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SONATRACH : LA NOUVELLE FEUILLE DE ROUTE

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Academic year: 2022

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CHANGEMENTS À LA TÊTE DU SECTEUR DE L’ÉNERGIE

L

e chef de l’état vient de procéder à des changements à la tête du secteur de l’énergie. Raison principale : mettre fin dans les délais au déclin de la production et des réserves d’hydrocar- bures sans lesquelles la rente risque de se réduire en peau de chagrin. Les écrits dans la presse rapportent que le nouveau patron de Sonatrach est compétent et intègre, qu’il connaît bien le sous-sol algérien et donc a plus de chances d’inverser rapidement la tendance.

Mais si nos décideurs ont choisi un technicien intègre et compétent, qu’on lui laisse les coudées franches, c’est que nos gouvernants sont pris de panique devant la chute des prix du pétrole et la conviction que l’Algérie assiste à la fin de la prospérité pétrolière, qu’on va al- ler dans peu d’années aux dernières gouttes de pétrole et derniers mètres cubes de gaz. Dans cette logique, on a choisi l’homme provi- dentiel qui peut prolonger “l’espérance de vie de la rente pétro- lière”, analysent des spécialistes du domaine. Mais derrière ces chan- gements, la question est de savoir si on va assister à un bouleversement dans le secteur des hydrocarbures. Il convient de rap- peler que les prédécesseurs d’Amine Mazouzi tendaient vers le même objectif : la reprise de la production d’hydrocarbures, l’augmentation des réserves de pétrole et de gaz et l’intensification de l’exploration.

Mais la résolution des vraies difficultés de la compagnie pétrolière nationale est restée en suspens : l’amélioration de la gouvernance de Sonatrach par le renforcement du top management, faire face à l’hémorragie des cadres par un système de stimulation des salariés motivant, par le recrutement de ressources humaines qualifiées en Algérie et à l’étranger, des meilleurs diplômés des grandes écoles, le recyclage permanent du personnel qualifié, la formation tous azi- muts. Il ne s’agit pas seulement de recruter des compétences, mais de créer un cadre de travail stimulant qui permette de fidéliser la ma- tière grise de la compagnie. Bref, l’une des priorités est aujourd’hui

SONATRACH : LA NOUVELLE FEUILLE DE ROUTE

L’“espérance de vie”

de la rente pétrolière  en question

Par :K. REMOUCHE

k.remouche@gmail.com

de rénover la politique des ressources humaines de Sonatrach afin de revitaliser la compagnie vidée de son sang par les départs de son personnel le plus qualifié pour des compagnies étrangères ou en rai- son de décisions arbitraires d’une administration guère regardante sur la nécessité de préserver la ressource humaine, amoindrie par la marginalisation de ses compétences. La gouvernance de Sona- trach a été également marquée ces dernières années par le manque d’initiatives, la peur du risque, un système décisionnel considéré comme très lent, le peu d’interlocuteurs fiables aux échelons in- termédiaires face aux demandes des partenaires étrangers. Résul- tats des courses : les gros contrats signés annuellement ces derniers temps se comptent sur les doigts des deux mains. Et le partenariat à l’international est en panne depuis plusieurs années. Toutes ces contraintes retardent la mise au jour de nouvelles réserves, la mise en service de nouveaux gisements de pétrole et de gaz ainsi que l’ex- ploitation optimale des anciens gisements. La question est de savoir si le nouveau patron de Sonatrach parviendra à améliorer la gou- vernance de la compagnie nationale, une urgence ? Mais les diffi- cultés du secteur de l’énergie ne se limitent pas à celles liées à la ges- tion de Sonatrach. Le nouveau ministre, Salah Khebri, est beaucoup plus attendu sur la relance du programme des énergies renouve- lables et celui de la maîtrise de l’énergie. Or, la réussite de ces deux plans qui préparent la transition énergétique et la couverture du- rable de nos besoins énergétiques dépendent du facteur financier.

L’Algérie n’a pas les capacités de financement pour relancer ces deux programmes ambitieux dans ce contexte des chutes des prix du pétrole. Il faudra trouver d’autres alternatives de financement en dehors du budget de l’état. Mais là aussi, ce ne sera pas facile, car les besoins financiers d’autres secteurs importants de l’économie sont énormes. ■

Zitari/Liberté

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M

ourad Preure, expert international, sur la nomina- tion d’un nouveau patron de Sonatrach, préfère focaliser sur les enjeux des transformations dans le secteur des hydrocarbures : “Permettez-moi de lancer un cri du cœur  : pourquoi notre pays se voit-il seulement comme une source, des réserves d’hydro- carbures, et non comme un acteur énergétique à part entière ? Un acteur qui participe à la reconfiguration de la scène énergétique mondiale. Je pense que le plus grand acquis de l’histoire militante des pays pro- ducteurs est aujourd’hui l’existence de compagnies pétrolières nationales. Sonatrach a fait entrer l’Algérie dans l’ère des technologies pétrolières les plus modernes. Elle est animée par des femmes et des hommes formés à l’école algérienne. Elle recèle une expertise réelle qui lui a permis de résister aux mal- heureuses convulsions qu’on lui a fait subir ces dernières années. Je ne connais aucune compagnie pétrolière qui a vécu aussi longtemps la crise que vit Sonatrach depuis 2010. Cette compagnie a été dépouillée de ses meilleurs cadres qui ont été humiliés et poussés à partir. La richesse de cette entreprise, ce

sont ses cadres, ses techniciens qui sont encore là, qui n’ont pas répondu aux sollicitations des concurrents. Il faut leur redonner espoir, les réhabiliter même. La tâche est ardue pour les nouveaux dirigeants, et je leur souhaite tout le suc- cès. La puissance d’un pays pétrolier aujourd’hui ne réside pas dans le niveau de ses réserves mais dans l’expertise et la compétitivité de sa compagnie nationale. Sonatrach doit être renforcée, il faut que toute l’intelligence algérienne, qu’elle soit ici ou à l’étranger, puisse mettre ses talents au service de cette tâche sacrée, stratégique, comme le fut l’étincelle de Novembre.” Mourad Preure est favorable à la nouvelle orientation du Premier ministre selon laquelle Sonatrach doit se recentrer sur son métier et ne pas se disperser.

“Sonatrach doit se recentrer sur son métier de base, l’amont, devenir un grand découvreur d’hydrocarbures, elle doit ren- forcer son cœur technologique, les géosciences, elle doit déte- nir des réserves en Algérie et hors d’Algérie. Elle doit pouvoir acquérir des actifs en international, prendre le contrôle de compagnies pétrolières ou de services en difficulté pour les articuler avec son cœur technologique, avec l’université et la recherche algériennes.”

Le spécialiste en énergie suggère aussi des solutions pour améliorer la gouvernance du secteur des hydrocarbures  :

“Pour tout cela, il faut que le management nouveau soit res- ponsabilisé et libre de prendre des initiatives, sous le contrôle, bien entendu de l’État, mais dans les formes en usage dans le métier. Il faut aussi un contrôle citoyen pour la gestion de nos ressources en hydrocarbures et que surtout soit réactivé le Conseil national de l’énergie.

D’autre part, le gaz est la source d’énergie qui connaîtra la plus forte croissance dans les prochaines années. D’ici 2040, il passera de 21% à près du quart d’une consommation mon- diale qui, elle, aura augmenté de 37%. Et l’Algérie a une expertise réelle dans la chaîne gazière, particulièrement dans la liquéfaction où notre pays a été le pionnier et longtemps le premier producteur. Or le marché mondial du GNL explose littéralement. Il passera de 322 Gm3en 2013 à 450 Gm3en 2019 pour dépasser les 600 Gm3vers 2030 selon nos estima- tions. Nous devons saisir notre chance et profiter de fenêtres d’opportunité qui sont encore ouvertes, mais, dès lors qu’elles se fermeront, ne nous laisserons plus que nos yeux pour pleu- rer.”

L

a Présidence vient de procéder à des changements majeurs à la tête du secteur de l’énergie.

Salah Khebri, l’ex-premier respon- sable de l’Institut algérien du pétro- le, est le nou- veau ministre.

Tandis qu’Ami- ne Mazouzi, l’une des têtes pensantes de l’ingé- nierie dans l’amont (exploration- production de gaz et pétrole), et qui connaît bien de ce fait le sous-sol algérien, est le nouveau P-DG de So- natrach. Commençons par le dernier changement. Raison principale de l’appel par nos gouvernants à ce technicien-maison de Sonatrach est bel et bien d’amorcer l’augmentation de la production de pétrole et de gaz à partir de 2016-2017, avec la mise en service d’une série de nouveaux gisements d’hydrocarbures dans les délais. Sonatrach vise en particulier à augmenter la production de gaz de 40% à l’horizon 2019. “Comme il connaît bien ce que recèlent les ré- servoirs et les meilleures techniques pour extraire ces nouvelles richesses dont une bonne partie demande de nouvelles méthodes d’extraction par- ce qu’elle pose des difficultés d’extra- ction (gisements de gaz compact : tight gas , amélioration du taux de récu- pération des anciens champs de pé- trole), les chances d’arriver à cet ob-

jectif sont grandes avec le nouveau pa- tron de Sonatrach selon les déci- deurs”, analyse un spécialiste du secteur. La finalité du changement est en somme de garantir une aug- mentation des revenus financiers du pays tirés des hydrocarbures en contexte de chute des prix du pétrole et de baisse depuis plusieurs an- nées de la production d’hydrocar- bures. En ce sens, le Premier ministre Sellal a déjà fixé les grandes lignes de

la feuille de route du nouveau P-DG lors de la réunion récente du cadre du secteur à l’occasion de ces chan- gements  : développer la recherche d’hydrocarbures pour accroître les réserves. “La moyenne mondiale par densité de forage par 10 000 km2est de 105 puits pour notre pays, le po- tentiel minier national continental et maritime est insuffisamment explo- ré (66% du domaine minier sont libres) ; poursuivre et renforcer la for-

mation des res- sources humaines pour une meilleure maîtrise de l’explo- ration, de la produc- tion et de la distri- bution. Sonatrach doit s’investir dans son domaine de com- pétences et éviter la dispersion”, a-t-il souligné. Une ins- truction ambiguë.

Cela veut-il dire que Sonatrach doit ar- rêter de s’investir dans dessalement d’eau de mer, les mines et l’agricultu- re ? Or, c’est sur ins- truction de la Prési- dence que Sonatrach a été mobilisée pour soutenir le dévelop- pement de ces activités. La question est de savoir si les interférences po- litiques ne vont pas contrarier cette volonté de recentrage de la compa- gnie pétrolière nationale autour de ces métiers de base  : exploration, production, transport et commer- cialisation d’hydrocarbures.

Pour les autres branches du secteur de l’énergie, une division du travail semble se dessiner. Le P-DG de So- natrach aura des prérogatives pour

gérer l’amont, le ministre de l’Éner- gie s’occupera de dossiers très im- portants  : énergies renouvelables, maîtrise de l’énergie, approvision- nement de la population en produits énergétiques et garantie d’une dis- tribution continue de l’électricité en particulier aux ménages et aux en- treprises. Pour les deux premiers, les progrès sont épineux. Le program- me des énergies renouvelables pei- ne à décoller faute d’une démarche cohérente. Tandis que celui de maî- trise de l’énergie qui vient d’être adopté par le gouvernement, il sera en butte à des difficultés de finance- ment.

Quant à la mise en œuvre d’un mo- dèle de consommation énergétique rationnel, nos gouvernants n’ont jusqu’ici pas eu le courage de faire bouger les lignes.

Conséquence : le gaspillage de pro- duits énergétiques est un sport na- tional dangereux. Il participe à l’épui- sement des réserves d’hydrocar- bures et constitue un véritable frein à l’augmentation des exportations de produits raffinés.

À moins d’une forte volonté poli- tique, le nouveau ministre de l’Éner- gie va sans doute avoir beaucoup de difficultés pour infléchir cette ten- dance.

K. R.

L

e nouveau patron de Sonatrach va tenter de la restaurer et surtout de donner de la constance à la production d’hydrocarbures qui a beaucoup baissé ces dernières années. La production pétrolière, le nouveau P-DG de So- natrach en a parlé la se- maine dernière, lorsqu’il a évoqué la coopération avec le groupe vietnamien Petrovietnam et le site de Bir Sebaa, au Nord de Hassi-Messaoud, dont l’entrée en  production est attendue pour juillet prochain. Vietnamiens et Al- gériens tablent sur une production de 20 000 ba- rils par jour. Le rapprochement entre Sonatra- ch et Petrovietnam, dans le cadre de ce projet, a donné lieu à “un niveau de performance rarement égalé dans l’industrie pétrolière”algérienne, a as- suré le nouveau patron de la compagnie natio-

nale d’hydrocarbures. Amine Mazouzi s’évertuera à faire avancer le processus de développement sur d’autres gisements pour s’éloigner du spectre du déclin dont il se souvient pour avoir travaillé dans l’aval pétro-gazier. Et les  chiffres sont têtus. Après le plateau de 75 millions de tonnes en 2004, la production de pétrole a baissé à 58 millions de tonnes en 2013, soit un recul de 23% en l’espa- ce de neuf ans, une chute spectaculaire. Les char- gés du secteur de l’énergie ne s’attendaient pas à ce qu’un tel déclin puisse se produire. Quant à la production gazière, elle a diminué de 18%  en cinq ans. En volume, elle est  passée de 154 mil- liards de mètres cubes en 2008 à 127 milliards de mètres cubes en 2013. La production d’hydro- carbures (tous produits confondus) est tombée de 233 millions de Tep (Tonne équivalent pétrole) en 2007 à 187 millions de Tep en 2013, soit une

baisse de 20% en l’espace de six ans. Sonatrach projette cependant d’investir 100 milliards de dol- lars d’ici à 2017 dont 60 milliards dans l’amont pour reconstituer les réserves et porter la pro- duction à des niveaux analogues à ceux des an- nées 2007-2008, soit environ 233 millions de Tep.

Objectif réalisable  ? Mohamed Saïd Beghoul, consultant “Oil & Gas exploration & développe- ment”, se montre quelque peu pessimiste, rele- vant qu’il faudrait disposer de réserves suffisantes et de capacités de production extensibles. Et d’ajouter que compte tenu de la manière dont le déclin s’est produit, il serait difficile de produi- re en 2017 20% de plus qu’aujourd’hui. Retrou- ver les années quatre-vingt-dix semble ainsi chimérique dans le secteur pétrolier ? L’activité pétrolière avait en effet repris dans cette pério- de, malgré une conjoncture sécuritaire des plus

difficiles. Rappel des faits : sous la loi 86-14, et jus- qu’en 2005, la promotion du domaine pétrolier a drainé près de 90 contrats de recherche et d’ex- ploitation avec une moyenne de six à sept contrats par an, se souvient M. Beghoul. Cette at- tractivité avait fait que l’Algérie, a été classée, en 1994-1995, premier pays au monde en matière de découvertes avec un cumul qui avoisinait les deux milliards de Tep (Tonne équivalent pétro- le). Et, cela avait produit de l’effet sur les réserves.

Elles avaient retrouvé leur niveau de l’année 1971.

Cela va cependant changer, l’attractivité en prendra un coup. La révision de cette loi en 2005 n’a pas conduit aux objectifs escomptés. Seule- ment neuf contrats ont été signés entre 2005 et 2011. Le secteur pétrolier s’est émoussé.

Y. S.

SECTEUR DE L’ÉNERGIE

Les enjeux des changements

La priorité des priorités est la reprise de la production de pétrole et de gaz et l’augmentation des réserves d’hydrocarbures du pays.

AMINE MAZOUZI AUX MANETTES

Le relèvement de la production en ligne de mire

APRÈS LA NOMINATION D’UN NOUVEAU PATRON DE SONATRACH

“Réhabiliter les cadres de l’entreprise est essentiel”

Par :K.

REMOUCHE

Par :YOUCEF SALAMI

Propos recueillis par : K. REMOUCHE

Zitari/Liberté

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L’

Opep vient de maintenir son quota de production à 60 millions de barils/jour, créant ainsi une abondance d’offre, avec comme consé- quences, au mieux une stag- nation des cours du pétrole, au pire, une aggravation de leur chute. L’Arabie saoudite, instrumentalisée par les Américains contribue gravement à ce jeu

“funeste”. Dans ces nouveaux enjeux géos- tratégiques mondiaux qui se dessinent, l’Algérie tente de se frayer un chemin.

D’autant que, selon de nombreux experts, dont Mohamed Terkmani, ingénieur et ancien directeur à Sonatrach, dans une récente contribution parue dans le supplé- ment économique de Liberté, qui estime que la durée de vie de la rente pétro- lière s’annonce bien plus courte que le temps requis pour une transition vers une écono- mie diversifiée…. Surtout qu’il n’existe aucune stratégie ni vision claire pour y par- venir et qu’aucun des programmes mis en œuvre à cette fin ne s’est avéré efficace jusque-là.

D’autres experts prédisent un tarissement de nos réserves fossiles à l’horizon 2020-25.

Dans la reconfiguration stratégique du sec- teur énergétique mondial à travers notam- ment l’exploitation du gaz de schiste aux USA et en Chine, où se situera l’Algérie à l’horizon 2030  ? Telle est la question qui taraude les experts et la classe politique qui ne cessent de réclamer un débat national à ce sujet. Il est donc normal que cette ques- tion focalise les attentions du pouvoir et pré-

occupe la société et la classe politique, d’au- tant que dans un passé récent, l’opacité découlant de la “sacralisation” de cette res- source, a favorisé toutes les dérives politico- financières que tout le monde connaît.

S’agissant des réserves mondiales en hydro- carbures, les experts et spécialistes des ques- tions énergétiques fossiles, prédisent un tarissement de ces réserves à l’horizon 2030.

Dans le même sillage, pour d’autres spécia- listes, les années 2030 seront marquées par le pic de la production d’hydrocarbures qui ne pourrait dépasser les 100 (MBA) milliards de barils /an, alors que la dépendance éner- gétique au même horizon, des USA (68,5%) de l’Europe (68,6%) de la Chine (73,2%) ira

en s’accroissant, ce qui ne manquera pas de générer de nouvelles tensions et de nou- veaux conflits à l’échelle planétaire.

S’agissant de notre pays, la décision d’opter pour l’exploitation du gaz de schiste ne cesse d’alimenter une polémique entre les diffé- rents acteurs qui demandent un débat natio- nal sur la politique énergétique. Pour le pou- voir, il s’agit de garantir les besoins énergé- tiques du pays à long terme et se ménager une marge d’exportation pour poursuivre le développement national. Fait inédit, la société civile s’implique, alors que l’opinion publique s’interroge sur le bien-fondé d’une telle option qui engage le devenir de la nation. Les conséquences sur nos ressources

en eau, capital rare dans notre pays, situé en zone semi-aride et de stress hydrique, ris- quent d’être désastreux de l’avis de nom- breux experts. Sellal, lors de la présentation de son programme devant les deux Chambres du Parlement, sentant les réti- cences, a joué à l’équilibriste. “Ce n’est pas pour aujourd’hui”. Cela n’a pas empêché de grandes interrogations. Au niveau géostraté- gique, les Américains, en optant résolument pour l’exploitation du gaz de schiste, vien- nent de bouleverser en profondeur le mar- ché énergétique mondial. Ils visent deux objectifs  : s’assurer une autonomie énergé- tique pour les besoins de leur économie, et en même temps, contrecarrer la domination russe dans le domaine gazier.

La Chine, pour sa part, affiche ses ambitions et n’entend pas rester à la traîne de la bataille énergétique planétaire qui se profile à l’hori- zon. L’Europe hésite, la France marque un temps d’arrêt.

Qu’en est-il de l’Algérie  ? Ces probléma- tiques ne datent pas d’aujourd’hui. Déjà le cabinet international CWC Group avait organisé en Algérie le 1erForum internatio- nal sur l'énergie, “Algeria Future Energy Conférence 2012”, sous le thème “Libérer le potentiel énergétique de l'Algérie”. Lors de cette conférence, le ministre de l’Énergie de l’époque, avait déclaré : “L’Algérie ne va pas être spectatrice des bouleversements qui sont en cours sur la scène énergétique internatio- nale, elle a l’ambition de continuer à jouer ce rôle positif et constructif sur la scène énergé- tique et gazière dans le monde…”

A. H.

LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE EN ALGÉRIE VERSION 2

Nouveau cap dans la politique énergétique 

Les récents changements opérés dans le secteur de l’énergie continuent de nourrir moult

interrogations. Chute des cours du pétrole, contraction de nos recettes extérieures, baisse de la production, enjeux géopolitiques, autant de facteurs qui auraient motivé ces changements.

Par :A. HAMMA

D. R.

I

l est rare, dans le secteur de l’énergie, de procéder au changement simultané du ministre en charge du secteur et du Président directeur général de la Sonatrach, avec en prime ce- lui de Naftal. Dans la tradition de gouvernance du secteur, y com- pris dans les périodes de crise, on laisse le ministre s’installer avant qu’il ne propose aux dé- cideurs, au bout d’une période d’observation et le cas échéant, les trois options classiques de remplacement. Alors, dans ce cas inédit, les observateurs aver- tis chercheront à savoir si c’est seulement un hasard de calen- drier ou bien un effet recher- ché ? Dans le cas d’un effet in- terne et/ou externe recherché, et cela semble être le cas, y aura-t- il un changement ou une in- flexion de la gouvernance et des stratégies énergétiques mises en œuvre précédem- ment ? Arrêtons-nous d’abord à la gouvernance du secteur, es- sentiellement aux rapports de pouvoir entre le ministre en charge des hydrocarbures et le P-DG de la Sonatrach. Depuis la création de la Sonatrach, on a connu toutes les variantes de lea- dership du secteur en fonction des rapports de forces politiques internes et de l’évolution du

contexte énergétique et géopo- litique international. Ainsi il y a eu des P-DG de la Sonatrach en conflit permanent avec les mi- nistres de l’Énergie et la réci- proque. Il y a eu des PDG de la Sonatrach nommé en même temps ministres de l’Énergie, et réciproquement, pour contourner le problème précé- dent de prérogatives. Il y a eu en- fin des PDG de la Sonatrach sans autorité réelle sur le grou- pe, les ministres étant les ges- tionnaires de fait de l’entrepri- se. Comme vous le savez, cela a amorcé des dérives dont on n’est pas sorti encore. En vérité, les pé- riodes d’une gouvernance apai- sée, avec des champs de res- ponsabilités délimités et res- pectés par les deux parties, ont été finalement assez courtes dans le secteur. Pas uniquement d’ailleurs pour des raisons égo- tistes de pouvoir, mais aussi, pour des raisons objectives de différentiation d’intérêts ou de vision entre l’État régalien, ga- rant de la cohésion sociale, et son groupe pétrolier régi par les règles de commercialité.

Alors dans quel type de gou- vernance s’inscrivent les der- niers changements intervenus dans le secteur ? Lors de l’ins- tallation,le 25 mai 2015, d’Amine

Mazouzi comme P-DG de la So- natrach, le Premier ministre Ab- delmalek Sellal a clairement fixé les nouvelles règles du jeu :

“Il n’y aura plus d’ingérence dans la gestion de Sonatrach, qui doit être du ressort des seuls cadres du groupe”. Ajoutant “qu’il est grand temps pour les entreprises éco- nomiques d’avoir une autonomie de gestion et de prise de décision technique”.Donc pas d’ingéren- ce du politique dans la gestion opérationnelle, technique et commerciale de la Sonatrach, à commencer par celle  du minis- tère de tutelle. Quant aux orien- tations stratégiques du groupe Sonatrach, première entreprise africaine, l’État actionnaire les maintient. Ainsi des inflexions stratégiques ont été indiquées par le Premier ministre, en at- tendant qu’elles soient formali- sées par le Conseil d’adminis- tration et l’assemblée générale du groupe Sonatrach. La pre- mière inflexion stratégique est d’inviter la Sonatrach à “s’in- vestir dans son domaine de com- pétence et éviter la dispersion”. La Sonatrach devra donc se concen- trer sur son “core business”, celui du développement de l’amont pétrolier. Quant au développe- ment de l’aval pétrochimique et des industries énergétivores (ci-

ment, acier, engrais, etc.) , la rupture devra être faite, de mon point de vue, avec la politique d’un prix bradé du gaz naturel, au motif qu’il s’agit d’un avan- tage comparatif. Éviter aussi une dispersion géographique à faible valeur ajoutée telle que transporter du gaz naturel au Pé- rou par exemple. Le second “ob- jectif stratégique”assigné au groupe, pour autant qu’il soit nouveau, est celui “de mettre en production les nouvelles décou- vertes…, investir davantage dans l’exploration, la production des hydrocarbures et leur valorisa- tion”.La rationalisation du mo- dèle de consommation énergé-

tique, qui est de la responsabi- lité directe du ministère de l’É- nergie, sera assis sur la réduction du gaspillage et le recours aux autres sources d’énergie, no- tamment renouvelables. Mais il ne faut pas se nourrir d’illu- sions car l’exclusion du levier ta- rifaire dans la gestion du modèle de consommation énergétique, en considérant que les prix ac- tuels “sont une conquête socia- le”, ne permettra pas d’obtenir des résultats significatifs en la matière. Affaire à suivre. En ré- sumé, on semble s’orienter, d’une part, vers une définition plus stricte des domaines de gou- vernance et d’autre part vers une répartition des tâches entre la Sonatrach et le ministère de l’É- nergie, prélude à une coexis- tence pacifique. À la Sonatrach, l’élargissement et le dévelop- pement des réserves et de l’op- timisation de la production d’hy- drocarbures conventionnelles (et non conventionnelles ?) et la qualification des ressources hu- maines nécessaires à cet effet.

Au ministère le rationalisation du modèle de consommation énergétique, le développement des énergies renouvelables et la coopération internationale pour la sauvegarde et la promotion des prix des hydrocarbures. Les

profils respectifs des deux hommes clés du secteur celui de PDG de la Sonatrach et celui de ministre de l’énergie, Salah Khe- bri, sont de nature également à faciliter les interfaces entre ces deux institutions. En conclu- sion, les ajustements apportés dans le secteur de l’énergie, par- ticipent, de mon point de vue, à une prise en charge partielle seulement des défis, voire des menaces qui pèsent sur le sec- teur de l’énergie, et partant sur le pays. Prise en charge partiel- le car les réformes du modèle ta- rifaire et le recours à terme aux hydrocarbures non conven- tionnels sont évacués de l’épu- re du fait d’une acceptabilité sociale et politique non encore assurée. Partielle aussi parce que les conditions économiques et financières du développe- ment de l’aval pétrochimique ne sont pas totalement clarifiées du point de vue du retour sur in- vestissement. Incertaine enfin car notre pays pèse de moins en moins, au sein de l’OPEP, no- tamment dans la fixation des prix internationaux des hydro- carbures. Mais vous savez, ce qui est sûr, c’est qu’on perd tou- jours les batailles que l’on n’a pas menées. Celle-ci vaut le coup d’être menée. M. M.

EN TOUTE LIBERTÉ

MUSTAPHA MEKIDECHE

mustaphamekideche@ymail.com

les ajuste- ments apportés dans le secteur de l’énergie participent, de mon point de vue, à une prise en charge par- tielle seulement des défis, voire des menaces qui pèsent sur le secteur de l’énergie, et partant sur le pays. Prise en char- ge partielle car les réformes du modèle tari- faire et le recours à terme aux hydrocarbures non conventionnels sont éva- cués de l’épure.”

Secteur de l’énergie : le changement d’équipe implique-t-il

un changement de la gouvernance et des stratégies ?

(4)

Liberté : Quelle lecture faites-vous de l’évo- lution du marché pétrolier et comment voyez-vous la durée de la crise pétrolière actuelle et l'évolution des prix du pétrole d'ici 2019 ?

DrMourad Preure :Globalement le marché pétrolier, dont les forces de rappel sem- blent inopérantes, apparaît erratique, livré à la spécula- tion, et sans direc- tion de prix claire à court terme. Depuis la mi-mars, les cours, qui avaient chuté de plus de moitié à un peu plus de 40 dollars de- puis juin 2014, ont nettement rebondi et pris environ 40% à New York à 62,58 dollars, un sommet en cinq mois.

Le prix du baril de Brent a atteint en mai en cours d'échanges européens 69,63 dollars, son niveau le plus élevé en cinq mois. Quatre types de raisons : 

-(i) l'annonce par Washington, mercredi, d'une baisse des réserves américaines de brut, la première depuis quatre mois de hausse continue ;

-(ii) l'annonce par la Chine d'importations à un niveau record en avril ;

-(iii) (iv) le nombre de forages aux USA di- minue très rapidement. Baisse de 41% en une année du nombre des puits en activité qui est passé de 1800 en avril 2014 à 800 en avril 2015 ;

-(v) baisse du dollar depuis la mi-avril. Cor- rélation inverse entre prix du pétrole et dollar.

L’année 2015 restera marquée par une ten- dance baissière prononcée du fait d’un équi- libre offre/demande défavorable et d’une croissance encore atone avec un fléchisse- ment, selon moi conjoncturel, des pays émergents. La croissance économique mon- diale devrait être de 3,7 en 2015. Avant la cri- se de 2008, la croissance mondiale était de 5% durant 5 ans. La demande mondiale a été de 92,5 Mbj en 2014 et devrait se placer à 93,4 en 2015 selon l’AIE. La production des pays No- pec devrait progresser de 0,42 Mbj contre 0,85 prévu. La demande adressée à l’Opec devrait se placer à 29,2 Mbj en 2015. Or, l’Opec pro- duit plus de 31 Mbj et les stocks restent éle- vés. Il y a donc structurellement un excédent d’offre sur le marché de l’ordre de 1,3 Mbj. Je pense qu’il devrait céder la place à un léger déficit d’offre au deuxième semestre, aux États-Unis, les raffineries en maintenance re- prendront car on entre dans la “driving sea- son”où la demande explose. La demande chi- noise semble par ailleurs reprendre aussi.

Quelles sont les perspectives à moyen ter- me du marché ?

Les perspectives à moyen terme du marché sont contrastées : au cours des six pro- chaines années la demande devrait pro- gresser plus vite que l’offre avec un affai- blissement de la position des schistes US.

Mais le marché doit faire avec une produc- tion, les schistes, plus élastique par rapport au prix, plus flexible ce qui va en accroître la volatilité. Pour que les prix s’orientent à la hausse, il faut que la production des États- Unis se stabilise, puis commence à baisser.

Mon sentiment est que nous entrons dou- cement dans cette phase. On peut prévoir, sur la base de l’évolution des forages, que la stabilisation s’engage vers mai-juin. La pres- sion baissière de l’offre américaine est encore portée par des projets en production ou en cours de développement et qui ont été lan-

cés avant l’été 2014. La production com- mence à reculer légèrement en mai par rapport à avril, a annoncé l’EIA, une première depuis décembre 2011. La baisse de la pro- duction US pourrait être attendue entre juillet et septembre. L’impact sur le prix de- vrait se manifester vers octobre-novembre où le WTI remonterait vers 70 $ et le Brent vers 80 $. Avec cependant quelques incer- titudes :

-(i) À quelle vitesse remonteront les prix ? -(ii) Réaction du marché à cette tendance haussière et de la spéculation dans l’ampli- fication des tendances et la volatilité des prix ? Une remontée forte, vers 80 $, suivie d’une correction brutale, liée à la liquidation des stocks importants qui existent actuel- lement, n’est pas à exclure avant que l’on re- trouve un cours d’équilibre autour de 70 $ pour 2015.

-(iii) Quel rôle jouera le facteur géopoli- tique ?

Selon moi, 2015 et 2016 seront des années dif- ficiles et de forte incertitude pour l’industrie pétrolière, particulièrement pour les pro- ducteurs même si le rééquilibrage offre/de- mande commencera à s’opérer en 2016.

Avec deux risques majeurs :

(i) En cas de crise des schistes US, les banques assumeront le risque financier (entre 250 et 400 G$ de dettes). 5 000 G$ ont été investis par les banques dans les non-conventionnels.

Le dollar devrait s’en ressentir et baisser à nouveau à partir de juillet-septembre 2015.

Risque fort d’une décélération brutale de l’économie américaine et un collapsus mon- dial en perspective. Mais en même temps, une baisse du dollar aura un effet haussier sur les prix. Donc grande volatilité en pers- pective. (ii) Une arrivée simultanée des pé- troles iraniens (+ 1 Mbj au minimum puis jus- qu’à 2 Mbj car la production iranienne était de 4 Mbj avant l’embargo, elle n’est que de 2.8 Mbj aujourd’hui), Libyen (+0.5 puis 1 Mbj, la capacité libyenne est de 1.5 Mbj en temps normal. La conclusion d’un accord po- litique en Libye risque d’avoir un effet bais- sier dès 2015), irakien (1.5 à 2 Mbj). C’est au to- tal près de 4 Mbj qui pourraient arriver sur le marché alors que l’excédent de capacité de production est déjà de 1 Mbj. Pour toutes ces raisons, cette crise peut durer plus long- temps que les crises de 1986 et 1998 qui ont toutes été résolues par un effort de l’OPEC.

En est-elle capable aujourd’hui alors que la position de l’Arabie Saoudite est précarisée vis-à-vis des États-Unis désormais indé- pendants du Moyen-Orient et davantage in- téressés par un deal avec un Iran qui a les moyens et surtout la volonté d’une ambition

de puissance dans la région ? En 2017/2018, le prix devraient prendre franchement un sentier haussier sous le double effet de : (i) La reprise de la demande encouragée par un retour de la croissance des émergents. (ii) Les effets du ralentissement des investisse- ments pétroliers depuis 2013 induiront une baisse de la production, notamment en mer profonde et très profonde, dans les sables as- phaltiques, mais aussi dans les gisements matures de la mer du Nord et d’autres zones NOPEC. Depuis la baisse des prix, les inves- tissements ont chuté de 100 G$, selon l’AIE, soit une baisse de 20% que n’avait même pas provoquée la crise de 2008. Les compagnies US ont baissé leurs investissements de 41%.

Plus fondamentalement, il me semble que nous entrons dans un nouveau paradigme pétrolier dont il faut s’accommoder désor- mais. D’une part, la demande est inélastique par rapport aux prix à court terme et élas- tique à long terme. Contrairement aux at- tentes de l’OPEC, les prix bas n’ont que peu d’impact sur la demande.

Or, pour que les prix s’engagent sur un sen- tier haussier robuste, il faut qu’ils soient ti- rés par une dynamique de demande. Dans le contexte de crise économique mondiale, qui atteint aujourd’hui les pays émergents, cela ne va pas être possible. Quant à un ra- lentissement structurel de l’offre, notamment des tight et shale oil américains, il faut compter aussi avec le progrès technique qui permet un abaissement des coûts, ce qui est le cas aujourd’hui, et les productions amé- ricaines résistent remarquablement au choc.

La chute des prix va surtout accélérer la re- structuration du secteur avec une évolution darwinienne où les plus fragiles et les plus exposés seront mangés par les plus forts. Il y a eu une franche accélération des acqui- sitions en 2014.

La hausse a été de 41% pour un montant de 177 G$, ce qui est énorme. Nous irons vers une concentration (et je ne comprends pas que l’Algérie n’en profite pas pour acquérir des compagnies en difficulté). Les acteurs pé- troliers plus gros, appuyés par le progrès tech- nique vont rendre possible une plus grande flexibilité de la production qui s’adaptera aux prix. Et aucune guerre des prix ne pourra fai- re gagner, alors, à l’Opec des parts de mar- ché. Bien au contraire, elle l’affaiblira chaque fois davantage. Autre paramètre non né- gligeable, toute hausse des prix va remettre en selle les tight oil américains et injecter une offre additive sur le marché.

Ce mouvement de balancier sera notre pay- sage pétrolier de demain. Il faut désormais faire avec. Mais, comme je l’ai toujours dit, la tendance à long terme est haussière. Elle prend en compte l’épuisement des réserves car nous sommes dans le peak oil, le pétro- le de demain sera plus technologique, plus difficile à découvrir et produire. Et tout cela, le marché l’intègre aujourd’hui puisque déjà les prix à moyen terme sont en contan- go, c'est-à-dire orientés à la hausse. D’autre part, du coté de la demande, les nouvelles sont tout aussi alarmantes. La population mondiale augmentera de 2 milliards d’ha- bitants d’ici 2035, particulièrement dans les pays émergents. Or aujourd’hui seulement 27 Chinois sur 1000 et 11 Indiens ont une au- tomobile contre 721 américains sur 1000 et en moyenne 500 européens. La demande augmentera exponentiellement et sa crois- sance est incompressible car partant de très bas. La croissance attendue, tirée par

l’Asie-Pacifique est de 1.1 Mbj/l’an jusqu’en 2030, où selon nos prévisions, elle devrait dé- passer les 110 Mbj. C'est-à-dire qu’il faudra découvrir deux Arabies Saoudite pour sa- tisfaire la demande alors que le déclin des gi- sements de l’ordre de 5% l’an atteint main- tenant 10 à 11% du fait du désinvestissement.

Le modèle de consommation énergétique oc- cidental n’est manifestement pas générali- sable à la planète. S’en approcher seulement est un cataclysme.

Que pensez-vous de la riposte du pays face à la chute des prix du pétrole et que préconisez-vous pour amortir ses effets sur l'économie nationale ?

Je dirais tardive du fait d’un déficit d’anti- cipation de la part des décideurs. Nous voyons ici les effets du non fonctionne- ment du Conseil national de l’énergie. Je pen- se aussi que nous surréagissons au phéno- mène de baisse des prix que nous percevons sous le seul angle de la baisse de nos recettes.

Je dirais même plus, il y a une dramatisation de cette crise, voire même un effet de pa- nique qui nous empêche de voir que d’autres que nous vivent aussi la crise, que comme toute crise, celle-ci est révélatrice des vul- nérabilités de notre économie, de menaces mais est aussi riche en opportunités. Il y a des bêtes blessées qui sont bonnes à prendre si on se met en position offensive. Je prends toujours l’image du chasseur et du gibier. Tout est question de posture stratégique. Si nous nous mettons dans la posture du gibier, nous passerons notre temps à fuir le chasseur. Mais si nous nous mettons dans la position du chasseur, alors multitude de gibiers s’offrent à nous et nous nous prémunirons des mau- vaises surprises.

Ceci dit, les dernières positions et orientations du Premier ministre sont encourageantes. Il s”est focalisé sur Sonatrach en lui demandant de se recentrer sur son métier de base et consacrer son énergie à découvrir et produire des hydrocarbures. Il y a une prise de conscience de l’efficacité énergétique et une option claire pour engager notre pays dans la transition énergétique. Il y a aussi un patriotisme économique enfin affirmé avec un accent mis sur la préférence nationale.

Tout ceci se conjugue avec les efforts fait par le ministre de l’Industrie pour mettre de l’ordre dans la maison, donner une impulsion à l’industrie nationale en l’inscrivant dans un nouveau paradigme, entrer dans les chaînes de valeur globales en convoitant les segments nobles, ceux à forte intensité technologique tout en engageant une dy- namique d’import substitution et de mo- dernisation de l’appareil productif.

Je pense que tout ceci est bon mais demande du temps pour produire ses effets. Il faut être patient et, comme le boxeur Joe Frazier, être un bon encaisseur, résister à la tempê- te pour remporter le match. Je pense aussi que le gouvernement doit revoir sa dé- marche en matière de communication pour fédérer autour de ses objectifs le plus grand nombre. La réponse à la crise doit être avant tout une réponse citoyenne.

Ce n’est pas bien grave ce que nous vivons, cela ne va pas durer plus de deux ans, trois tout au plus. Il faut garder son sang-froid et réagir efficacement ( …)

LIRE L’INTÉGRALITÉ DE L’ENTRETIEN SUR LE SITE WEB DE LIBERTÉ : www.liberte-algerie.com

D

r

MOURAD PREURE, EXPERT PÉTROLIER INTERNATIONAL, PRÉSIDENT DU CABINET EMERGY INTERNATIONAL STRATEGIC CONSULTING, À “LIBERTÉ”

“2015 et 2016 seront des années difficiles”

Le spécialiste en énergie aborde dans cet entretien l’évolution des prix du pétrole à court et moyen terme et ses répercussions sur l’économie nationale.

Entretien réalisé par : K. REMOUCHE

Yahia / Liberté

EXCL USIF

(5)

“P

our moi, les énergies re- nouvelables ne sont pas une priorité. La priorité, aujourd’hui, est de satis- faire le consommateur, car l’Algérien a besoin d’avoir son électricité, qu’importe l’origine.”Cette dé- claration vient de la bouche du PDG de So- nelgaz, Nouredine Bouterfa, dont l’entreprise est censée pi- loter le programme national des énergies renouvelables.

De nombreux observateurs trouvent paradoxal que l’entreprise en char- ge de la conduite du programme fasse preu- ve d’un manque d’implication. Pourtant, les pouvoirs publics ont mis au point un ambitieux programme dans le renouvelable.

Le programme national de développement des énergies renouvelables basé essentiellement sur l’énergie solaire vise à produire 22 000 méga- watts à l’horizon 2030, ce qui permettra d’aug-

menter la part d’électricité générée à partir des différents types d’énergies renouvelables à plus de 27% de la production nationale de cet- te énergie. Le secteur aspire à produire 400 mé- gawatts d’électricité à base de l’énergie solai- re à la fin 2015, avant d’atteindre progressi- vement 5000 mégawatts en 2020 et 17 000 mé- gawatts en 2030.

Par ailleurs, l’exécution de ce programme sera accompagnée par des incitations fiscales et un plan de rationalisation de la consom- mation d’énergie. Mieux encore, dès son ins- tallation, le nouveau ministre de l’Énergie, Sa- lah Khebri, a mis la barre plus haut en fixant comme objectif d’atteindre 37% d’électricité produite à partir de sources renouvelables à l’horizon 2030, soit dix points de plus que ce que prévoyait son prédécesseur Youcef Yous- fi. Ceci représente une économie de près de 300 milliards de m3 de gaz sur une décennie, quantité qui pourrait être orientée vers l’ex- portation.

À l’horizon 2030, le programme d’efficacité énergétique permettra un gain financier de 42 milliards de dollars, avec notamment l’ob- jectif de réduire de 9% la consommation d'énergie. Ceci représente 63 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP).

Le programme passe notamment par l'isola- tion thermique de 100 000 logements par an, la conversion au GPL de plus d'un million de véhicules particuliers et plus de 20 000 auto- bus. Reste que la réalisation de ce programme dépend essentiellement de la disponibilité fi- nancière.

C’est ce qui explique, d’ailleurs, le manque d’entrain de Sonelgaz. En chiffres, Sonelgaz a besoin de 100 milliards de DA par an pour réa- liser ce programme. La compagnie a opté pour un volume de 3500 à 4000 mégawatts d’ici 2020, avec une moyenne de 400 mégawatts par an. Mais ce programme sera réalisé “sous ré- serve de disponibilités financières”, précise M. Bouterfa. Il faut dire que la transition éner- gétique est coûteuse et complexe.

En l’absence d’une économie diversifiée, la chu- te des prix de pétrole met sous forte pression financière cette transition. Si, il y a une dé- cennie, la situation financière était reluisante et le retard dans la mise en œuvre du pro- gramme n’était dû qu’aux atermoiements des décideurs, la situation aujourd’hui est plus compliquée. La situation financière du pays im- pose des arbitrages budgétaires.

En effet, est-ce que nos responsables sont prêts à mobiliser de l’argent dans le renouvelable, quand la même somme, explique le PDG de Sonelgaz, donne trois fois plus en électricité produite à partir du gaz.

C’est à se demander si la chute des prix du pé- trole et du gaz n’a pas provoqué la mort vir- tuelle du programme.

S. S.

ÉNERGIES RENOUVELABLES

Un programme

au creux de la vague

L’Algérie dispose d’énormes atouts énergétiques renouvelables (solaire, éolien, géothermique, etc.), mais n’arrive toujours pas à concevoir une voie alternative en matière d’énergie.

Par :SAID SMATI

MENACES LIÉES À LA

LIBÉRALISATION DES MARCHÉS INTERNATIONAUX DU GAZ

“La place de l’Algérie est fortement compromise sur le marché européen”

Sonatrach se prépare-t-elle à faire face aux menaces liées à la libéralisation des marchés internationaux du gaz ? Elle est en mauvaise

posture

actuellement. Mais elle peut rebondir pour peu qu’elle dynamise son amont pour disposer rapidement des volumes de gaz qui lui manquent

aujourd’hui pour consolider ses parts de marché sur le vieux continent et adopte une stratégie intelligente pour parer à ces menaces, résume Mourad Preure, le spécialiste en energie. La consommation gazière européenne décline depuis 2011. En 2014, avec 11,2% de baisse, ce déclin s’est particulièrement aggravé.

Les raisons sont doubles : (i) une croissance économique faible (ii) une concurrence forte du charbon américain et des énergies

renouvelables. Cette situation est aggravée par l’arrivée de nouveaux entrants qui disputent à l’Algérie ses parts de marché en Europe. Les approvisionnements gaziers européens tendent à se diversifier au détriment de la source algérienne. Cela alors que l’Algérie ne dispose pas de volumes pour défendre ses parts de marché. Mais le marché gazier européen est riche, néanmoins, de grandes opportunités.

L’Europe importe plus de 50% de ses

approvisionnements gaziers. A l’horizon 2030 sa dépendance gazière dépassera les 80%.

L’Europe est donc un enjeu majeur pour les producteurs gaziers. Les États-Unis sont un redoutable concurrent pour les exportateurs de gaz vers l’Europe. L’arrivée d’importants volumes gaziers provenant des États-Unis va avoir une action baissière forte sur les prix spots et gravement fragiliser les contrats de long terme. Sur le marché européen le processus de libéralisation engagé en 1995 sous l’égide de l’Union européenne a conduit à l’émergence d’un marché spot qui coexiste avec les contrats de long terme avec clause de take or pay, les mettant ainsi en péril. Aujourd’hui les acheteurs européens de gaz veulent imposer par le recours à la négociation et à l’arbitrage une baisse des prix, l’abandon de l’indexation sur les prix du pétrole et l’alignement sur les prix spot. La place de l’Algérie est fortement compromise sur le marché gazier européen. La renégociation des contrats gaziers qui se profile à l’horizon risque de se faire dans les pires conditions pour l’Algérie. Pour l’expert international, l’Algérie a néanmoins des atouts pour conquérir une nouvelle place sur la scène énergétique européenne : l’Algérie, fournisseur historique, fiable et nécessaire à l’équilibre gazier européen, a un pouvoir de négociation et peut, vu aussi le potentiel de notre sous-sol, notamment en non-conventionnels, imposer une nouvelle place dans le jeu gazier européen.

En accédant vers l’aval de la chaîne gazière et à la génération électrique en Europe, où la marge est la plus élevée et où elle maîtrisera le risque volume et le risque marché. En vendant au client final molécules de gaz et Kwh elle accroît ses profits, sécurise ses débouchés, mais plus encore, se met en position de tirer profit des nouveaux volumes de gaz qui affluent en Europe au lieu de les craindre et de les subir. En contrepartie elle ouvre (ce qu’elle fait déjà avec GDF-Suez) son amont gazier aux acheteurs qui partageront avec elle le risque amont. La négociation avec l’Europe ne peut, en outre, se limiter aux seules relations gazières mais doit se placer résolument dans une perspective plus large : la transition énergétique.

K. R.

Publicité MISE EN SERVICE DE 20 NOUVEAUX GISEMENTS

Le second souffle de Sonatrach

Sonatrach table sur la mise en service d’ici à 2019 d’une vingtaine de gisements.

Citons Bir Sbaa (pétrole) en partenariat avec Petrovietnam, Bir Msena (pétrole) avec Petronas et HESS en 2015, Touat (gaz et condensat) en partenariat avec Gaz de France, Timimoun (gaz en partenariat avec Total et Cepsa), Reggane Nord (gaz) en partenariat avec Repsol, Ahnet (gaz), Hassi Mouina, Hassi Ba Hammou (gaz), Tikidelt et Akabli (gaz, les quatre derniers gisements, situés au sud-ouest seront exploités par Sonatrach seule), les champs de pétrole du pourtour de Hassi-Messaoud, satellites MLSE (gaz naturel), El-Mzaid (pétrole avec CNPC), Issarene (gaz naturel et condensat avec Petroceltic et Enel), CAFC (pétrole avec Eni), Bourrahat Nord 5 (gaz avec Medex), Gara Tesselit (pétrole, gaz naturel et condensat), Rhourde El-Baguel (GPL), Tinhert (pétrole, gaz naturel, condensat). La grande majorité de ces gisements entrera en production entre 2016 et 2018. Avec ces champs, la production de pétrole et de gaz va sans doute augmenter. Si ces gisements sont mis en service dans les délais, l’Algérie pourra honorer ses contrats, renouveler les contrats gaziers qui arriveront à échéance durant cette période. Mais pour combien de temps ?

K. R.

Propos recueillis par : K. REMOUCHE

F.1309

Références

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