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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: tel-00634183

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00634183

Submitted on 20 Oct 2011

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Laetitia Aymeric

To cite this version:

Laetitia Aymeric. Immunogénicite de la mort cellulaire induite par les chimiothérapies anti-cancéreuses. Immunologie. Université Paris Sud - Paris XI, 2011. Français. �NNT : 2011PA11T034�. �tel-00634183�

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1

UNIVERSITE PARIS XI

FACULTE DE MEDECINE PARIS-SUD

THESE

pour obtenir le grade de

DOCTEUR DE L’UNIVERSITE PARIS XI

Champ disciplinaire : Immunologie

Ecole doctorale de rattachement : Cancérologie, Biologie, Médecine, Santé Présentée et soutenue publiquement par

Laetitia AYMERIC

Le 08 juillet 2011

IMMUNOGENICITE DE LA MORT CELLULAIRE INDUITE

PAR LES CHIMIOTHERAPIES ANTI-CANCEREUSES

Directeur de thèse : Pr. Laurence ZITVOGEL

Composition du jury : Président Rapporteur Rapporteur Examinateur Examinateur Directeur de thèse Pr. Eric SOLARY Pr. Muriel MOSER Pr. Nicolas GLAICHENHAUS Dr Jenny VALLADEAU Dr Kamel BENLAGHA Pr. Laurence ZITVOGEL

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2 REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier ma directrice de thèse, le professeur Laurence ZITVOGEL, pour m’avoir accueillie dans son laboratoire, pour sa présence et son dynamisme moteur au quotidien. Merci également aux docteurs Evelyn ULLRICH, Magali TERME, Grégoire MIGNOT et Mathieu BONMORT, pour m’avoir aidée à faire mes premiers pas dans le laboratoire, en ayant pris le temps de m’enseigner le fonctionnement de celui-ci et quelques bases expérimentales.

Un merci particulier à Sophie VIAUD, aussi serviable que compétente, qui a su m’apporter de précieux conseils techniques tout au long de ma thèse.

Merci également aux docteurs Nathalie CHAPUT, Sylvie RUSAKIEWICZ et Dalil HANNANI pour les discussions scientifiques passionnantes que nous avons eues ensembles. Merci à tous mes collègues qui savent travailler dur dans la bonne humeur et avec un bon état d’esprit, sans lesquels ma thèse n’aurait pas été la même.

Je tiens à remercier très sincèrement les responsables de l’animalerie de l’IGR (SCEA), M. Patrick GONIN et Mme Karine SER LE ROUX, pour leur compétence et leur ouverture d’esprit. Ils ont toujours su concilier au mieux les exigences de leur structure avec nos travaux scientifiques.

Merci à tous nos collaborateurs pour leur générosité. Un merci particulier au docteur Kamel BENLAGHA, pour m’avoir fait profiter de son expertise sur les NKT à un moment de ma thèse.

Enfin, je remercie chacun des membres de mon jury pour avoir accepter d’apporter leur jugement éclairé à mon travail. Je remercie sincèrement les professeurs Muriel MOSER et Nicolas GLAICHENHAUS pour avoir accepté la tâche d’évaluer mon rapport de thèse.

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3 RESUME

Le développement d’un cancer chez un individu immunocompétent témoigne de l’inefficacité de ses défenses immunitaires naturelles à entraver la progression tumorale. La restauration ou l’induction de réponses immunitaires anti-tumorales efficaces sont des enjeux majeurs des stratégies thérapeutiques actuelles. En plus des immunothérapies classiques, visant à activer le système immunitaire des patients contre leurs tumeurs, les thérapies conventionnelles, telles que les chimiothérapies et la radiothérapie, peuvent avoir des effets immunostimulants, en parallèle de leur effet directement cytotoxique sur les cellules tumorales. Parmi celles-ci, les anthracyclines, l’oxaliplatine et la radiothérapie sont notamment capables d’induire une mort cellulaire immunogène. L’efficacité thérapeutique de ces traitements dépend de l’activation de lymphocytes T (LT) CD8 anti-tumoraux, producteurs d’interféron-gamma (IFN-γ). En utilisant des modèles murins de tumeurs transplantées, nous montrons que le traitement des cellules tumorales par des drogues immunogènes induit la libération d’adénosine triphosphate (ATP) dans le milieu extra-cellulaire. Ce signal de danger endogène se lie à son récepteur P2RX7 sur les cellules dendritiques et permet la formation de l’inflammasome NLRP3/ASC/pro-caspase 1, conduisant à l’activation protéolytique de la caspase 1, qui active la pro-interleukine-1β (pro-IL-1β) en interleukine-1β ((pro-IL-1β). L’IL-1β peut directement agir sur les LT CD8 pour faciliter leur polarisation vers un phénotype de lymphocytes T cytotoxiques de type 1 (Tc1). De plus, le traitement de tumeurs établies par des drogues immunogènes induit une production d’IL-17A (IL-17) dans le lit tumoral, au cours de la première semaine suivant le traitement. Les LT gamma delta (LTγδ) sont les principaux producteurs de cette cytokine dans nos modèles. Ces cellules s’accumulent transitoirement dans la tumeur dès le troisième jour suivant le traitement et leur taux est parfaitement corrélé à celui des LT CD8 producteurs d’IFN-γ tumoraux. Comme l’IFN-γ, l’IL-17 et les LTγδ sont nécessaires à l’efficacité thérapeutique des drogues immunogènes. L’IL-1β produite par les cellules dendritiques exposées à des corps apoptotiques immunogènes stimule directement la production d’IL-17 par les LTγδ. Ces travaux ont contribué à identifier l’ATP extra-cellulaire comme un déterminant moléculaire de l’immunogénicité des cellules tumorales exposées à certaines thérapies anti-cancéreuses conventionnelles. De plus, nous montrons que les traitements cytotoxiques classiques peuvent moduler l’environnement immunitaire dans le lit tumoral, et contribuer à remplacer une inflammation chronique et immunosuppressive en une inflammation aigüe et immunogène. L’étude des interactions entre le système immunitaire et les thérapies anti-cancéreuses conventionnelles est nécessaire pour utiliser ces traitements de manière plus rationnelle, en les combinant par exemple à des immunothérapies plus classiques.

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4 ABREVIATIONS

ADN : acide désoxyribonucléique ARN : acide ribonucléique

ASC : “apoptosis-associated speck-like protein” ATP : adénosine triphosphate

BM-DC : cellules dendritiques dérivées de la moëlle osseuse CD : “cluster of differentiation”

CMH : complexe majeur d’histocompatibilité COX-2 : cyclo-oxygénase 2

HMGB1 : ”high mobility group box 1” IFN : interféron

IL: interleukine

IL-1R : récepteur à l’interleukine 1

IL-1RA : antagoniste naturel du récepteur à l’interleukine 1 IL-17 : interleukine 17A

LB : lymphocyte(s) B LT : lymphocyte(s) T

LTγδ : lymphocytes T gamma delta

MDSC : cellules myéloïdes immatures immunosupressives NFκB : “nuclear factor-κB”

NLRP3 : “NLR family, pyrin domain-containing 3” NO : oxyde nitrique

pDC : cellules dendritiques plasmocytoïdes TAM : macrophages associés aux tumeurs Tc : lymphocytes T cytotoxiques

TGF-β : “transforming growth factor-β” Th : lymphocyte T CD4 auxiliaire TLR : récepteur de type Toll Treg : lymphocytes T régulateurs

VEGF : “vascular endothelial growth factor” WT : non mutées

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5 SOMMAIRE REMERCIEMENTS ... 2  RESUME ... 3  ABREVIATIONS ... 4  SOMMAIRE ... 5  INTRODUCTION... 6 

1 La présence d’un danger : une condition nécessaire à l’activation du système immunitaire ? ... 6 

1.1 La théorie du danger et les signaux de danger ... 6 

1.2 Les réponses immunitaires au danger ... 9 

2 Les réponses immunitaires naturelles dans le cancer ... 19 

2.1 Les tumeurs : tolérance ou immunité ? ... 19 

2.2 Environnement tumoral et immunosuppression ... 31 

3 Les solutions thérapeutiques pour activer des réponses immunitaires anti-tumorales efficaces ... 39 

3.1 L’utilisation de ligands de TLR en immunothérapie anti-cancéreuse ... 39 

3.2 Effets immunostimulants des thérapies anti-cancéreuses conventionnelles ... 43 

4 Contexte d’étude et objectifs de la thèse ... 51 

4.1 Les mécanismes moléculaires de l’immunogénicité de la mort cellulaire induite par certaines thérapies anti-cancéreuses conventionnelles ... 51 

4.2 Problématiques de la thèse ... 53 

MATERIEL ET METHODES ... 54 

RESULTATS ... 57 

1 Rôle de l’activation de l’inflammasome NLRP3 et de la production d’IL-1β par les cellules dendritiques dans l’efficacité des chimiothérapies immunogènes ... 57 

2 Rôle des LTγδ producteurs d’IL-17 dans l’efficacité thérapeutique de thérapies anti-cancéreuses conventionelles ... 60 

DISCUSSION ... 62 

1 Importance des modèles de tumeurs établies ... 62 

2 Rôle de l’ATP extra-cellulaire dans le développement de réponses immunitaires spécifiques ... 63 

3 Rôle de l’IL-1β dans le développement de réponses Th1 et Tc1 spécifiques ... 65 

4 Rôle de l’IL-17 dans le développement de réponses Th1 et Tc1 spécifiques ... 66 

5 Rôle de l’IL-17 et de l’IL-1β dans la progression tumorale ... 69 

CONCLUSION ET PERSPECTIVES ... 70 

REFERENCES ... 73 

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6 INTRODUCTION

1 La présence d’un danger : une condition nécessaire à l’activation du système immunitaire ?

1.1 La théorie du danger et les signaux de danger 1.1.1 Présentation de la théorie du danger

Initialement, la reconnaissance de structures moléculaires étrangères à l’organisme était considérée comme la principale condition d’activation du système immunitaire. Cependant, la seule dichotomie entre le « soi » et le « non soi » ne permet pas d’expliquer toutes les situations d’activation ou de non activation du système immunitaire. Celui-ci est en effet capable de s’activer dans des conditions exemptes d’agents étrangers, dans certaines maladies auto-immunes par exemple. A l’inverse, il peut être tolérant à la présence d’organismes étrangers, tels que les bactéries de la flore commensale. Dans les années 1990, P Matzinger propose que l’activation du système immunitaire soit déterminée par la reconnaissance d’un danger pour l’intégrité de l’organisme, lié ou non à la présence d’un agent étranger 1. Ainsi, les situations de stress ou de destruction tissulaire non contrôlée mèneraient à la production de signaux de danger, servant d’alerte pour le système immunitaire. Cette théorie pourrait notamment expliquer pourquoi l’organisme tolère un fœtus en bonne santé, alors qu’il peut rejeter un greffon, deux entités qui font pourtant partie du « non soi ».

1.1.2 Les signaux de danger

1.1.2.1 Les signaux de danger liés à une infection par un microorganisme

Certains signaux de danger sont des molécules de l’organisme (signaux endogènes) et d’autres viennent de l’extérieur (signaux exogènes). Au cours d’une infection, l’intrusion d’un microorganisme pathogène constitue un danger exogène. Les signaux de danger liés à une infection sont appelés PAMPs (« Pathogen Associated Molecular Patterns ») 2. Parmi ceux-ci, se trouvent des molécules glycolipidopeptidiques des enveloppes microbiennes, des

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protéines et des acides nucléiques (Tableau 1) 2. Les PAMPs sont des structures moléculaires spécifiques à des classes de microorganismes et ne font en général pas partie du « soi ».

Types de molécules Exemples Microorganismes

structures glycolipidopeptidiques

de l'enveloppe

acide lipotéichoïque bactéries gram + (ex: Staphylococcus) lipopolysaccharide (LPS) bactéries gram - (ex : Salmonella)

peptidoglycane bactéries gram + et gram -

lipoarabinomannanes et lipomannanes bactéries du genre Mycobacterium zymosan (polysaccharide) levures (Saccharomyces) lipoproteines and lipopeptides bactéries du genre Mycoplasma

protéines flagelline bactéries motiles

porines certaines bactéries (ex : Neisseria)

acides nucléiques

ADN non méthylé bactéries, virus à ADN, protozoaires

ARN db virus à ARN (ex : reovirus, VRS,

WNV)

ARN sb riche en GU certains virus (ex : VIH)

ARN et ADN dans les endosomes bactérie ou virus endocytés ARN db et ADN db cytosoliques bactérie ou virus intra-cellulaires

Tableau 1 : Exemples de signaux de danger liés à une infection microbienne (ADN : acide désoxyribonucléique ; ARN : acide ribonucléique ; sb : simple brin ; db : double brin ; VRS : virus respiratoire syncytial ; WNV : virus du Nile occidental ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine).

Les PAMPs sont capables de signaler la présence d’un danger en activant des cellules de l’immunité innée par l’intermédiaire de récepteurs spécifiques (cf 1.2.1).

1.1.2.2 Les signaux de danger non microbiens

Dans des conditions stériles, exemptes de pathogènes, des signaux de danger exogènes et endogènes peuvent alerter le système immunitaire (Tableau 2). Alors que les signaux exogènes proviennent de l’environnement, les signaux endogènes sont libérés dans des conditions de destruction tissulaire massive et non contrôlée. Parmi les signaux endogènes, certains sont libérés par les cellules nécrotiques et d’autres résultent de la dégradation de la matrice extra-cellulaire. Les signaux de danger liés à une destruction tissulaire sont collectivement appelés « DAMPs » (« Dammage Associated Molecular Patterns ») 3.

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Type de danger Provenance Exemples

endogène

molécules intra-cellulaires libérées par les cellules

nécrotiques

HMGB1, ATP, acide urique, ADN, ARN, HSP (HSP70, HSP90, GP96), protéines S100, SAP130, IL-1α, IL-33

dégradation de la matrice extra-cellulaire

biglycan , hyaluronane, heparane sulphate, peptides formylés, versican

exogène environnement silice, amiante, irritants cutanés (ex dinitrofluorobenzene), UVB

Tableau 2 : Exemples de signaux de danger non microbiens (HSP : protéines de choc thermique ; IL : interleukine ; HMGB1 : high mobility group box 1) (d’après Chen GY, 2010 3).

Différentes agressions extérieures, de nature microbiennes, chimiques ou physiques, peuvent être à l’origine de dommages tissulaires. Certains irritants chimiques, tels que l’amiante ou la silice, sont des signaux capables d’activer directement les récepteurs de danger (cf 1.2.1) (Tableau 2) 4. Des stress endogènes, liés par exemple à une insuffisance métabolique comme au cours de l’ischémie de reperfusion, peuvent également être à l’origine d’une destruction tissulaire importante. Dans tous les cas, les protéases libérées par les cellules mourantes ou impliquées dans le remodelage tissulaire peuvent dégrader la matrice extra-cellulaire et libérer des signaux de danger, comme le biglycan ou le hyaluronane par exemple (Tableau 2) 3. Une destruction tissulaire importante est en général associée à un fort taux de nécrose cellulaire. Ce type de mort se caractérise par une augmentation du volume cellulaire et de celui des organelles et par la perte de l’intégrité de la membrane plasmique, entrainant la libération du contenu cellulaire dans le milieu extra-cellulaire, et notamment de molécules pouvant signaler un danger, comme par exemple HMGB1, l’ATP ou l’acide urique (Tableau 2). Les cellules nécrotiques peuvent aussi libérer des cytokines inflammatoires préformées et stockées dans leurs organelles, comme l’IL-1α et l’IL-33 (Tableau 2). Contrairement à la nécrose, la mort par apoptose se caractérise par la diminution du volume cellulaire avec condensation de la chromatine, fragmentation nucléaire et bourgeonnement de la membrane plasmique en petites vésicules appelées corps apoptotiques. La mort par apoptose est un phénomène programmé impliquant différentes voies de signalisation cellulaire dont celles utilisant les caspases. Classiquement, l’apoptose est considérée comme une mort non inflammatoire et non immunogène, surtout impliquée dans des conditions

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physiologiques liées au développement et à l’homéostasie tissulaire 5. Cependant, la dichotomie entre nécrose et apoptose a été remise en question par l’observation que des cellules nécrotiques peuvent induire une tolérance et que des cellules en apoptose peuvent induire un état inflammatoire et une réponse immunitaire 6 ;7. De plus, il se peut qu’un fort taux d’apoptose dans un tissu surpasse les capacités d’élimination du système phagocytaire. Dans ce cas, les cellules peuvent entrer dans un état de nécrose secondaire, avec libération de signaux de danger inflammatoires dans le milieu.

1.2 Les réponses immunitaires au danger

1.2.1 Les principales familles de récepteurs des signaux de danger

Les récepteurs des signaux de danger peuvent être classés en quatre grandes catégories : les récepteurs de type Toll (TLR), les récepteurs de type NOD (NLR), les hélicases de type RIG (RLR) et les lectines de type C 8. Les TLR et certaines lectines de type C sont des protéines transmembranaires, alors que les NLR et les RLR sont essentiellement cytosoliques. Ces récepteurs sont exprimés dans différentes cellules de l’immunité innée ainsi que dans d’autres cellules comme les cellules épithéliales ou endothéliales.

Les TLR font partie d’une famille de molécules phylogénétiquement conservées, dont le premier membre a été découvert chez la drosophile pour son implication dans le développement et l’immunité de cet organisme 9. Il existe 10 membres connus de cette famille chez l’Homme. Certains TLR (TLR-1, -2, -4, -5 et -6) se trouvent sur la membrane plasmique et d’autres sont présents au niveau de la membrane des endosomes (TLR-3, -7, -8 et -9). Tous les TLR possèdent un domaine de reconnaissance des PAMPs ou des DAMPs qui est un domaine riche en motifs à répétition de leucines (LRR). Le domaine effecteur des TLR (domaine TIR), se trouve sur la face cytosolique. Les TLR endosomaux reconnaissent essentiellement des acides nucléiques, tels que les ARN simple brin pour les TLR-3, -7, -8 et l’ADN non méthylé pour le TLR-9. En revanche, les TLR de la membrane plasmique reconnaissent plutôt des ligands présents à la surface des pathogènes, tels que le LPS, la flagelline ou l’acide lipotéichoïque pour les TLR-4, -5 et -2 respectivement. Les TLR-2 et -4 sont également impliqués dans la reconnaissance de nombreux signaux de danger endogènes, comme HMGB1, les protéines de choc thermique, le hyaluronane ou le biglycan 3.

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Les NLR sont une grande famille de protéines comprenant 23 membres chez l’Homme et 34 chez la souris. Comme les TLR, ces protéines possèdent un domaine de reconnaissance des DAMPs ou des PAMPs, également caractérisé par la présence de répétition de leucines (LRR). Le domaine central de la protéine est très conservé au sein de la grande famille des NLR et constitue une caractéristique de ces molécules. Ce domaine central est un domaine d’oligomérisation dépendant de l’ATP (NBD). Enfin, les NLR possèdent un domaine effecteur dont la nature permet de classer les NLR en quatre catégories : les NLRA, les NLRB, les NLRC et les NLRP. Ces derniers sont une grande famille de 14 protéines, dont le domaine effecteur est un domaine pyrine (PYD) d’interaction homophilique. L’activation de certains NLR, comme NLRP3, NLRC4 et NLRP1, induit la formation de grosses structures moléculaires, appelées inflammasomes. Les inflammasomes sont composés des NLR et de protéines adaptatrices, telle que la protéine ASC (apoptosis-associated speck-like protein) pour les NLRP1 et 3, qui permettent le recrutement et l’auto-activation de la pro-caspase 1 en pro-caspase 1. Une fois activée, la pro-caspase 1 catalyse le clivage des pro-cytokines : pro-IL-1β et pro-IL-18, en leurs formes matures et actives (Figure 1). Certains NLR sont activés par un nombre limité de ligands. Ceci est le cas de NOD-1 et NOD-2 (respectivement NLRC 1 et NLRC 2) qui sont activés par des dipeptides exprimés par différentes bactéries. En revanche, NLRP3 répond à une grande variété de signaux de danger, parmi lesquels des activateurs endogènes (ex : ATP, acide urique) et des activateurs exogènes (ex : silice, amiante, ARN bactérien ou viral) (Figure 1). Les modalités de reconnaissance de tous ces signaux ne sont pas complètement élucidées mais il est probable que ces activateurs génèrent un intermédiaire commun reconnu par NLRP3 10.

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Figure 1 : Structure de l’inflamasomme NLRP3/ASC/caspase 1 et diversité des signaux

de danger activateurs (d’après Davis BK, Ann Rev Immunol, 2011 10).

Les RLR sont une petite famille comprenant notamment les deux protéines cytosoliques RIG-I et MDA5. Les RLR possèdent un domaine de reconnaissance des ARN viraux, qui est un domaine hélicase à ARN dépendant de l’ATP. Le domaine effecteur des RLR est un domaine d’interaction homophilique CARD. Enfin, les lectines de types C sont une très grande famille de protéines possédant toutes au moins un domaine lectine de type C, spécialisé dans la reconnaissance des structures glucidiques. Parmi tous les membres de cette famille, certains sont impliqués dans la reconnaissance des signaux de danger. Par exemple, la dectine 1 est une protéine transmembranaire exprimée majoritairement sur les cellules inflammatoires (monocytes, macrophages, neutrophiles, cellules dendritiques) et qui reconnait les β glucanes de la paroi des champignons et des bactéries. Mincle (CLEC4A), un autre membre de cette famille présent sur les macrophages activés et sur les cellules dendritiques, est capable de reconnaitre la protéine SAP130 libérée par les cellules nécrotiques 11.

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1.2.2 Signaux de danger et inflammation

1.2.2.1 Principales voies de signalisation des récepteurs des signaux de danger

L’inflammation est une réponse physiologique à un stimulus perçu comme dangereux par l’organisme (ex : infection, destruction tissulaire). Cette réponse se caractérise par le recrutement de cellules de l’immunité innée, le plus souvent les neutrophiles et des macrophages, dans les tissus. Ceci s’accompagne de la production de cytokines, de chimiokines et d’autres molécules inflammatoires qui entretiennent ou amplifient le recrutement des leucocytes. L’activation des récepteurs des signaux de danger mène à l’expression de gènes de l’inflammation au niveau des cellules immunitaires et d’autres cellules comme les cellules épithéliales. Les voies de signalisation en aval de la plupart des récepteurs de signaux de danger convergent vers l’activation des facteurs de transcription NFκB (nuclear factor-κB) et IRF-3 et -7 8. NFκB induit la transcription de nombreux gènes de l’inflammation (cytokines, chimiokines, molécules d’adhésion) et IRF-3 et IRF-7 activent la synthèse d’ARNm d’interferon (IFN) de type 1 (Figure 2).

L’activation et la dimérisation des TLR induisent le recrutement de molécules adaptatrices, appartenant à 4 grandes familles : Myd88, TRIF, TIRAP et TRAM (Figure 2). Dans les cellules dendritiques myéloïdes et les macrophages, l’activation de MyD88 et de TRIF conduit respectivement à l’activation de NFκB et d’IRF-3. Dans les cellules dendritiques plasmocytoïdes (pDC), l’activation de MyD88 par les TLR-7 et -9 aboutit à la phosphorylation activatrice d’IRF-7. De même, l’activation de NOD-1 et NOD-2 induit leur oligomérisation dépendante de l’ATP et le recrutement de la protéine adaptatrice RICK, qui active NFκB (Figure 2). Les RLR RIG-I et MDA5 recrutent une molécule adaptatrice mitochondriale présentant un domaine CARD : IPS 1 (également appelée MAVS ou Cardif). IPS1 peut ensuite activer NFκB et le complexe IRF3/7 (Figure 2). Enfin, certains membres des lectines de types C, comme les dectines 1 et 2 et Mincle, activent une voie de signalisation dépendante de Syk et de CARD9, qui aboutit à l’activation de NFκB.

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13 mb plasmique cytosol mitochondrie

TLR

RLR

NLR

INFLAMASOMME

Figure 2 : Convergence des voies de signalisation des TLR, RLR et NLR, vers l’activation des facteurs de transcription NFκB et IRF3/7 (seules les molécules adaptatrices et les facteurs de transcription terminaux sont représentés) (d’après Kumar H, 2011 8).

Les voies de signalisation en aval des récepteurs de signaux de danger convergent donc vers la production de cytokines inflammatoires. Chaque situation dangereuse pour l’intégrité de l’organisme déclenchera une réponse inflammatoire particulière, qui dépend de la nature des signaux de danger, ainsi que de leur intégration par les cellules du tissu. Des interactions entre ces différentes voies de signalisation peuvent mener à des synergies. Ceci est notamment le cas pour la production d’IL-1β par l’intermédiaire de l’inflammasome NLRP3. L’activation de l’inflammasome nécessite en effet une étape de « priming » par un ligand de TLR, augmentant la synthèse de NLRP3 et de pro-IL-1β 12. Enfin, certains récepteurs n’appartenant pas aux catégories décrites ci-dessus sont capables de reconnaitre des signaux de danger. Parmi ceux-ci, RAGE, qui reconnait HMGB1 ou les protéines S100, favorise la production de cytokines inflammatoires, alors que CD24, un récepteur de HMGB1 et des HSP, joue un rôle dans le contrôle négatif de l’inflammation 13 ; 14

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1.2.2.2 Inflammation et danger : entre destruction et préservation tissulaire

L’inflammation est donc déclenchée lorsque des signaux de danger sont perçus par l’organisme, et notamment par les cellules de l’immunité innée. En raison de leur manque de spécificité, les réactions inflammatoires peuvent induire des dommages tissulaires. En effet, des études chez la souris ont montré que l’activation de certains TLR et NLR pouvait induire une réponse inflammatoire délétère pour les tissus de l’organisme. Par exemple, les TLR-2 et -4 ont été impliqués dans la destruction des tissus suite à des ischémies de reperfusion dans de nombreux organes (foie, rein, cœur, cerveau) 15.

Dans des situations non pathologiques, la réaction inflammatoire est transitoire. A la fin d’une inflammation aigüe, des mécanismes de réparation et de préservation tissulaires se mettent en place. Des études chez la souris ont montré qu’au cours d’une inflammation, l’activation des TLR et des NLR par les signaux de danger peut permettre de limiter la destruction tissulaire, en favorisant des phénomènes de préservation tissulaires. Les TLR-4 et -2 et NLRP3 ont tous été impliqués dans la réparation tissulaire de l’épithélium intestinal suite à des dommages causés par des agents chimiques irritants 16 ; 17. Au niveau pulmonaire, TLR-2 et -4 sont impliqués dans la résistance des cellules épithéliales à l’apoptose suite à l’administration de bléomycine 18. De même, au cours d’une infection par le virus de la grippe, l’activation de NLRP3 par l’ARN viral semble importante pour limiter la nécrose tissulaire initiale, pouvant entrainer des complications respiratoires à long terme 19. Enfin, les TLR sont impliqués dans la formation de tissus fibreux, signe d’un processus de cicatrisation exacerbé et défectueux, impliquant les fibroblastes et la synthèse de collagène. Chez l’Homme, un polymorphisme de TLR4 associé à une plus faible activation du récepteur, a notamment été associé à un risque amoindri de fibrose hépatique chez les patients atteints d’hépatite C chronique 20. L’induction d’une réponse inflammatoire favorisant la réparation tissulaire est notamment importante dans des situations de nécrose tissulaire stérile. Ainsi, les cellules nécrotiques induisent l’expression de molécules impliquées dans l’inflammation et la réparation tissulaire dans les macrophages et les fibroblastes, selon un mécanisme dépendant de TLR2 21. De même, lorsqu’ils sont exposés au hyaluronane, un signal de danger endogène, les monocytes sécrètent des cytokines impliquées dans la réparation tissulaire comme TGF-β2 (transforming growth factor-β2) et MMP-13 (matrix metalloproteinase-13), et présentent

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donc une réponse différente de celle au LPS. Bien que le LPS et le hyaluronane se lient tous les deux au TLR4, ces deux signaux de danger utilisent des corécepteurs différents : MD2 et CD44 pour le hyaluronane et CD14 pour le LPS 22. Ainsi, bien que pouvant utiliser les mêmes récepteurs principaux, les signaux de danger exogènes et endogènes ne sont pas toujours qualitativement identiques et pourraient même conduire à des résultats opposés sur la réponse inflammatoire.

1.2.3 Reconnaissance du danger et immunité adaptative

Dans des situations non pathologiques, la réaction inflammatoire permet l’élimination du stimulus déclencheur et est donc transitoire. Dans certains cas, comme au cours d’une infection, le système immunitaire inné peut coopérer avec le système adaptatif pour éliminer le danger. Les cellules dendritiques sont des cellules de l’immunité innée ayant un rôle important dans l’activation de l’immunité adaptative. L’intégration de différents signaux de danger par ces cellules est déterminante pour leur activation, leur migration et leur fonction de présentation antigénique. Des études ont montré que la présence d’un antigène et d’un ligand de TLR-2 ou -4 dans un même phagosome influençait la maturation de ce dernier et facilitait la présentation des antigènes sur les complexes majeurs d’histocompatibilité de classe 2 (CMH II) à la surface des cellules dendritiques. En revanche, les antigènes phagocytés en l’absence d’un signal TLR sont dégradés par les enzymes lysosomales sans être présentés par les cellules dendritiques 23. La nature des signaux de danger joue également un rôle dans le type de cytokines sécrétées par les cellules dendritiques, impliquées dans la différenciation des lymphocytes T (LT) CD4 auxiliaires (Th) vers un profil Th1, Th2 ou Th17. Le développement d’une réponse adaptative est favorisé par la présence de signaux de danger mais dépend également de la nature des antigènes associés à ces signaux de danger. Ainsi, dans des cas d’inflammation stérile, déclenchée par un fort taux de nécrose tissulaire, les antigènes potentiels appartiennent au « soi » et sont donc moins susceptibles de déclencher une réponse immunitaire, en raison des différents mécanismes de tolérance centrale et périphérique existants 24. Cependant, dans des cas pathologiques, la présence de signaux de danger peut favoriser une rupture de tolérance et le développement de pathologies auto-immunes. Ceci est le cas dans le lupus érythémateux, caractérisé par la présence d’auto-anticorps dirigés notamment contre des acides nucléiques 25. Des modèles animaux ont montré qu’un défaut d’élimination des corps apoptotiques pouvait favoriser le développement de la maladie. Ceci suggère que les signaux de danger endogènes libérés par les cellules en

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nécrose secondaire pourraient jouer un rôle dans la rupture de la tolérance. De plus, les TLR-7 et -9 ont respectivement été impliqués dans l’apparition d’auto-anticorps contre l’ARN et l’ADN endogène (Figure 3). D’autres études indiquent que les acides nucléiques endogènes peuvent être endocytés par les lymphocytes B (LB) (via leur BCR) et activer ces cellules en se liant aux TLR-7 et -9 des endosomes. De plus, les complexes immuns formés par ces auto-anticorps se déposent au niveau des articulations et du rein et entrainent une inflammation délétère pour l’intégrité des tissus. Les TLR-7 et -9 sont aussi impliqués dans l’entretien de cet état inflammatoire (Figure 3). Chez l’Homme, des études in vitro ont montré que les complexes immuns présents dans le sérum des patients pouvaient stimuler la production d’IFN-α par les pDC, suite à leur endocytose par le récepteur FcγRII 26.

Figure 3 : Implication des TLR-7 et -9 dans l’activation des LB et des pDC par des acides nucléiques endogènes (d’après Krieg AM, Immunity, 2007 27).

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Comme les TLR, certains NLR ont un rôle dans l’induction de réponses immunitaires spécifiques. Ceci est notamment le cas de NOD-2, important pour l’effet adjuvant du MDP (muramyl dipeptide) 28. L’effet de l’activation du NLR NLRP3 sur l’induction de réponses immunitaires spécifiques est controversé. Par exemple, NLRP3 semble important dans l’induction de LT spécifiques dans la réaction d’hypersensibilité de contact induite par le trinitrochlorobenzène 29. De même, NLRP3 est impliqué dans l’induction d’une immunité cellulaire spécifique par les adjuvants particulaires de type PLG (poly(lactide-co-glycolide) 30. L’acide urique, un activateur de NLRP3 libéré par les cellules nécrotiques a une fonction d’adjuvant pour le développement de réponses CD8 spécifiques 31. De plus, certaines études ont montré que l’induction de réponses humorales par l’alun, un des adjuvants les plus utilisé chez l’Homme, nécessitait l’inflammasome NLRP3 32. En revanche, d’autres études ont montré qu’en dépit de la capacité de l’alun à activer l’inflammasome NLRP3, ce dernier n’était pas indispensable à son effet adjuvant 33. De même, l’activation de NLRP3 au cours d’une infection par le virus Influenza A entraine une inflammation pulmonaire mais ne semble pas importante pour le développement d’une réponse cellulaire anti-virale 34 1935. Chez l’Homme, les cryopyropathies (CAPS) sont des pathologies caractérisées par une mutation gain de fonction dans le gène codant pour NLRP3, ce qui résulte en une sur-production d’IL-1β. Ces pathologies font partie des pathologies auto-inflammatoires, caractérisées par des phases de réactions inflammatoires imprévisibles. Par définition, ces maladies ne sont pas associées au développement d’une auto-immunité spécifique 36. La goutte est une autre pathologie auto-inflammatoire causée par le dépôt de cristaux d’urate de sodium au niveau des articulations. Bien que ceci active l’inflammasome NLRP3 et soit à l’origine d’une sur-production d’IL-1β, aucune immunité adaptative n’est détectée 36. Ainsi, la détection de signaux de danger ne mène pas toujours à l’activation de réponses immunitaires spécifiques. Dans certains cas, les mécanismes de tolérance contre des antigènes du soi expliquent l’absence de réponse adaptative.

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► Conclusion de la partie 1 :

La présence d’une situation dangereuse pour l’intégrité de l’organisme déclenche une réaction inflammatoire, impliquant le recrutement de cellules de l’immunité innée dans le tissu menacé, et la production de facteurs solubles, comme des cytokines et des chimiokines. L’induction d’une réponse inflammatoire implique la reconnaissance de signaux de danger par des récepteurs innés, présents à la fois sur les cellules immunitaires, et sur d’autres cellules, comme les cellules épithéliales, fibroblastiques ou endothéliales. Les signaux de danger sont des molécules qui témoignent d’une agression extérieure (pathogène, irritant chimique) ou d’une destruction anormale des tissus de l’organisme. La réponse inflammatoire est impliquée dans l’élimination du danger ainsi que dans la réparation tissulaire qui suit. Bien qu’étant associée au déclenchement d’une réponse immunitaire innée, la présence d’un danger n’est pas toujours à l’origine de l’induction de réponses spécifiques. Ceci dépend des caractéristiques des antigènes présents, ainsi que de la nature des signaux de danger et des récepteurs impliqués.

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2 Les réponses immunitaires naturelles dans le cancer 2.1 Les tumeurs : tolérance ou immunité ?

2.1.1 Les tumeurs sont-elles tolérées par le système immunitaire ?

Les cellules tumorales, qui dérivent des cellules de l’organisme, se développent dans la majorité des cas chez des individus immunocompétents. Ce constat a amené l’hypothèse que les tumeurs pourraient être tolérées par le système immunitaire, au même titre que les tissus de l’organisme non altérés. La tolérance immunitaire peut résulter de l’absence de reconnaissance de l’antigène (ignorance), ou bien de l’élimination (délétion) ou de l’inactivation (anergie) des lymphocytes spécifiques ayant rencontré l’antigène.

2.1.1.1 Les tumeurs sont-elles ignorées par le système immunitaire ?

Bien que les tumeurs dérivent des cellules du « soi », elles sont caractérisées par une grande instabilité génétique à l’origine de la formation de nouvelles protéines (néoantigènes) ou de l’expression ectopique ou anormalement élevée de molécules, ce qui les rend différentes du « soi ». Il est ainsi possible de trouver des LT ayant une forte avidité pour les néoantigènes tumoraux dans la circulation, puisque ces antigènes ne sont pas exprimés dans le thymus, et qu’ils ne participent donc pas à la sélection négative des LT 37. Malgré la présence de LT ayant une avidité importante pour certains antigènes tumoraux, certaines études chez la souris indiquent que les tumeurs sont parfois ignorées par le système immunitaire, c'est-à-dire que les lymphocytes spécifiques ne rencontrent pas les antigènes. Différents paramètres pouvant expliquer cet état d’ignorance ont été proposés, tels que la localisation de la tumeur et la quantité d’antigènes 38. Ainsi, en utilisant plusieurs modèles de tumeurs injectées en sous-cutané (fibrosarcomes, lymphomes, carcinomes pulmonaires, mélanomes, mastocytomes) et exprimant différents néoantigènes viraux, une étude a montré que la progression tumorale était associée à l’absence de réponse CD8 spécifiques et que ceci était dû à l’absence de pénétration des cellules tumorales dans les organes lymphatiques secondaires 39. Dans ces modèles, le développement tumoral ne s’accompagne pas de l’anergie ou de la délétion des LT spécifiques. En effet, même en présence d’une grosse tumeur, ces derniers répondent normalement à une stimulation antigénique. De plus, les

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auteurs montrent que même au sein des organes lymphatiques, certaines tumeurs peuvent rester invisibles au système immunitaire en étant histologiquement séparées de celui-ci par la présence d’une capsule fibreuse. De même, contrairement à une injection sous forme de suspension cellulaire, l’injection de cellules tumorales sous forme de fragments contenant des cellules stromales empêche leur accès aux organes lymphatiques et ne permet pas le développement de réponses immunitaires spécifiques 40.

L’ignorance des tumeurs par le système immunitaire pourrait également s’expliquer par la faible quantité d’antigènes qu’elles expriment, en tous cas à des stades précoces de développement. Des études ont montré que des tumeurs solides exprimant faiblement un antigène, bien que pouvant être reconnues par des LT préalablement activés, ne permettaient pas d’activer des LT anti-tumoraux spécifiques 41. Les auteurs ont montré que les cellules dendritiques permettaient la présentation croisée des antigènes tumoraux, à condition que ceux-ci dépassent un certain seuil d’expression. Cette étude est en accord avec une étude montrant l’importance de la destruction tissulaire dans la libération d’une quantité suffisante d’antigènes, pour leur présentation croisée aux LT CD8 42. Cette théorie expliquerait que le développement d’une immunité anti-tumorale augmente avec la progression tumorale, celle-ci étant assocelle-ciée à une augmentation de la quantité d’antigènes tumoraux 43.

Chez l’Homme, la question de l’ignorance des tumeurs par le système immunitaire est difficile à appréhender, puisqu’il s’agit par définition d’étudier une absence de réponse immunitaire à des stades très précoces voire infra-clinique de cancer. Bien que les tumeurs constituent un danger pour l’intégrité et la survie de l’organisme sur le plan clinique, il se peut que sur le plan moléculaire, aucun signal de danger ne soit présent au cours des premiers stades de leur développement. Ceci ne s’applique pas à des tumeurs induites par des agents pathogènes, mais pourrait concerner certaines tumeurs solides, dont le développement précoce n’est probablement pas associé à une destruction tissulaire massive et incontrôlée.

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2.1.1.2 Le développement tumoral est-il associé à l’induction d’une tolérance immunitaire ?

Chez les patients atteints de cancers à des stades cliniquement visibles, il est possible de mettre en évidence des LT anti-tumoraux. Dans certains cas, des LT spécifiques de néoantigènes tumoraux sont détectés, ce qui suggère que la tumeur a été reconnue par le système immunitaire 44. Bien que présents, ces LT spécifiques ne sont pas toujours efficaces. Par exemple, les LT CD8 anti-tumoraux, directement isolés de patients atteints de mélanome ne sont pas fonctionnels in vitro 45. En effet, ces lymphocytes ne présentent pas d’activité cytotoxique spécifique, ne sont pas capables de sécréter des cytokines (TNF-α et IFN-γ) en réponse à des mitogènes et ne présentent pas de phénotype d’activation (CD69) suite à une stimulation antigénique. Chez ces mêmes patients, les LT CD8 spécifiques du virus Epstein-Barr (EBV) sont tout à fait fonctionnels, ce qui suggère que le déficit est spécifique des réponses anti-tumorales. Dans cette étude, les auteurs ont caractérisé la fonction des lymphocytes anti-tumoraux directement après leur isolement, sans amplification ou restimulation lourde in vitro, ce qui permet de rendre compte de l’état d’activation réel des lymphocytes in vivo. D’autres études ont montré que les LT infiltrant des carcinomes rénaux chez l’Homme peuvent présenter un défaut de prolifération en réponse à différents stimuli (IL-2, IL-2 et α-CD3, mitogènes) 46. Enfin, différentes études ont mis en évidence un défaut d’expression de la sous-unité ζ du récepteur CD3 dans les LT infiltrant des carcinomes colorectaux et rénaux chez l’Homme 4748.

Des travaux chez la souris ont montré que la progression tumorale pouvait être associée à l’induction active d’une tolérance immunitaire, par délétion des LT spécifiques 49 ou par induction de LT anergiques 50515253. Dans ces cas, les LT spécifiques rencontrent les antigènes tumoraux et entrent en apoptose ou deviennent fonctionnellement inactifs sans être nécessairement éliminés. La réversibilité potentielle de l’état anergique expliquerait la nécessité de restimuler très lourdement les LT anti-tumoraux chez l’Homme, avant de réaliser des tests fonctionnels 54. L’induction de LT anergiques anti-tumoraux a été montrée pour les LT CD8 52 et CD4 50. De nombreuses études ont montré que l’inactivation des LT CD4 nécessitait les cellules présentatrices de l’antigène de l’hôte 55 56. Concernant les LT CD8, il semble qu’en plus de la présentation croisée des antigènes tumoraux par les cellules dendritiques 57, la présentation directe des antigènes tumoraux par les cellules tumorales en l’absence de co-stimulation puissent induire une tolérance 5859.

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Ainsi, il existe un certain nombre d’arguments montrant que les tumeurs peuvent être activement tolérées par le système immunitaire. Bien que certaines études indiquent que des cellules dendritiques matures puissent induire une tolérance 60, d’autres études montrent que l’induction d’une tolérance immunitaire résulte de la présentation des antigènes par des cellules dendritiques immatures 61 62. L’induction d’une tolérance immunitaire contre les antigènes tumoraux pourrait donc s’expliquer par l’absence d’une quantité suffisante de signaux de danger capables d’activer les cellules dendritiques au niveau de la tumeur. Ceci est en accord avec les études montrant que les cellules dendritiques infiltrant les tumeurs peuvent présenter un phénotype immature 63 64. De plus, comme nous le verrons en détails dans la troisième partie, une immunité anti-tumorale peut être restaurée ou induite par l’administration de signaux de danger, tels que des ligands de TLR (Figure 4).

ligands de TLR Absence de signaux de danger Restauration thérapeutique des signaux de danger

Figure 4 : L’absence de signaux de danger au niveau de la tumeur pourrait expliquer l’induction d’une tolérance immunitaire par les cellules dendritiques immatures (d’après Rabinovich GA, Ann Rev Immunol, 2007 65).

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2.1.2 Les tumeurs sont-elles naturellement immunogènes ? 2.1.2.1 Immunodéficiences et incidence de cancer

Le concept d’immuno-surveillance anti-tumorale est né d’une hypothèse spéculative de Paul Ehrlich en 1909 et a été réénoncé par Burnet et Thomas dans les années 1970. Ce concept stipule que le système immunitaire est capable de prévenir l’apparition de tumeurs en éliminant les cellules tumorales au moment de leur apparition. Ainsi, en cas de déficits immunitaires, ce modèle prédit que la probabilité de développer un cancer sera plus importante. A cette époque, le manque de preuves expérimentales et notamment l’observation que les souris athymiques ne développaient pas plus de cancers induits que les souris immunocompétentes a conduit au rejet de ce concept par la communauté scientifique. A partir des années 1990, de nouvelles données expérimentales ont contribué à ressusciter ce concept. En effet, des souris présentant des déficits dans différents acteurs de l’immunité innée ou adaptative sont plus sensibles au développement de cancers induits ou spontanés que les souris immunocompétentes (Tableau 3).

Bien que très utiles, ces modèles animaux pourraient ne pas représenter strictement la réalité complexe de la carcinogenèse chez l’Homme. La question de l’immuno-surveillance anti-tumorale naturelle chez l’Homme est beaucoup plus difficile à résoudre. En effet, les cas d’immunodéficience primaire chez l’Homme sont rares et touchent surtout des enfants dont l’espérance de vie est largement amoindrie sans l’administration de traitements immunoréparateurs. De ce fait, les études épidémiologiques de l’apparition de cancers sont difficiles à réaliser. Par exemple, une mutation biallélique du gène de la perforine est associée au développement de la lymphohistiocytose hémophagocytique familiale (LHF), maladie inflammatoire entrainant rapidement le décès du patient sans greffe de moelle autologue. Chez certains patients présentant la mutation, la LHF ne se développe que plus tard ou bien pas du tout. Ces patients ont un risque accru de développer des lymphomes 67. Les études des patients présentant une immunodéficience secondaire (patients infectés par le VIH ou ayant reçu une greffe) donnent des résultats mitigés et peu d’études sur l’impact de polymorphismes de gènes de l’immunité sur le développement de cancers ont été réalisées à ce jour (Tableau 4).

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Souche de souris Déficit immunitaire Incidence de cancers

Rag2 -/- absence de LT, de LB et de NKT

↑ sarcomes induits par le MCA ↑ cancers intestinaux et pulmonaires

spontanés

Tcrd -/- absence de LTγδ

↑ sarcomes induits par le MCA ↑ tumeurs cutanées induites par

DMBA/TPA

Tcrb -/- absence de LTαβ

↑ sarcomes induits par le MCA α asialo-GM1 déplétion des cellules NK

Cd1d -/- absence de LT dépendant du CD1d

Ja18 -/- absence de NKT invariants

ΔdblGATA et

CD11-/- IL5-/- absence d'éosinophiles

Ifngr1 -/- insensible à l'IFN-γ

Ifnar1 -/- ou Ifnar2 -/- pas de réponse à l'IFN-α et IFN-β

Pfp -/- absence de perforine ↑ sarcomes induits par le MCA

↑ lymphomes B spontanés

Ifng -/- absence d'IFN-γ

↑ sarcomes induits par le MCA ↑ lymphomes induits par le MNU ↑ lymphomes (C57Bl6) et adénocarcinomes

pulmonaires (Balbc) spontanés

Il12a -/- absence d'IL-12 ↑ lymphomes induits par le MNU

↑ tumeurs cutanées induites par DMBA/TPA Cd80 -/- ou Cd86 -/- absence de CD80 et CD86

↑ cancers de la peau induits par les UV

Tableau 3 : Incidence de cancers induits ou spontanés chez des souris présentant différents déficits immunitaires (MCA : méthylcholantrène ; DMBA/TPA :7,12 dimethylbenz(a)anthracene /12-O-tetradecanoylphorbol-13-acetate ; MNU : N-Methyl-N-nitrosourea ; NK : cellules Natural Killer) (d’après Vesely MD, Ann Rev Immunol, 2011 66).

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Individus Caractéristiques immunitaires Incidence de cancers

patients infectés par le VIH

déficit immunitaire lié à l'apoptose

des LT CD4 • ↑ incidence de cancers viro-induits 68

patients ayant reçu une transplantation (cœur, foie ou rein)

immunodéficience secondaire liée à l'administration de différents agents

immunosuppresseurs

• pas de risque accru de développer certains cancers non viro-induits et qui prédominent dans la population générale (ex : sein, prostate) 68 patients présentant une mutation biallélique du gène de la perforine immunodéficience primaire (cellules NK et LT CD8 peu fonctionnels)

• ↑ risque de développer des lymphomes non nécessairement viro-induits 67

population générale

faible activité cytotoxique des cellules NK liée à un polymorphisme du gène du récepteur activateur NKG2D

• ↑ risque de développer des cancers non viro-induits (poumons, intestins) 6970

Tableau 4 : Influence de déficits immunitaires sur l’incidence de cancers chez l’Homme.

2.1.2.2 Détection de réponses immunitaires à des stades précoces de cancers

Une façon d’étudier la question de l’immunogénicité naturelle des tumeurs chez l’Homme est d’essayer de détecter des réponses spécifiques de certains antigènes tumoraux chez des patients atteints de stades précoces de cancer. Concernant les réponses humorales, il est possible de détecter des anticorps dirigés contre des antigènes tumoraux dans le sérum des patients. Par exemple, des anticorps dirigés contre p53 sont présents dans 46% des cancers de l’ovaire et 35% des cancers de l’œsophage, des proportions largement supérieures à celles trouvées chez des sujets sains (Tableau 5). Un taux sérique anormalement élevé d’anticorps spécifiques de p53 muté ou natif est également détecté dans beaucoup d’autres types de cancers, comme les cancers de la bouche, du foie, du sein, du poumon et du colon 7172. Bien que plus de 100 antigènes tumoraux aient été identifiés comme cibles de réponses humorales chez l’Homme, seulement certains d’entre-eux ont particulièrement été étudiés, comme c-myc, NY-ESO-1, MUC1, la cycline B1, p62 et la survivine. Des réponses humorales ont été observées contre ces antigènes dans différents types de cancers (Tableau 5). A part pour MUC1, la fréquence d’anticorps contre ces antigènes chez les individus non atteints de cancers est très faible 72.

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Antigène Types de cancers Fréquence d'IgG chez les sujets sains (fréquence de détection d'IgG)

p53 ovaire, œsophage (30-50 %) 2%

bouche, foie, sein, poumon, colon (5-30 %)

c-myc foie, sein, poumon, colon (5-30 %) 1%

NY-ESO-1 poumon, foie, sein (5-30 %) 1%

Her2/neu sein, poumon (10-30 %) 2%

MUC1 sein, poumon, colon (30-50 %) 23%

cyclin B1 colon, poumon (30-50 %) 1%

foie, sein (5-30 %)

p62 poumon, foie (5-30 %) 1%

survivine poumon, sein, foie, colon (5-30 %) 1%

Tableau 5 : Diversité des types de cancers associés au développement de réponses humorales spécifiques contre certains antigènes tumoraux chez l’Homme (d’après Reuschenbach M, 2009 72).

Certaines études ont montré qu’il était possible de détecter des anticorps contre les antigènes tumoraux à des stades précoces du développement de la tumeur. Par exemple, des anticorps contre p53 ou Her2/neu peuvent être détectés au moment du diagnostique dans des cancers du poumon et du sein respectivement 73 74. De même, des anticorps contre p53 peuvent être détectés à des stades prénéoplasiques dans des cancers de l’œsophage et de la bouche 7576. Enfin, près de 60% de patients atteints de cancers colorectaux à un stade précoce (stade II) peuvent présenter des anticorps contre MUC1 77. Il est donc possible de détecter des réponses humorales anti-cancéreuses au début de la progression tumorale. Des études ont montré que ces réponses augmentaient au cours de la progression tumorale 7879. Ces observations ont amené l’idée d’utiliser la détection d’anticorps anti-tumoraux comme un facteur diagnostique. Bien que les réponses anticorps contre un antigène tumoral donné ne constituent pas une méthode diagnostique suffisamment sensible, il est possible d’utiliser un ensemble bien choisi d’antigènes tumoraux 80 81. La valeur pronostique des réponses humorales ne fait pas l’objet d’un consensus. En effet, la présence d’anticorps contre MUC1 est associée à une meilleure survie des patients atteints de cancers du sein, de l’estomac, du poumon, de l’ovaire et du pancréas. En revanche, la détection d’anticorps contre p53 et NY-ESO-1 dans les cancers de sein et de la prostate respectivement, est corrélée à un mauvais pronostic 72.

(28)

27

Concernant les réponses cellulaires, quelques études ont mis en évidence des réponses spécifiques précoces chez les patients. Par exemple, il existe des antigènes tumoraux qui sont normalement exprimés par des neurones de diverses régions du système nerveux central. Certains patients présentent des maladies neuro-dégénératives liées au développement de réponses CD8 contre ces antigènes onco-neuronaux. La grande majorité de ces patients (90%) présente une tumeur exprimant ces antigènes onco-neuronaux. Dans 2/3 des cas, ces cancers sont diagnostiqués après la maladie neuro-dégénénérative, ce qui suggère que le développement des réponses CD8 anti-tumorales coïncidait avec un stade tumoral infra-clinique. En générale, les cancers de ces patients sont moins agressifs que dans la population générale et il existe un certain nombre de cas d’apparentes régressions spontanées 82. De même, des LT CD8 spécifiques ont été détectés dans la moëlle osseuse de patients atteints de gammapathie monoclonale bénigne, alors que ces réponses étaient absentes chez les patients ayant progressé vers une néoplasie de type myélome multiple 83.

2.1.2.3 Nature des réponses immunitaires anti-tumorales efficaces L’étude de l’incidence de cancers spontanés ou induits chez des souris invalidées pour différents acteurs du système immunitaire a permis de montrer que de nombreuses cellules et molécules étaient impliquées dans l’immuno-surveillance anti-tumorale 66 (Tableau 3). Parmi celles-ci, on trouve des cellules de l’immunité innée, telles que les cellules NK, NKT et les LTγδ, ainsi que des cellules de l’immunité adaptative, surtout représentées par les LTαβ. En plus des complexes CMH I-antigènes, les cellules tumorales expriment d’autres ligands permettant leur reconnaissance par les effecteurs immunitaires. Par exemple, MICA et MICB (Major histocompatibility complex class I Chain-related gene A et B), normalement exprimées uniquement sur les cellules épithéliales du tractus gastro-intestinal chez l’individu sain 84, sont exprimées par plusieurs tumeurs épithéliales dont les mélanomes 85. MICA et MICB activent les cellules exprimant leur récepteur NKG2D, telles que, chez l’Homme, les cellules NK, les LTγδ périphériques et intestinaux (surtout en IL-15), les LT CD8 naïfs et mémoires et une population de LT CD4 86. Un autre ligand de NKG2D chez l’Homme est ULBP-1 (UL16 binding protein-1), également sur-exprimé par certaines tumeurs, comme les carcinomes 85. De même, CD122 et CD155, sur-exprimés sur de nombreuses tumeurs humaines, comme les tumeurs de l’ovaire et les neuroblastomes, permettent l’activation des cellules NK et des LT via une interaction avec leur récepteur DNAM1 878889.

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28

Suite à leur activation, certaines cellules immunitaires, telles que les cellules NK, les LTγδ, les LT CD8 et les macrophages, peuvent avoir un effet directement cytotoxique sur les cellules tumorales 90 85. Le mécanisme de lyse des cellules tumorales peut impliquer les granules cytotoxiques de perforine/granzyme ou bien des récepteurs de mort membranaires, tels que FasL, TRAIL ou TNF-α. Outre cette activité cytotoxique, les cellules NK, NKT et les LT peuvent produire des cytokines ayant une action anti-tumorale plus ou moins directe. Parmi ces cytokines, l’IFN-γ est reconnue depuis longtemps comme une cytokine majeure de l’immunité anti-tumorale naturelle 91. Cette cytokine peut en effet avoir une action anti-proliférative 92 ou pro-apoptotique 93 directe sur les cellules tumorales. De plus, l’IFN-γ augmente l’expression des molécules de CMH I sur les cellules tumorales et facilite ainsi leur reconnaissance par les LT CD8 effecteurs 91. L’IFN-γ peut également avoir un effet angiostatique, limitant l’angiogenèse nécessaire à la progression tumorale. Cet effet s’explique en partie par la capacité de l’IFN-γ à induire la production de la chimiokine angiostatique CXCL10 94. Cette chimiokine limite l’angiogenèse par un mécanisme impliquant notamment l’apoptose des cellules endothéliales exprimant CXCR3 95 96. Il est intéressant de noter que CXCL10 et CXCL9, cette dernière étant également induite par l’IFN-γ, permettent le recrutement de LT activés CXCR3+ 97. L’effet anti-tumoral de l’IFN-γ peut également passer par son action positive sur la différenciation des LT Th1. En effet, l’IFN-γ peut favoriser la production d’IL-12 par les cellules dendritiques tout en augmentant l’expression de l’IL-12Rβ sur les LT CD4 98. Quelques études mettent aussi en évidence le rôle de l’IFN-γ dans l’activation des LT CD8 in vivo 99. L’IFN-γ peut aussi activer les cellules NK ou les macrophages, en augmentant par exemple, l’expression de molécules cytotoxiques, comme TRAIL 98. Enfin, il est intéressant de noter que dans certains cas, l’IFN-γ peut avoir un effet pro-tumoral. Ceci a notamment été montré dans un modèle murin de cancer cutané induit par un traitement DMBA/TPA, dans lequel l’IFN-γ favorise une inflammation pro-tumorale de nature Th17 100. De même, l’IFN-γ peut induire l’apoptose de LT CD4 induits par un protocole d’immunothérapie anti-cancéreuse, et avoir ainsi un effet inhibiteur des réponses anti-tumorales à long terme 101. D’autres cytokines très importantes pour les réponses anti-tumorales naturelles sont les IFN-α et β 102. L’IFN de type I peut être produit aussi bien par des cellules immunitaires que par toute autre cellule en réponse à des signaux TLR, impliquant par exemple une infection virale. Dans un contexte tumoral, l’IFN-α/β semble particulièrement important pour son action sur les cellules immunitaires 103. Ainsi, il est capable d’agir sur les cellules dendritiques pour faciliter la présentation croisée

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29

des antigènes104 ainsi que la genèse de réponses humorales 105. De plus l’IFN-α/β augmente la survie des LT activés 106 et favorise l’expression de TRAIL sur les cellules NK 107. De plus, l’IFN-α/β peut aussi avoir un effet angiostatique, en limitant entre autres, la motilité des cellules endothéliales 108. Il est important de noter que l’IFN-α/β est utilisé en clinique pour le traitement de différents cancers tels que les leucémies et les mélanomes 103.

Les réponses cellulaires de type Th1/Tc1 sont donc particulièrement efficaces pour limiter le développement de tumeurs. Bien que peut être moins importantes dans un contexte d’immunité anti-tumorale naturelle, il est intéressant de noter que les réponses humorales peuvent être très efficaces dans un contexte thérapeutique. Ceci est appuyé par le succès des immunothérapies anti-cancéreuses basées sur l’utilisation d’anticorps monoclonaux, comme l’anti-CD20 ou rituximab, utilisé dans le traitement de lymphomes 109.

2.1.2.4 Signaux de danger et immunogénicité des tumeurs

Le développement de certaines tumeurs s’accompagne donc du développement de réponses immunitaires spécifiques. Ceci indique que des signaux de danger inflammatoires peuvent alerter le système immunitaire dans un contexte tumoral. Ceci est notamment le cas de cancers induits par des agents pathogènes, dont l’incidence est nettement augmentée dans des cas d’immunodéficiences chez l’Homme. Par ailleurs, des signaux de danger endogènes, tels qu’HMGB1 ou certaines protéines S100 sont sur-exprimés dans différents types de cancer humains 110. Ces signaux de danger pourraient être libérés par les cellules nécrotiques présentes dans les zones hypoxiques de certaines tumeurs solides chez l’Homme 111112. Dans certains cas, ces signaux de danger pourraient favoriser une rupture de tolérance. Dans le psoriasis par exemple, le peptide anti-microbien LL37 sécrété par les cellules épithéliales a été impliqué dans la rupture de tolérance, grâce à sa capacité à rendre l’ADN endogène libéré par les cellules mourantes capable de stimuler les pDC par l’intermédiaire du TLR9 113. Nous pouvons imaginer un scénario similaire dans un contexte tumoral, d’autant plus qu’une sur-expression de LL37 a été mise en évidence dans des tumeurs de l’ovaire, du sein, du poumon et de l’estomac chez l’Homme 114. Une étude chez la souris a également montré que le taux d’acide urique présent dans la tumeur était associé au développement de réponses immunitaires anti-tumorales 115. En plus de la nature et de la quantité des antigènes, le taux de signaux de danger présent dans la tumeur pourrait être un facteur important dans l’induction d’une tolérance ou d’une immunité anti-tumorale (Figure 5).

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signaux de danger

antigène

Tumeur  Ganglion 

drainant

Figure 5 : Importance des signaux de danger dans les relations entre système

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31

2.2 Environnement tumoral et immunosuppression

2.2.1 Signaux de danger, inflammation et progression tumorale

Comme nous venons de le voir, une tumeur peut être ignorée par le système immunitaire adaptatif ou induire un état de tolérance immunitaire. Dans certains cas, la présence de signaux de danger exogènes ou endogènes favorise le développement d’une réponse immunitaire anti-tumorale efficace. Cependant, beaucoup d’études ont montré qu’un taux important de nécrose tumorale, à l’origine de signaux de danger endogènes, était corrélé à un mauvais pronostic. Ceci a par exemple été montré chez l’Homme, dans des cancers pulmonaires 116, gastro-intestinaux 112, ainsi que dans les cancers du sein 117. La nécrose cellulaire dans les tumeurs peut résulter d’une privation métabolique des cellules se trouvant dans les zones hypoxiques 117. Par ailleurs, le niveau d’expression du signal de danger HMGB1 et de son récepteur RAGE dans des tumeurs de la prostate et du colon chez l’Homme a été associé à un mauvais pronostic 118 119. De même, certaines protéines S100, constituant d’autres signaux de danger endogènes, sont sur-exprimées dans de nombreux cancers chez l’Homme, incluant les cancers du sein, du poumon et de la prostate 120. Enfin, des études chez la souris ainsi que des polymorphismes chez l’Homme indiquent que les TLR peuvent favoriser la progression tumorale 121.

Ainsi, la présence de signaux de danger dans la tumeur n’est pas toujours associée à l’induction d’une réponse anti-tumorale spécifique, celle-ci dépendant également de caractéristiques antigéniques. En revanche, la présence de signaux de danger est à l’origine d’une réaction inflammatoire, caractérisée par le recrutement de leucocytes dans les tissus et par la production de différents médiateurs solubles. Les relations entre inflammation et cancer sont complexes. Des états d’inflammation chronique sont associés au développement de cancers 122123 124 et à l’inverse, la progression tumorale s’accompagne souvent du développement d’une composante inflammatoire 125. Historiquement, la présence d’infiltrat leucocytaire dans des tumeurs solides humaines a été mise en évidence par Rudolph Virchow en 1863. Des études ultérieures ont montré que dans certains cas, cette inflammation tumorale ressemblait au processus physiologique de cicatrisation 126, et était donc plus tournée vers la préservation du tissu tumoral que vers sa destruction, une dichotomie simplificatrice que nous avons évoquée en première partie. En effet, les processus qui contribuent à la réparation et à la régénération tissulaires, tels que la production de facteurs de croissance, l’induction de la

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migration cellulaire, l’angiogenèse et la résistance à l’apoptose peuvent favoriser la progression tumorale 127. Des signatures génétiques caractéristiques du processus de cicatrisation ont été identifiées dans des tumeurs humaines et sont souvent associées à un mauvais pronostic 128. Contrairement au processus de réparation tissulaire physiologique qui est transitoire, la progression tumorale pourrait être caractérisée par des cycles sans fin de nécrose et de réparation tissulaire, évoquant l’idée que la mort cellulaire pourrait être un moteur de la croissance tumorale 129 (Figure 6).

Tissu réparé Dommages tissulaires, nécrose tumorale

Programme de  réparation tissulaire Progression tumorale TL R  /  NL R

Figure 6 : La progression tumorale : une cicatrisation sans fin ? 130 Schéma théorique

des relations entre réparation tissulaire et progression tumorale (d’après Rakoff-Nahoum S, Nat Rev Cancer, 2009 121).

Les processus physiologiques de réparation tissulaire sont souvent associés à une immunosuppression 131. Dans cette partie, nous allons décrire certains acteurs immunitaires de l’inflammation pro-tumorale, et décrire quelques mécanismes d’immunosuppression liés à l’environnement tumoral.

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2.2.2 Les principales cellules immunosuppressives associées à la progression tumorale

2.2.2.1 Les macrophages

Les macrophages sont très souvent les cellules immunitaires les plus fréquentes parmi l’infiltrat leucocytaire des tumeurs solides. Ils sont présents dans une diversité de cancers chez l’Homme, dont les cancers du colon, les mélanomes, les cancers du rein, du poumon, de l’ovaire et du sein 132. Les macrophages associés aux tumeurs (TAM) se différencient à partir des monocytes du sang et sont attirés dans les tissus tumoraux par des chimiokines ou des cytokines. Parmi celles-ci, CCL2 (MCP-1) et CSF-1 (CSF), qui se lient à CCR2 et à M-CSFR respectivement, sont les plus fréquentes. Dans le cancer du sein, les niveaux d’expression de MCP-1 et de CSF-1 dans les tumeurs ont été corrélés au nombre de TAM 133134. De nombreuses études, notamment dans les cancers du sein, du col de l’utérus et de la vessie, ont montré que le degré d’infiltration des tumeurs par les TAM était corrélé à un mauvais pronostic. Il est cependant important de noter que d’autres études, concernant les cancers de l’estomac par exemple, ont donné le résultat opposé 135. Les macrophages activés avec du LPS par exemple peuvent présenter des fonctions cytotoxiques contre les cellules tumorales. En revanche, l’étude des macrophages infiltrant les tumeurs a montré que très souvent, ceux-ci présentent un phénotype pro-tumoral 136. Les TAM ont une faible activité cytotoxique anti-tumorale et sont de faibles cellules présentatrices d’antigène. Les macrophages tumoraux ne sécrètent pas beaucoup de molécules pro-inflammatoires comme l’IL-1β, l’IL-6 ou le TNF-α, ce qui est en relation avec la faible activité du facteur de transcription NFκB dans ces cellules 137. De même, l’expression de molécules oxydées de l’oxygène ou de l’azote est faible dans les macrophages tumoraux 138. En revanche, les TAM sécrètent des molécules anti-inflammatoires, comme l’IL-10 et le TGF-β, qui inhibent les réponses Th1 anti-tumorales 139. Les TAM ressemblent donc aux macrophages anti-inflammatoires de type « M2 », impliqués dans la cicatrisation et le remodelage tissulaire. Les TAM, concentrés au niveau des zones hypoxiques des tumeurs, favorisent l’angiogenèse, ce qui a été associé à un mauvais pronostic dans le cancer du sein 140. De même, les TAM favorisent la survie des cellules tumorales, leur prolifération et leur migration, notamment par la sécrétion de facteurs de croissance (ex : FGF, EGF) et de dégradation de la matrice extra-cellulaire (MMP) 137. Les TAM sont donc fortement impliqués dans le phénomène de perpétuelle cicatrisation qui caractérise certaines tumeurs 130.

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