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ET INTERPRÉTATION DES TEXTES

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ET INTERPRÉTATION DES TEXTES

FrancisGROSSMANN Université Stendhal, Grenoble3

ÉquipeLIDILEM

/

IVEL

Résumé:La notionde «literacy»estaujourd'hui courammentutilisée,danslemonde anglo-saxon ainsique danscertainspaysdel'espace francophone, notammentau Québec,souslenom de«littératie».Elleasuscitédesrecherches detypehistorique, anthropologique oupyscholinguistique, et inspiré égalementde nombreux pro¬

grammesd'éducationauxEtats-Unis.Apartird'unerecensiondesétudesmenéesdans cechamp, onsedemanderaenquoielleséclairent la question de la compréhension et de

l'

interprétationdestextes.Le taitdedisposerd'unconceptpositif,et nonpas seule¬

mentnégatif (commel'estleterme«illettrisme»utiliséenfrançais) permetd'articuler pratiques sociales, systèmedel'écritetapprentissage.La polysémiedutenneefface aussi lesdichotomiestropsimplistesquiopposent,parexemplelestextes«fonction¬

nels »aux textes«nonfonctionnels»,ouencorelestextes«littéraires»et«non litté¬

raires».L'utilisationduconceptd'interprétationchez certainsdesthéoriciens delalit¬

tératie(enparticulierOison)paraitcependantréductrice:elleseradiscutéedansune perspectivedidactique, prenantcommeréférenceprincipaleleniveauMaternelle.

« Nepasinterpréter estimpossible,toutcommeilestimpossiblede ne pas penser», nousdit Italo CalvinodansPalomar. Cette exaspérante capacité des humains lesconduità chargerdesignification lemoindre détail, àprendre la moucheàcaused'une inflexion devoix(le«c'estbiiien...ça»dupersonnagede NathalieSarraute(1)),ouàorganiserleurparanoïa, lorsquetel lenarrateurprous- tien, ilsechafaudentdesscénariosàpartirdequelques parolessurprisesoud'une scèneentrevue.Cedéfauttrophumain,quidérègle notremachinerie sémiotique,a unecontrepartie heureuse : il peuplelesmondes narratifs destextes que nous lisons, ouplusprosaïquement, changeantde banaleslignesdecouleurenroutes ou enfrontières,ildonnevieauxcartesroutièresque nousconsultons.

Chaqueenfant renouvelleàsa façoncette rencontre historique delasémiosis et de l'écrit.Ya-t-il un lienentrelanaissantecapacité àinterpréterlestextes et l'appropriation progressivedu système symboliquedel'écriture? Répondreà cette question positivement, c'estpostuler qu'au-delàde ladiversité des situa¬

tions, destâcheset des compétences, unedynamique unique dirige l'apprentis¬

sage del'écrit, et luidonne sens. C'estimagineraussiquel'accèsà unsystème sémiotique nouveauoffredenouveauxoutilspour interpréterlemonde.Telestle pari implicite que recèleleterme «literacy» utilisé dans nombre de recherches anglo-saxonnes, (ainsiquedanscertains paysdel'espace francophone, notam¬

mentauQuébec, souslenomde«littératie»,quej'utiliserai désormais).

ET INTERPRÉTATION DES TEXTES

FrancisGROSSMANN Université Stendhal, Grenoble3

ÉquipeLIDILEM

/

IVEL

Résumé:La notionde «literacy»estaujourd'hui courammentutilisée,danslemonde anglo-saxon ainsique danscertainspaysdel'espace francophone, notammentau Québec,souslenom de«littératie».Elleasuscitédesrecherches detypehistorique, anthropologique oupyscholinguistique, et inspiré égalementde nombreux pro¬

grammesd'éducationauxEtats-Unis.Apartird'unerecensiondesétudesmenéesdans cechamp, onsedemanderaenquoielleséclairent la question de la compréhension et de

l'

interprétationdestextes.Le taitdedisposerd'unconceptpositif,et nonpas seule¬

mentnégatif (commel'estleterme«illettrisme»utiliséenfrançais) permetd'articuler pratiques sociales, systèmedel'écritetapprentissage.La polysémiedutenneefface aussi lesdichotomiestropsimplistesquiopposent,parexemplelestextes«fonction¬

nels »aux textes«nonfonctionnels»,ouencorelestextes«littéraires»et«non litté¬

raires».L'utilisationduconceptd'interprétationchez certainsdesthéoriciens delalit¬

tératie(enparticulierOison)paraitcependantréductrice:elleseradiscutéedansune perspectivedidactique, prenantcommeréférenceprincipaleleniveauMaternelle.

« Nepasinterpréter estimpossible,toutcommeilestimpossiblede ne pas penser», nousdit Italo CalvinodansPalomar. Cette exaspérante capacité des humains lesconduità chargerdesignification lemoindre détail, àprendre la moucheàcaused'une inflexion devoix(le«c'estbiiien...ça»dupersonnagede NathalieSarraute(1)),ouàorganiserleurparanoïa, lorsquetel lenarrateurprous- tien, ilsechafaudentdesscénariosàpartirdequelques parolessurprisesoud'une scèneentrevue.Cedéfauttrophumain,quidérègle notremachinerie sémiotique,a unecontrepartie heureuse : il peuplelesmondes narratifs destextes que nous lisons, ouplusprosaïquement, changeantde banaleslignesdecouleurenroutes ou enfrontières,ildonnevieauxcartesroutièresque nousconsultons.

Chaqueenfant renouvelleàsa façoncette rencontre historique delasémiosis et de l'écrit.Ya-t-il un lienentrelanaissantecapacité àinterpréterlestextes et l'appropriation progressivedu système symboliquedel'écriture? Répondreà cette question positivement, c'estpostuler qu'au-delàde ladiversité des situa¬

tions, destâcheset des compétences, unedynamique unique dirige l'apprentis¬

sage del'écrit, et luidonne sens. C'estimagineraussiquel'accèsà unsystème sémiotique nouveauoffredenouveauxoutilspour interpréterlemonde.Telestle pari implicite que recèleleterme «literacy» utilisé dans nombre de recherches anglo-saxonnes, (ainsiquedanscertains paysdel'espace francophone, notam¬

mentauQuébec, souslenomde«littératie»,quej'utiliserai désormais).

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REPÈRES19/1999 F.GROSSMANN

Mêmesi,d'une certaine façon,monprojetconsisteàdiscuterlapertinencede lanotion,je me propose, afindene pasresterauplandes généralités, defairele point sur quelquesunsdes résultats empiriquesdestravaux menés sousl'éten¬

darddelalittératie. Maisils'agitaussi dequestionner ces recherchesàpartirde la problématique de ce numéro: lescourantsqui étudient son émergence etson développementont-ils quelque choseàdired'original surlaquestion del'interpré¬

tation destextes?Etqu'apportent-ilsaujusteà laréflexiondidactique?

Monparcourssera lesuivant:interrogeantlesdéfinitionsdelalittératie, j'essaie¬

raid'abordde comprendrecequ'impliquelapossessiond'uneculture del'écrit. Je m'intéresseraiensuite àquelquesunes desdirectionsderecherchesmenéesdansun domaineparticulier,celuidela«littératieémergente»correspondantàce quenous appelons en France l'«entrée dans l'écrit». Cela meconduiraàinterrogerles modèlessous-jacents auxtravauxréalisésdanscechamp.L'idéedéfenduesera que lesmodèles continuistes,fondéssurl'importancedel'imprégnationoudel'appren¬

tissageinformel se révèlent insuffisants dès lorsqu'il s'agit deseplacersurleterrain scolaire. L'étapesuivanteconsisteraàexaminerplusendétail les liens quipeuvent unir littératie etcompréhensiondes textes:lefait qu'il s'agisse de comprendredes textesécritsa-t-il uneimportance, etenquoi? Meplaçantenfindélibérémentdu côtédu lecteur,jemedemanderaice que peutvouloirdirepourlui«construirel'inter¬

prétation»destextesécrits,et commentonpeutl'aider danscettetâche.

1. DÉFINITIONS DELALITTÉRATIE 1.1.Unconcept banal ?

Lepremier écueilconsisteici dans lagénéralitémêmeduconcept:dansson sens leplus simple,ilsedéfinit commelacapacitéàlireetàécrire. Déjàtrèsgéné¬

rale,lanotion semblesedissoudreencore enraisondesextensionsqu'onluidonne parfois:capacitéàcomprendrelatechnologie,laculture, lesmédias...IIexisterait ainsidifférentes«littératies»:pourletexte, lesarts visuels, lamusique, l'informa¬

tique....;àquoi s'ajouteraient des compétences spécifiques:«numeracy»(c'est- à-direcapacitéàutiliserdes donnéeschiffrées)«information literacy»:capacitéà extrairelesinformationsd'untexte....R.Pierre(1994,p.278)signalequ'aujourd'hui

«letermeliteracy désigneà lafoisundomained'étude recouvrantlesdifférentes dimensionsdel'écrit et ses rapportsavecl'oral,etunétat,aussi biensocial qu'indi¬

viduel,tel que letraduit Heath (1991)parl'expression :« acquiringthe sense of beingliterate»que nous définissons,pournotrepart,comme étantlerapport que l'on développe avecl'écrit». L'intérêtdecette définition estle lienqu'elle effectue entretroisdomaines souvent disjoints: leterrain despratiques sociales et des représentations, celuidusystèmede l'écrit,celuidesapprentissages.

Dans unsensplus restrictif, la littératie seconfondavec lacapacitéàcomprendre et àutiliser destextes présents dans l'environnement quotidien, comme lespan¬

neaux, lesenseignes de magasin oules plans de métro. Cescompétencesde base,quidéfinissentunelittératie«fonctionnelle»,peuventêtrerencontréeschez desindividus considéréscomme«illettrés»sil'onseréfèreaux normesetauxexi¬

gencesscolaires. D.Lancy(1994) signaleainsi ladisjonction entrecette définition minimaleetlescompétencesrequises par lalittératie scolaire. Celle-cise réfère à la

REPÈRES19/1999 F.GROSSMANN

Mêmesi,d'une certaine façon,monprojetconsisteàdiscuterlapertinencede lanotion,je me propose, afindene pasresterauplandes généralités, defairele point sur quelquesunsdes résultats empiriquesdestravaux menés sousl'éten¬

darddelalittératie. Maisils'agitaussi dequestionner ces recherchesàpartirde la problématique de ce numéro: lescourantsqui étudient son émergence etson développementont-ils quelque choseàdired'original surlaquestion del'interpré¬

tation destextes?Etqu'apportent-ilsaujusteà laréflexiondidactique?

Monparcourssera lesuivant:interrogeantlesdéfinitionsdelalittératie, j'essaie¬

raid'abordde comprendrecequ'impliquelapossessiond'uneculture del'écrit. Je m'intéresseraiensuite àquelquesunes desdirectionsderecherchesmenéesdansun domaineparticulier,celuidela«littératieémergente»correspondantàce quenous appelons en France l'«entrée dans l'écrit». Cela meconduiraàinterrogerles modèlessous-jacents auxtravauxréalisésdanscechamp.L'idéedéfenduesera que lesmodèles continuistes,fondéssurl'importancedel'imprégnationoudel'appren¬

tissageinformel se révèlent insuffisants dès lorsqu'il s'agit deseplacersurleterrain scolaire. L'étapesuivanteconsisteraàexaminerplusendétail les liens quipeuvent unir littératie etcompréhensiondes textes:lefait qu'il s'agisse de comprendredes textesécritsa-t-il uneimportance, etenquoi? Meplaçantenfindélibérémentdu côtédu lecteur,jemedemanderaice que peutvouloirdirepourlui«construirel'inter¬

prétation»destextesécrits,et commentonpeutl'aider danscettetâche.

1. DÉFINITIONS DELALITTÉRATIE 1.1.Unconcept banal ?

Lepremier écueilconsisteici dans lagénéralitémêmeduconcept:dansson sens leplus simple,ilsedéfinit commelacapacitéàlireetàécrire. Déjàtrèsgéné¬

rale,lanotion semblesedissoudreencore enraisondesextensionsqu'onluidonne parfois:capacitéàcomprendrelatechnologie,laculture, lesmédias...IIexisterait ainsidifférentes«littératies»:pourletexte, lesarts visuels, lamusique, l'informa¬

tique....;àquoi s'ajouteraient des compétences spécifiques:«numeracy»(c'est- à-direcapacitéàutiliserdes donnéeschiffrées)«information literacy»:capacitéà extrairelesinformationsd'untexte....R.Pierre(1994,p.278)signalequ'aujourd'hui

«letermeliteracy désigneà lafoisundomained'étude recouvrantlesdifférentes dimensionsdel'écrit et ses rapportsavecl'oral,etunétat,aussi biensocial qu'indi¬

viduel,tel que letraduit Heath (1991)parl'expression :« acquiringthe sense of beingliterate»que nous définissons,pournotrepart,comme étantlerapport que l'on développe avecl'écrit». L'intérêtdecette définition estle lienqu'elle effectue entretroisdomaines souvent disjoints: leterrain despratiques sociales et des représentations, celuidusystèmede l'écrit,celuidesapprentissages.

Dans unsensplus restrictif, la littératie seconfondavec lacapacitéàcomprendre et àutiliser destextes présents dans l'environnement quotidien, comme lespan¬

neaux, lesenseignes de magasin oules plans de métro. Cescompétencesde base,quidéfinissentunelittératie«fonctionnelle»,peuventêtrerencontréeschez desindividus considéréscomme«illettrés»sil'onseréfèreaux normesetauxexi¬

gencesscolaires. D.Lancy(1994) signaleainsi ladisjonction entrecette définition minimaleetlescompétencesrequises par lalittératie scolaire. Celle-cise réfère à la

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compréhensionetàlaproductiondestextes écrits utilisésàl'école,textes qui se caractérisent souvent par une certaineformededécontextualisation. Le fossé entreconception étroite et largedela littératie sembleainsi, depremier abord, retrouverdesdichotomies différentes, familièresau lecteur français, dichotomies qui ne serecoupent que partiellement:écritsquotidiensvs nonquotidiens,«fonc¬

tionnels »vs « nonfonctionnels », écritsscolaires vsécrits non scolaires, écrits contextualisés vs écritsdécontextualisés... L'usage decesdichotomies semble laisserentendrequ'il existe unefrontière,séparantdes modesd'acculturationdiffé¬

rents. Sedébrouilleravecl'écritquotidien,dansunesociété donnée,représenterait unseuil minimal desurvie »), alorsquelacompréhension/ interprétation de textes complexes (commelestextes littéraires, oulestextes scientifiques) serait liéeauxexigencesd'une scolarisationlongue,maisaussi, sil'on prendencompte lesdifférentsaspects relevés plus hauts,àdescompétences culturellesdiversi¬

fiées, reposantsurdespratiquessocialeselles-mêmes hétérogènes. Le« rehaus¬

sementdesstandardsde la littératie»(Pierre, 1994),qui s'opère régulièrement dans nossociétés,tendcependantàmontrerlarelativitéduconcept de littératie fonctionnelle.IIresteque lanotion anglosaxonne de«littératie»définit de manière positive, lelongd'un continuum, ce quidanslechamp français estfréquemment évoqué négativement,àtraverslesreprésentations plusou moinsfantasmatiques quevéhiculeleconcept d'illettrisme.(2)

1.2. Uneassise anthropologique

Leconcept de littératiea d'aborduneassiseanthropologique: l'idéesous- jacenteà nombredetravauxtant historiquesqu'ethnographiques (Goody et Watt 1963, W. Ong, 1976,1982, Oison 1977, Havelock, 1982, Goody, 1979, 1986)est qu'il existeunlien entrel'apparitiondel'écritdans lessociétés, et denouveaux modesde penséeoude raisonnement:lalittératie nereprésente pas seulement uneévolutionculturelle, elleintroduitunerévolutioncognitive.GoodyetWatt(1963) mettenten rapportalphabétisme etnaissance du raisonnement syllogistique.

Goody(1979,1986)développel'idéequesilesnotions de preuveetdetémoignage existent bien dans lessociétés orales, l'écriture seule permet de lesformaliser.

W.Ong (1976,1982)étudieleschangementsintervenus entrelapenséemédiévale et lapenséedelaRenaissance: l'écritureetl'imprimerie permettent de passer d'une logique deladisputatioà une logiquedel'enquête.DansOralityandLiteracy:

Thetechnologizingoftheword,ilmontre enquoilemot estunoutilconceptuelnou¬

veau,liéà laconquêtedel'écrit. Demême, c'estbien lepassageparl'écriture qui permetdesegmenterdesunitéde l'oralcommelephonème:leconcept même de phonème,ditOison(1998),apartieliéeavecl'invention de l'alphabet.Goody(1979, p.251) insistesurle fait que l'écriturepermet« un processusd'accroissement cumulatifetsystématiquedusavoir».

Cependant,après lamiseenavantdesspécificités dela«raisongraphique»,

appuyéeimplicitementouexplicitementsurlesthéoriesdu«grand partage» (3), vientl'èredes remisesencauses. ScribneretCole(1981),étudiantlapopulationVai du Libéria, veulentéprouver l'hypothèse selon laquellel'accèsà uncode écrit modifielaperceptionqu'un sujetpeutavoir des formes linguistiques, despho¬

nèmes, des mots, des phrases, et même de l'argumentation.Or, en ce qui concernelemaniementdessyllogismes,ils'avèrequelavariablepertinenteestla compréhensionetàlaproductiondestextes écrits utilisésàl'école,textes qui se caractérisent souvent par une certaineformededécontextualisation. Le fossé entreconception étroite et largedela littératie sembleainsi, depremier abord, retrouverdesdichotomies différentes, familièresau lecteur français, dichotomies qui ne serecoupent que partiellement:écritsquotidiensvs nonquotidiens,«fonc¬

tionnels »vs « nonfonctionnels », écritsscolaires vsécrits non scolaires, écrits contextualisés vs écritsdécontextualisés... L'usage decesdichotomies semble laisserentendrequ'il existe unefrontière,séparantdes modesd'acculturationdiffé¬

rents. Sedébrouilleravecl'écritquotidien,dansunesociété donnée,représenterait unseuil minimal desurvie »), alorsquelacompréhension/ interprétation de textes complexes (commelestextes littéraires, oulestextes scientifiques) serait liéeauxexigencesd'une scolarisationlongue,maisaussi, sil'on prendencompte lesdifférentsaspects relevés plus hauts,àdescompétences culturellesdiversi¬

fiées, reposantsurdespratiquessocialeselles-mêmes hétérogènes. Le« rehaus¬

sementdesstandardsde la littératie»(Pierre, 1994),qui s'opère régulièrement dans nossociétés,tendcependantàmontrerlarelativitéduconcept de littératie fonctionnelle.IIresteque lanotion anglosaxonne de«littératie»définit de manière positive, lelongd'un continuum, ce quidanslechamp français estfréquemment évoqué négativement,àtraverslesreprésentations plusou moinsfantasmatiques quevéhiculeleconcept d'illettrisme.(2)

1.2. Uneassise anthropologique

Leconcept de littératiea d'aborduneassiseanthropologique: l'idéesous- jacenteà nombredetravauxtant historiquesqu'ethnographiques (Goody et Watt 1963, W. Ong, 1976,1982, Oison 1977, Havelock, 1982, Goody, 1979, 1986)est qu'il existeunlien entrel'apparitiondel'écritdans lessociétés, et denouveaux modesde penséeoude raisonnement:lalittératie nereprésente pas seulement uneévolutionculturelle, elleintroduitunerévolutioncognitive.GoodyetWatt(1963) mettenten rapportalphabétisme etnaissance du raisonnement syllogistique.

Goody(1979,1986)développel'idéequesilesnotions de preuveetdetémoignage existent bien dans lessociétés orales, l'écriture seule permet de lesformaliser.

W.Ong (1976,1982)étudieleschangementsintervenus entrelapenséemédiévale et lapenséedelaRenaissance: l'écritureetl'imprimerie permettent de passer d'une logique deladisputatioà une logiquedel'enquête.DansOralityandLiteracy:

Thetechnologizingoftheword,ilmontre enquoilemot estunoutilconceptuelnou¬

veau,liéà laconquêtedel'écrit. Demême, c'estbien lepassageparl'écriture qui permetdesegmenterdesunitéde l'oralcommelephonème:leconcept même de phonème,ditOison(1998),apartieliéeavecl'invention de l'alphabet.Goody(1979, p.251) insistesurle fait que l'écriturepermet« un processusd'accroissement cumulatifetsystématiquedusavoir».

Cependant,après lamiseenavantdesspécificités dela«raisongraphique»,

appuyéeimplicitementouexplicitementsurlesthéoriesdu«grand partage» (3), vientl'èredes remisesencauses. ScribneretCole(1981),étudiantlapopulationVai du Libéria, veulentéprouver l'hypothèse selon laquellel'accèsà uncode écrit modifielaperceptionqu'un sujetpeutavoir des formes linguistiques, despho¬

nèmes, des mots, des phrases, et même de l'argumentation.Or, en ce qui concernelemaniementdessyllogismes,ils'avèrequelavariablepertinenteestla

(4)

REPÈRES N°19/1999 F.GROSSMANN

scolarisation,et nonlamaitrisede l'écrit:lessujets alphabétisésmaisnon scolari¬

sésrefusentlesprémissesde syllogismes quineleursemblentpasempiriquement vraies. Cen'est donc pas l'écriturequi,entantquetelle,favoriseledéveloppement du raisonnement logique, mais bien lascolarisation, encequ'elle permet dese poser des problèmes.. .d'école.

Oison(1998),sansrenonceràl'idéequelaculture écritedonne formeàlapen¬

sée, nuancelesthèsesdichotomiquesopposant lessociétés sansécriture aux sociétés avec écriture.Demanièreplusradicale,B.V.Street(1984, 1993), àtravers uneséried'études ethnographiquesdansdiverses sociétés, metencausecequ'il nommelemodèle«autonome»,quiprétendétudierlalittératiecommelefruitd'un développementtechnologique indépendant, sansprendre encomptelefaitqu'elle estliéeinextricablement aux structures culturelles,maisaussiauxformes dedomi¬

nationetdepouvoir dansunesociétédonnée.Danscette perspective,l'écrit, dans unesociété,n'estqu'unélémentparmid'autres dispositifs complexes, dansles¬

quels il s'intègre pour acquérir desfonctions et des usages à chaque fois différents:ilfaut prendreencompte,nonpas«la»littératie,mais ladiversité«des»

littératies.Commelesouligne Kleiman(1998),lespratiquesd'acculturationàl'écrit sont liées auxcaractéristiquessocialesetculturelles des institutions dansles¬

quelles ellessont acquises:famille,école,église,entreprises... Aladifférencedu modèle autonome, le modèledit«idéologique »neprésupposepasunerelation causale entredéveloppement delalittératieet cognition,entrelittératieetprogrès économiqueousocial.

1.3.Conclusion:une

notion

floue

offrant

uncadrepluridisciplinaire Ces remisesencauseneconduisent pasàrenonceràl'idéeque lessociétés dans lesquelles est apparul'écrit ontquelquechoseencommun,et que la ou leslit¬

tératies sontaumoinsliéesàdesusages,certesdivers,maismettanttoutesenjeu lestatutcognitif et social de l'écrit.Leconceptde littératiea leméritedebousculer des frontièrestrop communémentadmises,parce qu'elles correspondent souvent à despartages institutionnels entrecognitifet culturel, mais aussidisciplinaires, entrepsychologie,anthropologieetlinguistique. IIa, enoutre, l'intérêtde ne pas entérinerapriorileclivage entre«textes ordinaires»et«textes extra-ordinaires»(4) (parexemplelittéraires), enpostulant l'existenced'une compétencelarge,progres¬

sivement acquise, quisefonderait surdespratiques diversifiées.Ainsiquelesouli¬

gnent Chiss et Marquillo (1998, pp. 76-77) « avec le conceptde« literacy» se constitue (...)uncadre de pensée pour envisagernonseulementlespratiques mais aussi lesreprésentationsdominantesdel'écrit danslesdifférentessociétés- etce dansuneperspectivepossiblement contrastive.»

2. LESDIRECTIONSDERECHERCHE 2.1. La

notion

de

littératie

émergente

Bienque l'expressionde«littératieémergente»emergentliteracy»)soitpar¬

foisutiliséepour désignerl'entréedansl'écritd'adultes,elleest généralementréser¬

véeauxprocessusd'acculturation àl'écritdelaprimeenfance. Unconsensusse dessineautour de quelquespoints: lalittératieémergenteprécède l'enseignement

REPÈRES N°19/1999 F.GROSSMANN

scolarisation,et nonlamaitrisede l'écrit:lessujets alphabétisésmaisnon scolari¬

sésrefusentlesprémissesde syllogismes quineleursemblentpasempiriquement vraies. Cen'est donc pas l'écriturequi,entantquetelle,favoriseledéveloppement du raisonnement logique, mais bien lascolarisation, encequ'elle permet dese poser des problèmes.. .d'école.

Oison(1998),sansrenonceràl'idéequelaculture écritedonne formeàlapen¬

sée, nuancelesthèsesdichotomiquesopposant lessociétés sansécriture aux sociétés avec écriture.Demanièreplusradicale,B.V.Street(1984, 1993), àtravers uneséried'études ethnographiquesdansdiverses sociétés, metencausecequ'il nommelemodèle«autonome»,quiprétendétudierlalittératiecommelefruitd'un développementtechnologique indépendant, sansprendre encomptelefaitqu'elle estliéeinextricablement aux structures culturelles,maisaussiauxformes dedomi¬

nationetdepouvoir dansunesociétédonnée.Danscette perspective,l'écrit, dans unesociété,n'estqu'unélémentparmid'autres dispositifs complexes, dansles¬

quels il s'intègre pour acquérir desfonctions et des usages à chaque fois différents:ilfaut prendreencompte,nonpas«la»littératie,mais ladiversité«des»

littératies.Commelesouligne Kleiman(1998),lespratiquesd'acculturationàl'écrit sont liées auxcaractéristiquessocialesetculturelles des institutions dansles¬

quelles ellessont acquises:famille,école,église,entreprises... Aladifférencedu modèle autonome, le modèledit«idéologique »neprésupposepasunerelation causale entredéveloppement delalittératieet cognition,entrelittératieetprogrès économiqueousocial.

1.3.Conclusion:une

notion

floue

offrant

uncadrepluridisciplinaire Ces remisesencauseneconduisent pasàrenonceràl'idéeque lessociétés dans lesquelles est apparul'écrit ontquelquechoseencommun,et que la ou leslit¬

tératies sontaumoinsliéesàdesusages,certesdivers,maismettanttoutesenjeu lestatutcognitif et social de l'écrit.Leconceptde littératiea leméritedebousculer des frontièrestrop communémentadmises,parce qu'elles correspondent souvent à despartages institutionnels entrecognitifet culturel, mais aussidisciplinaires, entrepsychologie,anthropologieetlinguistique. IIa, enoutre, l'intérêtde ne pas entérinerapriorileclivage entre«textes ordinaires»et«textes extra-ordinaires»(4) (parexemplelittéraires), enpostulant l'existenced'une compétencelarge,progres¬

sivement acquise, quisefonderait surdespratiques diversifiées.Ainsiquelesouli¬

gnent Chiss et Marquillo (1998, pp. 76-77) « avec le conceptde« literacy» se constitue (...)uncadre de pensée pour envisagernonseulementlespratiques mais aussi lesreprésentationsdominantesdel'écrit danslesdifférentessociétés- etce dansuneperspectivepossiblement contrastive.»

2. LESDIRECTIONSDERECHERCHE 2.1. La

notion

de

littératie

émergente

Bienque l'expressionde«littératieémergente»emergentliteracy»)soitpar¬

foisutiliséepour désignerl'entréedansl'écritd'adultes,elleest généralementréser¬

véeauxprocessusd'acculturation àl'écritdelaprimeenfance. Unconsensusse dessineautour de quelquespoints: lalittératieémergenteprécède l'enseignement

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formeldelalecture;elleembrasselesapprentissagesde lalectureetdel'écriture pré-scolaires ; ellese développedemanièreautonome aussi bien que sousla conduited'adultes, en milieu familialcommedans les institutionsde lapetite enfance. Enfin,elle estcenséefaciliterl'acquisition decompétencesspécifiquesà la lecture/écriture.Cescompétencessontelles-mêmestrèsvariées:ellesconcernent lesconventionsde l'écrit,laspécificitédulangageécritparrapportàl'oral,lafamilia¬

ritéavec lesfonctionsde l'écrit, laconsciencephonologique. Outre ces compé¬

tencesetcessavoirs-faire,elle prendencompte également des représentationset des attitudes, commel'intérêt pourl'écritetsessupports.Troisaspectsont parti¬

culièrementretenul'attention deschercheurs:laconsciencephonologique,consi¬

dérée commeun bon prédicteurdelacapacitéà lire, quiest devenue, dans le champ psycho-linguistique,un terraind'investigationquasiautonome(aupoint que l'on oublie parfois de la resituerdanslecontexte plus généralde lalittératie); les

«écrituresinventées»,quitémoignentde lacapacitédujeune enfantàentrerdans l'écritàtraverssespropresprocéduresdedécouvertes; lalectured'histoires lues aux enfants, dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler les « lectures partagées ». C'est cet aspect, peut-être moins connu danslechampfrançais et davantageenrelationavec laproblématiquedunuméro, queje développeraiici.

2.2. Les lectures

partagées

Lalectured'histoires est, depuislongtemps,unterrainderecherchefécond (Sulzby&Teale, 1991).Lelangageetl'interactionentre unenfantetunparent(ouun frère plus âgé)durantlesexpériencesdelecture partagéeaidentà lafoisàdévelop¬

perlescompétences langagières, àfamiliariser l'enfant avec lesconventionsde l'écrit,àservir demodèlepour l'actedelire. L'utilisationfréquented'albums dans nossociétésaconduit certainschercheursàproposerunmodèledéveloppemental dela littératie,fondé surles interactions entre letexte écrit et l'image. Lejeune enfant,aucoursdelalectured'albums, réagiraitd'abord verbalement aux images isolées, puisseraitenmesurede construire lerécitàpartirdelasuccession des images. Aucoursdu dialogue avecl'adulte, s'identifiantavec unpersonnage, illui inventeune«voix»etlefait parler;ildevientaussi progressivementcapable de développer une séquence monologaleen utilisant l'intonation particulière du

« raconteurd'histoire»(Sulzby, 1985,p. 468). Dans ledernierstade, c'estletexte écritquidevientdécisif:l'enfant peutrefuserdeformulerdeshypothèses de lecture, en arguantqu'il nesait paslire. II peutaussi s'appuyersurlesmots écrits qu'il reconnaît. Malgrésaplausibilité psychologique, onpeutnoter que cemodèle qui conduit d'une lecture«dirigéeparl'image»picture governed»)àunelecture«diri¬

géeparl'écrit»printgoverned »)ignore lacomplexité sémiologique de l'album, qui ne peut êtreconsidérécommeunesimplepropédeutiqueautexteécrit. Lalec¬

tured'album développedescompétences spécifiques,quiméritentd'être étudiées entantquetelles, mêmesi,auplan didactique, laquestionde lacompréhensionde récits nonimagés mériteégalement attention: l'écoutede récits sanssupports d'image,étant donnélescapacitésattentionnellesqu'ellerequiert,peut fairel'objet d'untravailprécoce, lesenfants s'habituantàentendreprogressivementdesrécits plus longs et pluscomplexes(Grossmann,1996).

formeldelalecture;elleembrasselesapprentissagesde lalectureetdel'écriture pré-scolaires ; ellese développedemanièreautonome aussi bien que sousla conduited'adultes, en milieu familialcommedans les institutionsde lapetite enfance. Enfin,elle estcenséefaciliterl'acquisition decompétencesspécifiquesà la lecture/écriture.Cescompétencessontelles-mêmestrèsvariées:ellesconcernent lesconventionsde l'écrit,laspécificitédulangageécritparrapportàl'oral,lafamilia¬

ritéavec lesfonctionsde l'écrit, laconsciencephonologique. Outre ces compé¬

tencesetcessavoirs-faire,elle prendencompte également des représentationset des attitudes, commel'intérêt pourl'écritetsessupports.Troisaspectsont parti¬

culièrementretenul'attention deschercheurs:laconsciencephonologique,consi¬

dérée commeun bon prédicteurdelacapacitéà lire, quiest devenue, dans le champ psycho-linguistique,un terraind'investigationquasiautonome(aupoint que l'on oublie parfois de la resituerdanslecontexte plus généralde lalittératie); les

«écrituresinventées»,quitémoignentde lacapacitédujeune enfantàentrerdans l'écritàtraverssespropresprocéduresdedécouvertes; lalectured'histoires lues aux enfants, dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler les « lectures partagées ». C'est cet aspect, peut-être moins connu danslechampfrançais et davantageenrelationavec laproblématiquedunuméro, queje développeraiici.

2.2. Les lectures

partagées

Lalectured'histoires est, depuislongtemps,unterrainderecherchefécond (Sulzby&Teale, 1991).Lelangageetl'interactionentre unenfantetunparent(ouun frère plus âgé)durantlesexpériencesdelecture partagéeaidentà lafoisàdévelop¬

perlescompétences langagières, àfamiliariser l'enfant avec lesconventionsde l'écrit,àservir demodèlepour l'actedelire. L'utilisationfréquented'albums dans nossociétésaconduit certainschercheursàproposerunmodèledéveloppemental dela littératie,fondé surles interactions entre letexte écrit et l'image. Lejeune enfant,aucoursdelalectured'albums, réagiraitd'abord verbalement aux images isolées, puisseraitenmesurede construire lerécitàpartirdelasuccession des images. Aucoursdu dialogue avecl'adulte, s'identifiantavec unpersonnage, illui inventeune«voix»etlefait parler;ildevientaussi progressivementcapable de développer une séquence monologaleen utilisant l'intonation particulière du

« raconteurd'histoire»(Sulzby, 1985,p. 468). Dans ledernierstade, c'estletexte écritquidevientdécisif:l'enfant peutrefuserdeformulerdeshypothèses de lecture, en arguantqu'il nesait paslire. II peutaussi s'appuyersurlesmots écrits qu'il reconnaît. Malgrésaplausibilité psychologique, onpeutnoter que cemodèle qui conduit d'une lecture«dirigéeparl'image»picture governed»)àunelecture«diri¬

géeparl'écrit»printgoverned »)ignore lacomplexité sémiologique de l'album, qui ne peut êtreconsidérécommeunesimplepropédeutiqueautexteécrit. Lalec¬

tured'album développedescompétences spécifiques,quiméritentd'être étudiées entantquetelles, mêmesi,auplan didactique, laquestionde lacompréhensionde récits nonimagés mériteégalement attention: l'écoutede récits sanssupports d'image,étant donnélescapacitésattentionnellesqu'ellerequiert,peut fairel'objet d'untravailprécoce, lesenfants s'habituantàentendreprogressivementdesrécits plus longs et pluscomplexes(Grossmann,1996).

(6)

REPÈRES N°19/1999 F.GROSSMANN

2.2.1. Lecadre de l'interaction

Commeleremarquent Gunnetal.(1996) dansleursynthèse,silarecherche resteactiveencedomaine, les méthodesd'investigationet lesobjetsd'enquêteont évolué:laméthodologie est devenue descriptive(avecdesméthodesquianalysent le langage et les interactions), les méthodesexpérimentales étantutiliséescomplé- mentairement.Alorsquebeaucoupdespremièresrecherches secentraientsurles lecturesenfaceàface,ouavec un petit nombre,correspondantàlasituationtypique delalecturefamiliale,desrecherches nouvellesontétudié lesdifférencesentrelec¬

tures familiales et lectures scolaires. Mason etAllen (1986) soulignentlefaitque, davantagequelaprésencedusupportdelectureouletempsde l'histoire, c'estla qualitéet laquantité des interactionsquimodèlentlespremiersdéveloppementsde lalecture. La manièredontlesadultes médiatisentleshistoires luessont variées. Les parentsdontlesenfantslisentprécocementnese contententpas deliredes livres:ils aidentlesenfantsàrelier lesinformations, ils endiscutentlecontenu,etleurfontfaire desinferences.Dickinson etSmith(1994),analysantlespratiquesdelecture d'his¬

toire danslecadredeprogrammeséducatifsdestinésàdesenfantsissusdemilieux défavorisés,distinguenttrois stylesprincipaux utilisés par les maitres:danslestyle co-constructif, leséchangesverbauxsonttrèsnombreuxdurant lalecture, lesens étantconstruit conjointement parl'adulteetparlesenfants;danslestyledidactique, l'adulte oriente beaucoup plus précisémentl'échange;lesenfants sontconduitsà rappeler des énoncés dutexteluouàrépondreàdesquestions, lebutessentielétant de maintenirleurattentionetde faciliterleurcompréhensionaufuretàmesure de la lecture ;dans letroisième style, orienté vers lareprésentation performance- orientedbookreading»),l'adulteprivilégie ladiscussionaprès l'histoire (pourparler des personnages, évaluer les événementsou les comportements)ou, assez rare¬

ment, interromptlalecturepourencourager lesenfants àformulerdeshypothèses.

Cettetypologierecoupe partiellement cellesd'autres chercheurs(voirMartinez

& Teale, 1993, Grossmann, 1994, 1996): elledoitcependantêtre relativisée(les maitres passantd'unstyle àl'autreenfonctiondeslivreslusetdesobjectifspoursui¬

vis);lestyle«orienté vers la représentation»se révéleraitplusproductifque lestyle didactiqueencequiconcerne l'accroissementduvocabulaire et ledéveloppement langagier,d'autant qu'ilestassociégénéralementàunchoixdelivresplusintéressant du point devue narratif et lexical.

2.2.2.La

prise

en

compte

des

déterminismes sociaux

Les recherches ont égalementmieuxcerné lepoids des déterminismes sociaux:cen'estpas lestatut économiqueetsocialquiestdéterminantentantque tel, maisplutôt d'autres facteurs quiluisontsouvent associés:parexemple, lagui¬

dance dans l'interaction,l'attitudeenversl'éducation,lesaspirations desparents pourleur l'enfant,lesconversationsàlamaison,lessupports delectureà lamaison etlesactivités culturelles. Payne etal.(1994)ontétudiélesrelationsentrel'environ¬

nementscriptural familial (home literacy environment)et lesperformanceslinguis¬

tiques de 324 enfants de5ans. La notiond'environnement scriptural est définieà partir de critères trèsvariés(lafréquencedeslectures partagées autourd'albums, l'âgeàpartirduquel ont démarréceslectures, leur durée durantlajournée, le nombred'albumsà lamaison,lafréquentationdes bibliothèques, l'intérêtdeceux quis'occupent de l'enfant pourla lecture...).Lesrésultats,davantage quedans des

REPÈRES N°19/1999 F.GROSSMANN

2.2.1. Lecadre de l'interaction

Commeleremarquent Gunnetal.(1996) dansleursynthèse,silarecherche resteactiveencedomaine, les méthodesd'investigationet lesobjetsd'enquêteont évolué:laméthodologie est devenue descriptive(avecdesméthodesquianalysent le langage et les interactions), les méthodesexpérimentales étantutiliséescomplé- mentairement.Alorsquebeaucoupdespremièresrecherches secentraientsurles lecturesenfaceàface,ouavec un petit nombre,correspondantàlasituationtypique delalecturefamiliale,desrecherches nouvellesontétudié lesdifférencesentrelec¬

tures familiales et lectures scolaires. Mason etAllen (1986) soulignentlefaitque, davantagequelaprésencedusupportdelectureouletempsde l'histoire, c'estla qualitéet laquantité des interactionsquimodèlentlespremiersdéveloppementsde lalecture. La manièredontlesadultes médiatisentleshistoires luessont variées. Les parentsdontlesenfantslisentprécocementnese contententpas deliredes livres:ils aidentlesenfantsàrelier lesinformations, ils endiscutentlecontenu,etleurfontfaire desinferences.Dickinson etSmith(1994),analysantlespratiquesdelecture d'his¬

toire danslecadredeprogrammeséducatifsdestinésàdesenfantsissusdemilieux défavorisés,distinguenttrois stylesprincipaux utilisés par les maitres:danslestyle co-constructif, leséchangesverbauxsonttrèsnombreuxdurant lalecture, lesens étantconstruit conjointement parl'adulteetparlesenfants;danslestyledidactique, l'adulte oriente beaucoup plus précisémentl'échange;lesenfants sontconduitsà rappeler des énoncés dutexteluouàrépondreàdesquestions, lebutessentielétant de maintenirleurattentionetde faciliterleurcompréhensionaufuretàmesure de la lecture ;dans letroisième style, orienté vers lareprésentation performance- orientedbookreading»),l'adulteprivilégie ladiscussionaprès l'histoire (pourparler des personnages, évaluer les événementsou les comportements)ou, assez rare¬

ment, interromptlalecturepourencourager lesenfants àformulerdeshypothèses.

Cettetypologierecoupe partiellement cellesd'autres chercheurs(voirMartinez

& Teale, 1993, Grossmann, 1994, 1996): elledoitcependantêtre relativisée(les maitres passantd'unstyle àl'autreenfonctiondeslivreslusetdesobjectifspoursui¬

vis);lestyle«orienté vers la représentation»se révéleraitplusproductifque lestyle didactiqueencequiconcerne l'accroissementduvocabulaire et ledéveloppement langagier,d'autant qu'ilestassociégénéralementàunchoixdelivresplusintéressant du point devue narratif et lexical.

2.2.2.La

prise

en

compte

des

déterminismes sociaux

Les recherches ont égalementmieuxcerné lepoids des déterminismes sociaux:cen'estpas lestatut économiqueetsocialquiestdéterminantentantque tel, maisplutôt d'autres facteurs quiluisontsouvent associés:parexemple, lagui¬

dance dans l'interaction,l'attitudeenversl'éducation,lesaspirations desparents pourleur l'enfant,lesconversationsàlamaison,lessupports delectureà lamaison etlesactivités culturelles. Payne etal.(1994)ontétudiélesrelationsentrel'environ¬

nementscriptural familial (home literacy environment)et lesperformanceslinguis¬

tiques de 324 enfants de5ans. La notiond'environnement scriptural est définieà partir de critères trèsvariés(lafréquencedeslectures partagées autourd'albums, l'âgeàpartirduquel ont démarréceslectures, leur durée durantlajournée, le nombred'albumsà lamaison,lafréquentationdes bibliothèques, l'intérêtdeceux quis'occupent de l'enfant pourla lecture...).Lesrésultats,davantage quedans des

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recherchesprécédentes,montrentunerelationforteentrecapacités langagières et environnementscriptural :cettedifférences'explique justement parlavariété des critèresretenus. Demonpointdevue,ellesvalident égalementlathèsedéfendue plus haut du«langageétendu»associé à laculturedel'écrit.

2.3.Les

programmes

de «

littératie familiale

»

IIestintéressant, àcetégard, de noter lesorientations danslesdifférentspro¬

grammes de« littératiefamiliale»quisesont succédésaux États-Unis.Auerbach

(1997)distinguetroisconceptionspossibles:dans un premiertemps (intervention prevention approach),les programmesontvisé àcompenserlesproblèmes ren¬

contréspar lesenfantsenrépandantdanslesfamilleslesprincipes censés améliorer leurs compétences.L'idée étaitde rompre le«cycle intergénérationnel de l'illet¬

trisme»,les parentsétanttenus pour responsablesdesdifficultés rencontrées par leursenfants. Danscertainscas,lesparentssesontvusconfierdumatériel permet¬

tant d'effectuer des exercices de typescolaireà la maison. Dansd'autres, parentset enfants étaientencouragésàlire ensemble.

Dans undeuxièmetemps(multipleliteracies approach), lesprogrammesont prisactede ladiversité des pratiquesautour del'écrit,révéléesparlesenquêtes ethnographiques:desrecherchesdetypesethnographiques(Taylor, 1983, Heath

1983)ontcomparélerapportàl'écritdansdifférentescommunautés.Ilsont montré quedanscertains milieuxconsidérés comme défavorisés,larelationàl'écritpou¬

vaitserévélerextrêmementriche. D'autresrecherchesontmontré également que desparents peucultivés,utilisantpeul'écrit,pouvaient néanmoinsfavoriseractive¬

mentl'acquisition del'écritchezleursenfants.Contrairementàuneidéerépandue, cesparentséprouventsouvent de l'intérêtpourlaculture écrite, etachètent des livres oudesjournauxàleursenfants.Lesdifficultés ontétéanalyséescommerele¬

vantdudécalage entrepratiquesfamilialesetpratiques scolaires. On acherché alorsàprendredavantage en compte les pratiques culturelles des familles, par exempleens'appuyant sur des outils permettantlelienentrefamille etécoletra¬

vers desjournaux deliaison,l'entréeàl'école delivres oud'écritsdutype de ceux existantdans lesfamilles...).

Enfin, ledernier modèle (socialchangeapproach) partdel'idée quelarelation famille-école représenteuncadretropétroitpourtraiterlaquestionde l'accultura¬

tionàl'écrit.Onretrouve ici le courantcritique, illustré parexempleau Brésilpar

P.Freire(voirKleiman, 1998),etquidéveloppel'idéequeledéveloppement delalit¬

tératievadepair avecl'éveildelaconsciencepolitiqueetsociale.Lesprogrammes visentalorsàinclurelaquestiondespratiquesde lecturedans des pratiques de communication plus larges, liéesauxproblèmes et aux préoccupation d'une communautéoud'un groupe social.Danslemême ordred'idée, lesrecherchesde Snowetal(1991)etdeAnderson,WilsonetFielding(1988),tendentàprouverqu'il existeune corrélationentrel'implication des parents dans desactivités sociales, culturellesoupolitiqueset lescompétencesenlecturede leursenfant.L'explication qu'onpeut en donner,banalemaisnondénuéed'intérêt, est que cesactivitésnour¬

rissentdesdiscussions intéressantesentre lesgénérations,et que desdiscussions sur des sujetsdiversifiésontuneffetbénéfique à longterme surl'intérêt pourlalec¬

tureetlacompréhensiondetextes.

recherchesprécédentes,montrentunerelationforteentrecapacités langagières et environnementscriptural :cettedifférences'explique justement parlavariété des critèresretenus. Demonpointdevue,ellesvalident égalementlathèsedéfendue plus haut du«langageétendu»associé à laculturedel'écrit.

2.3.Les

programmes

de «

littératie familiale

»

IIestintéressant, àcetégard, de noter lesorientations danslesdifférentspro¬

grammes de« littératiefamiliale»quisesont succédésaux États-Unis.Auerbach

(1997)distinguetroisconceptionspossibles:dans un premiertemps (intervention prevention approach),les programmesontvisé àcompenserlesproblèmes ren¬

contréspar lesenfantsenrépandantdanslesfamilleslesprincipes censés améliorer leurs compétences.L'idée étaitde rompre le«cycle intergénérationnel de l'illet¬

trisme»,les parentsétanttenus pour responsablesdesdifficultés rencontrées par leursenfants. Danscertainscas,lesparentssesontvusconfierdumatériel permet¬

tant d'effectuer des exercices de typescolaireà la maison. Dansd'autres, parentset enfants étaientencouragésàlire ensemble.

Dans undeuxièmetemps(multipleliteracies approach), lesprogrammesont prisactede ladiversité des pratiquesautour del'écrit,révéléesparlesenquêtes ethnographiques:desrecherchesdetypesethnographiques(Taylor, 1983, Heath

1983)ontcomparélerapportàl'écritdansdifférentescommunautés.Ilsont montré quedanscertains milieuxconsidérés comme défavorisés,larelationàl'écritpou¬

vaitserévélerextrêmementriche. D'autresrecherchesontmontré également que desparents peucultivés,utilisantpeul'écrit,pouvaient néanmoinsfavoriseractive¬

mentl'acquisition del'écritchezleursenfants.Contrairementàuneidéerépandue, cesparentséprouventsouvent de l'intérêtpourlaculture écrite, etachètent des livres oudesjournauxàleursenfants.Lesdifficultés ontétéanalyséescommerele¬

vantdudécalage entrepratiquesfamilialesetpratiques scolaires. On acherché alorsàprendredavantage en compte les pratiques culturelles des familles, par exempleens'appuyant sur des outils permettantlelienentrefamille etécoletra¬

vers desjournaux deliaison,l'entréeàl'école delivres oud'écritsdutype de ceux existantdans lesfamilles...).

Enfin, ledernier modèle (socialchangeapproach) partdel'idée quelarelation famille-école représenteuncadretropétroitpourtraiterlaquestionde l'accultura¬

tionàl'écrit.Onretrouve ici le courantcritique, illustré parexempleau Brésilpar

P.Freire(voirKleiman, 1998),etquidéveloppel'idéequeledéveloppement delalit¬

tératievadepair avecl'éveildelaconsciencepolitiqueetsociale.Lesprogrammes visentalorsàinclurelaquestiondespratiquesde lecturedans des pratiques de communication plus larges, liéesauxproblèmes et aux préoccupation d'une communautéoud'un groupe social.Danslemême ordred'idée, lesrecherchesde Snowetal(1991)etdeAnderson,WilsonetFielding(1988),tendentàprouverqu'il existeune corrélationentrel'implication des parents dans desactivités sociales, culturellesoupolitiqueset lescompétencesenlecturede leursenfant.L'explication qu'onpeut en donner,banalemaisnondénuéed'intérêt, est que cesactivitésnour¬

rissentdesdiscussions intéressantesentre lesgénérations,et que desdiscussions sur des sujetsdiversifiésontuneffetbénéfique à longterme surl'intérêt pourlalec¬

tureetlacompréhensiondetextes.

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REPÈRES19/1999 F.GROSSMANN

3. LEDÉVELOPPEMENTDELALITTÉRATIE

Leconceptdelittératie permet d'articuler, on l'adit, lesaspectssociauxet culturels auxaspects developpementaux.IImesemblecependant qu'uneclarifica¬

tion est nécessaire surlamanièredont peut se fairecette articulation:j'opposerai decepoint de vuelesmodèles continuisteset les modèles deladiscontinuité.

3.1.Lesmodèles

continuistes

Pourlesmodèles continuistes,cequidonneson unité à la littératiec'estlefait qu'elle poursuitunprojetde développementglobaldel'êtrehumain,inscritdansla réalitéculturelle:dans unenvironnement« littératie» commecelui dessociétés occidentales, l'émergence des capacitésàlireetàécrires'effectue «naturelle¬

ment»,grâceauxinteractions avecdesadultescompétentsainsiqu'avecdes pairs, toutcommelacapacitéàparier(le lire/écrireétant d'ailleurs explicitementpensé comme un prolongement delaparole); lerôle de l'institution scolaireest alors d'accompagner cetteémergence, et de l'aider, encréant unenvironnementscrip¬

tural suffisammentriche (C.B. Smith,1989),compensantsinécessaire lesinégalités culturelles;lesenseignantsetautres médiateurssont essentiellementlàpour guider l'enfant, etl'aideràs'orienter dansle«mondedel'écrit »,demanière àl'aiderà découvrir son fonctionnement.Dans cetteperspective, écritureetlecturesontper¬

çuescomme étroitementliées,et en interaction.

Surleplanpédagogique,cette conceptionasouvent partieliéeaveclemouve¬

ment du«whole language»(K.Goodman, 1989),quipréconiseunapprentissagede lalecturemettantaucentrelacommunicationetlasignification,àpartirdetextes complets;surleplanpsycholinguistique,ellen'estpas sans parente nonplusavec lesconceptions constructivistesde lapsychologie génétique: l'enfantajustepro¬

gressivementsesreprésentationsaufuretàmesuredeses rencontresetdeses expériences avec l'écrit. D'où l'intérêt portéaux«écrituresinventées »(invented spelling, Richgels, 1986, 1995),et auxdifférentesformesnonconventionnellesqui précèdent l'apprentissage formel,et quitémoignent d'une maturationprogressive, quineva passans retoursenarrière,ou accélérations soudaines. Lessituations d'apprentissageprivilégiéessontcelles quiaccompagnent ou prolongentles situa¬

tions «naturelles» : par exemple, l'entrainement visantledéveloppement dela conscience phonologique estdécritcommepeuproductif s'il n'estpasinsérédans des situations « naturelles » comme celle de la lecture d'histoires (Sulzby et Teale,1991, McGee & Purcell, 1997).Enfin, ledéveloppementdusavoir lireestvu commecontinu et progressif(ilse poursuitbien au-delà delascolaritéprimaire).

Cette idée qu'«onn'a jamaisfinid'apprendreà lire»est aujourd'huitrèspopu¬

laire,et sansdoute pertinente. Lepointdevueselonlequell'apprentissagedu lire- écrirepeuts'effectuerquasi«naturellement»àpartirde lalectureaccompagnéede textes «complets » mesembleen revanche discutable pourunedouble raison.

Toutd'abord,ellesefonde surunecomparaisonsimpliste entrelestatutdel'écritet celuidu langageoral. Decepoint devue,lestravaux cités précédemment,notam¬

mentceux deW.OngetD.Oison, montrentbienquelaculture écriten'estpas un simple prolongement delaparole, encequ'elle se fondesuruneanalyse desuni¬

tésdelalangue orale(analysetoutàfaitinutilepourquin'apprendpas à lireou à

REPÈRES19/1999 F.GROSSMANN

3. LEDÉVELOPPEMENTDELALITTÉRATIE

Leconceptdelittératie permet d'articuler, on l'adit, lesaspectssociauxet culturels auxaspects developpementaux.IImesemblecependant qu'uneclarifica¬

tion est nécessaire surlamanièredont peut se fairecette articulation:j'opposerai decepoint de vuelesmodèles continuisteset les modèles deladiscontinuité.

3.1.Lesmodèles

continuistes

Pourlesmodèles continuistes,cequidonneson unité à la littératiec'estlefait qu'elle poursuitunprojetde développementglobaldel'êtrehumain,inscritdansla réalitéculturelle:dans unenvironnement« littératie» commecelui dessociétés occidentales, l'émergence des capacitésàlireetàécrires'effectue «naturelle¬

ment»,grâceauxinteractions avecdesadultescompétentsainsiqu'avecdes pairs, toutcommelacapacitéàparier(le lire/écrireétant d'ailleurs explicitementpensé comme un prolongement delaparole); lerôle de l'institution scolaireest alors d'accompagner cetteémergence, et de l'aider, encréant unenvironnementscrip¬

tural suffisammentriche (C.B. Smith,1989),compensantsinécessaire lesinégalités culturelles;lesenseignantsetautres médiateurssont essentiellementlàpour guider l'enfant, etl'aideràs'orienter dansle«mondedel'écrit »,demanière àl'aiderà découvrir son fonctionnement.Dans cetteperspective, écritureetlecturesontper¬

çuescomme étroitementliées,et en interaction.

Surleplanpédagogique,cette conceptionasouvent partieliéeaveclemouve¬

ment du«whole language»(K.Goodman, 1989),quipréconiseunapprentissagede lalecturemettantaucentrelacommunicationetlasignification,àpartirdetextes complets;surleplanpsycholinguistique,ellen'estpas sans parente nonplusavec lesconceptions constructivistesde lapsychologie génétique: l'enfantajustepro¬

gressivementsesreprésentationsaufuretàmesuredeses rencontresetdeses expériences avec l'écrit. D'où l'intérêt portéaux«écrituresinventées »(invented spelling, Richgels, 1986, 1995),et auxdifférentesformesnonconventionnellesqui précèdent l'apprentissage formel,et quitémoignent d'une maturationprogressive, quineva passans retoursenarrière,ou accélérations soudaines. Lessituations d'apprentissageprivilégiéessontcelles quiaccompagnent ou prolongentles situa¬

tions «naturelles» : par exemple, l'entrainement visantledéveloppement dela conscience phonologique estdécritcommepeuproductif s'il n'estpasinsérédans des situations « naturelles » comme celle de la lecture d'histoires (Sulzby et Teale,1991, McGee & Purcell, 1997).Enfin, ledéveloppementdusavoir lireestvu commecontinu et progressif(ilse poursuitbien au-delà delascolaritéprimaire).

Cette idée qu'«onn'a jamaisfinid'apprendreà lire»est aujourd'huitrèspopu¬

laire,et sansdoute pertinente. Lepointdevueselonlequell'apprentissagedu lire- écrirepeuts'effectuerquasi«naturellement»àpartirde lalectureaccompagnéede textes «complets » mesembleen revanche discutable pourunedouble raison.

Toutd'abord,ellesefonde surunecomparaisonsimpliste entrelestatutdel'écritet celuidu langageoral. Decepoint devue,lestravaux cités précédemment,notam¬

mentceux deW.OngetD.Oison, montrentbienquelaculture écriten'estpas un simple prolongement delaparole, encequ'elle se fondesuruneanalyse desuni¬

tésdelalangue orale(analysetoutàfaitinutilepourquin'apprendpas à lireou à

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écrire); lefait que l'écoleentreprennesystématiquementd'explorerles relations entrephonie etgraphie est unélément importantd'accélération du processus réflexifquis'engagechezl'apprentilecteur/scripteur.Deuxièmeraison,pluspara¬

doxale:unedémarche d'apprentissages'appuyant exclusivement surdestextes

«complets»,etfaisantl'impasse surl'apprentissagedescorrespondances,s'expose aurisquede perdre unebonne partiedecequifait l'intérêt des textes. Voulant apprendreàlire àpartirdelarges unitéssignificatives,on usebeaucoup d'énergieà sensibiliserlesenfantsauxélémentsducode(quel'onprétendnepasenseigner) plutôt que de s'occuperde ce qui seraitvraiment intéressant pourde telles unités:lescontenus thématiques,maisaussi larhétorique dudiscoursetdel'argu¬

mentation,breftoutce quipourrait concernerlacompréhension et l'interprétation.

Apprendreàmaitriserlesformesdiscursivesdelatextualité écrite peuts'effectuer trèstôt(bienavantdesavoirlireetécrire). IIest sansdoute déraisonnable devou¬

loir,enpermanence,fairetoutà lafois.

Cela neveut évidemmentpasdirequ'ilnefaille pas s'appuyer,dèsquepos¬

sible, et le plussouventpossible,surde «vrais»textes, ni que l'entrainementà l'anticipationne soitunecompétenceàdévelopper (surcepoint, voirlamiseau point récente de Goigoux,1998).En lamatière, lespositionsdogmatiquesnevalent rien : lalecturedetextes completsdonnesensàl'apprentissage, et permetde révélerlesacquis comme les lacunes. Prolongéeàl'excès, et non étayée de momentsd'analysedumatériaugraphique,elletourneàvide.Mieux vautdiscuter et raisonner à partir d'une histoire lue par l'adulte que de s'épuiser à faire

«construirelesens »d'untexte alorsque lesenfantsnemaitrisentpas le BABA.

3.2. Les modèles dela

discontinuité et

de la

rupture

Parrapportàcesmodèles impliquantunevisionholistique del'acquisitionet del'apprentissage, les modèles derupturepeuventsituerladiscontinuitéàdiffé¬

rentsniveaux:oral/écrit;apprentissageinformel/formel;cultures scolaires/non scolaires... Lelire-écriren'est pasdécritcommeuneactivité«naturelle»émergeant àpartird'un faisceau de compétencesquiconvergent harmonieusement.IIrepose sur desprises deconscience etdesexpériences qui peuvent parfoiss'opposer les unesauxautres. Onadmetaussidavantagequ'il existe desdécalages et desdécrochages.

Ainsi,iln'estpasditque,surleplandéveloppemental,lacapacitéàcomprendre lestexteset lacompréhensiondufonctionnementdu systèmegraphiqueaillentobli¬

gatoirementdepair.SelonPellegrinietGalda (1994,p.22),lescompétences delec¬

ture etd'écrituresedéveloppentdemanièreséparéedurantlapériode pré-scolaireet ledébutdel'école élémentaire, les relationsdevenant plus étroitesaucoursde la scolaritéprimaire. Les auteurs, se situantdans uncadrevygotskien, rappellent que l'écritureestd'abord utiliséecommeunsystèmeappartenantau premierordrede symbolisation(ilpermetdetranscrirelelangage parié);cen'est queplus tardquele faitd'écrire n'est plus seulementunsystèmedereprésentation graphique, mais accèdeausecond ordre de symbolisation, lesenfantsconsidérant letexteécrit entantque langage. Onpourraitdireque, dans lalecture, leprocessus inverse s'accomplit:lesenfantssontd'abordconfrontésauxtextesqu'onleurlit,laquestion ducode n'intervenant qu'au momentdel'apprentissage systématique.Cettevision écrire); lefait que l'écoleentreprennesystématiquementd'explorerles relations entrephonie etgraphie est unélément importantd'accélération du processus réflexifquis'engagechezl'apprentilecteur/scripteur.Deuxièmeraison,pluspara¬

doxale:unedémarche d'apprentissages'appuyant exclusivement surdestextes

«complets»,etfaisantl'impasse surl'apprentissagedescorrespondances,s'expose aurisquede perdre unebonne partiedecequifait l'intérêt des textes. Voulant apprendreàlire àpartirdelarges unitéssignificatives,on usebeaucoup d'énergieà sensibiliserlesenfantsauxélémentsducode(quel'onprétendnepasenseigner) plutôt que de s'occuperde ce qui seraitvraiment intéressant pourde telles unités:lescontenus thématiques,maisaussi larhétorique dudiscoursetdel'argu¬

mentation,breftoutce quipourrait concernerlacompréhension et l'interprétation.

Apprendreàmaitriserlesformesdiscursivesdelatextualité écrite peuts'effectuer trèstôt(bienavantdesavoirlireetécrire). IIest sansdoute déraisonnable devou¬

loir,enpermanence,fairetoutà lafois.

Cela neveut évidemmentpasdirequ'ilnefaille pas s'appuyer,dèsquepos¬

sible, et le plussouventpossible,surde «vrais»textes, ni que l'entrainementà l'anticipationne soitunecompétenceàdévelopper (surcepoint, voirlamiseau point récente de Goigoux,1998).En lamatière, lespositionsdogmatiquesnevalent rien : lalecturedetextes completsdonnesensàl'apprentissage, et permetde révélerlesacquis comme les lacunes. Prolongéeàl'excès, et non étayée de momentsd'analysedumatériaugraphique,elletourneàvide.Mieux vautdiscuter et raisonner à partir d'une histoire lue par l'adulte que de s'épuiser à faire

«construirelesens »d'untexte alorsque lesenfantsnemaitrisentpas le BABA.

3.2. Les modèles dela

discontinuité et

de la

rupture

Parrapportàcesmodèles impliquantunevisionholistique del'acquisitionet del'apprentissage, les modèles derupturepeuventsituerladiscontinuitéàdiffé¬

rentsniveaux:oral/écrit;apprentissageinformel/formel;cultures scolaires/non scolaires... Lelire-écriren'est pasdécritcommeuneactivité«naturelle»émergeant àpartird'un faisceau de compétencesquiconvergent harmonieusement.IIrepose sur desprises deconscience etdesexpériences qui peuvent parfoiss'opposer les unesauxautres. Onadmetaussidavantagequ'il existe desdécalages et desdécrochages.

Ainsi,iln'estpasditque,surleplandéveloppemental,lacapacitéàcomprendre lestexteset lacompréhensiondufonctionnementdu systèmegraphiqueaillentobli¬

gatoirementdepair.SelonPellegrinietGalda (1994,p.22),lescompétences delec¬

ture etd'écrituresedéveloppentdemanièreséparéedurantlapériode pré-scolaireet ledébutdel'école élémentaire, les relationsdevenant plus étroitesaucoursde la scolaritéprimaire. Les auteurs, se situantdans uncadrevygotskien, rappellent que l'écritureestd'abord utiliséecommeunsystèmeappartenantau premierordrede symbolisation(ilpermetdetranscrirelelangage parié);cen'est queplus tardquele faitd'écrire n'est plus seulementunsystèmedereprésentation graphique, mais accèdeausecond ordre de symbolisation, lesenfantsconsidérant letexteécrit entantque langage. Onpourraitdireque, dans lalecture, leprocessus inverse s'accomplit:lesenfantssontd'abordconfrontésauxtextesqu'onleurlit,laquestion ducode n'intervenant qu'au momentdel'apprentissage systématique.Cettevision

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