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[Compte rendu de :] Prédications illégales, Berlin 1939-1945 / Gerhard Ebeling. - Genève : Labor et Fides, 1997
ASKANI, Hans-Christoph
ASKANI, Hans-Christoph. [Compte rendu de :] Prédications illégales, Berlin 1939-1945 /
Gerhard Ebeling. - Genève : Labor et Fides, 1997. Positions luthériennes , 1997, vol. 45, no.
4, p. 453-454
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:120906
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BIBLIOGRAPHIE 453
le contexte historique qui a vu naître les textes de Troeltsch », la première regardant « la situation, culturelle et religieuse ... de l'Europe ... en cette fin de XX' siècle >> (p. IX) et mettant en relation cette situation avec les problé- matiques soulevées et abordées par Troeltsch - sont plus que des introduc- tions dans le volume présenté. Elles sont des introductions à la pensée d'un théologien, historien, philosophe (les trois à la fois et en tension de l'un à l'autre) qui pendant assez longtemps a été presque oublié, mais dont l'actua- lité qui peut surprendre, comme la force de réflexion et l'ouverture d'esprit valent d'être remarqués aujourd'hui, car ils sont à même d'influencer et de modifier le débat (les débats) théologiques contemporains.
Donnons pour terminer et pour permettre une impression - aussi mo- deste soit-elle - de l'atmosphère et de la perspective de cette pensée la pa- role à Troeltsch même, en citant les 6' et 7' thèses sur « L'absoluité du chris- tianisme et l'histoire de la religion >> - deux thèses qui doivent être lues et comprises ensemble afin d'éviter tout malentendu hélas trop courant :
(6) «Le christianisme est donc à considérer comme un phénomène pure- ment historique, avec tous les conditionnements d'un phénomène historique individuel ; il doit donc exclusivement être étudié avec les méthodes histo- riques universelles. >>
(7) « Cette conception du christianisme et de sa position dans l'histoire n'implique pas un relativisme sans finalité, mais apporte à chaque homme pieux, croyant donc au but et au sens de l'histoire, la tâche d'examiner le rapport de valeur que la révélation chrétienne de Dieu entretient avec les ré- vélations de Dieu présentées dans les autres religions. >>
- Ajoutons, parce que cela vaut la peine et parce que l'on a envie de continuer, encore une thèse, la 8':
(8) « La décision axiologique en résultant ne recourt pas à un critère pré- déterminé ; en tant que conviction personnelle contraignante, le critère ré- sulte de la comparaison et de l'empathie hypothétique elles-mêmes ; cette conviction ne peut certes être démontrée à personne, mais pour celui qui la possède, elle forme le résultat nécessaire d'un débat aussi bien intérieur et intellectuel qu'extérieur et pratique. >>
Que de problèmes sont envisagés dans cette seule thèse !, et à quel ni- veau nous entraîne l'auteur pour y répondre !
Hans-Christoph ASKANI
Gerhard EBELING, Prédications illégales, Berlin 1939-1945, Genève, Labor et Fides, 1997, 180 pages. ISBN 2-8309-0783-3.
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Dans le livre recensé ci-dessus, Ebeling parle dans un « interview sur D. Bonhoeffer>> du temps où il fréquentait le séminaire pastoral de Finkenwalde dirigé par Bonhoeffer lui-même, et où il commençait son mi- nistère de pasteur dans deux paroisses de Berlin (cf. Theologie in den Gegensiitzen des Lebens, p. 649s.). C'étaient des «paroisses de détresse>>, c'est-à-dire des paroisses de l'Église confessante qui n'étaient pas officielle- ment reconnues et donc illégales aussi bien pour l'État que pour l'Église
«officielle>>. Ebeling y était pasteur durant les années 1939-45 (avant de devenir professeur de théologie à Tübingen et à Zürich).
Toutes les prédications publiées dans ce volume ont été prononcées pen-
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dant ces six ans. Elles sont traduites très soigneusement par R. Genton et P. Bühler. Ce dernier a aussi rédigé une introduction au livre. Ebeling lui- même a ajouté en plus une préface et une postface pour chaque prédication, une « remarque préliminaire » qui « esquisse brièvement la situation poli- tique et militaire du moment », afin de donner J'arrière-fond historique qui permet de mieux comprendre l'actualité de ces sermons.
La première prédication a été prononcée le 9 avril 1939, trois semaines après J'occupation de la Tchécoslovaquie par la Wehnnacht. Elle porte sur le psaume 118 (« ... On chante la victoire avec joie dans les tentes des justes ... ») et elle commence par la phrase:« Avons-nous motif de chanter la victoire avec joie ? Je ne saurais pas de quelles victoires il nous serait per- mis de nous glorifier aujourd'hui. » (p. 18.) La deuxième prédication a été prononcée 2 jours après « le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale» (cf. p. 29), et la troisième l'a été au moment de l'« Entrée des troupes soviétiques en Pologne orientale sous l'influence d'une pression alle- mande» (cf. 39) ; on pourrait continuer ainsi jusqu'à la dernière prédication
«devant la troupe au Schleswig du Nord le 21 mai 1945 >>.
Sont toujours présents dans ces textes, qui autrefois n'étaient pas des textes mais des discours de vive voix pour des oreilles vivantes et particuliè- rement attentives, le Kirchenkampf, le régime de terreur des Nazis, la Guerre, la détresse, l'angoisse, la dette ... Mais aussi la foi, le courage, l'es- pérance contre tout désespoir.
L'importance primordiale d'une telle publication est évidemment de rendre publiques des documents originaux de cette époque, des documents qui nous confrontent avec la situation concrète d'un pasteur et d'une paroisse
« confessant(e) >>. A cela s'ajoute l'intérêt de faire connaître des prédications d'un grand théologien, qui est surtout connu par ses travaux théoriques.
Qui lit ces textes commence pourtant par y trouver un autre intérêt encore ; il commence à devenir lui-même tout simplement auditeur d'une prédication.
TI est entraîné par cette manière intense et sincère de traduire la Parole de Dieu et les paroles de l'Évangile dans ~ne situation extrêmement critique. Ebeling prêche comme si les paroles de l'Evangile gagnaient leur force et leur vérité à l'instant précisément : dans cette situation, dans cette angoisse, dans cette tris- tesse, dans cette culpabilité, dans cette période qui semble être et qui a dû sembler être la période par excellence de l'abandon de Dieu. Les paroles de la Bible, et très souvent celles des cantiques, parlaient dans une telle situation d'une manière forte et immédiate que l'on ne peut plus imaginer pour aujour- d'hui. Ces paroles éclairent de façon choquante et édifiante - les deux à la fois(!)-la situation ; mais aussi et encore plus surprenant: la situation éclaire ce que disent (ce que veulent dire) ces vieilles paroles, comme si c'était ce qu'elles voulaient déjà dire depuis toujours- et rien d'autre.
On ne peut plus prêcher de la sorte, mais on peut entendre et « apprendre >>
ce qu'une prédication pourrait être, a pu être.
Le lecteur qui lira ses textes pour y chercher des remarques critiques sur le Régime Nazi et sur tel ou tel événement particulier, se privera non seule- ment de la possibilité de faire l'expérience (spirituelle) dont je parlais, il se privera aussi de la capacité d'entendre ce qui a été dit entre les lignes, à voix basse, mais tout à fait claire et audible pour tous ceux qui étaient concernés.
Et tous étaient concernés.
Hans-Christoph ASKANI
