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Le Journal de l'Andra - édition de la Manche (N°38 / printemps 2021)

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Academic year: 2022

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Texte intégral

(1)

MANCHE

de l’Andra Journal le

PRINTEMPS 2021 N°38

Mémoire

Pour que demain,

ils se souviennent…

P. 8

(2)

Sommaire

l’ essentiel éclairage

Édition de la Manche No38

Centre de stockage de la Manche

ZI de Digulleville – BP 807 – DIGULLEVILLE -50440 LA HAGUE Tél. : 0 810 120 172 - journal - andra@andra.fr

Directeur de la publication : Pierre-Marie Abadie • Directrice de la rédaction : Annabelle Quenet • Rédactrice en chef : Marie- Pierre Germain • Comité éditorial : Isabelle Deniau, Catherine Dressayre, Florence Espiet, Isabelle Guittonneau, Vincent Lelaidier, Guy-Roland Rapaumbya, Julien Recarte • Ont participé à la rédaction, pour l’Andra : Marie-Pierre Germain, Antoine Billat, Anne Brodu, Sophie Dubois, Anne-Sophie Levert, Dominique Mer ; pour Rouge Vif : Françoise de Blomac, Antoine Bonvoisin, Joël Carpenter, Fanny Costes, Emmanuelle Crédoz et Joana Maître • Responsable iconographie : Sophie Muzerelle

• Crédits photos : DR ; Andra ; Marie-Claude Alessandrini ; Alice & David Bertizzolo ; Binge Audio ; Andra/ Adrien Daste ; Philippe Demail ; Olivier Douard ; Andra / Vincent Duterme ; Martin Kunze / Licences Creative Commons ; Cécile Massart ; Patrice Maurein ; Studio Montéclair ; Sophie Muzerelle ; Orano ; rolffimages - Fotolia ; Thierry Taton-IPC 50• Dessins : Aster et Rouge Vif • Infographie : Rouge Vif • Création-réalisation : www.grouperougevif.fr - ROUGE VIF éditorial - 27011 - www.grouperougevif.fr • Impression : DILA – Siret 130 009 186 00011 – Imprimé sur du papier issu de forêts durablement gérées, 100 % recyclé dans une imprimerie certifiée imprim’vert •© Andra – 370-38 • DDP/DICOM/20-0092 • ISSN : 2106-7643 • Tirage : 39 600 exemplaires

de l’Andra Journal le

ABONNEMENT GRATUIT

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journal-andra@andra.fr, en précisant la ou les édition(s) souhaitée(s).

P.10 Se souvenir pendant des siècles : tout un programme

P.13 Le programme Mémoire de l’Andra P.14 Archiviste à l’Andra : un poste clé P.15 Passeurs de mémoire

P.16 Archéologie, linguistique,

sémiotique, etc. : la pluridisciplinarité au service de la mémoire

P.17 Vous avez dit « mémoire du futur » ? P.18 L’art pour construire une « culture

autour du nucléaire »

P.19 Memory of Mankind : témoigner de notre époque à nos lointains descendants

territoire

P.4 L’édito de Patrice Torres, directeur des opérations industrielles de l’Andra P.4 Inspection au site de

stockage de la Manche P.5 L’Andra publie

Les Essentiels 2021 de l’Inventaire national des matières et déchets radioactifs

P.5 danslesmédias

« 100 000 ans », un podcast à l’écoute du temps

P.5 Surveillance de la couverture : un nouveau protocole de tests

P.8 Dossier

Mémoire : pour que demain, ils se

souviennent

P.23 Sondage : que pensent les riverains des activités de l’Andra dans la Manche ? P.24 Interview

Déchets radioactifs et science-fiction : une plongée dans le futur P.25 Emploi: l’alternance, un

pari gagnant-gagnant P.25 Commémoration:

Gilles de Gouberville à l’honneur en Cotentin P.26 #On vous répond

« Y a-t-il des déchets radioactifs étrangers stockés en France ? » P.26 #Ils sont venus nous voir P.27 Photomystère

P.6 L’événement

Centre de stockage de la Manche : nouvelle organisation pour grands enjeux P.7 Santé et sécurité au

travail : une priorité reconnue

P.20 Quand un déchet radioactif se retrouve accidentellement dans des déchets ménagers…

P.22 Portrait

Un chef d’orchestre pour des déchets bien traités

immersion

(3)

La presse se fait parfois écho de la présence accidentelle d’objets ou de déchets radioactifs dans

des chargements de déchets ménagers. Cette situation, heureusement rare, déclenche un protocole de sécurité très rigoureux… À lire p. 20.

LE POINT DE VUE D’ASTER

Alerte déchet radioactif !

l’essentiel

(4)

Inspection au site de stockage de la Manche

Le 15 décembre 2020, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a effectué une visite d’inspection au Centre de stoc- kage de la Manche. Sa mission : véri- fier que l’Andra remplit ses obligations réglementaires en matière de surveil- lance de l’environnement.

En tant qu’installation nucléaire de base (INB), le Centre de stockage de la Manche est soumis à un certain nombre d’obliga- tions réglementaires, dont font partie les contrôles effectués par l’ASN. À l’occasion d’une à deux inspections par an, celle-ci procède à la vérification des dispositifs de surveillance de l’environnement, l’une des principales missions du CSM. « Il ne s’agit pas de vérifier l’intégralité du site à chaque fois, mais de cibler certains contrôles et de s’assurer de la complétude des bilans transmis régulièrement par l’Andra », pré- cise Adrien Manchon, chef de la division de Caen à l’ASN. « Des contrôles docu- mentaires ou visuels sont réalisés par les inspecteurs qui échangent à cette occa- sion avec les intervenants de l’Agence. »

S’assurer de la qualité de la surveillance

Au programme du 15 décembre dernier : la vérification de plusieurs appareils de mesure (fonctionnement, maintenance), ainsi que l’impact de la crise sanitaire liée à la Covid 19 sur les activités de surveil- lance du CSM. L’ASN conclut que « l'or- ganisation définie et mise en œuvre sur le

site pour répondre aux enjeux de sûreté nucléaire apparaît satisfaisante et a notam- ment permis d'assurer la continuité des activités indispensables au centre ». Pour autant, elle note quelques difficultés qui sont limitées et « représentatives d’autres installations similaires à cette période » avec certains contrôles retardés et des formations reportées.

L’Andra dispose de deux mois pour appor- ter à l’ASN des compléments d’informa- tions dans le cadre de la lettre de suites de l’inspection et proposer, le cas échéant, des mesures correctives.

l’ essentiel

Edito

Patrice Torres,

directeur des opérations industrielles de l’Andra

Comme pour beaucoup d’entre nous, l’année 2020 à l’Andra aura été marquée par la crise sanitaire.

Malgré ce contexte perturbé, nous avons maintenu nos missions essentielles sur le Centre de stockage de la Manche : la sécurité de nos installations et la surveillance de l’environnement en assurant les prélèvements sur et à l’extérieur du site, ceci grâce à l’implication de nos prestataires et des

collaborateurs Andra.

Compte tenu de ses activités, l’Agence est préparée à faire face à des situations exceptionnelles.

L’organisation et les moyens que nous imaginons pour gérer les situations les plus inattendues ont été des outils précieux pour appréhender

sereinement cette crise. Dans cette période compliquée, la solidarité a aussi été une force ; à notre petite échelle, nous avons soutenu le service départemental d’incendie et de secours (SDIS) de Beaumont-Hague en mettant à leur disposition une partie de notre stock de masques.

2021 est une année de production et d’évolution pour le Centre, les équipes vont rester mobilisées sur l’instruction du réexamen de sûreté du site, démarrée en 2020 par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Les équipes remettront également le rapport de sûreté qui décrit les dispositions techniques et organisationnelles mises en œuvre pour prévenir et limiter les risques d’incident ou d’accident sur le site.

Et vous le découvrirez en lisant ce numéro, afin de mieux concilier activités de surveillance et travaux d’études, le Centre de stockage de la Manche se réorganise avec une nouvelle direction, la création de deux services et un renforcement des équipes en local ! En attendant, je vous souhaite une agréable lecture de ce nouveau numéro du Journal de l’Andra.

(5)

Surveillance de la couverture : un nouveau protocole de tests

Dans le cadre de la surveillance de la couverture du CSM, une nouvelle phase de tests a été lancée en octobre et novembre 2020. Objectif : pour- suivre l’étude des variations détec- tées sur certains points du réseau de collecte des eaux du centre.

Comme un grand parapluie, la couver- ture du CSM empêche l’eau de pénétrer dans le stockage et la fait ruisseler pour qu’elle puisse être récupérée, mesurée et contrôlée. Elle fait l’objet d’une surveil- lance rigoureuse et d’opérations de main- tenance régulières. De petites infiltrations d’eau ayant été constatées en bordure de la couverture, des investigations sont menées pour en déterminer l’origine et programmer des travaux, si nécessaire.

« Ces variations de l’ordre de 300 à 500 m3 d’eau par an ont été détectées en plusieurs points de la couverture sur une surface d’environ 1 200 m2, soit 1 % de la superfi- cie totale du stockage », commente Albert Marchiol du service Projets, études et réa- lisation à la direction des opérations indus- trielles de l’Andra. « Ce nouveau protocole de tests a pour objectif d’af-

finer les résultats. Même si la performance de la couverture a été confir- mée, nous continuons à rechercher les causes de

ces variations. » Arrosage volontaire pour tester l'imperméabilité

l’essentiel

1173

C’est le nombre de personnes accueillies au Centre de stockage de la Manche en 2020.

Une fréquentation très honorable malgré le contexte sanitaire lié à la crise de la Covid-19 et six mois sans pouvoir recevoir du public.

lechiffre

L’environnement local à l’honneur

Pour 2021 et 2022, le Centre de l’Andra en Meuse/Haute-Marne développe de nouvelles animations pour les scolaires et les familles sur le thème de l’environ- nement. Certaines d’entre elles seront proposées en extérieur afi n de respec- ter les recommandations liées à la crise sanitaire actuelle. Au printemps, venez en famille découvrir le parcours pédago- gique dédié à l’observation de l’environ- nement à proximité de l’Écothèque. Des expositions temporaires présentées au Bâtiment d’accueil du public compléte- ront le programme.

« 100 000 ans », un podcast à l’écoute du temps

Fin 2020, Binge Audio a dévoilé le podcast « 100 000 ans ». Co-produit par l’Andra, cette enquête menée par Anne-Cécile Genre nous invite à explorer une question essentielle, celle du temps. De quoi le temps est-il fait ? Comment le compte-t-on ? Comment défi nit-on sa précision ? Est-il le même pour tous ? Au cours d’une pérégrination de plus d’un an qui débute au Laboratoire souterrain de l’Andra, la journaliste part à la rencontre d’un paléontologue, d’une physicienne, de la petite-fi lle de Marie Curie, d’un cosmologue, d’une sprinteuse ou encore d’une écrivaine de science-fi ction… En 6 épisodes, ce podcast passionnant interroge notre rapport au temps, mais surtout, notre humanité.

L’Andra publie Les Essentiels 2021 de l’Inventaire national des matières et déchets

radioactifs

Comme chaque année, Les Essentiels 2021 présentent l’évolution des stocks de matières et déchets radioactifs produits en France (stocks à fi n 2019), en complément de l’édition de l’Inventaire national, réalisée tous les cinq ans*.

Les Essentiels 2021 rappellent également les « inventaires prospectifs » de la dernière édition de l’Inventaire national : des estimations des quantités de matières et déchets, selon plusieurs scénarios contrastés liés au devenir des

installations et à la politique énergétique de la France à long terme.

L’Inventaire national est un outil précieux pour le pilotage de la politique de gestion des matières et déchets radioactifs.

* depuis la loi du 7 décembre 2020 modifi ant l’Article L542-12 du code de l’environnement.

l’essentiel

1 000

C’est le nombre de mètres de démonstrateurs d’alvéoles de haute activité (HA) construits au Laboratoire souterrain de l’Andra à moins 500 mètres sous terre.

Ce cap a été franchi à la fi n de l’année 2020.

En onze ans de travaux, ces microtunnels expérimentaux dédiés au stockage des colis de déchets de haute activité (HA) ont permis à l’Andra de

consolider ses connaissances scientifi ques et techniques sur ce type d’ouvrage, en prévision du projet Cigéo.

danslesmédias

lechiff re

Pour le découvrir, c’est ici :

https://andra.fr/ca-fait-combien-100-000-ans Toutes les données sont disponibles sur

https://inventaire.andra.fr

Toutes les informations sur

https://meusehautemarne.andra.fr

(6)

l’ essentiel

Centre de stockage de la Manche :

nouvelle organisation pour grands enjeux

Afin de mieux concilier activités de surveillance et de travaux d’études, le Centre de stockage de la Manche se réorganise avec une nouvelle direction et la création de deux services.s.

L’ÉVÉNEMENT

* Ce document, remis à jour tous les 10 ans, constitue le référentiel principal du centre. Il contient la description du site : ses structures, son fonctionnement dans l’environnement, les éléments tels que la membrane qui permettent d’en assurer la sûreté.

Le saviez-vous ?

— Radioprotection sécurité et maintenance, suivi du plan de

surveillance, qualité de l’environnement, sûreté et mémoire, communication, secrétariat… L’effectif du Centre de stockage de la Manche est constitué de 10 collaborateurs au total.

Le Centre de stockage de la Manche a beau être en phase de fermeture, il n’en connaît pas moins une mon- tée en puissance de son activité, notamment en matière d’études.

Pour mener à bien de façon optimale ses principales missions, une réor- ganisation interne était nécessaire.

Celle-ci a pris effet au 1er février, avec l’arrivée d’un nouveau directeur, Julien Recarte, qui travaillait précé- demment en tant qu’ingénieur sûreté

sur le Centre de stockage de l’Aube.

Deux pôles d’activités distincts sont créés, dédiés, l’un à l’exploitation du site (tout ce qui concerne la surveil- lance du bon fonctionnement des installations), l’autre aux études et aux travaux (pérennisation de la couverture, jouvence des réseaux de recueil des eaux, etc.).

Deux services main dans la main

« Jusqu’à présent, tous les postes fonctionnaient de manière transverse avec une grande polyvalence des col- laborateurs. Les deux types d’activité – exploitation et études – seront main- tenant distincts, mais en conservant une interface très forte, » commente Florence Espiet-Subert qui prend la responsabilité du pôle Études et tra- vaux après avoir dirigé le CSM pen- dant 8 ans. « Nous allons continuer à travailler main dans la main. » Ainsi, le pôle exploitation pourra faire appel au pôle études dans le cadre notamment de la recherche d’amé- lioration continue de la couverture du stockage et de la pérennité de l’installation (réseaux de collecte des effluents, jouvence et travaux neufs…).

Inversement, les travaux préconisés par le pôle études, réalisés par des prestataires, pourront être supervisés par le pôle exploitation. « Les besoins d’études sont importants pour prépa- rer l’entrée en phase de surveillance du site et trouver les meilleures solu- tions », souligne Julien Recarte, nou- veau directeur du site, qui dirige le

pôle exploitation. « La clarification des missions permettra aussi au pôle exploitation d’être entièrement dis- ponible pour effectuer la surveillance quotidienne des impacts du site sur l’environnement. »

Préparer l’avenir du site Avec ce cadre mieux défini, le site est en mesure de mieux s’adapter aux grands enjeux actuels et à venir.

Outre le volet travaux, les enjeux sont aussi de nature réglementaire et administrative et concernent spéci- fiquement le pôle études. Ce dernier est notamment chargé de la mise à jour du rapport de sûreté* qui doit être remis courant 2021 et du suivi de son instruction.

Troisième type d’enjeu : la transmis- sion de la mémoire du site. Dans cet objectif, le pôle études pour- suit la refonte du « dossier détaillé de mémoire ». Les futurs exploitants du centre devront pouvoir se réfé- rer à ces archives de nature tech- nique lorsque le site sera fermé et passera en phase de surveillance.

Actuellement en cours d’instruction, le « dossier synthétique de mémoire » destiné, lui, au grand public, reste aussi à finaliser (lire p. 14).

« L’organisation plus robuste dont nous nous sommes dotés nous per- mettra de gagner en sérénité et en efficacité pour mieux préparer l’ave- nir du site, confirme Julien Recarte.

Cette évolution est également l'op- portunité de créer deux postes en CDI sur le centre. »

Julien Recarte,

directeur du Centre de stockage de la Manche

Florence Espiet-Subert,

responsable du service Études - Travaux du Centre de stockage de la Manche

(7)

Norme ISO 45001, référentiel OHSAS, quelle différence ?

— Le référentiel "OHSAS 18001" était jusqu’à présent la référence en matière de management de la Santé et la Sécurité au Travail (SST) pour les entreprises. Si la plupart des exigences de ce référentiel sont maintenues, la norme ISO 45001 en apporte de nouvelles, notamment en matière de bien-être au travail et d'implication de tous dans la prévention des risques et des accidents du travail.

Santé et sécurité au travail : une priorité reconnue

Certifiée OHSAS 18001 depuis 10 ans, l’Andra a obtenu, en 2020, son passage à la certification ISO 45001. Depuis 2018, cette norme très exigeante s’applique aux organisations soucieuses de réduire les risques professionnels et d’améliorer le bien-être de leurs employés. Une reconnaissance de la qualité des conditions de travail à l’Andra.

Très attendue des professionnels, la nouvelle norme ISO 45001, élaborée avec la participation de 60 pays, est la première à fixer à l’échelle inter- nationale des règles communes en matière de santé et de sécurité au travail. « Contrairement aux textes réglementaires comme le Code du travail dont l’application est obli- gatoire, la normalisation est une démarche volontaire », explique en préambule Christian Morero, Chef du service Sûreté et Prévention des Risques des centres industriels de l’Andra dans l’Aube. Elle témoigne de la détermination d’une organisa- tion à améliorer en continu les condi- tions de travail de ses employés et à réduire les risques d’accidents asso- ciés à ses activités.

Viser le risque 0

Déclinée de la même manière sur tous les sites de l’Andra, la norme

ISO 45001 s’applique différemment en fonction des métiers. Les postes de bureau n’étant pas exposés aux mêmes risques ni aux mêmes nui- sances que les emplois « de ter- rain ». À l’Andra, le risque lié à la radioactivité est pris en compte depuis longtemps et ne constitue pas, au quotidien, le risque prépon- dérant. « Aujourd’hui la vigilance porte essentiellement sur la lutte

contre les habitudes et les certi- tudes souvent à l’origine de relâ- chements. Cette norme permet, en travaillant principalement sur ce que l’on nomme les facteurs organisationnels et humains, d’al- ler encore plus loin et de s’appro- cher du risque zéro ».

Qualité de vie et concertation Si l’Andra avait déjà mis en place un système de management de la santé et de la sécurité au tra- vail basé sur le référentiel OHSAS 18001, avec la certification ISO 45001, elle améliore encore ses performances. Sur le volet humain en premier lieu : « la qualité de vie au travail devient, avec cette norme, un véritable levier de performance, partant du principe qu’un employé est plus attentif à la sécurité s’il est bien dans son travail. » Elle vise aussi l’organisationnel, surtout l’anticipation des changements, et concerne également les visi- teurs de l’Andra.

Enfin, il s’agit aussi de diffuser cette culture de santé et de sécu- rité au travail, au-delà de l’Andra.

« Plus la culture de santé/sécu- rité conduira à être proche du zéro accident, plus elle sera inté- grée par les salariés, et plus cette culture sera portée à l’extérieur de l’entreprise », indique Christian Morero. Autres maîtres mots, l’im- plication de tous : « à travers ce nouveau dispositif de management de la sécurité et de la santé au travail, l’avis des collaborateurs, des prestataires et des parties pre- nantes est sollicité de manière à bâtir une boucle vertueuse et per- manente d’amélioration de nos conditions de travail ».

l’essentiel

(8)

éclairage

DOSSIER

éclairage

(9)

éclairage éclairage

Mémoire

Pour que demain,

ils se souviennent…

Dangereux pour l’Homme et l’environnement, les déchets radioactifs doivent être isolés et

confi nés tout le temps qu’ils présentent des risques.

C’est pourquoi l’Andra déploie des solutions de stockage, en surface ou en profondeur, dans des installations dédiées qui, une fois fermées, et après une période de surveillance, ne nécessitent aucune intervention de la part des générations futures.

Mais lorsqu’il est question de durées allant de quelques dizaines d’années à plusieurs centaines de milliers, la mémoire revêt un enjeu particulier et doit être préservée et transmise dès aujourd’hui…

et pour demain. C’est l’ambition du « programme Mémoire » de l’Andra. Il vise à nourrir la conscience de l’existence des centres de stockage au présent et à réfl échir aux solutions qui permettront de

transmettre et prolonger le plus longtemps possible la mémoire de ces installations. Un défi à relever de génération en génération.

P.10 Se souvenir pendant des siècles : tout un programme P.13 Le programme Mémoire de l’Andra

P.14 Archiviste à l’Andra : un poste clé P.15 Interview : Passeurs de mémoire

P.16 Archéologie, linguistique, sémiotique, etc. : la pluridisciplinarité au service de la mémoire P.17 Vous avez dit « mémoire du futur » ?

P.18 L’art pour construire une « culture autour du nucléaire » P.19 Memory of Mankind : témoigner de notre époque à nos

lointains descendants

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éclairage

DOSSIER

Se souvenir pendant des siècles : tout un programme

Quand les sites de stockage de déchets radioactifs seront fermés, que les paysages changeront et que les sociétés évolueront,

comment les générations futures pourront-elles éviter de s’exposer à un risque ? Comment prendront-elles les décisions appropriées et retrouveront-elles la trace de l’époque ayant produit les déchets ? C’est à ces questions que l’Andra cherche à répondre à travers son programme sur la mémoire des centres de stockage. Objectif : préserver et transmettre les informations essentielles

à nos descendants.

DÉCHETS RADIOACTIFS : POURQUOI EST-IL ESSENTIEL DE S’EN SOUVENIR ? Si la mémoire est un sujet qui

anime l’Andra, c’est d’abord en raison de la nature des déchets qu’elle est chargée de gérer et qui, pour certains, resteront radioactifs

des centaines de milliers d’années.

« Même si les centres de stockage sont conçus pour être sûrs sans intervention humaine et même en cas d’oubli, une fois fermés, des

dispositifs doivent être mis en place pour que la mémoire perdure aussi longtemps que possible et ce, mal- gré d’éventuelles ruptures sociales ou politiques, explique Jean-Noël Dumont, responsable du pro- gramme Mémoire à l’Andra. Le pre- mier objectif de notre démarche est d’éviter, par exemple, que ne soit construite une école ou un hôtel au-dessus d’un ancien centre de stockage de surface. Et, pour le stockage géologique profond (le projet Cigéo), d’éviter le plus long- temps possible que des humains aillent forer ou excaver, sans pré- cautions, à proximité des déchets, ce qui reste malgré tout peu pro- bable et supposerait le déploiement d’une technologie importante. » Mais ce n’est pas l’unique raison.

« Pendant les premiers siècles, nous pensons qu’il est crucial de transmettre une connaissance détaillée sur les infrastructures de stockage, les caractéristiques des déchets stockés, la manière dont ils sont conditionnés ou encore sur les raisons qui fondent leur sûreté », souligne Jean-Noël Dumont. Cette mémoire plus « technique » pourra en eff et aider de futurs exploitants, ingénieurs et autorités de sûreté à prendre des décisions en toute connaissance de cause concer- nant le devenir des sites sur les- quels se trouvent les installations de stockage. « Elles font également partie de l’héritage scientifi que et technologique que notre généra- tion transmettra aux suivantes. En conserver la mémoire leur permet- tra de comprendre les événements passés, au même titre que d’autres types de patrimoines (architectural, littéraire, artistique, etc.). »

Vertiges de l’Histoire

Se projeter sur des centaines de milliers d’années est verti- gineux. Comment notre espèce et nos sociétés auront-elles évo- lué dans 100 000 ans ? Pour ten- ter d’appréhender une telle échéance de temps, il est utile de porter un regard en arrière…

éclairage

DOSSIER

Documents Andra gravés sur un disque de saphir

Homo Sapiens se répand sur

la planète

Les autres espèces humaines

disparaissent

Dame de Brassenpouy (la première représentation connue d’un visage humain)

- 100 000 ans - 50 000/-10 000 ans - 25 000 ans

- 300 000 ans

Premières traces de l’existence d’Homo Sapiens

(11)

éclairage

>>

COMMENT TRANSMETTRE LA MÉMOIRE ?

Répondre à ces impératifs n’est pourtant pas aisé. Cela suppose non seulement de sélectionner parmi toutes les connaissances et données disponibles celles qui seront les meilleurs témoins de nos actions pour un large public, et celles qui s’avéreront les plus pertinentes pour les exploitants et décideurs du futur. Cela invite aussi à questionner les supports de transmission et leur résistance au temps. Ces archives papier seront- elles encore lisibles dans 500 ans ? Les riverains des sites compren- dront-ils encore nos langues et nos symboles dans 1 000 ans ? Quelles civilisations nous succéderont dans 100 000 ans ?

Pour explorer toutes les pistes et imaginer non pas un mais plu- sieurs dispositifs de conserva- tion et de transmission, l’Andra a mis en place un vaste programme d’études et de travaux, appelé « pro- gramme Mémoire des stockages de déchets radioactifs pour les géné- rations futures ». Il s’appuie sur quatre piliers : la documentation réglementaire et les archives, les interactions sociétales, les études et recherches, et la collaboration internationale.

« Le premier pilier, réglementaire et institutionnel, repose sur deux types de documents, exigés par la régle- mentation française. Le premier, le dossier synthétique de mémoire, ne doit pas être trop volumineux ni trop complexe à comprendre pour s’adresser au plus large public pos- sible, précise Jean-Noël Dumont.

Le deuxième, le dossier détaillé de

mémoire, s’adresse principalement aux exploitants et autorités du futur.

Il ne s’agit pas uniquement d’enregis- trer les documents au fur et à mesure qu’ils sont produits. Il faut surtout organiser cette information de sorte qu’elle soit accessible et pertinente sur la durée. C’est un travail de longue haleine, qui demande beaucoup de rigueur et de patience à nos archi- vistes » (lire p. 14).

PAR QUELS MOYENS CONCERNER LE PLUS DE MONDE ?

Pour préserver la conscience de l’existence des stockages, tout le monde a un rôle à jouer, spécialistes ou non, riverains des installations ou pas. C’est le sens du deuxième pilier du programme Mémoire : les interactions sociétales. « Il s’agit de toucher les publics les plus larges possible afi n que cette conscience soit ancrée dans la société et que la société elle-même puisse s’en saisir de façon autonome. Car l’Andra n’a pas la prétention d’exister éternel- lement », assure le responsable du programme Mémoire.

Pour faire vivre ce deuxième pilier, de nombreux projets et actions ont été menés ou sont en cours. Sur chaque site où l’Andra intervient, des groupes mémoires ont par exemple été créés il y a dix ans. Ils sont constitués de riverains réunis pour réfl échir aux moyens de trans- mettre l’existence des centres de la Manche, de l’Aube et de ce qui n’est encore qu’en projet, Cigéo, en Meuse/Haute-Marne (lire p. 15).

Trois appels à projets « Art et Mémoire » ont aussi été lancés par l’Agence en 2015, 2016 et 2018

Jean-Noël Dumont,

responsable du programme Mémoire à l’Andra

pour que peintres, écrivains, sculp- teurs, graphistes, photographes…

imaginent les moyens de prévenir nos descendants de l’emplacement des déchets (lire p. 18).

Toujours pour s’adresser au plus vaste public possible, l’Andra a souhaité créer une collection de livres (lire encadré page suivante) mais aussi se tourner vers ceux qui relaient de l’information au présent.

« Nous répondons toujours favora- blement aux journalistes et nous tra- vaillons avec des youtubeurs dont la voix est très entendue des plus jeunes générations », précise Jean- Noël Dumont.

Et parce qu’un travail sur la mémoire invite à se projeter et donc à inno- ver, l’Andra s’appuie aussi sur les études et les recherches, troisième pilier de son programme, pour interroger les supports existants de transmission de la mémoire et en tester de nouveaux. Experts de l’Agence et chercheurs de diff é- rents horizons explorent ainsi des disciplines variées comme la >>

éclairage

Peintures rupestres (Lascaux)

Débuts de l’agriculture et du regroupement urbain (Mésopotamie)

Invention de l’écriture (fi n de la

Préhistoire)

Essor scientifi que et technique en Occident (Copernic, Galilée…)

Révolution industrielle

Il s’agit de toucher les publics les plus larges possible afi n que cette conscience soit ancrée dans la société »

- 15 000 ans - 12 000 ans - 5 000 ans - 500 ans - 200 ans

(12)

éclairage

DOSSIER

chimie du papier et des encres, l’étude des signes et leur signifi - cation (sémiotique graphique et sonore) ou encore les sciences humaines et la socio-anthropolo- gie (lire pp. 16-17).

« Quand j’ai découvert le programme Mémoire de l’Andra, j’ai trouvé très intéressant que des ingénieurs se posent des questions anthropolo- giques fondamentales concernant les capacités de résistance au temps d’un dispositif technique qui nous engage à nous placer sous l’horizon d’un très long terme », témoigne Laëtitia Ogorzelec-Guinchard, uni- versitaire et socio-anthropologue.

POURQUOI LA MÉMOIRE DES SITES DE DÉCHETS RADIOACTIFS GAGNE- T-ELLE À ÊTRE PENSÉE À L’INTERNATIONAL ?

Depuis le mois d’octobre 2020, cette chercheuse et son équipe travaillent à un programme de recherche intitulé TMS pour « trans- mettre la mémoire des sites de stoc- kage de déchets radioactifs ». Dans ce cadre, elles ont proposé à l’An- dra d’analyser la boîte à outils sur la mémoire (en tout 35 mécanismes tels les musées, les archives, la réglementation, la surveillance, les marqueurs et capsules temporelles, le patrimoine industriel, l’art ou les accords internationaux…) imaginée dans le cadre du projet internatio- nal RK&M (Preservation of Records, Knowledge and Memory), sous l’égide de l’Agence pour l’énergie

nucléaire de l’OCDE. Le groupe d’experts de ce projet, qui s’est conclu en 2019, réunissait essen- tiellement des représentants d’or- ganismes impliqués dans la gestion des déchets radioactifs, mais aussi de transmission (archivistes).

Car, et c’est le quatrième pilier du programme Mémoire de l’Andra, la collaboration internationale s’avère être très enrichissante aussi quand il s’agit de penser la mémoire des sites de déchets radioactifs. C’est ainsi qu’entre 2011 et 2019, RK&M a permis d’élaborer une compré- hension commune des enjeux mémoriels et des grands principes à mettre en œuvre, en laissant à chaque pays le soin de les décliner suivant ses spécifi cités, pour faire comprendre génération après géné- ration où, pourquoi et comment les déchets radioactifs ont été stockés.

« Aujourd’hui, notre rôle en tant que chercheurs extérieurs à l’Andra, c’est d’analyser les mécanismes de cette boîte à outils un par un en les mettant à l’épreuve de nos

connaissances socio-anthropolo- giques, explique Laëtitia Ogorzelec- Guinchard. Tel mécanisme va-t-il permettre à la population aujourd’hui d’adhérer à l’histoire d’un site, au patrimoine qu’il représente, pour ensuite le transmettre à son tour, par exemple ? » Cela devrait permettre ensuite à l’Andra et ses homologues d’expliciter et d’améliorer les outils qu’ils ont imaginés, dans le cadre du nouveau programme de colla- boration internationale – IDKM – (lire p. 19) qui a été lancé en 2020.

QUE SE PASSERAIT-IL SI ON OUBLIAIT LE STOCKAGE ? Avec ces diff érents piliers du pro- gramme Mémoire, l’Andra a donc engagé un travail de fond sur de nombreux axes afi n de construire au fur et à mesure un dispositif mémoriel capable de traverser les siècles.

Toutefois, au-delà, à l’échelle plu- rimillénaire, cet exercice pourrait ne pas persister… et les sites de stockage de déchets radioactifs pourraient être oubliés. « Nous faisons tout pour que la mémoire perdure le plus longtemps pos- sible. 500 ans au moins, souligne Jean-Noël Dumont. Mais parce que cet oubli fait partie des scé- narios possibles que l’Autorité de sûreté nucléaire nous demande de prendre en compte, nous nous assurons par ailleurs de conce- voir des stockages qui permettent de garantir que, même si on avait oublié leur existence et qu’on venait à construire en surface ou à creu- ser, les conséquences environne- mentales ou sanitaires seraient très limitées. »

éclairage

DOSSIER

Des livres pour se souvenir

— « Après avoir mené de nombreux travaux en rapport avec la mémoire, nous avons souhaité lancer une collection dédiée à ce sujet. Nous éditons des ouvrages qui sont suffi samment documentés et intéressants pour qu’on ait envie de les garder », confi e Jean-Noël Dumont. Le premier ouvrage de la collection Mémoire de l’Andra vient ainsi de sortir. Il revient sur l’étude réalisée par le chercheur Frédéric Ogé sur le canal du Midi et sur ce que cet ouvrage, construit sous Louis XIV, lui a appris sur la transmission de la mémoire.

En phase de fermeture, le Centre de stockage de la Manche est un site précurseur pour la conservation et la transmission de la mémoire.

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éclairage

chimie du papier et des encres, l’étude des signes et leur signifi - cation (sémiotique graphique et sonore) ou encore les sciences humaines et la socio-anthropolo- gie (lire pp. 16-17).

« Quand j’ai découvert le programme Mémoire de l’Andra, j’ai trouvé très intéressant que des ingénieurs se posent des questions anthropolo- giques fondamentales concernant les capacités de résistance au temps d’un dispositif technique qui nous engage à nous placer sous l’horizon d’un très long terme », témoigne Laëtitia Ogorzelec-Guinchard, uni- versitaire et socio-anthropologue.

POURQUOI LA MÉMOIRE DES SITES DE DÉCHETS RADIOACTIFS GAGNE- T-ELLE À ÊTRE PENSÉE À L’INTERNATIONAL ?

Depuis le mois d’octobre 2020, cette chercheuse et son équipe travaillent à un programme de recherche intitulé TMS pour « trans- mettre la mémoire des sites de stoc- kage de déchets radioactifs ». Dans ce cadre, elles ont proposé à l’An- dra d’analyser la boîte à outils sur la mémoire (en tout 35 mécanismes tels les musées, les archives, la réglementation, la surveillance, les marqueurs et capsules temporelles, le patrimoine industriel, l’art ou les accords internationaux…) imaginée dans le cadre du projet internatio- nal RK&M (Preservation of Records, Knowledge and Memory), sous l’égide de l’Agence pour l’énergie

nucléaire de l’OCDE. Le groupe d’experts de ce projet, qui s’est conclu en 2019, réunissait essen- tiellement des représentants d’or- ganismes impliqués dans la gestion des déchets radioactifs, mais aussi de transmission (archivistes).

Car, et c’est le quatrième pilier du programme Mémoire de l’Andra, la collaboration internationale s’avère être très enrichissante aussi quand il s’agit de penser la mémoire des sites de déchets radioactifs. C’est ainsi qu’entre 2011 et 2019, RK&M a permis d’élaborer une compré- hension commune des enjeux mémoriels et des grands principes à mettre en œuvre, en laissant à chaque pays le soin de les décliner suivant ses spécifi cités, pour faire comprendre génération après géné- ration où, pourquoi et comment les déchets radioactifs ont été stockés.

« Aujourd’hui, notre rôle en tant que chercheurs extérieurs à l’Andra, c’est d’analyser les mécanismes de cette boîte à outils un par un en les mettant à l’épreuve de nos

connaissances socio-anthropolo- giques, explique Laëtitia Ogorzelec- Guinchard. Tel mécanisme va-t-il permettre à la population aujourd’hui d’adhérer à l’histoire d’un site, au patrimoine qu’il représente, pour ensuite le transmettre à son tour, par exemple ? » Cela devrait permettre ensuite à l’Andra et ses homologues d’expliciter et d’améliorer les outils qu’ils ont imaginés, dans le cadre du nouveau programme de colla- boration internationale – IDKM – (lire p. 19) qui a été lancé en 2020.

QUE SE PASSERAIT-IL SI ON OUBLIAIT LE STOCKAGE ? Avec ces diff érents piliers du pro- gramme Mémoire, l’Andra a donc engagé un travail de fond sur de nombreux axes afi n de construire au fur et à mesure un dispositif mémoriel capable de traverser les siècles.

Toutefois, au-delà, à l’échelle plu- rimillénaire, cet exercice pourrait ne pas persister… et les sites de stockage de déchets radioactifs pourraient être oubliés. « Nous faisons tout pour que la mémoire perdure le plus longtemps pos- sible. 500 ans au moins, souligne Jean-Noël Dumont. Mais parce que cet oubli fait partie des scé- narios possibles que l’Autorité de sûreté nucléaire nous demande de prendre en compte, nous nous assurons par ailleurs de conce- voir des stockages qui permettent de garantir que, même si on avait oublié leur existence et qu’on venait à construire en surface ou à creu- ser, les conséquences environne- mentales ou sanitaires seraient très limitées. »

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DOSSIER

Des livres pour se souvenir

— « Après avoir mené de nombreux travaux en rapport avec la mémoire, nous avons souhaité lancer une collection dédiée à ce sujet. Nous éditons des ouvrages qui sont suffi samment documentés et intéressants pour qu’on ait envie de les garder », confi e Jean-Noël Dumont. Le premier ouvrage de la collection Mémoire de l’Andra vient ainsi de sortir. Il revient sur l’étude réalisée par le chercheur Frédéric Ogé sur le canal du Midi et sur ce que cet ouvrage, construit sous Louis XIV, lui a appris sur la transmission de la mémoire.

En phase de fermeture, le Centre de stockage de la Manche est un site précurseur pour la conservation et la transmission de la mémoire.

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éclairage

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Les centres de stockage sont en activi

1 0 00 0 A N S…

5 0 00 A NS … 1 0 00 AN S …5 00 ANS

s Le

centres de stockag

e deviennent passifs et ne cessitent plus d’interventionhumaine

MOIRE À COURT ET MOYEN TERMES MÉMOIRE À LONG ET TRÈS LONG TERME

5 0 A N S … 1 0 0 A N S … 2 0 0 A N S …

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Les interactions

sociales Les études et

recherches La collaboration

internationale La documentation

règlementaire et les archives

L’oubli : étant donné l'incertitude de conserver la mémoire sur de très longues périodes,

les centres de stockage sont conçus pour rester sûrs longtemps après leur fermeture sans qu'aucune intervention des générations futures ne soit nécessaire. L'oubli est donc possible au-delà de quelques siècles sans que cela ne présente de risques importants.

LA MÉMOIRE TECHNIQUE Dossier détaillé et dossier synthétique de mémoire, servitudes publiques*

> Transmettre toutes les informations sur les stockages pour permettre à nos descendants de prendre des décisions en toute connaissance de cause.

LA MÉMOIRE ACTIVE

Expositions, visites, groupes mémoire, parrainages, art et littérature, médias…

> Ancrer la conscience de l’existence des centres de stockage dans la société.

LA MÉMOIRE TRANSNATIONALE IDKM : plateforme de réflexion à l’international

> Élaborer une connaissance commune et partagée de la conservation et de la transmission de la mémoire.

LA MÉMOIRE AU FUTUR Innovation scientifique (sciences de la nature, technologies, sciences humaines et sociales)

> Prévenir nos très lointains descendants de la présence des centres de stockage.

Le programme Mémoire de l’Andra

4 piliers pour conserver et transmettre la mémoire dans le temps

LE SAVIEZ-VOUS ? Même après leur fermeture, les centres de stockage et leur environnement continueront d’être surveillés par l’Andra pendant quelques centaines d’années.

Cette surveillance sera progressivement réduite jusqu’à ce que la sûreté des centres de stockage ne nécessite plus d’interventions humaines.

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DOSSIER

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DOSSIER

Archiviste à l’Andra : un poste clé

Pour sélectionner, conserver et transmettre la mémoire de ses centres de stockage, l’Agence a établi une

solution mémorielle dite de référence. Elle s’appuie notamment sur le travail minutieux des archivistes.

Rencontre.

Chaque jour depuis 2009, Sophie Loisy, archiviste à l’Andra, collecte, classe, décrit, conserve et met à dis- position du personnel de l’Agence qui en fait la demande les archives liées aux activités de l’Andra. « Ces archives classiques sont conservées telles qu’elles ont été produites par les diff érents services de l’Andra.

Mais en parallèle, nous avons engagé un travail de sélection et de structu- ration très précis pour transmettre au plus large public possible, des ingénieurs aux riverains du futur, la mémoire de nos centres, explique Sophie Loisy. C’est ce qu’on appelle la solution de référence. »

Ce besoin de préserver la mémoire des sites de stockage est apparu dans les années 1980 lorsque l’Andra a commencé à préparer la fi n de l’exploitation du Centre de stockage de la Manche (CSM).

Depuis, le CSM est devenu le site pilote pour la mise en œuvre de cette solution basée sur une mul- titude de dispositifs de mémoire active (lire encadré) et trois dis- positifs archivistiques de mémoire

passive. « Et pour ces trois derniers, le métier d’archiviste a toute son importance », poursuit Sophie Loisy.

Transmettre les informations nécessaires sur le temps long Le premier, baptisé « dossier détaillé de mémoire », se compose à l’heure actuelle pour le CSM d’environ 11  000 documents destinés aux ingénieurs ou techniciens de demain

« pour comprendre comment on a travaillé à l’époque, comment on a stocké les déchets radioactifs, quels étaient ces déchets, et si besoin, intervenir sur le centre dans les meil- leures conditions ». Ces informations

Qu’est-ce que la mémoire active ?

— La mémoire active consiste à faire vivre et à préserver la connaissance des centres de stockage. Elle s’appuie localement, d’une part sur l’organisation d’expositions, de visites du site ou d’actions de parrainages des associations ou acteurs locaux et, d’autre part, sur l’existence d’un « groupe mémoire » chargé de se réunir régulièrement. Elle est complétée par d’autres actions, aux niveaux national et international : échanges avec les médias, production de supports divers par l’Andra.

sont imprimées sur du papier per- manent (voir p.16) et dupliquées en deux exemplaires puis conservées sur le centre de stockage concerné et aux Archives nationales.

Mais les archivistes de l’Andra constituent aussi un « dossier syn- thétique de mémoire ». « Alors que le dossier détaillé va représenter plu- sieurs mètres linéaires d’archives, le dossier synthétique représente un volume de données plus restreint, composé de trois niveaux autopor- teurs, dans lequel on va compiler des informations essentielles diff u- sables à un large public : une “ultra- synthèse” (une page recto-verso), un dossier de quarante pages (concep- tion du centre, nature et inventaire des déchets stockés, dispositifs de sûreté, risques résiduels à long terme…) et des fi ches repères », décrypte l’archiviste de l’Andra.

Quant au troisième dispositif archi- vistique, il n’est pas encore mis en œuvre. Il s’agira de demander l’au- torisation d’inscrire l’emprise fon- cière du CSM au cadastre, ainsi que d’établir des servitudes : un plan territorial créé à l’époque napo- léonienne dans sa forme actuelle mais dont l’origine remonte à l’Antiquité et aujourd’hui encore uti- lisé et conservé dans les centres d’archives départementales pour préserver la mémoire.

La mise en œuvre de la solution de référence demande donc beau- coup de temps et de rigueur. C’est pourquoi elle est déjà en cours de constitution sur le Centre de stockage de l’Aube (CSA) depuis 2005. Pour Sophie Loisy, « être en posture de construire la mémoire est vraiment responsabilisant et enthou- siasmant ».

Sophie Loisy, archiviste aux centres de stockage de l’Aube et de la Manche.

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Depuis quand et pourquoi vous êtes-vous engagée dans le groupe mémoire de la Manche ?

J’ai intégré le groupe au moment de sa création. C’était dans la continuité de mes activités : j’avais été salariée chez Orano, puis élue et membre de la commission locale d’information du CSM et donc informée sur la gestion des déchets radioactifs par l’Andra.

Je pouvais désormais réfléchir au futur et explorer un sujet moins scientifique.

Voilà près de 10 ans que votre groupe existe : pouvez-vous nous rappeler ses missions ? Quand on a commencé nos tra- vaux, notre interrogation était la suivante : si quelqu’un dans plusieurs siècles se décidait à implanter une station balnéaire

Vous avez aussi contribué à l’élaboration d’une ultra-synthèse qui figure dans le dossier synthétique de mémoire du CSM. Un travail pour lequel vous avez collaboré avec les étudiants en sémiotique de l’université de Limoges. Que vous ont-ils appris ?

C’est un énorme travail : syn- thétiser 100 pages d’informa- tions sur le centre en une seule page recto verso ! Nous avons d’abord débattu pour s’accorder sur ce qu’il fallait mettre et sur la manière de le faire : écriture, symboles, images… Après une première version, nous avons échangé avec les étudiants en sémiotique afin de bénéficier de leur regard d’experts du lan- gage. Nous avons alors réalisé à quel point c’était un métier. Ils nous ont beaucoup éclairés sur les symboles et leur utilisation, mais aussi conseillé pour alléger encore la page.

Quels sont vos objectifs pour les années à venir ?

Notre objectif est de valoriser les articles de presse que nous avons répertoriés sous forme d’un document – un livre par exemple – retraçant l’historique du site dans son environnement géographique et sociétal, afin de transmettre une photographie de la perception qu’on avait alors à nos descendants.

Depuis 2011, un « groupe mémoire » a été créé pour chaque site de l’Andra afin de réfléchir aux moyens de transmettre la mémoire des centres de stockage aux générations futures. Entre la collecte d’articles de la presse locale, la co-création d’une ultra-synthèse sur le Centre de stockage de la Manche (CSM) ou la mise en place d’un parcours mémoriel sur la commune de

Digulleville, les membres du groupe de la Manche cherchent à faire perdurer la mémoire des lieux.

Marie-Claude Alessandrini y participe depuis le départ. Témoignage.

INTERVIEW

Passeurs de mémoire

Marie-Claude Alessandrini

Membre duGroupe mémoire

en bord de mer, sur un ancien site de stockage de déchets radioac- tifs, comment le prévenir de ce qui s’était passé sur ce lieu ? Nous recherchons donc des marqueurs identifiables sur le long terme pour matérialiser l’existence du site dans le temps.

Qui compose votre groupe ? Quels sont les profils (métiers, genre, âge…) ? Nous sommes une quinzaine de personnes de 60 ans et plus. Des élus locaux et agriculteurs, d’an- ciens salariés de l’Andra, d’Orano, un archiviste de la Marine nationale ou encore une ancienne bibliothé- caire de la ville de Cherbourg. Nous avons un grand plaisir à nous retrou- ver, ce qui facilite nos travaux.

De quels travaux et réalisations êtes-vous la plus fière ?

Notre participation en 2016 et 2018 au jury du concours Art et Mémoire pour le prix du public nous a beaucoup marqués. Nous avons découvert chaque projet d’artiste individuellement avant d’en discuter collectivement. Il a fallu qu’on se pose les bonnes questions : pourquoi choisit-on une œuvre d’art ? Et serait-elle réalisable sur notre site ? C’est très enrichissant de s’ouvrir à l’art. Par ailleurs, nous avons passé beau- coup de temps à collecter des articles de la presse de la Manche pour tout ce qui concernait l’Andra et le CSM entre 1967 et 1992.

Could in/Could out », Alice et David Bertizzolo, prix du public de l'appel à projets artistiques 2016

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DOSSIER

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DOSSIER

Archéologie, linguistique, sémiotique, etc. : la pluridisciplinarité au service de la mémoire

L’Andra soutient plusieurs études afi n d’identifi er ou de mettre au point des supports et des systèmes de communication résistants et durables dans le temps.

Une démarche de recherche qui mobilise de nombreuses disciplines scientifi ques.

Xxx

DU PAPIER ET DE L’ENCRE À L’ÉPREUVE DU TEMPS ?

En fonction des conditions d’humidité et de température de leur stockage, les documents imprimés deviennent, avec les années, de moins en moins lisibles ou s’eff ritent. Afi n de conserver le plus longtemps possible les données archivées sur les centres de stockage, l’Andra étudie donc la bonne tenue des papiers et encres dans le temps.

« Pour la mémoire, nous utilisons un papier spécifi que appelé papier permanent.

Ce support, que l’on trouve dans le commerce, répond à des normes de composition. Mais pour mieux connaître sa durabilité dans le temps, nous avons entrepris des recherches depuis 2014 », explique Denise Ricard, ingénieure des matériaux organiques à l’Andra. Si le papier ordinaire fi nit par former des acides qui vont accélérer sa dégradation, le papier permanent, lui, intègre notamment une réserve alcaline qui va neutraliser ces acides.

Pour acquérir plus de connaissances sur ce support, une thèse a débuté en octobre 2020. « L’un des objectifs est de modéliser la durabilité du papier, mais aussi de comparer plusieurs marques de papiers permanents afi n de vérifi er si leur comportement est identique dans le temps, confi e Denise Ricard. Second objectif : étudier la formulation de plusieurs encres vendues sur le marché et trouver la ou les plus stables vis-à-vis du vieillissement. » Car, contrairement au papier, les encres ne répondent à aucune norme et leur formulation évolue très vite en fonction des nouveaux produits proposés par les industriels.

ET QUAND LE PAYSAGE AURA CHANGÉ ?

Outre la durabilité des documents d’archives, l’Andra s’interroge sur les moyens de maintenir la trace des centres de stockage dans le paysage à l’échelle plurimillénaire. L’Agence a ainsi entrepris des recherches en archéologie des paysages, en partenariat avec le laboratoire Loterr de l’université de Lorraine.

Dominique Harmand, professeur de géographie, et Vincent Ollive, géomorphologue, ont testé, en 2019, la mise en place de marqueurs spécifi ques qui pourraient signifi er la présence du site de Cigéo en Meuse/

Haute-Marne. « Couramment, en archéologie, les sites sont découverts grâce à des pièces de monnaie, des tuiles… que l’on trouve dans les champs ou dans les forêts, explique Vincent Ollive. Nous avons donc déposé sur le site de Meuse/Haute-Marne des artefacts de diff érentes formes : cylindres, cubes, demi-sphères… teintés en bleu, rose, jaune… qui tranchent avec les formes et les couleurs de la nature. De cette manière, l’archéologue du futur pourra déduire qu’il y a forcément eu une présence humaine sur ce site. »

Ces objets en céramique (géopolymères) pourront résister à de rudes conditions climatiques. Mais pour étudier leur comportement et l’interprétation que pourraient en faire nos très lointains descendants, les chercheurs vont désormais analyser les déplacements des artefacts et inviteront un groupe d’individus non informés pour observer leurs réactions face à la présence de céramiques.

Expérimentation de marqueurs dans le paysage sur le site de Meuse/Haute-Marne.

Petits objets géopolymères et céramique.

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DOSSIER

Archéologie, linguistique, sémiotique, etc. : la pluridisciplinarité au service de la mémoire

L’Andra soutient plusieurs études afi n d’identifi er ou de mettre au point des supports et des systèmes de communication résistants et durables dans le temps.

Une démarche de recherche qui mobilise de nombreuses disciplines scientifi ques.

Xxx

DU PAPIER ET DE L’ENCRE À L’ÉPREUVE DU TEMPS ?

En fonction des conditions d’humidité et de température de leur stockage, les documents imprimés deviennent, avec les années, de moins en moins lisibles ou s’eff ritent. Afi n de conserver le plus longtemps possible les données archivées sur les centres de stockage, l’Andra étudie donc la bonne tenue des papiers et encres dans le temps.

« Pour la mémoire, nous utilisons un papier spécifi que appelé papier permanent.

Ce support, que l’on trouve dans le commerce, répond à des normes de composition. Mais pour mieux connaître sa durabilité dans le temps, nous avons entrepris des recherches depuis 2014 », explique Denise Ricard, ingénieure des matériaux organiques à l’Andra. Si le papier ordinaire fi nit par former des acides qui vont accélérer sa dégradation, le papier permanent, lui, intègre notamment une réserve alcaline qui va neutraliser ces acides.

Pour acquérir plus de connaissances sur ce support, une thèse a débuté en octobre 2020. « L’un des objectifs est de modéliser la durabilité du papier, mais aussi de comparer plusieurs marques de papiers permanents afi n de vérifi er si leur comportement est identique dans le temps, confi e Denise Ricard. Second objectif : étudier la formulation de plusieurs encres vendues sur le marché et trouver la ou les plus stables vis-à-vis du vieillissement. » Car, contrairement au papier, les encres ne répondent à aucune norme et leur formulation évolue très vite en fonction des nouveaux produits proposés par les industriels.

ET QUAND LE PAYSAGE AURA CHANGÉ ?

Outre la durabilité des documents d’archives, l’Andra s’interroge sur les moyens de maintenir la trace des centres de stockage dans le paysage à l’échelle plurimillénaire. L’Agence a ainsi entrepris des recherches en archéologie des paysages, en partenariat avec le laboratoire Loterr de l’université de Lorraine.

Dominique Harmand, professeur de géographie, et Vincent Ollive, géomorphologue, ont testé, en 2019, la mise en place de marqueurs spécifi ques qui pourraient signifi er la présence du site de Cigéo en Meuse/

Haute-Marne. « Couramment, en archéologie, les sites sont découverts grâce à des pièces de monnaie, des tuiles… que l’on trouve dans les champs ou dans les forêts, explique Vincent Ollive. Nous avons donc déposé sur le site de Meuse/Haute-Marne des artefacts de diff érentes formes : cylindres, cubes, demi-sphères… teintés en bleu, rose, jaune… qui tranchent avec les formes et les couleurs de la nature. De cette manière, l’archéologue du futur pourra déduire qu’il y a forcément eu une présence humaine sur ce site. »

Ces objets en céramique (géopolymères) pourront résister à de rudes conditions climatiques. Mais pour étudier leur comportement et l’interprétation que pourraient en faire nos très lointains descendants, les chercheurs vont désormais analyser les déplacements des artefacts et inviteront un groupe d’individus non informés pour observer leurs réactions face à la présence de céramiques.

Expérimentation de marqueurs dans le paysage sur le site de Meuse/Haute-Marne.

Petits objets géopolymères et céramique.

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Vous avez dit

« mémoire du futur » ?

Historien et directeur de recherche au CNRS1, Denis Peschanski se penche depuis 20 ans sur les vecteurs de la mémoire collective et individuelle.

Il participe aussi à des travaux sur la mémoire du futur.

En tant qu’historien, vous travaillez notamment sur la notion de mémoire du futur. De quoi parle-t-on ?

Il y a d’abord un constat qui illustre le choc des temporalités : la mémoire est représentation du passé, mais peut l’être aussi du futur et ces deux représentations agissent sur le présent. Tout témoignage notamment est le fruit d’un emboî- tement de trois temporalités : le témoin parle de son passé, il en fait le récit au présent et construit ce même récit en fonction de son horizon d’at- tente. Pour la gestion des déchets par exemple, on comprend bien qu’on raisonne avec nos connais- sances actuelles et non avec celles qu’on pourra avoir dans cent ans. Il faut donc le prendre en compte si l’on veut réfl échir à la construction d’une mémoire aujourd’hui et ne pas être emprisonné par ce présent. En un mot, la mémoire du futur, c’est la mémoire « dans » le futur.

La thématique des stockages de déchets radioactifs exige-t-elle une approche mémorielle singulière ?

La thématique n’est pas singulière au regard de la mémoire, mais elle est souvent entourée d’in- quiétudes. Cette dimension doit donc être prise en compte pour ne pas bâtir une mémoire sur la peur. Construire une mémoire d’un futur qui serait cataclysmique détruirait toute analyse rai- sonnée du présent. De plus, si la mémoire de la Seconde Guerre mondiale par exemple est vivace, l’événement lui-même est passé. Pour les stockages de déchets radioactifs, l’événement est en construction. Donc, il faut en même temps penser la mémoire et l’événement en cours.

ET QUAND NOTRE LANGUE AURA DISPARU ? Puisque les langues sont conduites à fortement se transformer, voire à disparaître, l’Andra a entrepris, en parallèle, des études en sémiotique et linguistique. Dès 2015, et jusqu’en 2018, Florian Blanquer, alors doctorant du Centre de recherches sémiotiques (CeReS) de l’université de Limoges, a conduit une thèse « sur la recherche de signes compréhensibles sur des échelles de temps de plusieurs milliers d’années et sur le processus de transmission de ces signes ». Et pour lui, « seuls les signes iconiques paraissent envisageables, car leur signifi cation est directement liée à ce qu’ils représentent, comme un avion pour représenter un aéroport ».

Dans le cadre d’une résidence initiée par l’Andra et le Signe, Centre national d’art graphique de Chaumont, Sébastien Noguera, designer graphique, et Charles Gautier, chercheur en sciences du langage, ont mené des recherches historiques pour proposer et inventer les bases d’une signalétique durablement compréhensible. « Selon nous, il faudra cumuler plusieurs signes et lettres existants, ainsi que des pasigraphies, des systèmes d’écriture utilisant des idéogrammes

compréhensibles de tous », confi e Sébastien Noguera.

Enfi n, l’Andra soutient également le travail d’experts en sémiotique sonore. « Le son est un vecteur puissant de la mémoire chez l’espèce humaine, il fait écho à nos sensations, aux vibrations intérieures du corps », explique ainsi Paul Bloyer, chercheur dans ce domaine. Il a notamment montré que l’écoute de sons peut générer des interprétations partagées par des individus divers et pourrait confi rmer qu’il existe une relation étroite entre la sensation provoquée par le son et l’information qui est comprise.

Journée d’études prospectives graphiques

Expérience sur le son et la mémoire lors de journées portes ouvertes.

Denis Peschanski,

historien et directeur de recherche au CNRS

1 Centre national de la recherche scientifi que.

Tous ces éléments doivent permettre de créer un patrimoine mémoriel pérenne. Non pas un dispositif fi gé, mais plutôt des pistes de réfl exion pour un projet par essence infi ni et en perpétuelle construction...

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