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Quel est mon type de leadership? 1

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Quel est mon type de leadership?

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Par Renée Bédard Résumé

Les théories traditionnelles du leadership ont été fortement marquées par la notion d’autorité, formelle ou informelle, considérée comme l’essence de la direction et du leadership. Le leader, c’est la personne qui est reconnue comme le fondateur ou le promoteur d’un groupe, ou qui exerce une fonction officielle d’autorité et de responsabilité sur une unité, ou encore qui exerce une influence marquante sur les personnes et sur l’organisation. Son style de leadership, sa manière de se comporter et d’exercer son rôle, de conduire ses troupes est donc étroitement liée à ce qu’il est comme personne, c’est-à-dire à son expérience, à sa manière de raisonner et d’exercer son jugement, à ses valeurs et, ultimement, à son être profond. De mon expérience professionnelle, se sont dégagés quatre types de leaders : systématique, pragmatique, mythique et relationnel, qui amènent les dirigeants à adopter des modes de fonctionnement différents, qui correspond à des formes d’organisation variées et qui peuvent conduire à des pathologies ou à des problèmes particuliers.

Introduction

À la suite de mes études de MBA, j’ai exercé la fonction de conseillère en gestion auprès de la haute direction d’une grande institution québécoise pendant une vingtaine d’années. J’ai, dans ce contexte, eu l’occasion de rencontrer et d’échanger avec des centaines de dirigeants, qui ont soulevé ma curiosité et mes interrogations. Pour que mes avis et conseils soient suivis et acceptés par le dirigeant, j’ai compris qu’il fallait que je lui propose des modes de fonctionnement et des solutions convenant à son monde professionnel et personnel propre et, par conséquent, que je saisisse son univers mental particulier.

Comment y arriver quand on a été formée à des connaissances et à des techniques de gestion prétendument scientifiques et universelles, c’est-à-dire applicables à tous les types d’organisation et dans toutes les cultures ?

J’ai donc commencé par écouter attentivement mes interlocuteurs et par essayer de décoder leur mentalité. J’ai observé leurs faits et gestes, puis j’ai cherché ce qui pouvait expliquer la variété de leurs manières d’agir. C’est ainsi que j’ai progressivement développé une grille d’analyse comprenant quatre dimensions reliées entre elles : les pratiques et les conduites d’une personne prennent d’abord appui sur ses connaissances théoriques et empiriques et sur sa manière de raisonner, sur ses valeurs, son éthique et sa culture et, ultimement, sur son identité profonde. En regroupant mes observations, j’ai relevé, petit à petit, quatre styles de leadership que j’ai appelés : le leader systématique, le leader pragmatique, le leader mythique et le leader relationnel (voir le Tableau 1).

LE LEADER SYSTÉMATIQUE

Comme le sens du mot « système » peut varier selon le contexte où il est utilisé et afin d’éviter tout malentendu, entendons-nous sur la définition suivante : le système est un assemblage ordonné, où chaque élément est nécessaire à la cohésion de l’ensemble et en dépend. Dans un système, les

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2 éléments sont articulés les uns aux autres et chacun tire son rôle, son identité ou sa signification de la place qu’il occupe dans le tout. Le système désigne donc une construction rationnelle, une architecture d’ensemble, édifiée à partir de principes, de postulats ou de positions bien arrêtés et définis à l’avance, visant à atteindre un but prédéterminé.

Le leader systématique évoque, d’une manière simplifiée, l’image d’une personne méthodique, structurée et articulée, qui se reconnaît à son sens de l’organisation, à ses actions réfléchies, à son souci de la précision et de l’exactitude, voire de la perfection, ainsi qu’à sa minutie. L’expression « une place pour chaque chose et chaque chose à sa place » lui correspond bien. Cette personne se distingue par son esprit logique, analytique et déductif à partir de principes bien établis. Dans ses relations avec les autres, elle préfère l’utilisation des documents et les réunions formelles aux rencontres improvisées et aux échanges verbaux. Pour elle, la réalité quotidienne foisonnante est vue moins comme une richesse que comme une source naturelle de désordre et d’entropie à organiser et à maîtriser, d’où l’importance de bien cerner l’essentiel par rapport à ce qui est accidentel, de classer les choses selon les priorités, de privilégier ce qui touche l’ensemble des cas ou des individus par opposition aux situations particulières, de se fixer des buts ou des objectifs précis, de bien prévoir les moyens pour les atteindre, bref de maîtriser la situation. Face à un problème, cette personne cherche à en identifier la cause, puisque « les mêmes causes produisent les mêmes effets en tout lieu et en tout temps »; une fois la cause connue, on peut agir en conséquence, logiquement, et régler le problème une fois pour toutes. On retrouve cette forme d’esprit dans les conventions collectives normatives et les réglementations de toute nature.

Pour un leader systématique, les valeurs les plus hautes sont l’ordre, la discipline, la justice, le devoir, la droiture, la régularité, la conformité. Toutes ces expressions qui portent sur les « règles » règles de conduite, règles de l’art, règles de bienséance, règles du jeu traduisent bien ceƩe idée que les actes de quelqu’un sont dictés par une ligne directrice et un code qui les déterminent. Le Code civil, qui comprend l’ensemble des règles de droit régissant les rapports entre les personnes privées, en est l’une des illustrations. En un mot, le dirigeant systématique incarne l’esprit cartésien : clair, logique, méthodique, cohérent, rationnel, solide.

Les principes généraux d’administration de Fayol, comme la division du travail, l’autorité, la hiérarchie, la discipline, l’unité de commandement, l’unité de direction, la centralisation et l’ordre sont très représentatifs du type systématique. L’organisation « bureaucratique », comprise comme un ensemble organisé hiérarchiquement, reposant sur la distribution des rôles d’autorité, régie par des règles fixes qui structurent de manière impersonnelle les rapports entre les fonctions, où la division du travail est poussée, représente l’archétype de l’organisation systématique.

Comment la personne systématique se définit-elle elle-même ? Comme une personne de principes, dont les comportements sont réfléchis, stables et prévisibles, qui respecte la hiérarchie et le statut dans les relations interpersonnelles, pour qui la Raison représente la caractéristique distinctive de l’être humain (Homo sapiens). La Loi étant considérée comme la Raison en exercice « la loi en général est la raison humaine en tant qu’elle gouverne tous les peuples de la terre », on comprend que, dans cet univers, les activités soient étroitement encadrées. Les activités qui exigent l’application de règles uniformes et universelles, des mesures de contrôle strictes, des procédures standardisées et précises, une

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3 planification minutieuse et des opérations bien organisées requièrent ce type de leadership et de mode de fonctionnement.

Cependant, quand ces caractères sont portés à l’extrême, le chef (du latin caput « tête » ) risque, à cause de l’intransigeance que lui procure un fort sentiment de rectitude et que l’expression « avoir raison » traduit bien, d’adopter des attitudes et des conduites qui manifestent de l’intolérance et qui vont se traduire le plus souvent par des arguments péremptoires, de l’autoritarisme, des prises de positions catégoriques, l’adopƟon d’une vision dualiste et d’une pensée clivée le bien ou le mal, le vrai ou le faux, « c’est à prendre ou à laisser », un esprit de rigueur qui menace de tourner à la rigidité d’esprit, voire un « esprit de système » où le souci de cohérence interne du système conceptuel et théorique prime sur les caractéristiques et les exigences de la réalité.

Dans un ouvrage paru en 1997, Patricia Pitcher établit une typologie comprenant trois types de dirigeants : l’artiste, l’artisan et le technocrate2. Dans son sens littéral, la technocratie évoque le pouvoir des experts et des techniciens sur la prise de décision : le technocrate désigne donc la personne qui tend à faire prévaloir les conceptions techniques d’un problème contre les autres dimensions (sociale, politique, humaine et culturelle). Cependant, comme le terme « technocrate » a pris dans le langage courant une forte connotation négative alors que l’artiste et l’artisan évoquent une image positive, il aurait sans doute été préférable d’utiliser un terme neutre comme l’expert, le professionnel ou le technicien pour décrire le dirigeant technocrate. Toutefois, quand on examine les caractéristiques du technocrate citées dans l’ouvrage abstrait, distant et austère, redoutable, rigide, obsessionnel, tatillon, têtu, bourreau de travail, etc., on constate qu’il s’agit de traits de caractère qui illustrent plutôt les excès du leader systématique. Dans le domaine de la gestion, la personnalité systématique de Fayol ressort clairement de son célèbre ouvrage Administration industrielle et générale (1916) dans lequel il identifie les quatorze (14) principes généraux de l’administration, les six (6) capacités de base — technique, commerciale, financière, de sécurité, de comptabilité et administrative —, les cinq (5) composantes de la fonction administrative prévoir, organiser, commander, coordonner et contrôler, allant jusqu’à établir l’importance relative des capacités nécessaires aux chefs selon leur niveau hiérarchique.

LE LEADER PRAGMATIQUE

Le mot « pragmatisme » désigne « une attitude ou une doctrine qui privilégie l’action. » Ce qui compte ici, c’est la réussite de l’action entreprise. Pour les personnes pragmatiques, les faits, l’expérience concrète, les résultats l’emportent sur les idées. Dans la langue courante, le mot « pragmatisme » en est venu à désigner une attitude qui encourage la résolution des problèmes pratiques plutôt que les réflexions théoriques, qui évalue une idée ou une action selon son utilité. En somme, la personne pragmatique met l’accent sur l’action, l’expérimentation (essais et erreurs), les activités et les applications; elle recherche les résultats, l’utilité, l’efficacité, la productivité et le rendement à l’intérieur d’un espace-temps réduit et court.

Dans ses activités courantes, le leader pragmatique se présente comme quelqu’un qui aime entreprendre des projets concrets, les mener à terme et passer à autre chose, résoudre des problèmes techniques, améliorer les choses et innover, qui tire son énergie des résultats tangibles obtenus. Il se

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4 caractérise par son esprit d’entreprise, son besoin d’expérimenter sur le terrain, d’explorer, de développer et d’essayer de nouveaux instruments et outils. Il traduit ses idées en projets à exécuter, construit des modèles opératoires et fait des simulations. Ses références et son vocabulaire sont beaucoup empruntés à l’économique (produits, marché, ressources) et aux opérations.

Étant donné que, pour cette personne, la connaissance scientifique et technique prime les autres types de savoirs, elle est toujours à l’affût des innovations dans ces domaines et de leurs possibilités d’application. Ses actions sont dictées par la recherche de résultats — « peu importe le moyen, c’est le résultat qui compte » — et le changement. Son horizon temporel est à court terme, car c’est à cette condition qu’elle peut s’attribuer le mérite des résultats obtenus. Pour elle, le temps est une ressource rare et précieuse, une unité de mesure cruciale : « le temps c’est de l’argent. »

Le leader pragmatique se définit comme une personne d’action, de projets et de résultats, qui envisage la société comme un « réseau » de relations utiles, c’est-à-dire un marché de personnes en relations de commerce, pour qui le monde est un immense réservoir de ressources disponibles. Il est un fervent défenseur du développement et de la croissance, convaincu que le Progrès est le moteur de la vie. Et comme le Progrès est inscrit dans le cours normal des choses, on ne peut l’arrêter. De là son attirance pour la science, qui en est la manifestation, et pour la technique, son application.

Autant ces traits de caractère peuvent être féconds quand ils sont appliqués à des situations appropriées, autant ils peuvent devenir problématiques quand ils ne sont pas pertinents au contexte ou qu’ils dépassent la mesure. On verra alors se développer la myopie du court terme, l’obsession du résultat à tout prix, l’activisme, la recherche immodérée de l’efficacité, l’adoption de comportements opportunistes — où la personne règle sa conduite sur son intérêt momentané —, machiavéliques — où la fin justifie les moyens — et matérialistes — où dominent les considérations de nature matérielle au détriment des autres volets —, pouvant aller jusqu’à l’obsession du calcul et l’aveuglement d’une « pensée du nombre » qui évacue le non-quantifiable. Beaucoup de problèmes relevés actuellement dans le domaine des affaires et en gestion sont intimement liés à ces pathologies pragmatiques issues en particulier de la recherche de rendements financiers à court terme.

En matière d’organisation, ce sont sans doute la gestion par projets, la structure de la petite et moyenne entreprise et la structure par divisions qui conviennent le mieux au leader pragmatique. Dans le premier cas, l’organisation est envisagée comme une fédération de projets uniques qui doivent être réalisés dans le respect des échéances et des budgets attribués tout en évoluant à l’intérieur d’un cadre administratif relativement autonome, souple et adaptatif. Dans la petite et moyenne entreprise, le dirigeant est étroitement associé aux opérations courantes touchant la production, les relations avec les clients et la gestion des ressources. Dans la structure par divisions, les unités jouissent d’une grande autonomie et sont principalement évaluées sur la base des résultats obtenus.

LE LEADER MYTHIQUE

Au sens strict, le mythe évoque l’idée d’une manière de penser et de s’exprimer qui se distingue tant de la pensée rationnelle et du discours logique (systématique) que de la pensée scientifique et du discours utilitaire (pragmatique). Le mythe, forme de pensée et de discours où dominent l’imagination et la

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5 sensibilité poétique, est une manière de voir « autre » chose et « autrement » qui fait appel aux sens, à l’émotion et à l’imaginaire.

Le leader mythique se reconnaît à l’importance que revêt pour lui sa communauté d’appartenance, avec laquelle il « fait corps » et dont il est un « membre », de laquelle il tire son identité sociale, sa position au sein du groupe et son rôle. On aura compris que la famille, propre et élargie, représente le type par excellence de l’organisation mythique, où les relations entre les personnes reposent sur la parenté et la filiation.

Encore aujourd’hui, on parlera du père pour désigner la personne qui exerce l’autorité, du fils spirituel pour qualifier celle qui a reçu l’héritage intellectuel du père ou qui continue son œuvre, du disciple pour situer la personne qui s’inscrit dans la tradition d’un maître ou qui est membre de sa famille spirituelle, du membre pour évoquer l’idée de l’appartenance au groupe vu comme un corps social.

Dans ses activités courantes, le leader mythique est rarement seul : il vit entouré de collaborateurs avec lesquels il se sent en communauté de vues, d’idées et de sentiments; les rencontres et la parole sont ses instruments de travail privilégiés; son discours est souvent imagé, illustré de références personnelles, d’une éloquence séduisante et convaincante. C’est un personnage qui a une mission à réaliser, une cause à défendre, une œuvre à créer. Dans ses relations sociales, il accorde une grande importance à tout ce qui revêt une dimension symbolique : les fêtes, les cérémonies, les repas, les emblèmes, les rituels et tous ces signes qui évoquent une réalité immatérielle plus significative que les faits concrets et immédiats. Dans le monde du travail, la taille du bureau du patron, son emplacement, la qualité des meubles et la décoration, la place de stationnement réservée et le type de voiture, sont des symboles de sa puissance.

Le leader mythique présente deux variantes : le père de famille et le héros. Alors que le premier cherche à établir la pérennité de la « maison » qu’il dirige et à augmenter la richesse de son patrimoine collectif, le héros veut laisser sa marque, passer à la postérité, réaliser des exploits ou des actions d’éclat. Pour justifier leurs actions, les deux s’appuient soit sur le passé, l’histoire et la tradition, des modèles à suivre exemplaires ou idéalisés, ce qui ne les empêche pas d’innover mais toujours dans le respect de la continuité, soit sur une vision grandiose de l’avenir. La référence aux précédents, le recours aux personnes d’expérience, aux anciens, aux sages conseillers — que l’on désigne aujourd’hui comme des mentors — apportent sécurité, crédibilité et solidité à ses pratiques et conduites. Dans cet univers, l’imitation d’un maître ou d’un chef admiré et respecté, comprise comme le fait de prendre quelqu’un pour modèle dans l’ordre intellectuel, moral et social, le renvoi à l’expérience passée, sont des méthodes d’apprentissage valorisées. Ici, les valeurs fondatrices de la communauté sont la solidarité, la loyauté et la fidélité.

En contrepartie, la dissidence, l’individualisme et la trahison sont des menaces à la cohésion et à l’existence même du groupe. Du point de vue de son identité profonde, le leader mythique se définit comme un patron (de pater « père » et patronus « protecteur ») ou un héros, ses employés sont vus comme des membres apparentés et ce qui est sacré pour lui, c’est la Famille, d’où l’importance d’assurer la vie, la fécondité et la pérennité de sa communauté d’appartenance.

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6 À l’instar des autres types, le leader mythique excessif présente ses dangers et ses pathologies, comme le népotisme — accorder des privilèges excessifs aux membres de la famille ou aux favoris —, le clientélisme — établir des relations de protecteur à protégé —, le chauvinisme — témoigner une intolérance à l’égard de ce qui est étranger —, le conservatisme, le conformisme ou le traditionalisme qui l’amènent à ressentir une hostilité à l’évolution, une fermeture au changement.

Dans le monde de la gestion, le leader mythique se rencontre souvent dans l’entreprise familiale, l’entreprise individuelle ou à propriétaire unique, l’entreprise ou l’organisme dirigé par le fondateur, l’organisme communautaire ou religieux, le monde de la création, ainsi que dans les unités de travail à forte charge affective et symbolique comme les unités de soins palliatifs (la mort), les unités de soins obstétricaux (la vie), les clans, les cercles, les clubs sportifs et les clubs de toute nature, etc.

LE LEADER RELATIONNEL3

Dans le cadre de mes activités professionnelles et de mes recherches, j’avais observé des dirigeants qui ne correspondaient à aucun des trois modes d’être présentés jusqu’ici et dont les caractéristiques pouvaient être regroupées autour d’un axe : le respect de la personne et de son individualité, la tolérance envers la diversité, l’épanouissement de la personne et de ses potentialités, la quête d’individuation. Alors que l’individualisme est la recherche de ses intérêts personnels sans tenir compte des autres, l’individuation évoque le fait, pour un individu, de construire son unicité et son originalité non pas en opposition ou en concurrence mais en relation avec les autres.

Comme ce type d’être se reconnaît aux relations étroites d’interdépendance avec autrui et d’interaction avec le milieu, le qualificatif « relationnel » a été retenu pour l’identifier. Dans ses activités courantes, le leader relationnel se reconnaît à l’importance qu’il accorde à établir des relations humaines personnalisées, qui permettent aux deux personnes en cause d’agir mutuellement l’une sur l’autre de telle manière que la relation se construit et évolue au fur et à mesure : le face à face est donc la condition nécessaire d’une rencontre véritable.

Dans le vocabulaire de la psychologie, on nomme «empathie » cette attitude envers autrui qui se caractérise par un effort de compréhension de ce que l’autre ressent. Ici, la notion clé est la compréhension des états intellectuels et émotionnels de l’autre. Lorsque la relation implique une réaction affective ou une proximité avec autrui, on parle plutôt de « sympathie », ce qui correspond davantage au climat qui entoure le leader mythique. Dans l’exercice de ses activités, l’instrument privilégié de l’être relationnel est donc le dialogue — l’échange d’idées ou d’arguments — en vue d’atteindre un terrain d’entente ou d’arriver à un consensus. Alors que la discussion implique une confrontation d’idées entre deux ou plusieurs personnes, le dialogue est un cheminement conjoint entre un «je » et un « tu » en vue d’un enrichissement réciproque, la manifestation d’une volonté de faire route ensemble.

Cette attitude fondamentale de dialogue et de respect de l’autre se retrouve dans toutes les activités, qu’il s’agisse de diriger des personnes, de travailler en équipe, d’établir une relation professionnelle ou un partenariat gagnant-gagnant, de négocier une affaire, de conclure une entente ou de faire un compromis, de concilier des points de vue divergents ou de trouver des accommodements. Cette forme

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7 d’intelligence repose sur le dialogue et demande de faire preuve de finesse; elle exige pour réussir d’adopter une attitude conciliante.

Dans ses relations avec autrui, le leader relationnel donne la préférence aux rencontres de personne à personne, il pose des questions, écoute et échange d’une manière attentive, respectueuse et ouverte, il porte un jugement en tenant compte des circonstances particulières dans lesquelles la situation se produit, dans le but d’en déchiffrer la signification, d’en dégager le sens d’un point de vue particulier, concret et contextuel. Cette démarche met l’accent sur la « compréhension », c’est-à-dire qu’elle s’intéresse aux phénomènes dans leur singularité et vise à en saisir le sens, par opposition à l’«explication» qui porte sur la recherche des causes ou des relations permanentes entre des phénomènes et qui connaît l’objet de l’extérieur. Les sciences de la nature comme la physique et les sciences qui s’en inspirent sont de l’ordre de l’explication tandis que les sciences humaines, qui privilégient la quête de sens, demandent de faire appel à la compréhension.

Si la démarche qui inspire le leader relationnel est la prise en considération des éléments personnels, singuliers et particuliers, quelles sont les valeurs qui justifient ses pratiques et ses conduites ? On parlera ici d’une éthique de l’égalité — morale et politique, en droit et en dignité —, de la responsabilité, de l’authenticité et de la réciprocité.

L’identité profonde du leader relationnel repose sur une philosophie de la rencontre, d’où son esprit de conciliation, l’importance des relations de personne à personne et du dialogue. Ce qui est sacré pour ce type de personne, c’est la reconnaissance de l’unicité de la Personne, de sa différence et de sa singularité. Mais le « je » existe comme personne à la condition que le « tu » le reconnaisse. Et vice versa. Et pour que la relation ait lieu, non seulement l’expression sincère du « je » et du « tu » est essentielle, mais la réalité naît de l’interaction.

Quand on posa à D.W. Winnicott (1896-1971), médecin, pédiatre et psychanalyste britannique, qui avait reçu des milliers d’enfants dans son cabinet au cours de sa carrière professionnelle, la question suivante:

« Qu’est-ce un bébé ? », il répondit à la surprise générale : « Un bébé, ça n’existe pas. » N’ayant jamais vu un bébé seul, il voulait souligner que le bébé comme être humain n’existe qu’en relation avec ses parents. Dans cet esprit, on pourrait dire : « Un dirigeant, ça n’existe pas. » Si pour certains « l’enfer c’est les autres », pour l’être relationnel, « sans les autres c’est l’enfer », puisque l’individu relationnel a besoin de l’autre pour s’accomplir et se réaliser. D’une manière générale, cette relation et ce respect de l’autre se manifestent également à l’endroit de la nature et du milieu de vie : l’écologie, les mesures de protection des animaux, la lutte contre les pollutions de toute nature et pour la qualité de la vie en sont des manifestations. Dans le monde du travail, l’individu relationnel se rencontre dans la diplomatie, la vente, les relations publiques, les négociations et les milieux professionnels égalitaires.

Comme on l’a vu pour les autres types de personnes, tous les traits de caractère portés à l’excès risquent d’engendrer des dérapages. Les grands dangers qui guettent l’être relationnel sont, entre autres, l’égocentrisme, l’individualisme, le manque de courage, le magouillage, le favoritisme, la partialité et la démagogie.

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8 Quelles leçons tirer de ces quatre types de leader pour la gestion et la direction ?

Quelles conclusions tirer de cette réflexion ? Tout d’abord, il faut garder en tête que chacun des quatre types de leaders, dont un aperçu a été donné ici, est un archétype ou un type idéal, c’est-à-dire un modèle pur qui n’est pas la copie conforme du réel mais une construction théorique à partir d’éléments concrets choisis et ordonnés pour former un tableau cohérent. Il en résulte qu’il est impossible de rencontrer une personne dont le profil personnel correspondrait parfaitement à l’un ou l’autre des quatre types. Ce qui compte, c’est le portrait d’ensemble, le caractère général qui se dégage de chacun des profils et la proportion avec laquelle on les retrouve dans chaque personne.

Souvent, les modèles qui nous sont proposés sont construits à partir de traits jugés essentiels ou fondamentaux et universels. Pensons, par exemple, aux modèles qui déterminent le caractère de la personne en établissant sa position sur une échelle allant du négatif au positif pour un facteur donné comme la stabilité émotionnelle, l’ouverture à l’expérience, le caractère agréable dans les relations interpersonnelles ou le caractère consciencieux. Il va de soi que personne ne souhaitera reconnaître qu’il se situe du côté négatif : instabilité émotionnelle, fermeture d’esprit, caractère désobligeant, négligence, etc. Dans le cas présent, j’ai délibérément cherché à reconnaître quatre types de leaders qui, chacun dans son registre, est positif, indépendant des trois autres et non en opposition, ce qui impliquait de trouver les caractéristiques propres de chaque type dans les quatre dimensions de base retenues : comportements, manière de penser, valeurs et identité profonde.

Comme toute personne a subi, au cours de sa vie, diverses influences qui l’ont marquée, il est normal de retrouver chez elle des traces de plusieurs types. De là son unicité puisque la probabilité de rencontrer deux profils identiques est nulle. Cependant, une dominante devrait normalement se dégager qui caractérise chacun d’entre nous.

Chaque lecteur devrait pouvoir se situer face à ces quatre façons d’être et valider son positionnement en demandant l’avis des personnes qui le connaissent bien.

Dans les organisations, cohabitent des personnes qui incarnent chacun des types dont aucun, rappelons- le, n’est supérieur à l’autre, plus actuel ou plus désirable. Comme il est impossible d’exceller dans les quatre profils, le dirigeant est invité à faire preuve d’humilité, d’ouverture et de tolérance. Les quatre profils coexistent, ils sont complémentaires et chacun reflète une approche différente de la réalité.

Cependant, il arrive que le bon type de leader ne soit pas au bon endroit au bon moment. Dans ce cas, des problèmes risquent de surgir puisque les caractéristiques de la personne et les exigences de la situation ne coïncident pas. On devrait donc tenir compte de cette diversité de profils lorsqu’on constitue des équipes que l’on souhaite homogènes ou hétérogènes et lorsqu’on choisit ses collaborateurs. L’expérience indique qu’on sélectionne souvent les personnes sur la base des affinités avec soi, qu’on a tendance à s’entourer de personnes qui nous ressemblent, ce qui a pour effet d’augmenter l’uniformité des points de vue.

Dans les opérations courantes d’une organisation, on observe que les différentes activités font appel aux quatre types : ainsi, pour organiser un événement marquant, une cérémonie, une fête, on aura intérêt à faire appel à une équipe constituée d’un mythique pour la conception, d’un systématique pour

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9 le contrôle des coûts et des opérations, d’un pragmatique pour la mise en œuvre et d’un relationnel pour le déroulement de l’événement. Si le pragmatique débrouillard excelle dans les urgences et les situations inédites, la prudence du systématique sera de bon aloi dans les situations à risque; le mythique, lui, saura tirer profit des occasions opportunes et des nouveautés et, dans les situations de conflit ou dans les affaires délicates à traiter, le relationnel s’en sortira mieux. Il en découle que, au sein d’une même organisation, des pratiques différentes de management peuvent cohabiter selon les personnes, selon la situation et les circonstances et selon la nature des activités elles-mêmes. Cela implique aussi que, idéalement, les dirigeants devraient être choisis en fonction de la convergence de leur profil et des exigences de la fonction à réaliser, des défis à relever.

Sur un plan plus personnel, cette grille d’analyse à quatre volets permet à chacun de mieux se connaître et de s’interroger sur les fondements cachés de ses pratiques et de ses conduites, d’où la possibilité de les modifier si besoin il y a, ou du moins de les contrôler en s’entourant de personnes qui compensent ses faiblesses. Elle donne aussi le moyen reconnaître plus exactement et plus objectivement les points que l’on partage avec autrui et l’origine des divergences, ce qui laisse de la place à la discussion plutôt qu’à l’affrontement.

Cet article permet également d’attirer l’attention des leaders sur les dangers, quel que soit leur style, d’adopter des comportements pathologiques au point d’aller à l’encontre de leur identité profonde.

Ainsi, l’excès d’ordre d’un systématique conduit à la déviance et à la recherche des voies d’évitement, les tractations d’un relationnel créent la zizanie, le népotisme d’un mythique nuit à l’esprit communautaire et l’activisme exagéré d’un pragmatique conduit à l’éparpillement.

Comment des personnes ayant des profils différents peuvent-elles arriver à s’entendre, dans une équipe par exemple, sans que l’une ne domine les autres ? Les valeurs jouent un rôle unificateur : si elles convergent, un terrain d’entente existe et le reste peut être différent. Enfin, dans les quatre dimensions de base, c’est l’identité qui est la plus profonde et la plus stable, et qui détermine les pratiques et les conduites : « on dirige comme on est4. »

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10 Tableau 1 :

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11 Références

1. Cet article reprend les analyses et les conclusions formulées dans BÉDARD, Renée (1995). Les fondements philosophiques de la direction, thèse de doctorat en management, HEC Montréal, 707 pages.

2. PITCHER, Patricia (1997). Artistes, artisans et technocrates dans nos organisations : rêves, réalités et illusions du leadership, Montréal, Presses HEC et Québec/Amérique.

3. L’être relationnel a été rédigé à partir des travaux d’Alain Chanlat et avec sa collaboration, Centre Humanismes, Gestions et Mondialisation, HEC Montréal.

4. LAPIERRE, Laurent. « Gérer, c'est créer », Gestion, revue internationale de gestion, vol. 30, printemps 2005, n° 1, p. 10-15. « On gère comme on est », Les Affaires, samedi 29 janvier 2005, Cahier spécial, p. 4, La Presse.

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