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Belgique* (Royaume de Belgique)

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Belgique*

(Royaume de Belgique)

ANDRÉ LECOURS

1 HISTOIRE ET ÉVOLUTION DU FÉDÉRALISME

La Belgique est une démocratie d’Europe occidentale de petite taille (32 545 km2) peuplée d’un peu plus de 10 millions d’habitants. Son caractère multilingue en est le trait politique définissant. Sa moitié septentrionale, la Flandre, est la patrie de la plupart des

néerlandophones du pays (presque 6 millions, appelés « Flamands ») tandis que, dans le sud, la Wallonie (3,3 millions) est francophone. La présence d’une population germanophone minuscule (70 000) dans le sud-est, et l’emplacement de Bruxelles (1 million), au nord de la frontière linguistique mais où le français est prépondérant, viennent compliquer ce tableau linguistique.

Les tensions entre groupes linguistiques sont un aspect central de la politique belge depuis la fin du XIXe siècle, en superposition et en intersection avec la religion et la classe sociale qui

constituent deux autres clivages fondamentaux dans cet État complexe. L’éternel problème communautaire, tel que manifesté dans la politique nationaliste/régionaliste, fut le moteur de la fédéralisation récente de l’État belge.

Les territoires de la Belgique d’aujourd’hui furent scindés du royaume néerlandais et reconstitués en un État indépendant en 1830 par une bourgeoisie francophone opposée aux politiques linguistiques et religieuses du roi Guillaume Ier d’Orange. La Belgique naquit sous forme d’État unitaire fortement centralisé dans lequel, malgré l’absence de toute disposition constitutionnelle formelle précisant l’usage de la langue, presque tout se faisait en français. Cette situation s’avéra inacceptable pour une petite bourgeoisie flamande traditionnelle pour qui la

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Belgique était une nation bilingue et biculturelle. C’est dans ce contexte que le Mouvement Flamand surgit et lutta pour réaliser l’égalité du néerlandais avec le français. Malgré l’opposition des élites francophones, la loi de Vriendt-Coremans de 1898 réalisa l’égalité légale formelle des langues, encore que le français restât dominant.

Le Mouvement Flamand se mit alors à poursuivre le statut bilingue officiel pour les provinces néerlandophones, mais ses revendications, surtout eu égard au sud, se butèrent à l’opposition inébranlable des francophones. Dans ce contexte, le Mouvement Flamand transféra le cadre de son activisme de l’ensemble du pays à la partie septentrionale de la Belgique pour laquelle il chercha un statut monolingue, objectif largement atteint dans les années 30 grâce aux lois établissant le monolinguisme territorial. Pour en contrecarrer les revendications, les élites francophones formèrent le Mouvement Wallon. Leur première réaction fut de réclamer le retour à la Belgique de 1830 mais, avec la croissance en force du Mouvement Flamand, elles adoptèrent une autre stratégie, abandonnant les francophones de la Flandre, puis de Bruxelles, pour se concentrer sur la Wallonie où dominait le français.

L’intensité du problème communautaire augmenta après la Deuxième Guerre mondiale quand un ensemble de questions – du statut du roi Léopold III au financement des écoles – opposa les deux communautés linguistiques. Les politiciens tentèrent de désamorcer la tension en renforçant le monolinguisme territorial par une nouvelle législation linguistique. Des lois de 1962-1963 créèrent quatre régions linguistiques : la Flandre monolingue, la Wallonie

monolingue, Bruxelles bilingue, et une zone germanophone. Une série de recensements établirent les frontières linguistiques, et les communes (municipalités) furent attribuées à la région qui leur convenait. La frontière fut alors « gelée » en 1963 par l’abandon du recensement comme outil d’ajustement et la mise en vigueur de l’unilinguisme administratif, le tout dans l’espoir d’homogénéiser davantage.

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Cette stratégie échoua et la tension augmenta encore au cours des années 60 quand les partis nouvellement formés des communautés, le Volksunie (nationaliste flamand), le

Rassemblement Wallon (régionaliste wallon) et le Front Démocratique des Francophones (avec sa base à Bruxelles) exercèrent de fortes pressions politiques et électorales sur les partis

traditionnels (Démocrate Chrétien, Socialiste, Libéral), où naquirent des ailes linguistiques.

Contraints de militer davantage sur les questions communautaires, ces derniers éclatèrent bientôt, achoppant sur le terrain de la langue. En effet, le système de partis est une des particularités du système politique belge. Il n’y a pas de partis nationaux en Belgique : tous sont linguistiques.

Comme conséquence des aménagements convenus entre sociétés en Belgique, cette

transformation poussa encore plus loin la dichotomie dans la vie tant politique que sociale. Ainsi, par exemple, bien qu’officiellement unifiés et présentant un front commun face aux autorités publiques, les syndicats ouvriers formèrent des groupes de travail distincts. Les associations bénévoles et bien d’autres organisations de la société civile adoptèrent aussi des structures bipolaires.

La Belgique fut fédéralisée par étapes : il y eut des réformes constitutionnelles et

institutionnelles en 1970, 1980, 1988 et 1993. La différence entre modèles fédéraux préférés par les néerlandophones et par les francophones est la grande raison de ce processus par étapes. Du côté flamand, on préconisait un fédéralisme bipartite axé sur les deux grandes communautés linguistiques et culturelles alors que les chefs de file francophones cherchaient à faire valoir un fédéralisme tripartite où, avec la Flandre, la Wallonie et Bruxelles seraient des unités

constituantes. Il faut noter que ces modifications constitutionnelles sont aussi le résultat des négociations nécessaires dans les gouvernements de coalition caractéristiques de la politique fédérale belge.

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Des crises entre les groupes linguistiques jouèrent un rôle décisif dans le redémarrage du processus de fédéralisation à un moment où il semblait bloqué. L’amorce, au milieu des années 80, fut le refus du maire de Fourons (Voeren, en néerlandais) de se soumettre aux dispositions de la loi et d’employer le néerlandais lors d’une occasion formelle dans cette petite municipalité de 4000 habitants, qui avait été transférée de la Wallonie à la Flandre en 1963. L’épisode de Fourons entraîna la révision constitutionnelle de 1988, et un compromis au sujet de Bruxelles qui fut transformée en unité fédérée comme le souhaitaient les partis francophones. Les partis flamands obtinrent en contrepartie la protection de la minorité flamande de Bruxelles et une entente à l’effet que les limites de la ville ne dépasseraient pas les 19 communes existantes. Vers le début des années 90, la décision des partis flamands de gauche d’opposer une vente d’armes à l’Arabie Saoudite, qui eût profité à des industries wallonnes, déclencha une crise entre les communautés.

Ce conflit entraîna la réforme de 1993 et la transformation formelle de la Belgique en État fédéral.

2 DISPOSITIONS CONSTITUTIONNELLES RELATIVES AU FÉDÉRALISME Le trait distinctif du fédéralisme belge est qu’il comprend deux types d’unités

constituantes : les communautés et les régions (articles 2 et 3). Il y a trois communautés

(Communauté flamande, Communauté française et Communauté germanophone) et trois régions (Région flamande, Région wallonne et Région de Bruxelles-Capitale). Pour saisir le sens de cette caractéristique intrigante, il faut la situer dans le contexte de la lutte historique du Mouvement Flamand pour la survivance culturelle et linguistique et de celle, plus récente, du Mouvement Wallon pour l’autonomie économique. Les communautés furent créées en 1970 et dotées immédiatement d’institutions (à l’exception de la Communauté germanophone qui ne fut pleinement institutionnalisée qu’en 1983). Elles exercent le pouvoir sur la langue, la culture,

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l’éducation et les « matières personnalisables », expression du jargon constitutionnel belge pour désigner des services sociaux comme les soins de santé (mais non l’assurance maladie), de compétence fédérale) où le contact entre l’État fournisseur et le citoyen est direct.

Bien que les régions soient clairement des unités territoriales, les communautés sont davantage reliées aux individus et à la langue qu’au territoire. C’est là un des aspects les plus compliqués du fédéralisme belge. L’appartenance aux communautés est fixée par référence à la distinction constitutionnelle entre les régions linguistiques (article 4). Leur existence tient à l’autonomie culturelle recherchée par les Flamands. En conséquence, les néerlandophones de Bruxelles appartiennent à la Communauté flamande, tout comme ceux vivant en Flandre. De même, les résidants francophones de Bruxelles appartiennent à la Communauté française, tout comme les Wallons. Il y a cependant des exceptions à cette idée de communauté fondée sur la langue. En effet, la minorité francophone importante de la Flandre n’appartient pas à la Communauté française; ainsi en va-t-il, mutatis mutandis, des (rares) néerlandophones de Wallonie. Autrement dit, les communautés « liées à la personne » n’ont pas créé de sous- nationalités au sein de la population belge.

Les régions sont des entités territoriales créées pour répondre aux préoccupations des Wallons eu égard à l’économie de leur région. La Flandre et la Wallonie établirent des

institutions en 1980, plus de dix ans après que la réforme constitutionnelle eut esquissé l’intention de créer des régions. Bruxelles a suivi en 1988. Les régions exercent le pouvoir sur le

développement économique régional, l’urbanisme, l’administration des provinces et des

communes, le logement, les travaux publics, l’eau, l’énergie, le transport, l’environnement et la formation pour l’emploi. (De plus, on vient récemment de conclure une entente pour transférer aux régions le pouvoir sur le commerce international et la politique agricole). En 1980 la Région et la Communauté flamandes ont fusionné leurs institutions. Cela signifie que les deux entités

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existent toujours sur le plan constitutionnel, mais qu’il y a un gouvernement et un Parlement flamands communs (avec certaines exceptions pour Bruxelles), ce qui rend plus asymétrique encore le fédéralisme belge.

Le gouvernement fédéral conserve le pouvoir sur la politique financière et monétaire, la justice, la sécurité sociale (assurance chômage, pensions, et ainsi de suite), certains aspects des soins de santé (l’assurance maladie, par exemple, qui représente presque 90 pour cent du budget de la santé), certaines sociétés d’État, la défense nationale, et la direction des relations

internationales (bien que les régions et les communautés puissent conclure des traités

internationaux, à l’intérieur de certaines limites). Dans l’ensemble, la décentralisation fut très importante. En fait, les régions et les communautés administrent plus de 40 pour cent du budget national, bien que ces ressources financières soient réparties par l’État central.

La réforme de 1993 a modifié les institutions centrales et leurs relations avec les communautés et les régions sous deux aspects fondamentaux. Le premier changement fut la redéfinition de la composition et du rôle du Sénat. Le nouveau Sénat belge comprend différentes catégories de sénateurs : 40 sont élus au suffrage direct; 21 sont désignés dans les commissions communautaires (dix de la commission française, dix de la commission flamande, et un de la commission germanophone); dix autres sont nommés par les sénateurs des deux catégories précédentes. Dans la plupart des cas (« lois ordinaires »), le Sénat peut examiner un projet de loi et y proposer des modifications, que la Chambre des représentants pourra accepter ou rejeter. Le Sénat peut aussi initier les lois, mais le dernier mot revient à la Chambre. En matière de relations internationales et de la structure de l’État (« lois bicamérales »), les projets doivent être

approuvés par la Chambre et le Sénat, sur un pied d’égalité. Pour les questions touchant les communautés (« lois votées à majorité spéciale »), le processus législatif suit une procédure exigeant l’appui majoritaire au sein de chaque groupe linguistique au Parlement (flamand et

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français), tant à la Chambre qu’au Sénat, de même que la majorité des deux tiers de la Chambre haute et de la Chambre basse. L’appartenance linguistique d’un parlementaire est fixée par le régime linguistique de la circonscription qui l’élit. L’article 43 de la Constitution reconnaît formellement l’existence de ces groupes.

Le deuxième changement de la réforme de 1993 fut l’introduction d’élections directes aux Parlements flamand et wallon dont les membres provenaient auparavant de la Chambre des représentants. Le Parlement flamand comprend maintenant 118 membres élus au suffrage direct, et six autres venant du groupe flamand du Parlement de Bruxelles. Au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, dont les membres sont élus au suffrage direct depuis 1988, il y a 75

représentants – 65 francophones et 10 néerlandophones. La commission communautaire française est composée de tous les membres du Parlement wallon plus 19 membres du Parlement de

Bruxelles. La Communauté germanophone élit directement ses 25 membres depuis 1983. À la suite de ce changement, à la Chambre fédérale le nombre des membres fut réduit à 150, élus au suffrage direct selon la représentation proportionnelle (article 62).

L’exécutif fédéral, où il doit y avoir le même nombre de ministres néerlandophones et de ministres francophones (article 99), reflète le souci de protéger la minorité de langue française.

Le premier ministre échappe à cette règle et la plupart du temps c’est un néerlandophone. L’autre élément de l’exécutif fédéral double de la Belgique, le monarque (en ce moment Albert II), ne possède pas d’identité linguistique en lui-même; son importance symbolique est d’incarner la nation belge sans égard aux différences culturelles et linguistiques.

Les politiciens belges ont toujours éprouvé une certaine réticence à confier des pouvoirs importants aux tribunaux dans le système politique. La fédéralisation de l’État ne leur laissait toutefois pas d’autre choix que de créer un tribunal, la Cour d’arbitrage, pour contrôler la

constitutionnalité des lois eu égard à la répartition des pouvoirs entre le gouvernement fédéral, les

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régions et les communautés. Ailleurs, la portée de cette Cour demeure très étroite : elle ne peut trancher que là où sont en jeu les principes d’égalité (article 10), de non-discrimination (article 11) et de liberté dans le champ de l’éducation (article 24). L’idée de la parité linguistique et la résistance au « gouvernement des juges » président à sa composition. Ainsi, la Cour comprend 12 juges, pour la moitié des néerlandophones, pour l’autre des francophones; pour la moitié aussi des magistrats de profession et pour l’autre d’anciens politiciens sans forcément une formation en droit. Il y a deux présidents, un de chaque groupe linguistique, qui fonctionnent sur une base d’alternance effective.

La procédure de modification de la Constitution belge est complexe. Il faut d’abord la dissolution du Parlement fédéral et la tenue d’une élection : alors seulement le Parlement nouvellement constitué pourra-t-il mettre aux voix la révision constitutionnelle proposée.

L’adoption de la proposition exige l’appui des deux tiers de chaque Chambre. Cette procédure a quelque peu vieilli : instituée quand la Belgique était un État unitaire, elle ne fait pas participer les unités constituantes et ne comprend même pas de référence aux groupes linguistiques.

Ironiquement, en ce qui concerne les questions communautaires (« lois votées à majorité

spéciale ») le processus législatif protège mieux la minorité linguistique que ne le fait la formule de modification constitutionnelle.

Deux dispositions constitutionnelles méritent d’être évoquées en raison de leur

importance pour la prise en compte politique des sociétés multilingues (ou multiethniques) et pour le fédéralisme en Belgique. La première est la procédure de la « sonnette d’alarme » conçue pour mieux protéger les francophones. Cette procédure permet à un groupe parlementaire

linguistique, s’il peut réunir les signatures des trois quarts de ses membres, d’arrêter

provisoirement une initiative législative qu’il craint de nature à mettre en péril sa communauté ou à menacer les relations communautaires (article 54). Le texte législatif est alors renvoyé au

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Cabinet (où il y a parité linguistique) qui peut l’amender, l’accepter tel quel (il doit alors montrer comment la législation n’entraînerait pas les conséquences négatives prévues par les signataires de la motion), ou simplement démissionner. La procédure de la sonnette d’alarme sert de complément au mécanisme législatif des « lois spéciales » et au principe de parité au sein de l’exécutif. Elle est employée aussi dans la région bilingue de Bruxelles où elle protège la minorité flamande.

La deuxième disposition donne aux régions et aux communautés des pouvoirs dans le domaine de la coopération internationale, y compris celui de conclure des traités dans les domaines de leurs compétences respectives (article 167). Les unités doivent tenir le

gouvernement fédéral au courant de leurs activités internationales, et même, si le Cabinet national a des objections à un traité précis, il peut soumettre la question à un organisme de conciliation composé de membres de tous les gouvernements (la Conférence interministérielle de la politique étrangère) qui décide par consensus de bloquer le traité ou de le laisser passer. Si le consensus fait défaut, le gouvernement fédéral peut suspendre la négociation du traité, mais seulement s’il entre en conflit avec les obligations internationales de la Belgique ou implique des pays avec qui la Belgique a de mauvaises relations, ou encore n’a pas de relations diplomatiques. Malgré ces contrôles en matière de relations internationales, les unités constituantes de la Belgique ont de grands pouvoirs qu’on pourrait voir soit comme poussant la logique fédérale à sa limite ultime, ou encore comme présageant une forme d’organisation politique plus décentralisée et plus compartimentée.

Dans ce contexte, la commission de concertation est une autre institution importante.

C’est un organisme multilatéral composé du premier ministre fédéral, de cinq ministres fédéraux et de six membres des gouvernements des unités constituantes (« loi ordinaire » de 1980 sur la réforme des institutions, article 31) où francophones et néerlandophones sont représentés en

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nombre égal. Son rôle est de régler les conflits dits d’intérêts, c’est-à-dire résultant d’actions prises par un ordre de gouvernement de la fédération et susceptibles d’avoir un impact

défavorable sur un autre. La commission passe en revue non la légalité mais l’opportunité dans la pratique de ces mesures exécutives ou législatives. Le pouvoir exécutif éventuellement « lésé » peut soumettre la question à la commission, qui bloque la mesure jusqu’à concurrence de 60 jours pendant qu’elle cherche un compromis. Une assemblée législative peut aussi, sur un vote des trois quarts de ses membres, soumettre le projet de loi d’une autre assemblée à la commission de concertation. Si aucune solution n’est dégagée dans les 60 jours, la mesure contestée peut être adoptée.

3 DYNAMIQUE POLITIQUE RÉCENTE

Les élections fédérales de 2003 confirmèrent les tendances des élections de 1999 : les partis libéraux obtinrent une majorité de sièges et, pour la deuxième fois seulement en près de 40 ans, les partis chrétiens furent laissés à l’écart du gouvernement fédéral formé d’une coalition libérale-socialiste. Les élections de 2003 virent aussi l’effondrement des partis Verts et le progrès du Vlaams Blok, le parti nationaliste d’extrême droite. Pour ces élections, il y a eu des

changements dans le système des partis : le parti Social Chrétien a pris pour nom Centre démocrate humaniste; le Parti du peuple chrétien flamand s’appelle désormais Christen- Democratisch en Vlaams (CD&V); les libéraux francophones fonctionnent dans le cadre de l’organisation appelée Mouvement Réformateur; enfin, sur la gauche, le Volksunie flamand a éclaté en miettes et un de ses fragments, Spirit, est allé rejoindre les socialistes flamands qui, eux, ont adopté le nouveau nom de Socialistische Partij Anders. Les élections récentes ont confirmé, une fois encore, une convention bien établie : malgré la division linguistique des partis

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traditionnels, en politique belge les partis de la même famille idéologique font partie ensemble, ou sont exclus ensemble, du gouvernement fédéral.

Les questions essentielles concernant le fédéralisme belge sont cependant celles liées à la

« question des communautés ». La sécurité sociale est au sommet de l’ordre du jour. Bien que la Belgique soit une fédération décentralisée, la plupart des programmes de politique sociale y relèvent du gouvernement fédéral. En Flandre, il s’exerce une forte pression pour « fédéraliser » la politique sociale. Pour justifier cette prise de position, on invoque le fait que la Flandre plus riche subventionne indirectement la Wallonie plus pauvre par la voie des programmes sociaux.

Dans la rhétorique du nationalisme flamand, bon an mal an chaque famille flamande défraie la nouvelle voiture de quelque famille wallonne! Ce discours témoigne du peu de solidarité

intercommunautaire en Belgique. De leur côté, les francophones résistent pour maintes raisons à tout mouvement pour diviser la sécurité sociale. Au niveau le plus fondamental, un tel

changement affecterait le bien-être des Wallons. Ceux-ci prétendent, de surcroît, avoir contribué au développement de la Flandre à la fin du XIXe et pendant la première moitié du XXe siècle, quand la Belgique méridionale était la locomotive industrielle du pays : maintenant, tout transfert de fonds en provenance de la Flandre ne serait donc qu’un juste renvoi d’ascenseur.

La pression flamande pour la fédéralisation de la sécurité sociale rend particulièrement amers les Wallons d’autant plus que, en raison de leur santé dégradée par le travail dans les industries lourdes, de nombreuses personnes âgées ont besoin de programmes sociaux forts.

Enfin, en laissant en pratique le gouvernement fédéral sans pouvoirs de conséquence, la

fédéralisation de la sécurité sociale signifierait la fin de la Belgique, autant pour les francophones de Bruxelles que pour ceux de la Wallonie. Vu la faiblesse politique des francophones en

Belgique, le succès de leur résistance à la fédéralisation de la sécurité sociale est loin d’être

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assuré. Le scénario le plus probable est celui d’une fédéralisation à la pièce de maints programmes qui sont des éléments du système de sécurité sociale.

À ce moment critique de la politique belge, l’enjeu de la sécurité sociale est indissociable de celui, plus vaste, de l’avenir politique de la Belgique. Pour les chefs de file flamands, les réformes institutionnelles ne sont que de nouvelles étapes vers une autonomie accrue, vers la création d’un modèle confédéral, ou peut-être même vers la dissolution de l’État belge dans un nouvel ordre continental comme « l’Europe des Régions ». Portés, eux, à considérer la dernière révision constitutionnelle comme la révision finale, les francophones rejettent cette façon de voir et résistent à toute nouvelle décentralisation. En 2001, cependant, les partis francophones

consentirent à la « fédéralisation » de l’agriculture, du commerce extérieur, de certains aspects de l’aide étrangère, de même que de la législation locale et provinciale en contrepartie d’un

financement accru pour les communautés. Cet ensemble de réformes constitutionnelles, dit accord de Lambermont ou de Saint-Polycarpe, impliquait aussi un accroissement de l’autonomie fiscale des régions et des modifications à la structure institutionnelle complexe de la Région de Bruxelles-Capitale conçues pour empêcher, à jamais, le Vlaams Blok extrémiste de paralyser le système politique (dit accord du Lombard).

Une dispute qui se prolonge porte sur quelque 120 000 francophones de la Flandre, domiciliés près de la frontière linguistique ou en périphérie de la région de Bruxelles. Ces francophones jouissent de « facilités linguistiques » (c’est-à-dire qu’ils ont accès aux services municipaux, enjeu très important en Belgique puisque, pour les citoyens, la municipalité est souvent le point de contact avec les services fédéraux) dont le statut précis a déjà fait l’objet de plusieurs disputes. Pour les partis flamands, les facilités sont des mesures transitoires temporaires et le destin ultime de ces populations francophones est d’être assimilées à la culture flamande dominante. Les partis francophones dénoncent cette attitude : pour eux, les facilités linguistiques

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sont permanentes et inamovibles. Cette polarisation des attitudes donne aujourd’hui à la question de la minorité francophone de la Flandre le potentiel de susciter de vifs conflits dans la vie politique belge.

Une autre source de tension dans la politique en Belgique est le Vlaams Blok, parti nationaliste flamand d’extrême droite qui est opposé à l’immigration et qui rejette le cadre politique belge. Ce parti est politiquement isolé des autres qui en parlent généralement comme étant non démocratique ou, dans le cas des partis politiques francophones, fasciste. Le Vlaams Blok répond en soutenant que les efforts des partis traditionnels pour le faire taire, de mèche avec les médias et autres acteurs sociaux, démontrent le manque de démocratie en Belgique. À la place, il se présente, à la façon typique des populistes, comme champion de la démocratie qui appuie les référendums, les réformes parlementaires, et ainsi de suite. Le Vlaams Blok approuve la division de la sécurité sociale, mais il nie que ceci manifeste un manque de souci pour les francophones : au contraire, soutient-il, un tel changement contribuerait à les responsabiliser davantage ce qui, à la longue, leur serait salutaire.

La réalisation de l’objectif du Vlaams Blok – créer un État flamand indépendant – semble improbable pour plusieurs raisons : (1) à cause de son importante majorité francophone, il serait trop difficile d’avaler Bruxelles que, pour des raisons historiques et symboliques, il serait cependant impossible de céder; (2) la sécession serait sans doute mal reçue par les partenaires européens de la Belgique; (3) les Flamands contrôlent complètement leurs institutions régionales et, vu qu’ils sont les plus nombreux, ils peuvent exercer beaucoup de pouvoir au niveau national;

et (4) l’affection à l’endroit de la Belgique, tant chez les néerlandophones que chez les francophones, demeure solide en dépit, ou peut-être même à cause, du processus de décentralisation massive cuisiné par ses élites.

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4 SOURCES DE RENSEIGNEMENTS SUPPLÉMENTAIRES

Deprez, Kas et Louis Vos (dir.), Nationalism in Belgium. Shifting Identities, 1780–1995, New York, St. Martin’s Press, 1998.

Fitzmaurice, John, The Politics of Belgium, Londres, Hurst, 1996.

Jacobs, Dirk et Marc Swyngedouw, « Territorial and Non territorial Federalism: Reform of the Brussels Capital Region, 2001 », Regional and Federal Studies, vol. 13, nº 2 (2003), pp. 127-139.

Leton, André, La Belgique. Un État fédéral en évolution, Bruxelles, Bruylant, 2001.

Mabille, Xavier, Histoire politique de la Belgique. Facteurs et acteurs de changement, 2 e éd., Bruxelles, CRISP, 1997.

McRae, Kenneth D., Conflict and Compromise in Multilingual Societies. Belgium, Waterloo, Ontario, Wilfrid Laurier University Press, 1986.

Martiniello, Marco et Marc Swyngedouw (dir.), Où va la Belgique? Les soubresauts d’une petite démocratie européenne, Paris, L’Harmattan, 1998.

Poirier, Johanne et Steven Vansteenkiste, « Le débat sur la fédéralisation de la sécurité sociale en Belgique », Revue belge de sécurité sociale, vol. 2 (2000), pp. 331-379.

http://www.belgium.be http://www.cfwb.be http://www.vlaanderen.be http://www.dglive.be http://www.wallonie.be

http://www.bruxelles.irisnet.be

Notes

* Le Forum des fédérations et l’auteur tiennent à remercier Johanne Poirier pour ses

commentaires utiles concernant la première version de cet article, parue dans l’édition de 2002 du Guide des pays fédéraux.

Références

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