2156
Revue Médicale Suisse–
www.revmed.ch–
2 novembre 2011actualité, info
lu pour vous
Coordination : Dr Jean Perdrix, PMU (Jean.Perdrix@chuv.hospvd.ch)
L’avènement de la médecine fac- tuelle (evidence-based medicine) a conduit à la publication de très nombreuses recommandations de pratique clinique (RPC), ou guide- lines. Ces RPC, le plus souvent élaborées par des experts sous l’égide de sociétés professionnel- les, ont probablement une influen- ce importante sur la pratique, même si leur impact réel est difficile à ap- précier. Les conflits d’intérêts finan- ciers (conflict of interest, COI) entre les médecins et l’industrie pharmaceutique sont un sujet de préoccupation depuis plus de vingt ans, et cela particulièrement dans le domaine des RPC. Certaines organisations (NICE en Grande- Bretagne par exemple) sont très
strictes quant à l’absence de COI dans leurs groupes d’experts. Mais cette pratique est-elle généralisée ? Les auteurs de cette étude obser- vationnelle ont cherché à détermi- ner quelle proportion de 288 ex- perts s’exprimant dans quatorze RPC américaines et canadiennes publiées entre 2000 et 2010 dans le domaine du diabète et de l’hy- percholestérolémie avait des COI, annoncés ou non. Par une métho- de intéressante combinant l’ana- lyse des informations publiées quant au COI et une recherche de littérature mettant en évidence des liens possibles entre l’industrie et les experts, les auteurs ont identifié des COI annoncés chez un expert sur deux, et un COI non annoncé
mais probable chez un expert sur neuf. Les auteurs concluent que les COI sont fréquents parmi les experts impliqués dans l’élabora- tion des RPC, et qu’une partie non négligeable de ces conflits ne sont pas rapportés, ce qui altère le ca- rac tère totalement objectif de ces RPC.
Commentaire : l’industrie pharma- ceutique est un moteur essentiel dans le progrès de la pratique mé- dicale, mais ses buts ne sont pas forcément entièrement similaires à ceux des soignants ou des mala- des. Même si les liens avec l’indus- trie ne doivent pas être coupés, ils doivent être réduits au maximum et les plus transparents possible quand on parle de recommanda- tions. Cette étude confirme bien que la situation actuelle est assez éloignée de ce vœu : la sensibilisa- tion du corps médical et les exi gen- ces de plus en plus strictes des organisations publiant des RPC
devraient conduire progressive- ment à une diminution de ces liens discutables. Comme le soulignent les auteurs, des analyses réguliè- res devraient être conduites dans le futur, afin de vérifier que l’établis- sement des RPC évolue vers des processus de plus en plus transpa- rents et libres de conflits d’intérêts.
La suite dans dix ans ?
Dr Thierry Fumeaux Service de médecine, Hôpital de Nyon Neuman J, et al. Prevalence of financial conflicts of interest among panel mem- bers producing clinical practice guide- lines in Canada and United States : Cross sectional study. BMJ 2011;343:
d5621 doi : 10.1136/bmj.d5621
Recommandations de pratique clinique et conflits d’intérêts des experts : quelle transparence ?
42_45.indd 3 28.10.11 11:01