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Apprendre la langue de la majorité des Confédérés: une discipline scolaire, entre enjeux pédagogiques, politiques, pratiques et culturels (1830-1990)

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

Apprendre la langue de la majorité des Confédérés: une discipline scolaire, entre enjeux pédagogiques, politiques, pratiques et culturels

(1830-1990)

ROUILLER, Viviane

Abstract

Cette thèse porte sur l'histoire de la discipline scolaire de l'allemand en Suisse romande (Genève, Vaud et Fribourg) entre 1830 et 1990. La démarche de recherche adoptée mêle différentes approches : histoire sociale et culturelle, histoire transnationale, histoire des disciplines scolaires et historico-didactique. Forte de ce cadre méthodologique reposant sur une variation des niveaux d'analyse et des échelles d'observation, cette recherche interroge ainsi l'évolution de la discipline, sur la longue durée, au regard de ses finalités plurielles – formative, pratique, culturelle et nationale et la manière dont celles-ci se complètent ou s'opposent en fonction des contextes, des divers acteurs et publics scolaires. A travers la prise en compte des discours émanant de différentes sphères (politique, intellectuelle, scolaire), des savoirs à enseigner au sein des manuels scolaires d'allemand et des dynamiques circulatoires ayant contribué à l'évolution de la discipline, cette analyse identifie les différentes forces en présence à l'origine des adaptations successives de cet enseignement et montre [...]

ROUILLER, Viviane. Apprendre la langue de la majorité des Confédérés: une discipline scolaire, entre enjeux pédagogiques, politiques, pratiques et culturels (1830-1990). Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2018, no. FPSE 701

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:103461 URN : urn:nbn:ch:unige-1034615

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:103461

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Section des sciences de l’éducation

Sous la co-direction de Rita Hofstetter et Blaise Extermann

« Apprendre la langue de la majorité des Confédérés ». Une discipline scolaire, entre enjeux pédagogiques, politiques, pratiques et culturels

(1830-1990)

THESE

Présentée à la

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève

pour obtenir le grade de Docteur en Sciences de l’éducation

par Viviane ROUILLER

de Lausanne Thèse No 701

GENEVE Mars 2018

N° d’étudiante : 06-410-658

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Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education Section des Sciences de l’Education

« Apprendre la langue de la majorité des Confédérés ».

Une discipline scolaire, entre enjeux pédagogiques, politiques, pratiques et culturels (1830-1990)

Thèse de doctorat présentée par Viviane Rouiller

Composition du jury de thèse :

B. Extermann et R. Hofstetter (co-dir.), Université de Genève M.-F. Bishop, Université de Cergy-Pontoise

I. Herrmann, Université de Genève B. Schneuwly, Université de Genève N. Valsangiacomo, Université de Lausanne

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FÀCUtTÉ DE PSYCHOTOGIE ET DES SCIENCES DE IÉDUCATION

Doctorat en sciences de l'éducation

Thèse

de

Viviane ROUILLER

lntitulée < Apprendre la langue de la majorité des Confédérés >. Une

d iscipline scolaire, entre enjeux pédagogiq ues, politiq ues, pratiq ues et culturels (1830-1990) >

La

Faculté

de

psychologie

et

des sciences

de

l'éducation, sur préavis d'une commission formée par

les

professeurs

:

Rita Hofstetter, co-directrice, FPSE, Université

de

Genève, Blaise Extermann, co-directeur, FPSE, Université de Genève

;

Marie-France Bishop, Université de Cergy Pontoise

;

lrène Herrmann,

Faculté des lettres, Université de Genève ; Bernard Schneuwly, FPSE, Université de Genève ; Nelly Valsangiacomo, Université de Lausanne

autorise I'impression

de la

présente thèse,

sans

prétendre

par là

émettre

d'opinion sur les propositions qui y sont énoncées.

GENEVE, le 26 mars 2018

Le doyen :

Pascal Zesiger Thèse No 701

Numéro d'immatriculation : 06.41 0.658

1),-

N.B. La thèse doit porter la déclaration précédente* et remplir les conditions énumérées dans les < recommandations aux étudiants qui présentent une thèse >.

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Je tiens premièrement à remercier tout particulièrement mes co-directeurs de thèse Rita Hofstetter et Blaise Extermann de m’avoir soutenue, guidée et accompagnée avec bienveillance tout au long de ce parcours doctoral, leur étant infiniment reconnaissante pour leur disponibilité à mon égard et leurs apports si enrichissants et stimulants.

Ma gratitude va également à Irène Herrmann, Marie-France Bishop, Nelly Valsangiacomo et Bernard Schneuwly pour avoir accepté de faire partie de mon jury de thèse et me faire ainsi bénéficier de leur précieuse expertise. Je remercie également chaleureusement Monique Mombert, membre de ma commission, pour ses commentaires et conseils avisés.

Un immense merci à tous les membres de l’équipe ERHIDIS, Sylviane, Anne, Charles, Bernard, Rita, Blaise, Anouk, Aurélie et Giorgia. Nos échanges et discussions, tout au long de ces dernières années, ont été pour moi des plus enrichissants, tant intellectuellement qu’humainement. Ma reconnaissance va également aux membres de l’équipe ERHISE, Joëlle, Frédéric, Marie-Elise, Cécile, Emeline, Véronique, Béatrice, Irina, Rita, et Bernard, pour leur soutien intellectuel, matériel et amical.

J’exprime, en outre, ma gratitude à l’égard de l’ensemble du collectif Sinergia national, ayant vivement apprécié cette collaboration interculturelle, de même que les échanges féconds qui en ont émané.

Je remercie également les Archives cantonales vaudoises, les Archives de la ville de Lausanne, les Archives d’Etat de Genève, les Archives de l’Etat de Fribourg, de même que la Fondation vaudoise du Patrimoine scolaire pour leur accueil, leur disponibilité et leur aide précieuse.

J’adresse aussi un grand merci à Patrick Johner et Jean-Marie Barras qui ont eu la gentillesse de nous faire bénéficier de leur collection personnelle de manuels scolaires. Merci aussi à Alexandre Fontaine pour son chaleureux accueil et ses conseils, ainsi qu’à Cécile pour la numérisation de tous ces manuels et notre joyeuse cohabitation dans le bureau 131.

A mes chers collègues du Pavillon, Jean-Baptiste, Muriel, Federico et Alexia, un immense merci pour les innombrables moments savoureux passés ensemble, quel plaisir cela a été. J’ai également une pensée complice pour Céline, Sylvia, Maud, Audrey et Jana pour tous ces repas sympatiques et notre traditionnelle sortie de l’été.

Merci à vous, Maman, Papa et Vaness, pour votre soutien inconditionnel, je vous dois tant. De tendres remerciements également à mes amis pour leur présence ô combien précieuse.

Finalement, ces remerciements ne peuvent se conclure sans que je n’évoque plus particulièrement Anouk et Aurélie que j’ai eu l’immense chance de rencontrer grâce à cette aventure doctorale. Un merci infini à vous deux pour tout et nul doute que notre trio de choc a encore de belles années devant lui.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION... 9

PARTIE 1. PROFIL, FINALITES ET ENJEUX DE L’ALLEMAND SCOLAIRE EN SUISSE ROMANDE ... 37

Chapitre 1 : La langue, constitutive d’une nation ? ...39

Chapitre 2 : Les discours de légitimation sur l’introduction de l’allemand dans les écoles romandes ...53

Chapitre 3 : Aperçu historique de la construction des systèmes scolaires cantonaux et de la place de la discipline de l’allemand au sein des différents cursus ...73

Chapitre 4 : La discipline scolaire de l’allemand face à la diversité des langues et à l’actualité ... 111

PARTIE 2. LE MANUEL D’ALLEMAND : ITINERAIRE D’UN OBJET MATERIEL, CULTUREL, SOCIAL, DIDACTIQUE ET HISTORIQUE ... 149

Chapitre 5 : La première génération des manuels d’allemand (1840-1870) ... 150

Chapitre 6 : Les manuels d’allemand entre 1870 et 1900 ... 167

Chapitre 7 : Les ouvrages issus de la méthode directe (1900-1915) ... 183

Chapitre 8 : De nouveaux manuels au nom d’un éclectisme pédagogique (1915-1960) ... 203

Chapitre 9 : Wir sprechen Deutsch à l’heure du cycle d’orientation ... 219

Chapitre 10 : Des nouveaux moyens d’enseignement pour asseoir un enseignement précoce de l’allemand en Romandie (1975-1990) ... 233

PARTIE 3. ROMANDIE, SUISSE ALEMANIQUE ET ALLEMAGNE : EXEMPLES DE CIRCULATION... 259

Chapitre 11 : Les manuels scolaires d’allemand : influence et emprunts ... 261

Chapitre 12 : La correspondance scolaire internationale et intercantonale comme vecteur pédagogique et pacifique ... 279

Chapitre 13 : Trois générations de Herbartiens en Suisse romande. Modalités et conditions d’un transfert dans le champ pédagogique ... 291

Chapitre 14 : L’enseignement d’une deuxième langue à l’école primaire, un enjeu européen ? ... 305

CONCLUSION GENERALE ... 323

SOURCES ... 331

BIBLIOGRAPHIE ... 341

ANNEXES ... 353

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INTRODUCTION

Contexte de la recherche

La présente thèse qui porte sur l’évolution de la discipline scolaire de l’allemand dans trois cantons de Suisse romande (Genève, Vaud et Fribourg) entre 1830 et 1990 se rattache à plusieurs équipes de recherche dont les réflexions collectives, menées à l’échelle de chacune d’entre elles, ont sensiblement contribué à nourrir notre pensée quant à notre objet d’étude.

Premièrement, notre recherche doctorale s’inscrit au sein du projet collectif FNS Sinergia1 (subside FNS n° CRSII1-141826), d’envergure nationale et intitulé « Transformation schulischen Wissens ». Ce projet2 retrace l’évolution du savoir scolaire en Suisse au cours des deux derniers siècles, en prenant comme aires d’étude plusieurs cantons helvétiques appartenant à trois régions linguistiques distinctes : la Suisse allemande, la Suisse romande et le Tessin. Au total, ce sont ainsi huit cantons alémaniques3, trois cantons romands4 et un canton italophone5 qui ont été sélectionnés, un choix motivé par un souci non seulement de représentativité mais également par une volonté de rendre compte de la diversité du territoire helvétique, tant au niveau de son profil confessionnel, urbain ou rural. Un large projet dont les principales investigations portent sur l’histoire des disciplines scolaires parmi lesquelles : la langue maternelle (français, allemand, italien), la deuxième langue nationale (français, allemand), l’histoire, l’éducation à la citoyenneté et l’instruction religieuse. En fonction de ces différentes branches retenues, est menée une analyse des discours, programmes, plans d’études et moyens d’enseignement afin de mettre en lumière les facteurs explicatifs de la transformation des savoirs scolaires ainsi que la fonction de ces mêmes savoirs scolaires dans la promotion d’un sentiment d’appartenance locale, régionale, nationale, internationale et universelle et dans le développement de la personnalité de élèves au regard d’attentes sociétales diverses et variées.

Ajoutons encore que ce projet national s’intéresse aussi tout particulièrement à la construction du savoir scolaire vis-à-vis des emprunts faits aux disciplines de référence (académiques) ainsi qu’à la constellation d’acteurs influant sur les politiques éducatives successivement menées à l’échelle des aires d’étude considérées. Autant de champs investigués dont les données récoltées et analysées - par nous également – ont ensuite été source de discussions et d’échanges entre l’ensemble des membres du collectif Sinergia, à l’occasion de séminaires trimestriels ou biannuels, permettant ainsi de contraster trois cultures scolaires à travers la confrontation de recherches similaires menées au Tessin ainsi qu’en Suisse romande et alémanique. Dans cette même logique, ce projet, a donné lieu à diverses publications ou communications communes, la plus conséquente d’entre elles prenant la forme d’un ouvrage collectif (coordonné par Criblez, Giudici, Hofstetter, Manz & Schneuwly, à paraître). Outre une série de contributions dédiées notamment aux acteurs du champ éducatif, au rapport entre les disciplines scolaires et

1 Projet « Transformation schulischen Wissens seit 1830 »: http://blogs.unige.ch/fapse/SSE/erhise/?q=node/56.

2 Les institutions ayant pris part à ce projet Sinergia sont les suivantes : les Universités de Zurich (Leading house) et de Genève ainsi que les Hautes écoles pédagogiques de la Fachhochschule Nordwestschweiz, du Tessin et de Zurich.

3 Aarau, Appenzell Rhodes-Intérieures, Berne, Bâle-Ville, Lucerne, Saint-Gall, Schwyz et Zurich.

4 Genève, Vaud et Fribourg.

5 Tessin.

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Introduction

leur science de référence ou encore aux modes de transmission du savoir dans le cadre scolaire, ce livre contient plusieurs études comparant l’émergence et la transformation d’une même discipline à l’échelle des diverses régions linguistiques investiguées. Mentionnons ici plus particulièrement celle consacrée à l’évolution respective de l’enseignement du français en Suisse alémanique et de celui de l’allemand en Suisse romande (que nous avons co-rédigée)6, ayant permis de mettre en lumière un certain nombre de similitudes et de contrastes entre ces deux régions et ainsi d’enrichir nos analyses sur notre propre objet d’étude se centrant plus particulièrement sur la Romandie7.

Deuxièmement, notre thèse de doctorat s’intègre également au cœur des travaux menés par ERHIDIS (Equipe de recherche d’histoire des discipline scolaires)8, volet romand du projet national Sinergia qui, sous la responsabilité des professeurs Rita Hofstetter et Bernard Schneuwly, œuvre, selon une approche historique et historico-didactique, à retracer l’évolution des disciplines scolaires à l’échelle de la Suisse romande, de même que la matérialisation de ces dernières au sein des manuels scolaires. Ce collectif rassemble une dizaine de chercheurs, lesquels se retrouvent à l’occasion de séances collectives bimestrielles afin d’échanger sur les différents travaux en cours et de nourrir une réflexion commune autour des diverses problématiques traitées. Au sein d’ERHIDIS, deux autres recherches doctorales ont été menées parallèlement à celle-ci, émanant, elles aussi, du projet Sinergia « Transformation schulischen Wissens », avec, comme aire d’étude, également la Suisse romande. La première d’entre elles est dédiée à l’histoire de l’enseignement de la grammaire9 alors que la deuxième retrace l’évolution de la discipline de l’histoire10. Deux études menées conjointement à la nôtre et également centrées sur les savoirs scolaires, favorisant ainsi une réflexion collective et l’élaboration d’un cadre théorique commun, ensuite ajusté en fonction de nos objets spécifiques. Outres ces deux travaux, plusieurs contributions antérieures ont déjà émané de ce même collectif. Citons premièrement trois thèses de doctorat, parmi lesquelles deux sont dédiées à la discipline scolaire du français, l’une revenant sur l’évolution de l’exercice de la dissertation et la construction du secondaire genevois à l’aune du genre (Monnier, 2015)11, l’autre traitant des manuels de français dans le canton de Vaud au XIXe siècle, notamment à travers le processus de leur élaboration (Tinembart, 2015). Quant à la thèse d’Extermann (2011)12, elle retrace l’histoire de l’enseignement de l’allemand en Suisse romande entre 1790 et 1940, laquelle a constitué, dans le cadre de notre propre recherche - nous y reviendrons - un appui nodal, grâce à un terrain d’étude largement défriché, nous permettant d’emblée d’en

6 Grizelj, Le Pape Racine & Rouiller (à paraître). Sprachliche Minderheit und Mehrheit im Spiegel des Fremdsprachunterrichts – Legitimation und Inhalte der Fächer Deutsch und Französich (1830 bis 1990). Voir également la thèse de doctorat de Grizelj (à paraître), appartenant au même projet Sinergia et retraçant l’histoire de l’enseignement du français en Suisse allemande, du point de vue des discours de légitimation.

7 Au sein de la présente recherche, le terme de « Romandie » sera utilisé comme simple synonyme de celui de

« Suisse romande » et donc dénué de toute autre connotation.

8 Voir le site d’ERHIDIS : https://erhidis.wordpress.com.

9 Voir Darme, A. (2018). Transformation des savoirs scolaires en Suisse romande (1830-1990) : le cas de la grammaire au travers de l’analyse des ressources et des prescriptions.

10 Voir De Mestral (2018). Enseigner l’histoire en Suisse romande et édifier la nation helvétique ? Evolution d’un savoir scolaire à l’aune des programmes et des manuels (XIXe-XXe siècles).

11 Cette thèse a été récemment publiée, voir Monnier (2018). Le temps des dissertations. Chronique de l’accès des jeunes filles aux études supérieures (Genève, XIXe-XXe).

12 Publiée deux ans plus tard, voir Extermann (2013). Une langue étrangère et nationale. Histoire de l’enseignement de l’allemand en Suisse romande (1790-1940).

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exploiter les précieux résultats, en vue d’y apporter un certain nombre de prolongements. A côté de ces différentes recherches doctorales, d’autres publications émanant d’ERHIDIS sont encore à relever, à l’image de celles de Schneuwly (2015) et de Schneuwly & Darme (2015), toutes deux dédiées à l’évolution de l’enseignement de la lecture en Suisse romande, à l’aune des moyens d’enseignement et des plans d’études. Finalement, citons les récentes contributions de Hofstetter et Schneuwly (2017, à paraître) consacrés respectivement à la forme école, à la lumière de son évolution et de ses contradictions et aux manuels scolaires, comme « emblèmes des reconfigurations disciplinaires » de cette même forme école. Autant de travaux, couplés aux denses échanges intervenus lors des séances communes mentionnées plus haut, qui ont permis d’étoffer substantiellement nos réflexions quant à notre propre recherche doctorale, laquelle a réciproquement alimenté ces travaux collectifs. Le profil interdisciplinaire de cette équipe de recherche, les diverses démarches mobilisées par ses membres, variant également les aires d’étude, de même que les nombreux apports théoriques en ayant émané ont ainsi été particulièrement enrichissants tout au long de l’élaboration de cette thèse consacrée à l’évolution d’une discipline scolaire, à l’échelle de trois cantons et à travers un regard mêlant différentes approches.

Enfin, il convient de mentionner notre inscription au sein d’un troisième collectif, celui d’ERHISE (Equipe de recherche en histoire sociale de l’éducation), dirigé par Rita Hofstetter avec la collaboration de Joëlle Droux13. A travers une approche en histoire sociale, culturelle et transnationale, ce groupe de recherche travaille sur de multiples sujets relatifs au champ éducatif, tels que le développement des sciences de l’éducation, la construction de l’Etat enseignant, les réseaux réformistes et les pédagogies actives et l’internationalisation des phénomènes éducatifs. Des problématiques plurielles, discutées collectivement et à l’origine de plusieurs publications14, lesquelles ont été, pour nous, grande source d’inspiration, en particulier dans la troisième partie de cette thèse qui s’attache, à l’instar de l’une des lignes de force d’ERHISE, à varier les échelles d’observation.

Objet de recherche

S’il est un sujet, à l’échelle du paysage scolaire helvétique, qui revient régulièrement au cœur de l’actualité, c’est bien celui de l’enseignement des langues nationales. A titre d’exemple récent, citons la remise en cause par plusieurs cantons suisses alémaniques de la stratégie des langues, adoptée en 2004 puis confirmée en octobre 2014 par la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique (CDIP) et prévoyant l’enseignement de deux langues étrangères dont au moins une langue nationale à l’école primaire déjà. Tel avait notamment été le cas des cantons de Thurgovie, Glaris, Zurich et Lucerne, qui, en invoquant des arguments pédagogiques comme la surcharge des élèves ou encore l’inefficacité d’un

13 Voir le site d’ERHISE : http://blogs.unige.ch/fapse/SSE/erhise/.

14 Voir notamment : Durand, G., Hofstetter, R., Pasquier, G. (Ed.) (2015). Les bâtisseurs de l'école romande. 150 ans du syndicat des enseignants romands et de l'Educateur et Droux, J., Hofstetter, R. (Ed.) (2015). Globalisation des mondes de l'éducation. Circulations, connexions, réfractions, XIXe - XXe siècles.

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Introduction

enseignement précoce, émirent ainsi le souhait de se limiter à l’étude d’une seule langue étrangère, soit celle de l’anglais. Si la plupart de ces initiatives ne se concrétisèrent finalement pas, notons néanmoins que celles-ci eurent pour effet d’engendrer bon nombre de débats, dans la mesure où la suppression éventuelle de l’étude d’une deuxième langue nationale à l’école primaire est systématiquement perçue, par certains, comme un danger quant à la cohésion nationale15.

Alors que la période récente montre que cette question épineuse relative à l’enseignement d’une deuxième langue nationale à l’école primaire a été principalement soulevée outre-Sarine, l’enseignement de l’allemand en Suisse romande reste néanmoins en proie à des clichés bien tenaces. Ainsi, Elmiger (2016) rappelle que cette étude est souvent perçue comme difficile et peu attractive. Il ajoute que, si l’on reconnaît volontiers, du moins en théorie, l’utilité – notamment économique – de cet enseignement, la motivation à apprendre la langue de la majorité des Confédérés reste toute relative, certains voyant dans l’anglais, de par son rayonnement international, « la langue qui dispenserait d’apprendre les langues du voisinage comme les langues nationales, en Suisse » (p. 4).

Cette ambivalence autour de l’enseignement des langues nationales peut, à priori, paraître paradoxale au regard d’un pays plurilingue tel que la Suisse. Dès lors, pour appréhender ce sujet, il convient d’emblée de spécifier en quoi consiste plus précisément le plurilinguisme helvétique. Si ce terme traduit bien la reconnaissance officielle de quatre langues nationales (allemand, français, italien et romanche), il se fonde également sur le principe de territorialité, faisant cohabiter - à quelques exceptions près - quatre entités géographiques unilingues. Aussi, ces quatre idiomes - bien que reconnus comme langues nationales par la Constitution fédérale - n’ont-ils, de fait, pas le même statut selon la région linguistique considérée, chacune d’entre elles étant dotée de sa propre langue maternelle et donc de sa propre langue de scolarisation.

Par conséquent, les trois autres langues nationales font figure, quant à elles, de langues étrangères. Il revient alors, selon l’article 116 de la Constitution fédérale, à la Confédération et aux cantons d’encourager « la compréhension et les échanges entre les communautés linguistiques », un rôle en grande partie assigné à l'instruction publique dont la gestion, en Suisse, revient essentiellement aux cantons. Pour autant, à partir de 1975, cette question s’est en quelque sorte « nationalisée », dans la mesure où des recommandations, édictées au niveau fédéral, soit par la CDIP, promulguèrent l’introduction généralisée, à l’école primaire, de l’étude d’une première langue étrangère, laquelle devait nécessairement correspondre à l’une des langues nationales, préalablement définie en fonction de la région linguistique considérée (l’allemand pour la Romandie et les Grisons italophones ; le français pour la Suisse alémanique et le Tessin). Une réforme dont la réalisation, à la charge des cantons, deviendra effective à l’échelle de l’ensemble d’entre eux vers la fin des années 1990. Mais alors même que l’enseignement d’une deuxième langue nationale dès l’école élémentaire devenait une réalité sur tout le territoire helvétique, une autre préoccupation occupa aussitôt la CDIP, soit celle, de

15 Pour en savoir plus concernant ces initiatives cantonales et les discussions qu’elles ont suscitée à l’échelon national, voir notamment l’article de la Tribune de Genève du 01.04.2016, en ligne : https://www.tdg.ch/news/standard/riposte-s-organise-suppression-francais/story/13012800 et du quotidien vaudois 24 Heures du 15.04.2016, en ligne : https://www.24heures.ch/suisse/langue-etrangere-primaire-initiative- abouti/story/31652326, et la feuille d’information.

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trouver une nouvelle solution coordonnée sur le plan national, le canton de Zurich ayant prévu d’inscrire l’enseignement de l’anglais au cursus du primaire et de faire débuter cette étude avant celle de la deuxième langue nationale. Une initiative qui suscita bon nombre de réactions indignées aussi bien à l’échelle des différents cantons que sur le plan fédéral. Si l’éventualité d’introduire l’étude obligatoire de l’anglais à l’école primaire ne généra pas d’opposition en soi, il n’en fut, par contre, pas de même en ce qui concernait le fait de privilégier cet enseignement au détriment de celui d’une langue nationale, perçu, là déjà, comme contraire aux efforts entrepris jusque-là, dans le domaine de l’enseignement des langues, en vue de renforcer la cohésion nationale et la compréhension entre les régions linguistiques (Acklin Muji, 2003).

Ce fut d’ailleurs principalement autour de cet enjeu national et politique que se concentrèrent les débats autour de l’initiative, largement relatés dans la presse, faisant fi des arguments pédagogiques et socioéconomiques avancés par les promoteurs de la réforme scolaire zurichoise. Il faudra alors attendre plusieurs années pour que la CDIP tranche cette question, peinant d’abord à se déterminer sur la langue à introduire en premier. Finalement, en 2004, elle adopta une stratégie et un programme de travail pour la coordination à l’échelle nationale de l’enseignement des langues à l’école obligatoire. Alors que la scène médiatique avait, fréquemment, orienté le débat autour de la question visant à choisir entre l’étude d’une deuxième langue nationale et celle de l’anglais, la décision prise par la CDIP reposait sur une autre logique, celle-ci choisissant, en effet, l’option de faire figurer l’enseignement de ces deux idiomes au degré primaire, avec la même exigence requise quant aux compétences obtenues à la fin de la scolarité obligatoire. L’ordre de l’enseignement de ces deux langues dans le cursus n’était par contre pas défini, la Conférence nationale estimant qu’au regard des objectifs fixés, la durée d’apprentissage appliquée à ces deux études constituait moins un enjeu crucial que celui des méthodes employées. Un tel choix était, dès lors, laissé aux différentes Conférences régionales des directeurs de l’instruction publique16, en charge de mener à bien cette nouvelle réforme. En faisant valoir des arguments de nature pédagogique et en privilégiant une solution régionale, la CDIP avait donc réussi à enrayer ce conflit autour de l’enseignement des langues étrangères par ce qui sera nommé ultérieurement le « compromis des langues » (Fuchs, 2014), lequel permit de garantir l’enseignement d’une seconde langue nationale à l’école primaire, tout en s’inscrivant, par le biais de l’apprentissage précoce de l’anglais, dans une perspective plurilingue et interculturelle à une plus large échelle. Un consensus qui aura pourtant ses limites, comme l’attestent les quelques exemples plus récents évoqués en préambule, ceux-ci reposant désormais sur l’idée qu’il convient de limiter le cursus du primaire à l’enseignement d’une seule langue étrangère, au nom de considérations principalement pédagogiques.

Outre les tensions latentes entre prérogatives cantonales et fédérales en matière d’éducation, la teneur des débats sur l’enseignement des langues secondes en Suisse au cours de ces vingt dernières années que nous venons brièvement de synthétiser met en lumière toute la complexité des enjeux tournant autour de cette question. Aussi, voyons-nous que les discussions revenant

16 Celles-ci sont au nombre de quatre et se nomment respectivement Conférence intercantonale de l'instruction publique de la Suisse romande et du Tessin (CIIP), Bildungsdirektoren-Konferenz Zentralschweiz (BKZ), Erziehungsdirektoren-Konferenz der Ostschweizer Kantone und des Fürstentums Liechtenstein (EDK-Ost) et Nordwestschweizerische Erziehungsdirektorenkonferenz (NW EDK).

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Introduction

de manière cyclique dans la sphère publique se réfèrent toujours aux finalités que l’on rattache à l’enseignement de telle ou telle langue étrangère. Des finalités plurielles, symbolisées par des arguments de nature économique, pédagogique ou encore politique, régulièrement avancés dans les discours visant à légitimer aussi bien l’introduction (le maintien) ou la suppression de l’enseignement d’une langue étrangère, y compris celui d’une deuxième langue nationale.

Autant de motifs, tantôt complémentaires ou tantôt contradictoires, à partir desquels, nous l’avons vu, les autorités scolaires sont amenées à trouver un consensus, susceptible de répondre, dans la mesure du possible, aussi bien à une logique propre à l’école qu’à des considérations plus vastes. Une dialectique bien perceptible de nos jours mais qui, à travers un éclairage historique, se révèle, de fait, bien antérieure à un passé récent. Aussi, la présente thèse se propose-t-elle d’historiciser et de discuter cette problématique en retraçant l’évolution de la discipline scolaire de l’allemand en Suisse romande, à l’aune de son profil singulier : une langue nationale mais enseignée en tant que langue étrangère. Un enseignement qui, nous le verrons, découle d’un processus long et complexe, son apprentissage relevant jusque vers les années 1840 principalement du domaine privé. Devenu, entre 1850 et 1870, une discipline obligatoire dans toute la Romandie, sa place acquise au sein de l’instruction publique lui sera néanmoins encore régulièrement contestée. Il s’agira alors d’identifier les principales dynamiques inhérentes à sa construction et à son développement en nous intéressant tout particulièrement aux différentes adaptations auxquelles il fut sujet, en vue de répondre à de nouveaux besoins.

La période choisie pour cette recherche commence dans un contexte bien précis : alors que les révolutions libérales des années 1830, prônant l’éducation pour tous, entraînèrent un large remaniement des systèmes éducatifs, la première constitution de 1848 cristallisa l’existence de l’Etat fédéral. Dès lors, il s’agissait pour la Suisse, à l’instar des autres nations européennes du XIXe siècle, d’œuvrer à la construction et à la promotion d’une identité nationale (Im Hof, 1991 ; Altermatt, Bosshart-Pfluger & Tanner, 1998 ; Thiesse, 2000 ; Herrmann, 2003a). Un processus au sein duquel l’école joua un rôle, celle-ci étant utilisée comme un moyen privilégié afin d’éveiller chez la jeune génération aussi bien la conscience que l’appartenance nationales (Criblez & Hofstetter, 1998 ; Valsangiacomo, 2015). Parmi les branches scolaires mobilisées à cette fin-là, citons tout d’abord les disciplines de l’histoire (de Mestral, à paraître), de l’instruction civique (Ostinelli, Bürgler & Fontaine, à paraître), de la géographie (Masoni, à paraître), de la langue maternelle (Schneuwly et al., 2016) ainsi que de la gymnastique(Czáka, 2017) sont régulièrement citées. De même, sur le territoire romand, l’enseignement de l’allemand, langue de la majorité des Confédérés, s’accompagna également à plusieurs reprises d’un argument national. Dès lors, au vu de l’importance accordée encore aujourd’hui à celui-ci dans le débat public, il nous paraît intéressant d’évaluer l’apport de l’allemand scolaire en Suisse romande dans sa dimension fédératrice à l’échelon national, cela au regard du profil multiculturel, multilingue, multiconfessionnel et fédéraliste du territoire suisse. Outre ces facteurs, il conviendra également, pour ce faire, de prendre en compte la large souveraineté laissée aux cantons en matière d’éducation, des entités territoriales et administratives au sein desquelles peuvent se décliner des sentiments d’appartenance d’un autre degré.

Toutefois, les enjeux tournant autour de l’enseignement de l’allemand en Suisse romande dépassèrent de loin des considérations strictement nationales pour se rattacher, plus généralement, aux différentes finalités poursuivies par l’étude scolaire de toute langue vivante,

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étrangère plus particulièrement. Dispensée en tant que telle, cette discipline se dotait ainsi également d’un objectif culturel, terme qu’il faut comprendre comme la transmission de connaissances sur le pays et le peuple dont on étudie la langue (Mombert, 2001 ; Verdelhan- Bourgade, Bakhouche, Etienne & Boutan, 2007 ; Extermann, 2017). Se pose alors la question des représentations de l’Allemagne transmises dans le cadre de l’allemand scolaire en Romandie, à travers des interrogations tournant autour de la teneur de celles-ci, de leur évolution au cours de la période étudiée - notamment ponctuée par deux conflits mondiaux au sein desquels le voisin germanique joua un rôle majeur.

Au-delà de ces deux finalités liées au statut particulier de l’enseignement de la langue allemande en Romandie, deux autres furent également rattachées à l’allemand, en vertu de sa nature même, soit une langue vivante. Ainsi, l’argument économique sera, dès le début, hautement mobilisé pour justifier l’enseignement de l’allemand au sein des écoles publiques (Giudici & Grizelj, 2014), lui octroyant, dès lors, aussi une fonction utilitaire. Tout à l’inverse, cette discipline allait, en même temps, recouvrir un objectif formatif, son étude participant à former l’intelligence et le caractère des apprenants (Extermann, 2013), dans le cadre d’une formation humaniste et désintéressée.

Autant de finalités plurielles rattachées à une seule et même discipline scolaire qui constitueront la base de notre réflexion, dans la mesure où la coexistence et l’articulation de celles-ci - telle est notre hypothèse - ont assurément joué un rôle nodal dans la transformation et l’évolution de cet enseignement à l’échelle de la Suisse romande. En ce sens, il s’agira alors, à travers une démarche diachronique, de mettre en rapport ces différentes finalités esquissées plus haut afin de démontrer la manière dont elles se complètent, se contredisent, s’entrechoquent et se hiérarchisent en fonction des acteurs, des publics scolaires et des contextes. Dès lors, le cœur de cette thèse s’attachera à saisir les différentes forces en présence - elles aussi plurielles et donc potentiellement contradictoires - qui induisirent des remises en question et des réadaptations successives de cet enseignement qu’il conviendra, parallèlement, d’identifier et de discuter.

Pour ce faire, nous avons construit notre travail en trois parties, lesquelles trouvent toute leur complémentarité, dans la mesure où leur articulation nous permet de varier les points de vue, tant au niveau des sources mobilisées, des acteurs en présence que des échelles d’observation.

En nous basant premièrement sur les discours émanant du champ politique, intellectuel et éducatif, de même que sur les programmes scolaires et les plans d’études, il conviendra alors de nous interroger sur l’émergence de ces différentes finalités assignées à la discipline de l’allemand, leur mobilisation respective ou non au cours de la période étudiée, de même que les différents ressorts menant à l’évolution de la nature, de la perception et de la place de l’enseignement de l’allemand, langue étrangère, en Suisse romande.

Ces mêmes finalités seront ensuite évaluées au sein des contenus d’enseignement, à travers une analyse des manuels scolaires d’allemand successivement utilisés dans les écoles romandes, sources qu’il conviendra de traiter à travers un discours englobant les nombreux enjeux qui entourent ce type d’ouvrages, tels que les processus relatifs à leur élaboration, leur publication et à leur prescription ainsi que les différents acteurs entrant en jeu. De même, étudier la discipline de l’allemand sur une longue période, c’est également travailler sur l’émergence et

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Introduction

la transformation d’un savoir scolaire. Par ce terme, nous entendons un objet s’apparentant à une construction puisqu’il découle d’un passage du savoir à partir de son contexte initial (scientifique, pratique ou expert) à un nouveau milieu, celui de l’école. Dès lors, il s’agira également de prendre en compte que les contenus scolaires, et de ce fait les représentations idéologiques, n’échappent pas à cette transposition didactique propre à l’école. Dans ce cadre, nous nous attacherons à identifier les contenus voués à être transmis par le biais de ces moyens d’enseignement, de même que les différentes méthodologies que ces derniers recouvrent, nous renseignant ainsi sur les priorités assignées à l’étude scolaire de l’allemand à une période donnée. Un procédé qui nous permettra, dès lors, de compléter, par un regard interne, le point de vue externe adopté à travers la première partie de notre recherche.

L’échelle spatiale choisie dans le cadre de notre thèse inclut trois cantons qui présentent des caractéristiques parfois différentes, notamment au niveau confessionnel, en matière d’urbanisation ou encore en ce qui concerne la proximité avec une frontière linguistique. Ainsi, il conviendra également d’évaluer l’incidence des facteurs locaux sur notre objet de recherche et de prendre en compte et de croiser les différentes échelles d’analyse allant du cantonal à l’international. Ce sera alors tout l’enjeu de la troisième partie de la présente recherche, celle- ci s’attachant à mettre en lumière plusieurs phénomènes de circulations transnationales ou à l’intérieur même de la Suisse, mobilisant aussi bien des objets, des personnes que des idées, soit directement en lien avec la discipline scolaire de l’allemand, soit dans un rapport plus global avec les différentes aires culturelles que cette thèse, de par la nature de son objet, englobe.

Aussi, après avoir principalement concentré notre analyse au niveau de trois cantons romands, ce changement d’échelle nous permettra-t-il d’apporter encore un éclairage supplémentaire quant à la discipline scolaire de l’allemand, dont les ressorts de son évolution s’expliquent également par des dynamiques circulatoires à l’œuvre à une plus large échelle.

Repères historiographiques Histoire de l’enseignement

Travailler sur l’évolution d’une discipline scolaire nécessite tout d’abord de prendre en compte plus globalement l’histoire de l’enseignement et plus précisément, celle des systèmes éducatifs au XIXe et XXe siècles. Si la littérature est abondante à ce sujet et a permis d’enrichir substantiellement cette présente thèse, nous nous limiterons ici à mentionner des études relatives au paysage scolaire suisse, dans la mesure où, de par le profil fédéraliste de la Confédération helvétique, celui-ci se divise en autant de systèmes d’instruction publique que ce pays compte de cantons, la plupart des prérogatives scolaires étant ainsi attribuée à ces derniers.

En ce qui concerne l’évolution des systèmes éducatifs à l’échelle de la Suisse en général, nous retenons, comme principales références, trois recherches en histoire de l’éducation, particulièrement éclairantes pour comprendre les mécanismes à l’origine de leur construction, de même que les tensions cycliques ayant existé entre centralisateurs et fédéralistes au sujet de la gestion des questions scolaires. Citons, à cette fin, premièrement, l’ouvrage collectif dirigé par Hofstetter, Magnin, Criblez & Jenzer (1999) qui se penche sur le développement de l’école

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primaire en Suisse au XIXe siècle à travers l’application de la laïcité, de l’obligation et de la gratuité de l’instruction, trois principes fondateurs d’une école démocratique. Incluant des réflexions thématiques qui englobent plusieurs cantons et contrastent également le cas helvétique à d’autres contrées, cet ouvrage nous intéresse tout particulièrement, notre propre objet de recherche étant lui-même appréhendé à la lumière de différentes entités géographiques.

Quant à Criblez (2008) et Hofstetter (2012), ils reviennent tous deux sur les principales tentatives visant à construire un espace suisse de la formation et les controverses que celles-ci ont pu soulever, en raison du profond attachement des cantons à leur souveraineté en matière d’éducation, soucieux de conserver leurs propres traditions culturelles. Aussi, soulignent-ils la complexité du domaine de l’instruction en Suisse, au cours de ces deux derniers siècles, celui- ci s’appréhendant à l’aune de plusieurs sphères (cantonales, intercantonales et fédérale), une dialectique d’autant plus cruciale à saisir que celle-ci sera également observable au gré de l’évolution de notre propre objet d’étude.

Pour ce qui est de la région qui nous intéresse plus spécifiquement, plusieurs monographies cantonales nous ont permis d’enrichir substantiellement nos connaissances sur la construction et l’évolution de la structure des différents systèmes d’instruction romands. Citons tout d’abord, l’ouvrage de Hofstetter (1998) qui s’intéresse à l’émergence de l’Etat enseignant à Genève et met en évidence les enjeux politiques, religieux, sociaux, culturels, économiques et pédagogiques ayant accompagné ce processus constitue une référence importante. Cette recherche, de même que celle de Mützenberg (1974) qui traite de l’instruction à Genève dans les années 1830, nous permettent ainsi de mieux comprendre le contexte au cours duquel l’instruction publique se met véritablement en place, point de départ de notre propre recherche.

Les autres travaux retenus ici concernent, pour leur part, le degré secondaire, dans la mesure où celui-ci occupera une grande place au sein de notre thèse. Toujours en ce qui concerne le canton de Genève, mentionnons la recherche de Müller (2007) sur l’enseignement obligatoire au XXe siècle qui, à travers une approche d’histoire sociale et culturelle, s’attache à souligner la fonction sociale de l’école, en s’intéressant notamment aux logiques sous-tendant la diversification des filières en fonction de l’élargissement du public scolaire, lesquelles, pour la plupart, seront prises en compte dans notre analyse. Finalement, à l’échelle du même canton, il convient encore d’évoquer le précieux apport de la récente recherche de Monnier (2015) qui traite, en partie, de la construction du secondaire genevois en intégrant la dimension du genre.

Dans cette optique, une attention toute particulière a été portée sur les objets d’enseignement dispensés au sein des différents cursus, nous permettant d’identifier l’orientation adoptée par chaque filière et donc pour le public scolaire s’y rattachant. Un certain nombre d’autres travaux se sont révélés d’un appui certain pour appréhender l’évolution de l’instruction publique en Romandie (Veillon, 1978 ; Charrière ; 1988/1989 ; Genoud, 1988/1989 ; Farquet, 1993, 1994 ; Gueniat, 1995 ; Seydoux, 1996 ; Schibler, 2008). Retraçant l’histoire d’institutions scolaires spécifiques, ces différentes contributions nous renseignent ainsi quant aux finalités éducatives et au programme propres à chaque établissement, tout en identifiant les principales évolutions du système scolaire du canton en question. Pour ce qui est de Fribourg, mentionnons encore la recherche d’Altermatt (2003) qui, le temps d’un chapitre, traite du développement du système scolaire de ce canton, en revenant sur l’instauration progressive de diverses offres de formation.

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Introduction

Notre thèse prenant comme aire d’étude trois cantons, nous citerons encore ici trois autres recherches dont les analyses englobent, elles aussi, plusieurs cantons romands. Tel est le cas de l’ouvrage de Durand, Hofstetter et Pasquier (2015) qui s’attache à reconstituer l’histoire de l’école en Suisse romande, sous des angles divers et variés (le syndicat des enseignants romands, la formation des enseignants, la transformation des savoirs scolaires, etc.) et des recherches d’Extermann (2013) et de Czáka (2017) qui s’intéressent toutes deux à l’évolution d’une discipline scolaire, respectivement celle de l’allemand et celle de l’éducation physique.

Outre la proximité des thématiques qu’ils couvrent avec notre propre objet, ces recherches s’avèrent également, pour nous, une référence dans leur manière de traiter un même sujet à l’échelle de plusieurs cantons, variant entre des focales sur l’une ou l’autre de ces entités territoriales et un discours plus englobant.

Histoire de l’enseignement des langues étrangères et vivantes

La recherche la plus proche de notre objet d’étude est celle d’Extermann (2011, 2013) qui porte sur l’enseignement de l’allemand en Suisse romande entre 1790 et 1940 sous plusieurs dimensions : didactique, politique, culturelle et sociologique. L’auteur s’intéresse à la disciplinarisation de l’allemand, au degré du secondaire, en soulignant la difficulté de didactiser une pratique sociale et en montrant que c’est par le biais de la grammaire que l’allemand se structure progressivement comme une discipline scolaire, sans toutefois suivre une évolution uniforme et sans encombre. Ainsi, il est démontré que la proximité de la frontière linguistique ne constitue souvent pas un facteur propice à l’enseignement de l’allemand dans le milieu scolaire. L’autre axe central de cette recherche se penche sur la lente professionnalisation des professeurs d’allemand : si au milieu du XIXe siècle la plupart d’entre eux sont des réfugiés ou enseignent l’allemand comme activité complémentaire, ils bénéficient dès 1890 d’un statut plus stable. La grande richesse de ce travail nous permet ainsi d’extraire bon nombre de repères chronologiques et de réflexions didactiques que nous nous proposons d’éprouver au-delà de 1940. L’ambivalence entre la participation à une culture européenne et l’affirmation d’une identité helvétique, des rapports triangulaires et des échanges multiples entre la Suisse romande, la Suisse Alémanique et l’Allemagne, le rejet du bilinguisme, les enseignants d’allemand en tant que passeurs entre cultures : autant d’enjeux mis en évidence par cette recherche et qui sont d’un intérêt primordial pour notre étude se positionnant au travers d’une triangulation entre la Suisse romande, la Suisse allemande et l’Allemagne. Forte de cette étude préalablement menée, la présente thèse s’en veut un prolongement en mettant en lumière de nouveaux aspects relatifs à la discipline scolaire de l’allemand en Romandie, à travers notamment l’évolution plus récente de cet enseignement, une analyse substantielle des principaux manuels d’allemand successivement utilisés dans les écoles romandes, de même que la prise en compte des principaux cursus, y compris le degré primaire.

D’autres travaux nous ont encore permis de clarifier certains aspects liés à l’évolution de l’allemand scolaire en Suisse romande. Tel est le cas de Jordi (2003) qui apporte des précisions complémentaires sur les objectifs de l’enseignement de l’allemand entre 1848 et 1923 pour le contexte spécifiquement genevois. Cette recherche, se centrant sur les nombreux débats ayant entouré l’étude de cette discipline à l’école primaire, nous a ainsi été précieuse pour saisir les principaux enjeux relatifs à cette question, nous permettant ensuite d’en enrichir le propos et de

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l’étendre aux deux autres cantons pris en compte dans notre enquête. Nous retenons également l’ouvrage de von Flüe-Fleck (1994) pour son analyse didactique de sept manuels d’allemand utilisés dans les classes romandes au cours du XXe siècle ainsi que pour l’attention qu’il porte sur les différentes tentatives d’harmonisation entre les cantons aboutissant à la période de coordination romande au cours des années 1970. Deux versants que l’auteur étaye principalement à l’aune de la sphère scolaire et qui, dans le cadre de la présente thèse, seront également envisagés à la lumière d’un contexte socio-culturel plus large. Toujours à l’échelle de la Suisse, mentionnons enfin la contribution de Giudici et Grizelj (2014), membres du même collectif Sinergia évoqué précédemment et qui, à travers une analyse des plans d’études ainsi que des discours politiques et éducatifs, reviennent sur les principales finalités assignées à l’enseignement de la deuxième langue nationale en vue de légitimer leur enseignement dans dix cantons du territoire helvétique. Dès lors, cette recherche constitue, pour nous, une base opérante, tant pour poser un regard comparatif avec les autres régions linguistiques de la Suisse que pour en confronter les résultats avec ceux que dévoileront notre propre enquête.

En matière de littérature française, nous nous appuyons sur la recherche de Mombert (2001) qui retrace l’histoire de l’enseignement de l’allemand en France, prenant en compte aussi bien ses dimensions institutionnelles, méthodologiques, politiques, sociales que culturelles.

S’intéressant tout particulièrement aux débats scolaires entourant l’enseignement des langues vivantes, à l’affermissement d’une méthode d’enseignement qui leur soit propre, aux représentations de la discipline de l’allemand en France, de même qu’aux différents réseaux transnationaux ayant contribué à l’évolution de celle-ci, cet ouvrage, au regard de notre propre problématique, constitue, en effet, pour nous, une référence majeure. Autre contribution nodale en la matière, sous la direction de la même auteure, le numéro spécial de la revue Histoire de l’éducation (Mombert, 2005) qui s’attache, lui aussi, à mettre en lumière l’évolution de l’allemand scolaire en France durant le XIXe et le XXe siècle, au regard notamment des relations franco-allemandes. Celles-ci octroient à cette discipline une dimension interculturelle singulière au cours d’une période marquée par plusieurs conflits impliquant la France et son voisin germanique. A travers une analyse des programmes, des contenus d’enseignement ainsi que des manuels, les études contenues dans ce volume apportent des éclairages sur l’évolution des représentations de la discipline, de l’image de l’Allemagne et de sa culture transmise aux élèves. Un développement particulier est également consacré à la carrière des enseignants d’allemand ainsi qu’à leur rôle de médiateurs culturels au sein de la société française. Au vu de ces différents aspects, cette recherche sera à exploiter pour en confronter les résultats au contexte suisse romand, notamment en matière de transmission d’une culture étrangère par la langue.

Si l’ensemble de ces travaux qui nous venons d’évoquer présentent, de fait, tous une étroite proximité avec notre propre objet d’étude, nous nous sommes néanmoins également appuyés sur d’autres recherches portant, quant à elles, sur l’évolution de l’enseignement d’une autre langue étrangère ou des langues vivantes plus généralement. Parmi ces différentes contributions, nous citerons ici les études de Pouly (2007, 2012) qui retracent l’institutionnalisation scolaire, au XIXe siècle, des langues étrangères d’une part et de l’anglais d’autre part, nous permettant ainsi de poser un regard comparatif vis-à-vis de l’introduction et du développement de la discipline de l’allemand au sein des écoles publiques romandes.

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Introduction

Travaillant sur l’émergence et la transformation d’un savoir scolaire, nous retenons finalement également deux ouvrages de référence en matière de l’évolution de la méthodologie de l’enseignement des langues vivantes (Germain, 1993) ou étrangères (Puren, 1988), lesquels s’attachent tous deux à définir les différentes méthodes adoptées au fil du temps dans le cadre d’un tel enseignement. Des recherches complémentaires que nous avons particulièrement exploitées pour étayer nos propos sur l’évolution didactique que nous donnera à voir l’analyse des manuels d’allemand successivement utilisés dans les classes romandes entre 1830 et 1990.

Manuels scolaires

Toute une partie de notre analyse résidant sur celle des manuels scolaires, ces outils didactiques occupent par conséquent une place importante dans notre recherche. Si un nombre foisonnant d’études ont déjà été menées à ce sujet, nous nous restreindrons ici à évoquer les principales contributions sur lesquelles nous nous sommes appuyés, renvoyant le lecteur, désireux d’un panorama plus complet, à la thèse de Tinembart (2015, pp. 55-73) qui dresse un bilan substantiel de nombreux travaux en la matière.

L’une de nos références majeures constitue incontestablement l’œuvre de Choppin (1980, 1992, 1993, 2008) dont le travail nous permet de particulièrement bien appréhender un tel support d’analyse dans son ensemble, dans la mesure où cet auteur s’est attaché à l’envisager sous des angles multiples : sa définition, son histoire, son évolution, sa sphère éditoriale ou encore ses diverses fonctions en tant qu’instrument pédagogique mais aussi de pouvoir. Autre étude que nous retenons pour la diversité des aspects relatifs aux manuels scolaires qu’elle met en lumière, celle dirigée par Lebrun (2007) qui contient différentes contributions traitant de nombreuses thématiques, telles que la valeur éducative de ces ouvrages, leur production et leur diffusion ou encore leur rapport avec leur environnement social et une constellation d’acteurs. Tout aussi riche est l’ouvrage collectif coordonné par Perret-Truchot (2015), lequel présente l’atout de discuter des problèmes d’ordre méthodologique que soulèvent l’analyse de tels objets, en insistant notamment sur l’importance d’adopter, en amont, un certain nombre de procédés, tels que la constitution d’un corpus, l’élaboration d’une périodisation ou encore la distinction entre les différents publics auxquels peuvent s’adresser ces ouvrages didactiques (degrés, filières, etc.). Dans ce même volume, nous citerons plus particulièrement la contribution de Bishop (2015) pour l’approche qu’elle adopte en vue de traiter la problématique des récits de souvenirs vécus dans les manuels de français de cours moyen entre 1923 et 1938. Menant une analyse didactique sur les textes de son corpus tout en les replaçant dans un contexte historique et idéologique plus vaste, elle parvient ainsi à identifier des finalités de nature diverse (idéologique, didactique et culturelle) poursuivies par l’intégration de tels récits, soulignant bien, de la sorte, l’imbrication des facteurs à prendre en compte lorsque l’on se penche sur les contenus des manuels scolaires. Dans le cadre de notre travail, nous nous inspirerons également des réflexions menées par Hofsetter & Schneuwly (à paraître) qui voient dans les manuels « des dépositaires et vecteurs des savoirs scolaires » (p. 15) et proposent, en ce sens, des pistes d’analyse qui nous paraissent particulièrement opérantes pour ce type de support, celles-ci s’articulant autour d’une approche disciplinaire et curriculaire, de temporalités plurielles, de

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contextualisations multiples (culturelle, sociopolitique, économique, scolaire) et d’acteurs aux points de vue divers et parfois contradictoires.

Notre propre analyse portant sur les manuels scolaires dédiée à l’étude d’une langue nationale mais enseignée, nous l’avons dit, en tant que langue étrangère, nous retenons également ici l’ouvrage collectif coordonné par Verdehlan-Bourgade et al. (2007) qui prend comme fil conducteur principal le thème de la nation au sein des manuels scolaires de France et d’ailleurs.

Les différentes contributions montrent que ces ouvrages d’enseignement, en parallèle à des savoirs et des connaissances, véhiculent également toute une série de valeurs morales et nationales ainsi que de pratiques sociales et de représentations étrangères. La diversité de ces textes et des réflexions qu’ils apportent nous donneront quelques pistes intéressantes, notamment sur le caractère transnational des manuels de langues étrangères, ceux-ci étant à cheval entre deux nations.

Finalement, à l’échelle de la Suisse romande, il convient de relever l’apport précieux de deux travaux dans la constitution de notre corpus. Aussi avons-nous pu, pour ce faire nous appuyer en partie sur l’inventaire genevois élaboré par Farquet (1991-1992, et 1993) ainsi que sur celui d’Extermann (2013) qui recense les principaux manuels d’allemand en usage dans l’enseignement secondaire à Genève, Lausanne, Fribourg, Neuchâtel, Sion et Porrentruy entre 1840 et 1940 (33 manuels et 16 livres de lecture). Concluons, à ce sujet, par l’évocation d’une ultime recherche, celle de Tinembart (2015), déjà évoquée et qui traite des manuels scolaires de français utilisés dans l’école primaire vaudoise au XIXe siècle ainsi que des acteurs à l’origine de leur production, offrant, à l’instar des études précédemment citées, une vision très complète des nombreux enjeux relatifs à ce type d’ouvrages.

Identité nationale, sentiment d’appartenance

La dimension fédératrice de l’enseignement de l’allemand à l’échelon national étant interrogée en filigrane dans le cadre de notre recherche, il nous paraît ici opportun d’évoquer un certain nombre de travaux nous ayant permis d’appréhender un terme, largement utilisé dans la sphère publique et que l’on nomme identité nationale. Ce concept, renvoyant préalablement à celui d’Etat-nation, nous nous sommes d’abord appuyés sur l’ouvrage d’Hobsbawm (1992) qui s’attache à déconstruire une telle notion en insistant sur son caractère récent, dans la mesure où elle prit forme, dans sa conception moderne, à partir du milieu du XVIIIe siècle, pour endosser ensuite une importance croissante au cours du millénaire suivant. Concernant, plus spécifiquement, la question de l’identité nationale, nous retenons comme l’une de nos références majeures les travaux de Thiesse (1997, 1999, 2000) qui traitent de la création des identités nationales dans l’Europe des nations du XIXe siècle et qui soulignent leur historicité, de même que leur aspect collectif et construit. Outre l’inventaire des différents éléments les constituant, ses réflexions l’amènent également à identifier les outils mobilisés en vue de les diffuser massivement au sein des populations et considèrent, parmi ceux-ci, l’école comme le lieu par excellence de ce dispositif d’acculturation, notamment à travers l’enseignement de la langue nationale qu’elle prodigue. Des considérations faisant ainsi écho à nos propres interrogations et sur lesquelles nous prendrons appui pour les penser à l’échelle de notre aire d’étude.

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Introduction

Pour ce qui est maintenant de la Suisse, nous retenons premièrement l’ouvrage collectif coordonné par Altermatt, Bosshart-Pfulger et Tanner (1998) dont les contributions qu’il contient abordent toutes, sous des angles divers, la question de la construction d’une nation helvétique. Parmi celles-ci, l’étude de Criblez et Hofstetter (1998) a particulièrement retenu notre attention puisqu’elle atteste, en se basant sur l’exemple de deux cantons (Berne et Genève), que l’école a bien participé activement à éveiller le « sens national » chez la jeune génération, cela en dépit de la large compétence des cantons en la matière. Pour autant, lorsque l’on aborde la question de l’identité nationale helvétique, il convient de prendre en compte le caractère fédéraliste de la Suisse. Pour ce faire, nous nous sommes en particulier basés sur la recherche d’Herrmann (2003a) qui, sous la forme d’une étude de cas sur l’intégration de la société genevoise à l’entité nationale, met en évidence la perception plurielle de la nationalité : cantonale, confessionnelle et helvétique. Dans cet ouvrage, l’auteure revient également sur les débats menés quant à l’opportunité d’introduire un enseignement public de l’allemand, notamment dans une perspective nationale, en soulignant la divergence des points de vue à cet égard. Des réflexions éclairantes et avec lesquelles il s’agira de dialoguer lorsque nous aborderons nous-mêmes les discours légitimant ou non l’inscription de l’étude de l’allemand au programme des écoles publiques de Genève. Autre thématique, traitée par la même auteure dans une étude ultérieure consacrée à la gestion des conflits helvétiques (Herrmann, 2006) et qui nous intéresse spécifiquement, celle du plurilinguisme suisse et les différents problèmes ou tensions que celui-ci put générer entre les différentes régions linguistiques. Autant d’éléments qu’il s’conviendra de prendre en compte pour en évaluer la possible incidence sur l’évolution de la discipline scolaire de l’allemand. Finalement, dans le même ordre d’idées, évoquons encore l’étude de Büchi (2015) qui retrace l’historique des relations entre la Suisse alémanique et la Romande et qui constitue, dès lors, un bon recours en vue de saisir la problématique identitaire au niveau spécifiquement suisse, celle-ci se déclinant, rappelons-le, sous des appartenances multiples.

Cadrage méthodologique : approches théoriques et démarches d’analyse ; sources ; bornes chronologiques et questionnements de recherche

v Approches théoriques et démarches d’analyse

Histoire sociale et culturelle de l’éducation, transnationale et transferts culturels

Notre recherche s’inscrit premièrement dans le champ de l’histoire sociale et culturelle. Par ce courant, nous nous référons notamment à Ory (2008) qui, en se proposant de définir l’histoire culturelle, la rattache à une histoire sociale :

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