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Dosage de la microalbuminurie chez les patients hypertendus en médecine générale

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Academic year: 2022

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Dosage de la microalbuminurie chez les patients hypertendus en médecine générale

LORENZO, Mathieu, et al.

LORENZO, Mathieu, et al . Dosage de la microalbuminurie chez les patients hypertendus en médecine générale. Exercer , 2019

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:115228

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

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Dosage de la microalbuminurie chez les patients hypertendus en médecine générale

Microalbuminuria assay in hypertensive patients in general practice

Mathieu Lorenzo1,2, Marie Eber1,

Thibault Fabacher3, Hubert Maisonneuve1-4, Juliette Chambe1

1. Département de médecine générale, Faculté de médecine de Strasbourg.

2. Centre de formation et de recherche en pédagogie des sciences de la santé, Faculté de médecine de Strasbourg.

3. Groupe Méthode en recherche clinique, Hôpital universitaire de Strasbourg.

4. Unité des internistes généralistes et pédiatres, Faculté de médecine, Université de Genève, Suisse.

mlorenzo@unistra.fr exercer 2019;150:60-6.

Liens d’intérêts :

les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts en relation avec le contenu de cet article.

Les liens d’intérêts éventuels de chacun des auteurs sont disponibles sur le site : www.transparence.sante.gouv.fr

INTRODUCTION

L’hypertension artérielle (HTA) est définie par l’European Society of Hypertension (ESH), la Société française d’hypertension artérielle (SFHTA) et la Haute Autorité de santé (HAS) par une pression artérielle systolique (PAS) O 140 mmHg et/ou une pression arté- rielle diastolique (PAD) O 90  mmHg mesurée au cabinet médical et confir- mée sur plusieurs consultations1,2. L’HTA est la maladie chronique la plus fréquente2 et le nombre de per- sonnes hypertendues dans le monde est estimé à 1 milliard3. Elle constitue le premier motif de consultation en médecine générale dans le monde2. Le nombre d’hypertendus traités en France est estimé à 12 millions4. Les recommandations françaises et euro- péennes proposent d’évaluer le risque cardiovasculaire des patients hyperten- dus pour guider la prise en charge1,2. L’ESH propose entre autres d’utiliser la microalbuminurie dans l’évaluation du risque cardiovasculaire1.

La microalbuminurie est une élimi- nation supraphysiologique de l’excré- tion urinaire d’albumine5. Elle permet de prédire la survenue d’événements cardiovasculaires chez les patients hypertendus1. Le dosage de la microal- buminurie est prédictif de la morbimor- talité cardiovasculaire chez les patients hypertendus avec un risque cardiovas- culaire modéré6-10. La présence d’une microalbuminurie positive augmenterait ainsi de 50 % le risque d’événement cardiovasculaire11. Ce dosage semble particulièrement pertinent pour affiner l’évaluation du risque cardiovasculaire

des patients à risque « intermédiaire » selon la stratification ESC-ESH : « faible à modéré » et « modéré »1.

En France, seul le dépistage de la protéinurie tous les un à deux ans est recommandé2. Ce contexte de dis- cordance entre les recommandations françaises et européennes est suscep- tible d’engendrer des pratiques hétéro- gènes chez les médecins généralistes12. À notre connaissance, il n’existait pas d’études sur la réalisation du dosage de la microalbuminurie par les médecins généralistes chez les patients hyperten- dus.

L’objectif principal de cette étude était de mesurer la proportion de patients hypertendus ayant eu un dosage de la microalbuminurie en médecine générale en France. Les objectifs secondaires étaient d’explorer les facteurs influençant ce dosage et les conséquences des résultats en termes de prescription d’antihypertenseurs.

MATÉRIEL ET MÉTHODE

Méthode

Une étude observationnelle trans- versale de patients hypertendus suivis en médecine générale au travers de l’analyse rétrospective des données des dossiers médicaux a été réalisée.

Cette étude a porté sur les dossiers médicaux d’un échantillon raisonné de cinq cabinets de médecine générale situés dans le département du Bas- Rhin. La population a été comparée à la population générale pour en tester la représentativité à partir des données extraites de la base de la CPAM d’Al-

Remerciements :

merci à François Séverac et Mickael Schaeffer du Groupe Méthode en recherche clinique de l’hôpital universitaire de Strasbourg d’avoir calculé le nombre de patients nécessaire pour cette étude, d’avoir aidé à l’analyse statistique de nos données et à la rédaction du manuscrit.

Merci à la Caisse primaire de l’Assurance maladie du Grand-Est de nous avoir fourni les données de la population générale des patients hypertendus.

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sace-Moselle13. Les cabinets contactés qui consentaient à participer à l’étude devaient être informatisés pour per- mettre une requête automatique dans les dossiers médicaux des patients hypertendus. Le recueil des données a été réalisé durant les mois de janvier et février 2017. Il a porté sur les don- nées des années 2014, 2015 et 2016.

Cette période de trois ans était calquée sur le rythme biannuel de réalisation du dosage de la microalbuminurie propo- sée par l’ESH en ajoutant empirique- ment une marge de tolérance d’une année pour prendre en compte les retards de prescription ou de réalisa- tion de cet examen1.

Population étudiée

Les critères d’inclusion ont été sélec- tionnés à partir des données de la lit- térature sur le dosage de la microalbu- minurie1,5,6,14.

Les critères d’inclusion étaient : – patient hypertendu selon les cri- tères de l’ESH-ESC1 ;

– patient > 18 ans ;

– patient avec au minimum un traite- ment médicamenteux pour l’HTA.

Les critères de non-inclusion étaient : – patient diabétique ;

– présence d’une protéinurie positive (0,3 g/L) ;

– présence d’une insuffisance rénale de stade 3 à 5 selon la classification Kid- ney Disease Improving Global Outcome (KDIGO)15 ;

– antécédent d’accident vasculaire cérébral, de cardiopathie ischémique, ou d’artériopathie des membres infé- rieurs ou des troncs supra-aortiques ;

– infection urinaire ou gynécologique en cours ou de moins de 2 semaines ;

– présence d’une hématurie.

Ces critères permettaient d’exclure les patients diabétiques chez qui l’inté- rêt de la microalbuminurie est consen- suel et qui sont d’emblée à haut risque cardiovasculaire5. Les patients à haut risque cardiovasculaire étaient éga- lement exclus sur la présence d’un antécédent cardiovasculaire ou d’une insuffisance rénale évoluée puisque leur risque cardiovasculaire n’était pas impacté par une microalbuminurie

positive. Les patients présentant une pathologie faussant le dosage de la microalbuminurie étaient aussi exclus.

Une sélection aléatoire des patients remplissant les critères d’inclusion a été effectuée à partir des données extraites via un logiciel de génération de nombres aléatoires. Les données de l’Assurance maladie de la région Alsace-Moselle de 2015 ont été utilisées afin de compa- rer notre population à la population générale des patients hypertendus. La population d’étude englobait aussi bien les patients déclarés médecin traitant dans le cabinet que ceux suivis ailleurs.

Recueil des données

Les cabinets médicaux interrogés étaient informatisés à l’aide de divers logiciels médicaux : Axisanté®, Almapro®, Hellodoc® et Medistory®. Une requête informatique était effectuée pour sélec- tionner les patients hypertendus. Les mots-clés recherchés étaient : « HTA » et « hypertension artérielle ». Après véri- fication des critères d’inclusion et d’ex- clusion, les données étaient extraites manuellement des dossiers. Elles étaient rendues confidentielles lors de la consti- tution de la base de données (un code numérique était attribué de 1 à 500 suivant l’ordre d’inclusion des patients).

Variables étudiées

À l’aide d’une recherche bibliogra- phique, différentes variables d’intérêt ont été identifiées1,5,15-18. Les facteurs de risque cardiovasculaires (FDRCV) autres que l’HTA définis par l’ESH1 ont été recueillis pour calculer le risque cardiovasculaire de nos patients : sexe masculin, âge > 55 ans pour les hommes, âge > 65 ans pour les femmes, tabagisme, obésité (indice de masse corporelle > 30), dyslipidémie et anté- cédents familiaux cardiovasculaires. Les antécédents cardiovasculaires pris en compte étaient les cardiopathies isché- miques, les artériopathies oblitérantes des membres inférieurs et les accidents vasculaires cérébraux. La définition de la dyslipidémie reposait sur les critères employés par le médecin généraliste et pouvait donc varier. La classifica- tion de la pathologie rénale KDIGO15

(si présente), la valeur du débit de fil- tration glomérulaire (DFG), la méthode de dosage de la microalbuminurie et sa valeur, la présence d’un traitement antihypertenseur, la classe thérapeu- tique du traitement antihypertenseur ont été recueillies.

Les changements de classe théra- peutique d’antihypertenseur, les ajouts ou remplacement d’un traitement existant pendant les 6 mois suivant le dosage ont été colligés pour décrire les conséquences en termes de modi- fications thérapeutiques à la suite du dosage de la microalbuminurie.

Les seuils de positivité de la microal- buminurie étaient : > 30 mg/24 h pour le dosage sur échantillon d’urine de 24 h,

> 20 mg/min pour le dosage direct sur échantillon d’urine et > 30 mg/g de créa- tinine pour le dosage sur échantillon d’urine en utilisant le ratio albuminurie/

créatininurie1,5.

Le risque cardiovasculaire des pa- tients a été stratifié à l’aide des critères ESC-ESH1. Les patients étaient répartis selon leurs derniers chiffres tensionnels et le nombre de FDRCV en sept diffé- rents groupes : risque faible, risque faible à modéré, risque modéré, risque modé- ré à élevé, risque élevé, risque élevé à très élevé et risque très élevé.

Limitation des biais

Toutes les données ont été recueil- lies par le biais d’une requête infor- matique systématique pour limiter la perte d’informations. Une diversification des lieux d’exercice a limité les biais de représentativité.

Analyse statistique

Les auteurs se sont fondés sur leur expérience professionnelle pour antici- per une proportion de 25 % des patients ayant eu un dosage de la microalbu- minurie et une précision souhaitée de

± 4 %. Pour cette proportion, le nombre de sujets nécessaires s’élevait à 451.

Pour augmenter la puissance de l’étude, 500 patients ont été recrutés.

Les variables quantitatives ont été présentées sous forme de moyennes avec le minimum et le maximum. Les variables qualitatives ont été décrites

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avec les effectifs et les proportions de chaque modalité. Des proportions cumulées ont également été calculées pour les variables à plus de deux moda- lités.

Le caractère gaussien des variables quantitatives a été évalué à l’aide du test de Shapiro-Wilk. Dans un premier temps, une analyse univariée a été réa- lisée. Le test t de Student a été utilisé pour les variables quantitatives lorsque les conditions paramétriques étaient réunies. Dans les autres cas, le test non paramétrique de Mann et Whitney a été réalisé. Les variables qualitatives ont été comparées à l’aide du test du Chi2 ou du test exact de Fisher selon les effectifs

théoriques. Dans un deuxième temps, une analyse multivariée par un modèle de régression logistique a été réalisée afin de connaître les facteurs influen- çant la réalisation ou non du dosage de microalbuminurie. Les variables présentant un p < 0,1 en analyse univa- riée ont été incluses dans le modèle. La population de l’étude a été comparée à la population régionale selon les don- nées de l’Assurance maladie de la région Alsace-Moselle 2015 sur l’âge, le genre et les traitements antihypertensifs à l’aide du test de Chi2. Le risque de première espèce alpha a été fixé à 5 % pour toutes les analyses. L’ensemble des analyses a été réalisé sur le logiciel R 3.1®.

Comité d’éthique

Cette étude a fait l’objet d’un avis favorable du comité d’éthique du groupe hospitalier Mulhouse Sud-Alsace le 27 septembre 2017.

RÉSULTATS

Cinq cents patients ont été inclus dans cinq cabinets de médecine générale. La figure 1 présente les étapes de sélection.

La médiane d’âge des patients étudiés était de 67 ans (min-max : 60-77). Deux cent cinquante-quatre patients étaient des femmes (50,8 %). 40,2 % (201) des patients suivaient un traitement par anta- gonistes du récepteur de l’angiotensine2 (ARA2), 36,2 % (181) par bêtabloquants, 28,8 % (144) par diurétiques, 27,2 % (136) par inhibiteurs de l’enzyme de conver- sion (IEC) et 23,8 % (119) par inhibiteurs calciques (IC). Les patients avaient en moyenne 1,56 médicaments antihy- pertenseurs (min-max : 1-4).

La population était comparable à la population régionale des patients hypertendus (tableau 1). Les patients prenaient globalement moins de traite- ments antihypertenseurs.

Au niveau des autres FDRCV, 185 (37 %) patients présentaient une dysli- pidémie, 79 (15,8 %) étaient obèses,

Patients de l’étude (n = 500)

Patients hypertendus en population régionale

(n = 201 529) p

Genre féminin 50,8 % (254) 54,1 % (109 019) = 0,1396

Âge

< 55 ans 15,2 % (76) 17,4 % (35 047)

= 0,4321

56-80 ans 65,4 % (327) 63,9 % (128 756)

> 80 ans 19,4 (97) 18,7 % (37 726)

Diurétique 28,8 % (144) 36,9 % (74 352) < 0,001

Bêtabloquants 36,2 % (181) 47,4 % (95 605) < 0,001

Inhibiteurs calciques 23,8 % (119) 30,8 % (62 134) < 0,001

ARA2 40,2 % (201) 38,9 % (78 305) = 0.5379

IEC 27,2 % (136) 29,1 % (58 673) = 0.3467

Nombre moyen de traitements antihypertenseurs 1,56 1,83 < 0,0001

Tableau 1- Caractéristiques des patients de l’étude comparées à la population régionale des patients hypertendus D’après la thèse de Julie Nguyen-Soenen, Strasbourg, 2017.

Figure 1 - Diagramme de flux de la sélection des patients hypertendus

3 978 patients sans hypertension artérielle

Sélection aléatoire d’un échantillon selon critères d’inclusion 1 145 patients hypertendus

6 198 patients médecin traitant au 01/01/2017

500 patients inclus dans notre étude

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51 (10,2 %) étaient fumeurs et 38 (7,6 %) avaient des antécédents cardiovascu- laires familiaux.

La répartition initiale des patients en groupe de niveau de risque cardio- vasculaire selon l’ESH était très inégale (figure 2). Pour les analyses de compa- raison, ont été regroupés les patients des groupes de risque inférieurs à modéré (n = 310, 62 %) et ceux des groupes de risque supérieurs ou égal à modéré (n = 190, 38 %). Le groupe de risque supérieur ou égal à modéré avait des chiffres de tension artérielle systolique plus élevés (p < 0,001) et des chiffres de tension artérielle diastolique plus élevés (p < 0,001). Il n’y avait pas de différence statistiquement significative sur les autres FDRCV.

Cent seize patients ont bénéficié d’un dosage de la microalbuminurie pendant la période étudiée : 23,29 % (IC95 = 19,7-27,3 ; p < 0,001]) (tableau 2). Parmi les patients ayant eu un dosage de la

Patients avec dosage de la microalbuminurie

(n = 116) (%)

Patients sans dosage de la microalbuminurie

(n = 384) (%) p

Genre féminin 48,28 51,44 0,62

Âge 63,16 ans 68,86 ans < 0,001

Dyslipidémie 41,38 35,77 0,32

Tabagisme 10,43 10,18 > 0,999

Obésité 15,52 15,93 > 0,999

Antécédents familiaux cardiovasculaires 4,31 8,62 0,18

Absence d’insuffisance rénale 48,28 34,20

Stade 2 d’insuffisance rénale 51,72 65,27 0,02

Stade 3 d’insuffisance rénale 0,00 0,52

Bêtabloquant 42,24 35,20 0,21

Diurétique thiazidique 20,69 32,00 0,03

Inhibiteur calcique 22,61 24,67 0,74

IEC 21,55 29,44 0,12

ARA2 37,07 41,91 0,41

Modification du traitement de fond 33,04 4,77 < 0,001

Ajout bêtabloquant 13,51 35,29 0,08

Ajout diurétique thiazidique 32,43 41,18 0,75

Ajout inhibiteur calcique 16,22 27,78 0,47

Ajout IEC 62,16 52,94 0,73

Ajout ARA2 35,14 41,18 0,90

Tableau 2 - Caractéristiques des patients avec et sans dosage de la microalbuminurie Figure 2 - Répartition initiale des participants en termes de risque cardiovasculaire selon l’ESH

0

Risque faible 50

100 150 200 250 300 350

Risque faible

à modéré Risque modéré

Risque cardiovasculaire initial

Risque modéré

à élevé Risque élevé

(6)

microalbuminurie, le taux de positivi- té était de 33,3% : IC95 = 24,9-42,6 ; n = 39. Le groupe de patients avec un dosage de microalbuminurie positif a davantage eu de modifications de trai- tement antihypertenseur sur la période étudiée que le groupe avec dosage négatif (64,1 % [n = 25] vs 17 % [n = 14]

p < 0,001). Le groupe ayant bénéficié du dosage de la microalbuminurie était plus jeune (63,2 vs 68,9 ans ; p < 0,001) et avait une meilleure fonction rénale (p = 0,02). L’analyse multivariée mon- trait que les patients plus jeunes béné- ficiaient plus souvent d’un dosage de la microalbuminurie (p = 0,02). Il n’y avait pas de différence statistiquement signi- ficative de fréquence du dosage de la microalbuminurie selon le groupe de risque cardiovasculaire. Il n’y avait pas de différence statistiquement signifi- cative entre les groupes avec dosage et sans dosage de la microalbuminurie pour les proportions de patients sous IEC et sous ARA2.

Il existait une différence significative selon les centres avec des pourcen- tages de dosage de la microalbuminu- rie qui variaient entre 10,3 et 34,5 % (tableau 3).

Parmi les patients ayant eu une modification du traitement de fond après un dosage positif de microalbu- minurie, 13 (52 %) patients ont eu une substitution d’un de leurs traitements et 12 (48 %) patients ont eu un ajout d’un traitement supplémentaire. Les modi- fications consistaient en une introduc- tion d’IEC dans 41,6 % des cas (n = 15), d’ARA 2 dans 22,2 % des cas (n = 8), de diurétiques dans 19,4 % des cas (n = 7),

de bêtabloquants dans 8,3 % des cas (n = 3) et d’inhibiteurs calciques dans 8,3 % des cas (n = 3).

DISCUSSION

Rappel des principaux résultats La microalbuminurie était dosée chez environ un patient sur quatre et était positive dans un tiers des cas sur la période de 3 ans étudiée. En ana- lyse multivariée, seul l’âge plus jeune était associé significativement au fait de bénéficier ou non du dosage de la microalbuminurie. Le groupe de patients avec un dosage de microal- buminurie positif a davantage eu de modifications de traitement antihy- pertenseur sur la période étudiée que le groupe avec dosage négatif. Cette modification consistait en une intro- duction d’IEC ou d’ARA2 dans 63,8 % des cas.

Comparaison avec les données de la littérature

Les patients hypertendus ne bénéfi- ciaient que dans un quart des cas d’une estimation du risque cardiovasculaire par le dosage de la microalbuminurie.

Ce dosage ne semblait pas guidé par le niveau de risque cardiovasculaire défini par l’ESH1. Il n’était pas davan- tage réalisé chez les patients à risque cardiovasculaire « intermédiaire » en contradiction avec l’avis de certaines équipes6. Les patients ayant bénéfi- cié du dosage de la microalbuminurie étaient sensiblement plus jeunes. Il est possible que les médecins généralistes

soient ainsi plus attentifs à l’évaluation du risque cardiovasculaire pour les populations d’hypertendus jeunes. Le plan de l’étude ne permet cependant pas de vérifier la réalité de ce lien. Des travaux ultérieurs pourraient vérifier l’existence de cette association.

Un des items de la rémunération sur objectif de santé publique (ROSP) 2017 pour les médecins généralistes concerne la réalisation d’un dosage annuel de la protéinurie chez les patients hypertendus19. La microalbu- minurie est exclue de ce calcul19. Les médecins généralistes sont donc incités financièrement à privilégier la protéi- nurie à la microalbuminurie en accord avec les recommandations HAS2.

Pourquoi les recommandations fran- çaises font-elles le choix d’exclure le dosage de la microalbuminurie du bilan de suivi des patients hypertendus ? Le rapport d’élaboration des recomman- dations n’intègre pourtant que des élé- ments en faveur de ce dosage2. Le choix de privilégier la protéinurie n’y est pas suffisamment argumenté2. Alors que le dosage de microalbuminurie est peu onéreux et supérieur à celui de la proté- inurie comme marqueur du risque car- diovasculaire et d’une atteinte d’organe cible1, les prochaines recommandations HAS pourraient intégrer ce dosage dans le suivi des patients hypertendus.

Les médecins généralistes modi- fiaient dans presque deux tiers des cas le traitement antihypertenseur des patients en cas de positivité du dosage de la microalbuminurie. Ceci était en accord avec un contrôle tensionnel plus strict chez ces patients afin de réduire le risque de survenue d’un événement cardiovasculaire et d’améliorer leur espérance de vie7-9,16,20. Ces modifica- tions étaient souvent des ajouts d’IEC ou d’ARA2 en accord avec les données de la littérature1,20-22.

Les disparités notables entre les centres dans notre étude sont à dis- cuter. Le centre n° 1 réalisait ainsi en proportion trois fois plus de dosage de la microalbuminurie que le centre n° 4. Cependant, tous les centres pres- crivaient ce dosage de manière limitée : aucun centre ne semblait le proposer Dosage MA

% (n) Nombre de patients par centre

Centre 1 34,5 (n = 40) 100

Centre 2 18,1 (n = 21) 100

Centre 3 16,4 (n = 19) 85

Centre 4 10,3 (n = 12) 102

Centre 5 20,7 (n = 24) 113

Total 23,3 (n = 116) 500

Tableau 3 - Dosage de microalbuminurie selon les centres

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de manière systématique, et tous le faisaient au minimum chez un patient sur dix. Les différences d’appropriation des recommandations par les médecins généralistes décrites dans la littérature pourraient être une piste12.

Forces et faiblesses

Ce travail est le premier à explorer l’attitude des médecins généralistes français face au dosage de la microalbu- minurie chez les patients hypertendus.

Les données ont été recueillies rétros- pectivement sur une période de trois ans. L’échantillon était représentatif des patients hypertendus rencontrés en soins primaires après exclusion des patients diabétiques.

Plusieurs facteurs limitent cependant la portée de ces résultats. Le recueil de données s’est fait rétrospectivement.

Le nombre restreint de praticiens est une limite à la généralisation des résul- tats bien que notre échantillon semble représentatif de la population générale des assurés de la région. Nous n’avons pas recueilli de données permettant d’expliquer les différences d’attitudes entre les médecins en termes de dosage de la microalbuminurie mais aussi de modification du traitement de fond. Nous n’avons pas recueilli les données concernant le dosage de la protéinurie. Les données ne nous per- mettent pas de décrire le pourcentage de patients ayant bénéficié d’une adap- tation de dose d’un traitement antihy- pertenseur au lieu d’un ajout de molé- cule. Aucune donnée n’était disponible quant à un éventuel renforcement des mesures hygiéno-diététiques. Les résul- tats peuvent sous-estimer la proportion prescrite car certains patients avaient peut-être eu une prescription pour réa- liser un dosage de la microalbuminurie mais ne l’ont pas effectuée. Certains patients ont pu réaliser le dosage sans que le résultat apparaisse dans le dos- sier médical (prescription par un autre médecin ou résultat non reporté dans le dossier informatique). L’hétérogénéi- té des attitudes en matière de prescrip- tion du dosage de microalbuminurie peut limiter la portée de nos résultats, bien qu’elle semble un reflet de la varié-

té des pratiques. Le modèle multivarié n’a pas tenu compte de l’effet clustering (les résultats des analyses statistiques n’ont pas été ajustées selon les diffé- rences entre les cabinets). Les résultats peuvent également être biaisés par le fait que certains des patients n’étaient pas suivis au cabinet et ont donc pu réaliser leur dosage de microalbumi- nurie auprès de leur médecin traitant habituel. Certains patients ont égale- ment pu déménager ou décéder dans la période étudiée diminuant ainsi la proportion de dosages réalisés. Les patients hypertendus sans traitement médicamenteux étaient exclus de l’ana- lyse. Enfin, les requêtes informatiques permettant d’extraire les données ont pu être biaisées si les dossiers étaient insuffisamment bien remplis.

CONCLUSION

La microalbuminurie est actuelle- ment dosée chez un patient hypertendu sur quatre. L’intensification du traite- ment antihypertenseur et le choix des IEC ou des ARA2 en cas de microalbu- minurie positive observée dans cette étude est conforme aux données de la science actuelles. Une généralisation du dosage de la microalbuminurie associée à une adaptation thérapeutique judi- cieuse en cas de positivité du dosage pourrait avoir un effet positif en termes de morbimortalité pour les patients.

L’évolution de la ROSP avec la prise en compte du dosage de la microalbumi- nurie de façon équivalente à la proté- inurie pourrait favoriser la réalisation de ce dosage.

Résumé

Contexte. La microalbuminurie chez le patient hypertendu est un marqueur du risque de développement de complications cardiovasculaires. Les recommandations européennes pro- posent ainsi un dosage tous les deux ans de la microalbuminurie. L’objectif de notre étude était (i) de décrire la proportion de dosage de la microalbuminurie chez les patients hypertendus en médecine générale en France et (ii) d’explorer les facteurs influençant ce dosage (iii) ainsi que les conséquences en termes de prescription d’antihypertenseurs.

Méthodes. Les données informatiques des dossiers de cinq cabinets de médecine générale en Alsace ont été analysées de manière rétrospective.

Résultats. La microalbuminurie était dosée chez environ un patient sur quatre sur la période 2014-2016 (23,29 %, IC95 = 19,7-27,3 ; n = 116) et était positive dans un tiers des cas (33,3 %, IC95 = 24,9-42,6 ; n = 39). Seul l’âge était associé significativement au fait de bénéficier ou non du dosage de la microalbuminurie (p = 0,02). Le groupe de patients avec un dosage de microal- buminurie positif a davantage eu de modifications de traitement antihypertenseur sur la période étudiée que le groupe avec un dosage négatif ( 64,1 % [n = 25] vs 17 % [n = 14] ; p < 0,001). Cette modification consistait principalement en une introduction d’IEC ou d’ARA2.

Conclusion. Ces données indiquent que la microalbuminurie est actuellement modérément dosée chez les patients hypertendus français. L’intensification du traitement antihypertenseur et le choix des IEC ou des ARA2 en cas de microalbuminurie positive est conforme aux données de la littérature.

➜ Mots-clés : microalbuminurie ; hypertension artérielle ; médecine générale.

Summary

Background. Microalbuminuria has been shown to predict cardiovascular events in hyperten- sive patients. European guidelines recommend an assessment of microalbuminuria once every two years. We undertake a study to describe (i) proportion of microalbuminuria assessment in hypertensive patients in family practice in France, (ii) factors influencing this assessment and (iii) impact on antihypertensive treatment.

Method. Electronic medical records of five general practice offices in a French region have been analysed.

Results. One on four hypertensive patients had a microalbuminuria assessment between 2014 and 2016 (23,29%, IC95 = 19,7-27.3 ; n = 116). A third of microalbuminuria assessment was positive (33,3%, IC95 = 24,9-42,6; n = 39). Age was associated with microalbuminuria assessment (p = 0,02).

Patients with positive microalbuminuria assessment were most likely to have a change in their hypertensive therapy (64,1% (n=25) vs 17% (n=14) p < 0,001). Change in hypertensive therapy was most frequently an ACE inhibitor or ARB.

Conclusion. Microalbuminuria assessment is rarely done in French hypertensive patients. Changes in hypertensive therapy using ACE inhibitors and ARB when microalbuminuria assessment is positive is in phase with current scientific evidences.

➜ Keywords: microalbuminuria; hypertension; general practice.

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Références

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Références

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