre attachement et Self-Defining Memories.

Nous connaissons une recherche sur le style d’attachement en rapport avec le Self-Memory System, mais de manière indirecte car elle n’est pas publiée (Tagini, Conway & Meins, recherche non publiée, citée par Conway, Singer & Tagini, 2004). Les auteurs ont récolté oralement des souvenirs autobiographiques en soumettant un nombre (non spécifié) de participants à l’Adult Attachment Interview. Leur intention était d’analyser l’influence du style d’attachement sur l’équilibre entre correspondance adaptative et cohérence du soi. Pendant l’AAI, les participants reçoivent la consigne d’accéder et de réfléchir sur des souvenirs autobiographiques plausibles, remontant notamment à l’enfance. Ils doivent en même temps s’engager dans une task-monitoring pour maintenir un discours cohérent et collaboratif. Les auteurs ont considéré plusieurs variables:

la flexibilité du sujet à s’engager dans une récupération de connaissances du Self à long terme et à s’en dégager au profit du traitement à court terme de l’interaction présente; la spécificité et

l’intégration des souvenirs ; la variété des contenus des souvenirs ; l’intensité des affects. Le style d’attachement a été coté selon la typologie de l’AAI (catégories secure-autonome, préoccupé et détaché). Les auteurs livrent les résultats de trois participants (un par style d’attachement).

La participante avec un attachement sécure montre une flexibilité entre l’engagement dans ses souvenirs et l’engagement dans l’interaction, interprétée par les auteurs comme une manifestation d’équilibre entre cohérence de soi et correspondance adaptative. Ses souvenirs sont diversifiés au plan des contenus, très spécifiques et intégrés. La participante mentionne spontanément qu’elle emploie ses souvenirs pour réguler ses émotions et ses interactions interpersonnelles.

Les souvenirs de la participante préoccupée sont foisonnants et émaillés de digressions. Ils contiennent plusieurs erreurs de source. La participante est submergée par ses émotions. Les auteurs identifient un déficit de régulation émotionnelle et un déficit de contrôle sur les processus de récupération, qui empêchent la participante d’intégrer ses souvenirs. Son style cognitif, affectif et mnésique est considéré comme très défensif, dominé par une hypervigilance aux menaces attendues de la part des significant others.

Enfin la participante évitante ne s’engage, au contraire, pas assez dans la récupération de souvenirs. Ses souvenirs autobiographiques sont beaucoup moins nombreux et manquent de spécificité. Ses figures d’attachement ne sont pas différenciées. Sa narration est dénuée de qualificatifs émotionnels. Les auteurs décrivent son style cognitif, mnésique et affectif comme dominé par des mécanismes d’inhibition hyperactif, vraisemblablement destinés à empêcher la conscientisation de détails menaçants pour ses buts et ses croyances. Ces mécanismes

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interrompent la construction des souvenirs autobiographiques au niveau des événements généraux.

En résumé, ces résultats montrent que les souvenirs autobiographiques peuvent varier sur des dimensions cognitives et affectives, en relation avec des différences dans le style d’attachement.

La recherche que nous présentons ici reprend, comme celle-ci, les postulats du Self-Memory System, mais aborde la mémoire autobiographique à travers les Souvenirs définissant le soi. Elle a pour objectif de chercher des correspondances entre les Souvenirs Définissant le Soi et le style d’attachement d’une population adulte tout-venant.

3. Question de recherche et hypothèses théoriques

De nombreuses données empiriques sur la sociabilité de l’adulte montrent qu’il existe un système d’attachement, qui préside aux comportements destinés à s’attirer l’attention, le soutien et la protection d’autres personnes. La recherche sur l’enfant montre que ce système naît au cours des relations précoces avec les premiers donneurs de soins, qui réagissent aux besoins de l’individu de manière plus ou moins adéquate, sécurisante et prévisible. À partir des affects qu’il a ressenti et de ses pensées durant ces expériences, l’individu construit des attentes et des représentations sur lui- même et sur les autres, appelées Modèles internes opérants (MIO). Si, conséquemment aux réactions de l’autre, il se perçoit lui-même comme digne d’être aimé, adéquat et compétent, il se forge un modèle de soi positif. S’il se perçoit comme indigne d’être aimé, inadéquat ou

incompétent, il construit un modèle de soi négatif. S’il infère que l’autre est insensible à ses besoins ou qu’on ne peut pas compter sur lui, l’enfant se forge un modèle des autres négatif. Il construit à partir de là une stratégie relationnelle pour minimiser ses affects négatifs et défendre ses

croyances, appelée style d’attachement, comme le montrent les données sur la recherche de soutien social chez l’adulte, la satisfaction conjugale, le coping, la self-disclosure, le profil affectif et l’estime de soi. Les études longitudinales montrent que ce style d’attachement est relativement stable au cours de la vie et influence l’individu dans ses relations de proximité (amour, amitié) et dans ses interactions sociales au sens large.

Le théoricien du Self Martin Conway considère que ces patterns sont centraux pour le Self. Le Self est généralement conçu comme l’agrégat des représentations sur soi, des évaluations de soi et de l’estime de soi d’un individu. Il est constitué de processus cognitifs et affectifs et de connaissances sémantiques ou épisodiques. Nous adoptons sur le Self la perspective de Martin Conway (2004, 2005), parce qu’elle permet de modéliser, à travers le Self-Memory System, certains processus mnésiques à l’œuvre dans l’attachement. Le SMS définit la mémoire autobiographique comme un

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processus constructif de représentations mnésiques, destinées à nourrir les croyances de l’individu et à le guider dans la poursuite de ses buts.

Les fonctions du Self sont principalement motivationnelles et identitaires. Pour agir conformément à ses buts, l’individu compare continuellement son état actuel et l’état désiré. Il puise dans ses

souvenirs autobiographiques pour sélectionner des comportements efficients pour se rapprocher de ses buts. Ces souvenirs doivent être relativement fidèles à la réalité pour remplir cette fonction (besoin de correspondance adaptative). Mais pour se projeter ainsi dans l’avenir, autrement dit pour prédire ses propres besoins et ses comportements et pour prédire les réactions de

l’environnement à ceux-ci, l’individu construit par ailleurs des théories sur soi et sur le monde. Ces théories ont besoin d’être consolidées par des souvenirs qui leur donnent « chair » et crédibilité.

Les souvenirs autobiographiques, riches en détails et en images mentales, remplissent cette fonction. Ils encapsulent les buts importants, les croyances et les expériences de l’individu relatives à ces buts dans des messages concis et puissants, en recourant aux images, qui sont le « langage des buts », selon Conway. Pour être ajustés aux croyances qu’ils soutiennent, les souvenirs autobiographiques biaisent, dans une certaine mesure, les événements passé, sacrifiant à la cohérence du soi une partie de leur fidélité aux événements. En résumé, les souvenirs autobiographiques sont des reconstructions du passé, dont la fidélité aux événements varie considérablement, en fonction d’un arbitrage entre un besoin de correspondance à la réalité et un besoin de cohérence du soi.

Les buts les plus actifs de l’individu le conduisent à se remémorer plus fréquemment certains souvenirs épisodiques pertinents. Les souvenirs épisodiques les plus souvent remémorés indiquent donc les buts prioritaires de l’individu. Ce seront ses souvenirs les plus vivaces - car les plus souvent rafraîchis - et les plus chargés affectivement, car ils signalent un progrès ou un recul dans la progression vers ses buts centraux. Singer et Salovey (1993) pensent que chaque individu a un certain nombre de Souvenirs Définissant le Soi qui l’informent régulièrement sur ses buts, ses croyances et ses expériences les plus importantes.

Chaque fois que l’individu a besoin du soutien ou de la protection d’autrui, ou qu’il évalue le rôle des autres dans la poursuite de ses objectifs, les SDS incorporés dans son système d’attachement sont donc activés, en même temps que les patterns cognitifs et affectifs qui s’y attachent. On peut en déduire que ces patterns influenceront la construction des SDS constitutifs du style

d’attachement de l’individu, au moment de l’encodage comme à celui de la récupération. On peut donc prévoir qu’à chaque style d’attachement correspondent certaines particularités dans le contenu et dans la forme des SDS.

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Cette recherche étudie si les patterns affectifs, cognitifs et motivationnels typiques des différents styles d’attachement impriment aux SDS une signature spécifique. Nous avons formé un premier groupe d’hypothèses prédisant des correspondances entre le style d’attachement et les SDS relationnels. Puis nous envisageons l’éventualité d’une influence plus large du style d’attachement sur la mémoire autobiographique. Les patterns cognitifs et affectifs exercent-ils une influence globale sur la mémoire autobiographique, au point d’affecter également des SDS non-relationnels ? Nous avons donc formé un deuxième groupe d’hypothèses prédisant des correspondances avec les SDS en général (qu’ils concernent une relation ou non). Nous ne formons aucune prédiction à propos des individus dotés du style HA-HE – craintif car la littérature sur ce style, assez récemment défini, est très maigre.

Pour tester ces hypothèses, nous avons mesuré le style d’attachement et récolté les SDS d’un échantillon de population non-clinique. Nous avons choisi une population âgée de 30 à 40 ans pour étudier l’attachement à l’âge adulte. Le seuil minimum de 30 ans permettait de sélectionner des gens ayant pu vivre en couple sur une certaine durée et pouvant avoir déjà fait l’expérience de la maternité ou de la paternité, en considérant qu’il s’agit d’étapes importantes dans l’attachement à l’âge adulte. Il sélectionne aussi une population ayant déjà dépassé le « bump » des SDS les plus nombreux, ceux du début de l’âge adulte (20 – 25 ans) (Conway, 2005). Le plafond de 40 ans limite à dix ans la fourchette d’âge de l’échantillon, pour obtenir une certaine homogénéité.

Les variables d’intérêt dans les souvenirs étudiés sont la structure, l’intégration, le contenu, les affects et la tension. Le style d’attachement est l’unique variable d’intérêt dans le profil des participants.

Nos hypothèses ne comportent pas de relations de cause à effet entre les variables. En effet, les souvenirs constituent à la fois un input et un output du système d’attachement, exactement comme ils représentent à la fois un input et un output du Self-Memory System. Au stade actuel de la recherche sur les SDS et l’attachement, il nous paraît indiqué de commencer par dégager des correspondances. Si elles devaient apparaître, il sera temps par la suite de réfléchir aux processus causaux et de les étudier avec des méthodes expérimentales et statistiques plus sophistiquées.

Le nombre de critères sur lesquels varient les SDS est élevé : 5 dimensions. Et le style

d’attachement, quant à lui, présente 4 modalités possibles. C’est pourquoi les hypothèses de cette recherche sont nombreuses : elles explorent un certain nombre de corrélations possibles entre 4 styles d’attachement, 5 dimensions des SDS, et différencie les SDS portant sur une relation et les SDS en général.

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Notre premier groupe d’hypothèses cherche des correspondances entre le style d’attachement et certaines particularités des SDS relationnels. Ces hypothèses sont partiellement inspirées des résultats de Tagini, Conway & Meins (recherche non publiée, citée par Conway, Singer & Tagini, 2004). Elles concernent plusieurs aspects : la fréquence du contenu « relation » par rapport à d’autres contenus chez un individu ; la proportion de souvenirs relationnels intégrés ; l’intensité des affects soulevés par les SDS relationnels et, enfin, la valence de ceux-ci.

Hypothèse 1 : Les SDS relationnels sont plus fréquents (proportionnellement aux SDS en général) dans le groupe HA-BE – préoccupé que dans le groupe BA-BE – sécure.

Hypothèse 2 : Les SDS relationnels du groupe BA-BE – sécure sont plus fréquents que ceux du groupe BA-HE – évitant.

Hypothèse 3 : Les SDS relationnels intégrés sont plus nombreux dans le groupe BA-BE – sécure que dans le groupe HA-BE – préoccupé.

Hypothèse 4 : Les SDS relationnels intégrés sont plus nombreux dans le groupe BA-BE – sécure que dans le groupe BA-HE – évitant.

Hypothèse 5 : Les SDS relationnels entraînent des affects plus intenses dans le groupe HA-BE – préoccupé que dans le groupe BA-BE – sécure.

Hypothèse 6 : Les SDS relationnels entraînent des affects moins intenses dans le groupe BA-HE – évitant que dans le groupe BA-BE – sécure.

Hypothèse 7 : Les SDS relationnels des individus HA-BE – préoccupé entraînent davantage d’affects négatifs que ceux des BA-BE – sécure.

Notre deuxième groupe d’hypothèses concerne les SDS en général et postule une influence élargie du style d’attachement aux SDS relationnels et non-relationnels. Elles portent sur les affects liés aux SDS et sur leurs contenus.

Hypothèse 8 : Les SDS du groupe HA-BE – préoccupé contiennent davantage de contenus d’échec que ceux du groupe BA-BE – sécure.

Hypothèse 9 : les SDS du groupe HA-BE – préoccupé présentent davantage de contenus relatifs à des événements menaçant la vie que ceux du groupe BA-BE – sécure.

Hypothèse 10 : les SDS du groupe BA-HE – évitant présentent davantage de contenus de réussite que ceux du groupe HA-BE – préoccupé.

Hypothèse 11 : Les SDS du groupe HA-BE – préoccupé sont associés à des affects plus intenses que ceux des individus BA-BE – sécure.

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