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De la « Démocratie » en entreprise

Dialogue social et représentation des salariés

La démocratie en entreprise fait volontiers figure d’utopie (dé-)passée en regard des évolutions du capitalisme. Promesse sans cesse renouvelée, comme en témoigne le récent rapport de Louis Gallois, consacré à la compétitivité, prônant la présence de représentants des salariés au sein des Conseils d’administration des grandes entreprises1, elle continue d’accompagner toutes les évolutions du monde du travail : de l’autogestion des années 70 jusqu’aux lois Auroux censées réaliser cet idéal2 ; du doux rêve d’une abolition du salariat accompagnant la naissance du syndicalisme jusqu’à la réforme de la représentativité d’août 2008. Que signifie la récurrence de ce thème ? Quelle est sa force performative ? Comment expliquer qu’il occupe aujourd’hui encore le devant de la scène sociale ? Et que penser du

« dialogue social »3, véritable mythologie invariablement déclinée, soit sur le mode de la déploration de ses insuffisances hexagonales, soit sur celui du remède censé guérir les maux d’une société bloquée ?

On peut d’abord supposer que l’engouement répété pour cet idéal démocratique et sa transposition dans un monde du travail rétif aux sirènes de l’égalité et de la liberté ont pour principale fonction de remédier aux maux de la condition salariale. On peut aussi l’appréhender comme le signe d’une pacification du rapport salarial, d’une domestication des tensions qui l’animent, ou comme la traduction d’un lent et inexorable progrès social qui serait, pour les uns, l’expression téléologique des glorieuses luttes sociales et, pour les autres, de manière tout aussi téléologique, l’expression de la fin des antagonismes de classe. On peut enfin considérer cet idéal comme la figure emblématique d’une société de communication qui multiplie les contre-feux pour dissiper tout signe et toute trace de conflictualité sociale.

De tels diagnostics appellent des analyses approfondies, étayées empiriquement, pour cerner la réalité de la démocratie en entreprise, avec ses élections, ses multiples modes de représentation des salariés, son système de délégation syndicale, ses consultations en tout genre, ses différentes formes de concertation4, mais aussi avec ses dispositifs (les baromètres sociaux) qui ne sont pas sans évoquer ceux de la démocratie d’opinion ou, encore, avec son management qui érige la participation en principe de coercition. Peu commentée, peu

1 A la fin du rapport, on peut lire 22 propositions. Parmi celles-ci, la deuxième prône d’« introduire dans les Conseils d’Administration ou de Surveillance des entreprises de plus de 5000 salariés, au moins 4 représentants des salariés, sans dépasser le tiers des membres, avec voix délibérative, y compris dans les comités des conseils. » et la vingt-deuxième propose d’ « autoriser les entreprises qui le souhaitent à faire présider le Comité d’Entreprise par un représentant des salariés. » Cf. Louis Gallois (Commissaire Général à l’investissement), Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, Rapport au Premier ministre du 5 novembre 2012.

2 On rappellera que le rapport Auroux ambitionnait « l’émergence d’une nouvelle et authentique citoyenneté dans l’entreprise », J. Auroux, Les droits des travailleurs, La Documentation française, 1982, pp. 4-5.

3 Cf. J.P. Higelé, « Les formes de la délibération interprofessionnelle. Le sens du dialogue », Sociétés contemporaines, Presses de Sciences Po, 2012/2, n° 86.

4 Cf. J. Barreau (sous la dir.), Quelle démocratie sociale dans le monde du travail ?, PUR, 2003.

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analysée dans ses présupposés comme dans ses conséquences5, si ce n’est sous l’angle juridique, la réforme de la représentativité de 2008 s’est par exemple imposée non seulement en raison de l’obsolescence des anciens critères mais parce qu’elle était censée remédier aux déficits, carences, dysfonctionnements, « crise » des IRP (institutions représentatives du personnel). Le paradoxe est que les salariés ne manquent pourtant pas de représentants, que l’amélioration de la « représentativité » de leurs représentants ne constitue certainement pas leur préoccupation principale, que la professionnalisation du dialogue social sous l’effet convergent de la spécialisation de ceux qui gèrent les « ressources humaines » et de ceux qui défendent les intérêts des salariés contribue à les tenir à distance de ce jeu de plus en plus étranger à leur quotidien.

Au-delà du stéréotype du sapin de Noël, au-delà des quelques cas de CE de très grandes entreprises ayant défrayé la chronique judiciaire, qu’en est-il par exemple aujourd’hui dans les entreprises de l’esprit démocratique qui anime cette institution héritée du programme du Conseil National de la Résistance ? Comment les institutions représentatives sont-elles aujourd’hui perçues et pratiquées par tous ceux qui les expérimentent au quotidien ? Que vivent ceux qui font vivre ces institutions ? Pour beaucoup, la démocratie en entreprise reste une lointaine promesse, pour ne pas dire une abstraction dénuée de sens ; nombreux sont les représentés qui perçoivent au mieux leurs représentants comme inutiles, au pire comme nuisibles et, en tout cas, d’une manière d’autant plus négative qu’ils sont de plus en plus représentés6.

C’est dans ce contexte que la revue Politiques de communication se propose d’investir ce thème inactuel d’actualité « la démocratie en entreprise »7. Le dossier proposera une série d’éclairages complémentaires pour savoir où en est réellement la représentation des salariés, comment les acteurs perçoivent et vivent la transposition de cet idéal dans leur quotidien professionnel, pour cerner la réalité du dialogue social telle qu’il est institué et vécu dans les entreprises.

Ce dossier thématique accueillera par conséquent des articles traitant des objets suivants : - le dialogue social aujourd’hui dans les entreprises tel qu’il est perçu et pratiqué par

tous les acteurs impliqués ou, simplement, concernés par celui-ci (notamment les services de ressources humaines et les services de communication qui cherchent à produire l’adhésion des salariés à l’entreprise) ;

- la réforme de la représentativité de 2008 et ses conséquences sous l’angle des évolutions du dialogue social et de ses conséquences pour les organisations syndicales et pour les salariés dont elles représentent les intérêts ;

- les IRP et les problèmes inhérents à leur fonctionnement ;

5 A quelques exceptions près, cf. S. Beroud, K. Yon, « La loi du 20 août 2008 et ses implications sur les pratiques syndicales en entreprise : sociologie des appropriations pratiques d’un nouveau dispositif juridique », Rapport de recherche UMR Triangle, Lyon, février 2011.

6 Le pamphlet de D. Andolfatto et D. Labbé laisse entrevoir les raisons de cette insatisfaction et de ce désamour, cf. Toujours moins ! Déclin du syndicalisme à la française, Gallimard, 2009.

7 Dans une perspective différente, la revue Terrains et travaux a consacré un dossier au thème « Démocratie et travail », ENS Cachan, 2008/1, n°14.

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- les projets (passés et présents) de « démocratisation » de l’entreprise, visant à la rendre plus transparente, à l’élever à la hauteur de la dimension sociétale qui lui incombe depuis le milieu des années 80, à dissiper les stigmates de l’exploitation de la force de travail ;

- les formes, expériences, résurgences de « démocratie directe » dans le monde du travail ou, plus modestement, les différentes mises en cause des IRP, des principes qui sous-tendent ces institutions et des pratiques routinisées dont elles sont le théâtre.

On rappelera que la revue accueille tout article quel que soit l’ancrage disciplinaire de son auteur à la condition qu’il apporte des données empiriques originales, gage de production de connaissances, et engage une analyse distanciée des phénomènes observés. Pour les différents thèmes évoqués ci-dessus, les études à caractère monographique, traitant de situations strictement hexagonales ou de contextes étrangers, seront accueillies positivement.

Les chercheurs souhaitant contribuer à la réalisation de ce dossier peuvent soit soumettre une proposition pour avis au comité de rédaction avant le 30 avril 2013, soit faire directement parvenir leur article avant le 15 septembre 2013 (politiquesdecom.revue@uvsq.fr). Pour plus d’informations, on se reportera au site de la revue à l’adresse suivante : http://www.revuepolitiquesdecom.uvsq.fr/.

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