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La responsabilité civile environnementale des entreprises. Réactions de la CCIP au Livre blanc de la Commission européenne

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La responsabilité civile environnementale des entreprises Réactions de la CCIP au Livre blanc de la Commission européenne

Rapport présenté par M. Guy PALLARUELO au nom de la commission juridique, après avis de la

commission de l’aménagement régional, de l’environnement, du tourisme et des transports

et adopté au Bureau du 22 juin 2000 selon la procédure d’urgence

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SOMMAIRE

I - SUR L’ACTION COMMUNAUTAIRE EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ

ENVIRONNEMENTALE... 8

A- SUR LE FONDEMENT DUNE ACTION COMMUNAUTAIRE... 8

1) Les dispositions du Livre blanc ... 8

2) Observations et proposition de la CCIP ... 9

B - SUR LE MODE DACTION COMMUNAUTAIRE... 9

1) Les dispositions du Livre blanc ... 9

2) Position de la CCIP en faveur d’une directive... 11

II - SUR LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS DU SYSTÈME DE RESPONSABILITÉ ENVIRONNEMENTALE COMMUNAUTAIRE ... 13

A - SUR LA NON-RÉTROACTIVITÉ... 13

1) Les dispositions du Livre blanc ... 13

2) Observations et proposition de la CCIP ... 13

B - CHAMP DAPPLICATION DU SYSTÈME... 14

1) Les dispositions du Livre blanc ... 14

2) Observations de la CCIP... 15

C - NATURE DE LA RESPONSABILITÉ, DÉFENSES AUTORISÉES ET CHARGE DE LA PREUVE... 16

1) Les dispositions du Livre blanc ... 16

2) Observations et propositions de la CCIP... 18

D - QUI DOIT ÊTRE RECONNU RESPONSABLE ?... 20

1) Les dispositions du Livre blanc ... 20

2) Observations et propositions de la CCIP... 20

E - LES CRITÈRES APPLIQUÉS AUX DIFFÉRENTS TYPES DE DOMMAGES... 21

1) Les dispositions du Livre blanc ... 21

2) Observations et propositions de la CCIP... 23

(3)

F - DÉCONTAMINATION ET RESTAURATION EFFECTIVES DE L'ENVIRONNEMENT... 24

1) Les dispositions du Livre blanc ... 24

2) Observations et proposition de la CCIP ... 24

G - ACCÈS À LA JUSTICE... 25

1) Les dispositions du Livre blanc ... 25

2) Observations et propositions de la CCIP... 26

H - LIENS AVEC LES CONVENTIONS INTERNATIONALES... 27

1) Les dispositions du Livre blanc ... 27

2) Observations de la CCIP... 28

I - ASSURABILITÉ DU RISQUE ENVIRONNEMENTAL... 28

1) Les dispositions du Livre blanc ... 28

2) Observations et propositions de la CCIP... 29

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PRISES DE POSITION

Après plusieurs années de réflexion, la Commission européenne a adopté, le 9 février 2000, un « Livre blanc sur la responsabilité environnementale ». Saisie pour avis et compte tenu de l’importance grandissante de cette question pour les entreprises, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris souhaite formuler certaines observations et propositions sur ce document.

1) Sur le fondement d’une action communautaire

Il conviendrait d’attirer l’attention des entreprises sur l’action préventive et le management environnemental, alors que le Livre blanc ne fait référence qu’au seul principe du « pollueur-payeur ».

2) Sur le mode d’action communautaire

Le choix d’une directive-cadre paraît opportun au regard de la souplesse de ce mode d’action, permettant aux Etats membres de maintenir ou d’établir, si nécessaire, des mesures de protection renforcée.

3) Sur la non-rétroactivité

La date du fait générateur de la pollution étant déterminante, notre Compagnie préconise d’établir une « présomption de pollution passée », non couverte par le système de responsabilité au niveau communautaire, lorsque l’origine de cette pollution ne peut être située dans le temps.

4) Sur le champ d’application du système

En raison de l’accroissement des charges pour les entreprises, l’approche limitative proposée par la Commission doit être approuvée en ce sens qu’elle définit un champ d’application restreint, couvrant les dommages environnementaux et traditionnels causés dans le cadre d’activités d’ores et déjà réglementées au niveau européen.

5) Sur la nature de la responsabilité, les défenses autorisées et la charge de la preuve

Dans le souci de maintenir un certain équilibre des parties et de respecter les principes fondamentaux de la responsabilité civile, la CCIP s’oppose fermement à l’établissement d’une présomption de causalité qui viendrait aggraver la responsabilité sans faute. En outre, elle considère que les exploitants devraient bénéficier d’une exonération totale de responsabilité lorsqu’ils ont respecté les autorisations et permis d’émissions qui leur ont été attribués par les autorités administratives.

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6) Sur la personne reconnue responsable

La Commission canalise la responsabilité environnementale sur la personne de l’exploitant, c'est-à-dire celle qui exerce le contrôle de l’activité par laquelle les dommages sont causés. Dans ces conditions, il faut encourager les audits environnementaux dans les cas de succession d’exploitants.

7) Sur les critères appliqués aux différents types de dommages

Aucune méthode d’évaluation des dommages ne peut être appliquée de manière systématique ; or, en matière de responsabilité civile, les préjudices doivent être réels et quantifiables. Au-delà de cette difficulté, le régime des sites contaminés devrait faire l’objet d’une démarche particulière, distincte du Livre blanc, sachant qu’il n’existe à ce jour aucune réglementation communautaire en ce domaine.

8) Sur la décontamination et la restauration effectives de l'environnement Dans les hypothèses où la remise en état de l'environnement n’est pas envisageable, il conviendrait de consigner les dommages et intérêts versés par les pollueurs, dans l’attente de la mise en oeuvre de projets de substitution.

9) Sur l’accès à la justice

Le droit d’action subsidiaire ne devrait être attribué qu’aux seuls groupes d’intérêt et associations ayant pour objet la préservation de l'environnement et répondant à certains critères qualitatifs. De surcroît, une lacune du Livre blanc doit être comblée : il serait judicieux de déterminer les délais dans lesquels les différentes actions peuvent être introduites, tant sous l’angle de la forclusion que sous celui de la prescription.

10) Sur l’assurabilité du risque environnemental

L’intervention de l’assureur, en amont et en aval de l’opération de souscription, pourrait opportunément être systématisée et coordonnée au sein de l’Union européenne, afin de garantir une meilleure assurabilité. Par ailleurs, la couverture des pollutions chroniques liées au fonctionnement normal des exploitations pourrait être assurée par les entreprises, au moyen de réserves financières fiscalement déductibles.

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6

Le « risque environnemental » vise tous les dommages qui peuvent être causés par la pollution. Il concerne, d’une part, les activités qui sont potentiellement dangereuses pour les tiers ou peuvent avoir des effets, directs ou indirects, sur l'environnement et, d’autre part, celles qui ne sont certes pas potentiellement dangereuses mais qui utilisent des substances dangereuses.

Malgré l'absence, dans le Traité de Rome du 25 mars 1957, de toute disposition relative à l’environnement, les instances communautaires exécutives et juridictionnelles ont rapidement mis en oeuvre une action européenne en la matière.

Cette politique « prétorienne » a ensuite été consacrée par l’Acte unique européen de 1986, qui a intégré à l’article 130 R du Traité les objectifs de préservation et d’amélioration de la qualité de l’environnement, de protection de la santé des personnes et d’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles. De surcroît, l’article 100 A, relatif à l’adoption de mesures d’harmonisation législative ayant pour objet l’établissement et le fonctionnement du Marché intérieur, prévoyait dès lors que de telles mesures pouvaient être prises en matière de protection de l’environnement.

Elevée au rang de « politique fondamentale » de l’Union européenne par le Traité de Maastricht, la protection repose sur des principes directeurs énoncés à l’article 174 § 2, notamment l’action préventive et la règle du « pollueur-payeur ».

Le présent Livre blanc de la Commission européenne sur la responsabilité environnementale a été précédé d’un certain nombre d’initiatives qu’il convient de rappeler :

- en mai 1993, la Commission a publié un Livre vert sur la réparation des dommages causés à l’environnement. Elle envisageait alors deux manières de réparer les atteintes à l’environnement : d’une part, l’institution d’une responsabilité objective (ou responsabilité sans faute) à l’encontre des pollueurs identifiés dont l’activité a porté préjudice aux biens, aux personnes ou à l’environnement lui-même et, d’autre part, l’institution d’un fonds d’indemnisation collective, financé par tous les

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pollueurs potentiels, dans l’hypothèse où aucun pollueur déterminé n’a pu être identifié ;

- le 23 février 1994, le Comité économique et social a rendu un avis sur ce Livre vert, en se prononçant en faveur d’une action communautaire via une directive- cadre et en relevant la possibilité de retenir la responsabilité civile comme instrument de prévention et de réparation des dommages causés à l’environnement ;

- en avril 1994, le Parlement européen a adopté une résolution ayant pour objet d’inviter la Commission à élaborer une proposition de directive concernant la réglementation pour les (futures) atteintes à l’environnement. Il précisait dans ce texte que la responsabilité constituait l’un des instruments envisageables pour assurer la prévention et la réparation des atteintes à l’environnement, mais qu’elle ne devait pas constituer un fardeau trop lourd pour les petites et moyennes entreprises.

En réponse à cette résolution du Parlement européen, la Commission a entrepris d’élaborer un Livre blanc sur la responsabilité environnementale. Ce document, adopté le 9 février 2000, intervient « opportunément » après le récent naufrage de l’Erika qui a provoqué une importante pollution des côtes françaises. Il y est affirmé que « la responsabilité environnementale vise à faire en sorte qu’une personne ayant occasionné des dommages verse une somme d’argent pour remédier aux dommages qu’elle a causés ». Une telle responsabilité ne sera efficace que si le pollueur est identifié, si les préjudices sont réels et quantifiables et si un lien de causalité entre ceux-ci et le pollueur peut être démontré.

La Commission ayant saisi, pour avis, les représentants des entreprises, la CCIP tient à formuler ses observations et réserves sur le Livre blanc, en particulier quant aux éléments constitutifs de la responsabilité environnementale (II). Néanmoins, avant d’aborder ces questions, elle entend tout d’abord se prononcer sur l’action communautaire elle-même (I).

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I - Sur l’action communautaire en matière de responsabilité environnementale

A- Sur le fondement d’une action communautaire

1) Les dispositions du Livre blanc

Le Livre blanc de la Commission énonce cinq motifs justifiant la mise en place d’un système de responsabilité environnementale communautaire :

- assurer une meilleure application des principes fondamentaux du Traité dans le domaine de l’environnement (article 174 § 2), notamment du principe du

« pollueur-payeur ». A défaut, la Commission relève qu’il appartiendrait aux contribuables de financer la remise en état des milieux naturels pollués. Pour éviter de faire peser cette charge sur la société en général, elle préconise une

« internalisation des coûts environnementaux », c’est-à-dire de faire supporter aux pollueurs eux-mêmes les frais de prévention et de réparation des dommages environnementaux ;

- garantir la décontamination et la réhabilitation de l’environnement : les Etats membres doivent veiller à ce que les dommages et intérêts versés par les pollueurs identifiés soient utilisés à cette fin ;

- appliquer de manière plus stricte la législation environnementale communautaire existante, grâce au dispositif de responsabilité communautaire envisagé : la Commission mise sur l’effet préventif de la responsabilité qui devrait inciter à respecter les réglementations environnementales, et notamment les directives « Oiseaux sauvages » et « Habitats » dans le cadre du réseau Natura 20001. Elle relève que la plupart des Etats membres ont introduit dans leur législation un système de responsabilité sans faute pour les dommages résultant d’activités dangereuses pour l’environnement, mais ces législations, dont le champ d’application

1 Directive 79/409/CEE du Conseil concernant la conservation des oiseaux sauvages, JO L 103, p.1, et directive 92/43/CEE du Conseil concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, JO L 206, p.7.

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diffère selon les Etats, ne couvrent que les dommages traditionnels (aux personnes, aux biens ou aux sites) et non les atteintes aux ressources naturelles ;

- améliorer l’intégration : il résulte du Traité d’Amsterdam que les questions environnementales doivent être intégrées dans les politiques et les actions de la Communauté ; l’adoption d’un système de responsabilité couvrant toutes les activités dangereuses et réglementées au niveau communautaire y contribuerait ;

- améliorer le fonctionnement du marché intérieur : les échanges intracommunautaires ont une place prédominante au sein du marché intérieur et la couverture des dommages à la biodiversité par un système de responsabilité communautaire permettrait de préserver une certaine équité entre les Etats membres.

2) Observations et proposition de la CCIP

La Commission met essentiellement l’accent sur la mise en oeuvre du principe du pollueur-payeur, dans l’optique de garantir la réparation des dommages à l’environnement.

Toutefois, compte tenu de l’exigence d’un niveau de protection élevé, il convient surtout d’attirer l’attention des chefs d’entreprise sur l’anticipation des dommages et le management environnemental. En ce sens, une référence plus explicite au principe d’action préventive serait opportune.

B - Sur le mode d’action communautaire

1) Les dispositions du Livre blanc

La Commission énumère et explicite les différentes options envisageables pour une action communautaire.

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♦ Adhésion de la Communauté à la Convention de Lugano

Il s’agit de la Convention du Conseil de l’Europe sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l'environnement, adoptée en 1993.

Son champ d’application est relativement large, car elle couvre aussi bien les dommages traditionnels (corporels et matériels) que les atteintes à l'environnement et reste ouverte à toute activité non mentionnée expressément, dès lors que celle-ci peut être classée parmi les activités dangereuses. Cette large couverture constitue l’atout principal de la Convention allant plus loin que la plupart des législations nationales. Cependant, cet avantage est à double tranchant puisqu’il est, par ailleurs, reproché à la Convention d’avoir un champ d’application trop large et d’offrir trop peu de sécurité juridique : les dommages environnementaux n’y étant pas définis de manière précise et aucun critère d’évaluation ou de réparation envisagé, il conviendrait de remédier à ces lacunes par un acte communautaire.

♦ Un système applicable uniquement aux dommages transfrontaliers

Sur le fondement du principe de subsidiarité, les partisans de ce système avancent que l’intervention de la Communauté pour régir des questions de responsabilité environnementale propres aux Etats membres ne se justifie pas, mais qu’en revanche, les dommages transfrontaliers peuvent être traités plus efficacement au niveau communautaire. Cependant, cette position ne prend pas en compte que la plupart des législations nationales ne régissent pas les dommages causés à la biodiversité et qu’il est nécessaire d’y remédier. De surcroît, la mise en place d’un système applicable uniquement aux dommages transfrontaliers contreviendrait au principe d’égalité de traitement élaboré par la Cour européenne de justice. En effet, pour des dommages similaires, des personnes d’un même Etat membre pourraient, soit se trouver soumises au système de responsabilité communautaire en présence de dommages transfrontaliers, soit ne pas être inquiétées si le système national ne couvrait pas ce genre de cas.

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♦ Une action des Etats membres guidée par une recommandation de la Communauté

Cette option satisferait les défenseurs du principe de subsidiarité qui pourraient dénier toute légitimité à une intervention contraignante de la Communauté en matière environnementale. Mais, une recommandation n’ayant aucun caractère obligatoire et n’étant suivie d’aucun contrôle, partant, les avantages en termes de protection de l'environnement seraient plus limités.

♦ Une directive communautaire

Par comparaison à la première option (adhésion à la Convention de Lugano), la directive présente une meilleure sécurité juridique : il serait possible de mieux délimiter le champ d’application de l’action communautaire et de régir les atteintes à la biodiversité conformément à la législation correspondante. Si la Convention de Lugano peut être une source d’inspiration importante, le choix d’une directive permet d’assurer une meilleure application des principes environnementaux et une restauration efficace des milieux naturels.

♦ Responsabilité sectorielle dans le domaine de la biotechnologie

La directive proposée dans l’option précédente pourrait être axée sur la responsabilité liée à certains domaines particuliers, notamment celui de la biotechnologie, au lieu d’une approche horizontale couvrant de manière identique toutes les activités (potentiellement) dangereuses. Cependant, une démarche sectorielle manquerait de cohérence et ne permettrait pas une application uniforme des principes environnementaux.

2) Position de la CCIP en faveur d’une directive

Aux termes de l’article 5 alinéa 2 du Traité de Rome, modifié par le Traité d’Amsterdam, « dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive,

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la Communauté n’intervient, conformément au principe de subsidiarité, que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire ».

Si l’intervention de la Communauté doit respecter ce caractère subsidiaire, elle bénéficie néanmoins d’une compétence d’attribution en matière environnementale, les objectifs à suivre étant « la préservation, la protection et l’amélioration de la qualité de l'environnement »2. En outre, conformément à l’article 95 § 3 du Traité, cette politique vise un niveau de protection élevé de l'environnement, en tenant compte de toute nouvelle évolution basée sur des faits scientifiques.

L’environnement ne constituant pas une compétence exclusive de la Communauté, les Etats membres conservent une compétence originaire en la matière. Toutefois, comme l’a justement souligné la Commission dans son Livre blanc3, les problèmes de pollutions transfrontalières ne peuvent être efficacement réglés qu’au niveau communautaire et, surtout, les dommages causés à la biodiversité n’étant généralement pas couverts par les législations nationales, la Communauté peut légitimement intervenir à titre subsidiaire dans ce domaine.

Concernant le choix du mode d’action, la directive semble être la meilleure option puisqu’elle préserve une certaine souplesse dans la démarche communautaire.

Est préconisée à juste titre une « approche progressive » par la mise en place d’un

« système-cadre énonçant des exigences minimales essentielles, qui seraient complétées par la suite par d’autres éléments jugés nécessaires d’après l’expérience acquise au cours de la période d’application initiale ». Cette approche, à la fois prudente et évolutive, laisserait, en outre, aux Etats membres la possibilité, sur le fondement de l’article 176 du Traité, de maintenir ou d’établir, si nécessaire, des mesures de protection renforcée.

2 Article 174 § 1du Traité instituant la Communauté européenne, modifié par le Traité d’Amsterdam.

3 Livre blanc, « subsidiarité et proportionnalité », p.30.

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II - Sur les éléments constitutifs du système de responsabilité environnementale communautaire

A - Sur la non-rétroactivité

1) Les dispositions du Livre blanc

La Commission suggère que le système de responsabilité environnementale communautaire ne soit applicable qu’aux dommages à venir, c’est-à-dire survenus après son entrée en vigueur.

En revanche, les « pollutions passées » resteraient du ressort des législations nationales, à charge pour les Etats membres de définir leurs propres remèdes et financements selon les circonstances de pollution.

2) Observations et proposition de la CCIP

La non-rétroactivité du système européen de responsabilité environnementale envisagé dans le Livre blanc apparaît effectivement comme une nécessité à la fois juridique et économique.

A cet effet, il est indispensable de distinguer dans le temps quelles seront les pollutions couvertes par le dispositif communautaire et les autres restant sous l’empire des législations nationales.

Selon la Commission, « les dommages qui sont découverts après l’entrée en vigueur du système communautaire devraient être couverts, à moins que l’acte ou l’omission ayant causé les dommages ne se soient produits avant cette entrée en vigueur ».

Elle considère donc que c’est la date du fait générateur de la pollution qui est déterminante.

Néanmoins, il convient d’envisager l’hypothèse où le fait générateur ne peut être

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répondre à l’exigence de sécurité juridique, il serait opportun d’établir une

« présomption de pollution passée », non couverte par le système communautaire de responsabilité environnementale.

B - Champ d’application du système

1) Les dispositions du Livre blanc

a) Les dommages à couvrir

Le système de responsabilité environnementale préconisé par la Commission couvrira deux types de dommages :

- Les dommages environnementaux

En couvrant ces dommages causés à l'environnement même, la Commission entend remédier aux lacunes des législations nationales. Celles-ci, soit ne régissent que les dommages traditionnels, c'est-à-dire corporels ou matériels, et ceux résultant d’activités dangereuses, soit ne définissent pas la notion même d’atteinte à l'environnement. L’intitulé « dommages environnementaux » du Livre blanc regroupe à la fois les dommages causés à la biodiversité et les dommages se traduisant par la contamination de sites.

- Les dommages traditionnels

Par souci de cohérence et d’égalité juridique, ces dommages corporels ou matériels, bien que d’ores et déjà régis par les législations nationales, ne peuvent être écartés du champ d’application du système communautaire. Leur couverture permet en outre de poursuivre l’objectif de protection de la santé des personnes, prévu à l’article 174

§1 de Traité CE.

b) Les activités à couvrir

La Commission propose de lier étroitement le champ d’application du système de responsabilité environnementale avec les législations et réglementations communautaires existantes en matière de protection de l'environnement.

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En premier lieu, concernant les dommages traditionnels et les sites contaminés, les activités à couvrir seraient celles régies, au niveau communautaire, par :

- toutes les législations afférentes aux substances dangereuses, et notamment celles ayant pour objectif de prévenir et de contrôler les risques d’accident et de pollution 4;

- les diverses réglementations relatives aux déchets ; - la législation en matière de biotechnologie ;

- les réglementations relatives aux organismes génétiquement modifiés (OGM).

En second lieu, s’agissant des dommages causés à la biodiversité, les activités à couvrir seraient celles soumises aux réglementations communautaires relatives à la protection et à la conservation de la biodiversité. Il s’agit des directives « Oiseaux sauvages »5 et « Habitats »6 qui mettent à la charge des Etats membres une obligation de réparation des dommages importants causés aux ressources naturelles protégées. La Commission souligne que la mise en place du système de responsabilité environnementale permettrait de faire financer les réparations par les pollueurs eux-mêmes. Elle objecte enfin que les dommages aux ressources naturelles sont susceptibles d’être causés par diverses activités, intrinsèquement dangereuses ou pas, ce qui implique deux types de responsabilité applicables.

2) Observations de la CCIP

La Commission définit un champ d’application restreint pour le système envisagé de responsabilité environnementale communautaire, par référence aux réglementations existantes.

4 Directive n°96/82 du 9 décembre 1996 concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses ; directive n°96/61 du 24 septembre 1996 relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution.

5 Directive n°79/409 du 2 avril 1979.

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Compte tenu de l’accroissement des charges pesant sur les entreprises, la CCIP ne peut que soutenir une telle approche limitative, sachant que, par ailleurs, d’importantes réserves doivent être formulées en ce qui concerne la nature des responsabilités préconisées.

C - Nature de la responsabilité, défenses autorisées et charge de la preuve

1) Les dispositions du Livre blanc

♦ La Commission plaide en faveur d’un système de responsabilité environnementale essentiellement fondé sur la responsabilité sans faute : il ne serait pas nécessaire de prouver la faute d’un auteur, mais seulement le fait ou l’omission qui a causé les dommages. Elle justifie cette démarche en se référant à l’adoption, dans ce sens, de récentes législations nationales7, et en soulignant la difficulté rencontrée par les plaignants pour établir la faute du défendeur.

Cette responsabilité sans faute s’appliquerait à tous les types de dommages, c'est-à-dire les dommages traditionnels, les contaminations de sites et les atteintes à la biodiversité, dès lors qu’ils ont été causés par une activité (potentiellement) dangereuse et réglementée par le droit communautaire de l'environnement.

En revanche, les dommages à la biodiversité résultant d’activités non dangereuses seraient soumis à un régime de responsabilité pour faute, leur réparation devant être assurée par l’Etat concerné dans l’hypothèse où aucune faute n’a pu être caractérisée.

♦ Comme pour tout système de responsabilité, la Commission envisage, de façon très restrictive, les défenses (ou causes exonératoires) qui permettraient au défendeur de se libérer.

7 Par exemple, la loi allemande de 1990 relative à la responsabilité en matière d’environnement, qui établit un régime étendu de responsabilité sans faute au titre de l’exploitation d’installations industrielles dangereuses pour l'environnement.

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Les défenses préconisées dans le Livre blanc sont les défenses courantes : force majeure, contribution aux dommages ou consentement du plaignant, intervention d’un tiers.

La Commission rend compte de la volonté des agents économiques d’introduire une nouvelle défense, applicable lorsque les dommages ont été causés par des rejets autorisés en vertu de réglementations communautaires. Elle ajoute toutefois que, d’une manière générale, cette cause exonératoire n’est pas admise dans les législations nationales en matière de responsabilité environnementale.

♦ Concernant la charge de la preuve, la Commission remarque qu’ « il peut s’avérer plus difficile pour le plaignant et plus facile pour la partie défenderesse d’établir les faits concernant le lien de causalité (ou son absence) entre une activité menée par le défendeur et les dommages occasionnés ».

A l’image de certains droits nationaux de la responsabilité environnementale, elle préconise, en faveur du plaignant, un allègement de la charge de la preuve concernant l’établissement de la faute ou du lien de causalité.

♦ Enfin, la Commission propose que, dans certaines circonstances, la responsabilité des dommages soit partagée entre le pollueur identifié et l’autorité qui lui a délivré un permis d’émissions polluantes.

Ce partage de responsabilité resterait à la libre appréciation du tribunal saisi (ou de l’arbitre, le cas échéant), sachant qu’il conviendrait de définir certains critères d’application, comme par exemple la circonstance que « l’exploitant a fait tout son possible pour prévenir les dommages ».

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2) Observations et propositions de la CCIP

♦ Il résulte d’une étude du droit comparé que la responsabilité sans faute (ou responsabilité objective) a pris une place de plus en plus importante en matière environnementale8.

Aussi, le dispositif préconisé par la Commission appelle d’importantes réserves.

En effet, dans le Livre blanc, le fondement de la responsabilité sans faute n’est autre que le principe du « pollueur-payeur » : la Commission affirme que « les personnes qui pratiquent une activité intrinsèquement dangereuse devraient supporter le risque lié aux dommages occasionnés par cette activité, à la place de la victime ou de la société en général ». Or ce principe n’a d’autre objet que de désigner un payeur, et non pas nécessairement un responsable9. Mettre les frais de remise en état de l'environnement à la charge d’un pollueur potentiel n’équivaut pas à le désigner responsable de la pollution. Une telle assimilation reviendrait à dénaturer les conditions fondamentales de la responsabilité civile : une faute, un dommage et un lien de causalité. Si un pollueur est amené à verser une compensation à titre de réparation des dommages qu’il a causés, ce n’est que le résultat de l’application d’un principe de responsabilité et non pas du principe « pollueur-payeur » qui ne constitue qu’une règle pratique d’imputation des coûts.

8 - La loi britannique de 1990, relative à la lutte contre la pollution, prévoit la responsabilité sans faute des dommages résultant de l’élimination illicite des déchets ;

- la loi allemande de 1990, relative à la responsabilité en matière d’environnement, établit un régime étendu de responsabilité sans faute au titre de l’exploitation d’installations industrielles dangéreuses pour l'environnement ;

- la loi française du 15 juillet 1975 relative aux déchets prévoit que toute personne qui remet ou fait remettre certains déchets à tout autre que l’exploitant d’une installation agréée est responsable de plein droit des dégâts qu’ils engendrent ;

- aux Etats-Unis, la responsabilité civile des dommages causés à l'environnement est fondée à la fois sur la Common Law et sur la responsabilité sans faute. Une loi fédérale adoptée en 1990 (Comprehensive Environmental Response Compensation Liability Act) a créé un fonds de financement des nettoyages (le Superfund) et établi un régime de responsabilité objective permettant au gouvernement de récupérer les coûts de remise en état auprès des « parties potentiellement responsables ».

9 « Le projet de Convention du Conseil de l’Europe sur la responsabilité civile des dommages résultant de l’exercice d’activités dangereuses pour l'environnement », Christian LARROUMET et Charles FABRY, Gazette du Palais, 5 mai 1994.

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Par ailleurs, le Livre blanc envisage la possibilité d’un allègement, en faveur du plaignant, de la charge de la preuve du lien de causalité. Cela revient à dire que, pour se dégager de sa responsabilité dès lors présumée, l’exploitant devrait prouver l’absence de lien de causalité entre son activité et le dommage invoqué par le plaignant.

Il importe de rappeler à nouveau les éléments fondamentaux de la responsabilité civile : une faute, un dommage et un lien de causalité. Or, le dispositif communautaire est essentiellement fondé sur la responsabilité sans faute, même si le fondement invoqué par la Commission est inapproprié. Il en résulte que, dans la majeure partie des cas, le plaignant est dispensé de rapporter la preuve de l’existence d’une faute commise par le pollueur. L’adjonction à ce système d’une présomption de causalité emporterait une dénaturation complète de la responsabilité civile et un accroissement excessif des charges pesant sur les entreprises exploitantes.

La responsabilité sans faute facilitant déjà grandement la démarche des plaignants, il convient de maintenir avec force la nécessité, pour ces derniers, de prouver l’existence d’un lien de causalité entre l’activité de l’exploitant et le dommage. La CCIP s’oppose donc fermement à l’option retenue par le Livre blanc.

Concernant les causes exonératoires, la CCIP considère que les exploitants devraient pouvoir bénéficier d’une exonération totale de responsabilité lorsqu’ils ont respecté les autorisations et permis d’émissions qui leur ont été attribués par les autorités administratives.

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D - Qui doit être reconnu responsable ?

1) Les dispositions du Livre blanc

La Commission focalise la responsabilité environnementale communautaire sur la personne de l’exploitant.

Elle propose que la partie responsable soit « la personne (ou les personnes) qui exerce le contrôle de l’activité (relevant du champ d’application défini) par laquelle les dommages sont causés ». Elle précise toutefois que si l’exploitant est une société, la responsabilité ne reposera que sur la seule personne morale, excluant ainsi toute responsabilité personnelle des dirigeants.

2) Observations et propositions de la CCIP

Tout d’abord, il conviendrait de préciser la notion de « contrôle » : il doit s’agir du contrôle opérationnel de l’exploitation, et non pas du contrôle décisionnel ou financier.

Par ailleurs, l’hypothèse de la succession d’exploitants doit être envisagée. Selon la jurisprudence administrative française10, « l’obligation de remise en état pèse sur l’exploitant, à moins qu’il n’ait cédé son installation et que le concessionnaire se soit régulièrement substitué à lui en qualité d’exploitant ». Il a par ailleurs été jugé qu’à défaut d’un exploitant présent et solvable, le propriétaire d’un site pollué peut être recherché en qualité de détenteur de déchets, alors même qu’il n’a jamais exercé la moindre activité industrielle, et que le terrain a fait l’objet de deux cessions successives11.

10 Conseil d’Etat, 8 septembre 1997, affaire Sarachrom, Le Moniteur, 21 novembre 1997, n°4904, p.57.

11 Cour administrative d’appel de Lyon, 10 juin 1997, affaire Zoegger, Le Moniteur, 21 novembre 1997, n°4904, p.58.

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Afin d’éviter la multiplication des contentieux et des actions récursoires, il est indispensable d’encourager les audits environnementaux lors de la succession d’exploitants.

E - Les critères appliqués aux différents types de dommages

1) Les dispositions du Livre blanc

a) Les dommages causés à la biodiversité

Les législations nationales en matière de responsabilité environnementale n’envisageant généralement pas ce type de dommages, la Commission propose de ne les couvrir que dans la limite des réglementations communautaires existantes sur la biodiversité. Ainsi, seuls les dommages causés à la biodiversité protégée dans le cadre du réseau Natura 200012, seraient régis par le système communautaire de responsabilité. Toutefois, ils ne seraient pris en considération que s’ils ont un caractère « important ».

Dans le souci d’assurer une réparation adéquate, il faudra déterminer des critères d’évaluation des ressources naturelles endommagées. Lorsque la remise en état de l'environnement est envisageable, une analyse de l’opportunité de la réparation devrait être faite sur le fondement des coûts de restauration (incluant les coûts d’évaluation des dommages). En revanche, lorsque cette remise en état intégrale n’est pas techniquement possible, ce qui est le plus souvent le cas, la Commission considère que « l’évaluation des ressources naturelles doit se fonder sur le coût des solutions de substitution », dans l’optique de rétablir un état de conservation de la biodiversité comparable à la situation antérieure, en tenant compte de facteurs tels que la fonction des ressources et l’utilisation envisagée pour elles.

Pour réduire les coûts d’évaluation, la Commission préconise de recourir à des techniques de « transfert de bénéfices », lesquelles pourraient, de plus, être avantageusement développées au moyen de bases de données.

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b) Les sites contaminés

La dépollution des sites contaminés est prévue par la plupart des législations des Etats membres, que la pollution soit passée ou présente. Sont visés le sol, les eaux de surface et les eaux souterraines. Le système communautaire de responsabilité envisagé ne s’appliquerait qu’aux nouvelles contaminations ayant un caractère

« important » et permettrait de parvenir à une certaine harmonisation des normes et objectifs de dépollution.

La Commission précise que dans l’hypothèse où une zone protégée dans le cadre du réseau Natura 2000 fait partie d’un site contaminé, les deux systèmes de réparation ont vocation à s’appliquer : une dépollution du site et une restauration des ressources naturelles endommagées.

Concernant les normes de dépollution, il faudra déterminer des critères d’évaluation des dommages et des seuils de nécessité de dépollution : « la contamination entraîne-t-elle une menace sérieuse pour l’homme et pour l'environnement ? »

Pour les objectifs de dépollution, il s’agit de « définir le niveau de qualité du sol et de l’eau qu’il convient de maintenir ou de reconstituer pour un site donné », l’objectif principal étant la suppression de tout risque important pour l’homme et pour l'environnement. Ces objectifs qualitatifs pourraient avantageusement être combinés avec des normes quantitatives et, dans les cas où la dépollution s’avère impossible, économiquement ou techniquement, un confinement total ou partiel du site pourrait être envisagé.

c) Les dommages traditionnels

La Commission suggère que la définition des dommages traditionnels, c'est-à-dire corporels et matériels, reste du ressort des Etats membres.

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Elle précise, cependant, que l’importance de ces dommages ne devrait pas conditionner l’application du système de responsabilité environnementale communautaire.

2) Observations et propositions de la CCIP

a) Sur les dommages causés à la biodiversité

La réparation du préjudice écologique se heurte à des difficultés d’évaluation, aucune méthode ne pouvant être appliquée de manière systématique. La référence première à prendre en compte serait le coût de la remise en état du milieu endommagé, dans la limite toutefois de son caractère raisonnable13 et sachant que ce coût peut dépendre d’éléments eux-mêmes difficilement estimables financièrement, tels que des éléments naturels. Or, dans un système de responsabilité civile, les préjudices doivent être réels et quantifiables.

b) Sur les sites contaminés

La problématique des sols pollués ne peut être réduite à un paragraphe dans un document général sur la responsabilité civile environnementale. Il s’agit d’un sujet délicat qui doit être traité selon une démarche particulière.

Par ailleurs, le champ d’application du dispositif préconisé par la Commission est limité aux activités déjà réglementées par la législation communautaire. Or, les questions relatives aux sites pollués étant toujours du ressort des Etats membres, leur régime juridique n’a pas à être organisé dans le Livre blanc.

c) Sur les dommages traditionnels

La définition de ces dommages traditionnels restant de la compétence des Etats membres, leur régime de responsabilité peut opportunément être organisé au niveau

13 La notion de coût raisonnable est retenue par la Convention de Bruxelles de 1969 sur la responsabilité pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures : le montant de l’indemnité

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communautaire. En effet, la démarche préconisée par la Commission permettrait d’harmoniser les différents régimes nationaux et d’établir des règles concernant les dommages traditionnels à caractère transfrontalier.

F - Décontamination et restauration effectives de l'environnement

1) Les dispositions du Livre blanc

L’objectif de la responsabilité environnementale étant d’assurer la restauration des milieux endommagés, il convient de veiller à ce que les dommages et intérêts versés par le pollueur soient affectés, effectivement et de manière obligatoire, à la dépollution des sites ou à la réhabilitation de la biodiversité.

La Commission ajoute que, dans les hypothèses où la réparation n’est pas possible ou ne l’est que partiellement, « la compensation représentant la valeur des dommages non réparés devrait être affectée à des projets comparables (en termes de bénéfices pour l'environnement), visant à réhabiliter ou à valoriser des ressources naturelles protégées ».

2) Observations et proposition de la CCIP

Lorsque la remise en état intégrale n’est pas envisageable, que faire des compensations versées par les pollueurs ? Dans cette hypothèse, l’évaluation des dommages a été effectuée sur le fondement du coût des solutions de substitution, en vue d’implanter des ressources naturelles équivalentes aux ressources détruites et de rétablir ainsi le niveau de conservation de la nature et de la biodiversité. Dès lors, il conviendrait de « consigner » les fonds récoltés dans l’attente de la mise en oeuvre des projets de substitution.

accordée pour la remise en état d’un espace naturel doit correspondre au coût raisonnable de sa restauration, sans dépense disproportionnée.

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G - Accès à la justice

1) Les dispositions du Livre blanc

En matière de dommages traditionnels, le droit d’agir appartient aux victimes, qui peuvent déposer plainte auprès des organismes administratifs ou juridiques compétents. En revanche, en présence de dommages écologiques, il revient, en premier lieu, à l’Etat de défendre l’intérêt général que constitue la protection de l'environnement. Cependant, il serait judicieux, selon la Commission, de responsabiliser le public en lui donnant également les moyens d’agir en justice. Dans cette optique, le système communautaire de responsabilité environnementale pourrait contribuer à l’application d’une importante convention internationale, la Convention d’Aarhus14, qui constitue le fondement des actions menées par les particuliers et les groupements de défense des intérêts du public. Ils ont ainsi la possibilité de demander des injonctions et de contester les actes ou les omissions allant à l’encontre des dispositions du droit national de l'environnement.

a) « L’approche à deux niveaux » : l’Etat devrait avoir un droit d’action prioritaire

Au premier niveau, il appartient prioritairement aux Etats d’assurer les remises en état et les dépollutions grâce aux dommages et intérêts versés par les pollueurs.

Mais, selon la Convention d’Aarhus, les groupes de défense des intérêts environnementaux du public sont considérés comme ayant un intérêt dans le processus décisionnel en matière d’environnement15. Ils devraient donc, à un second niveau, disposer d’un droit d’action subsidiaire, en cas de carence des Etats.

14 Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, adoptée par les Nations-Unies et la Commission européenne pour l’Europe lors de la quatrième conférence ministérielle qui s’est tenue à Aarhus (Danemark) du 23 au 25 juin 1998, également signée par la Communauté européenne.

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b) Cas urgents (injonctions, coût des mesures préventives)

En présence d’un pollueur présumé, les groupes d’intérêt devraient avoir la possibilité de solliciter du juge qu’il prononce des injonctions en vue de mettre un terme à toute activité dommageable pour l'environnement, de prévenir d’éventuels dommages ou d’inciter à prendre des mesures de remise en état.

Par ailleurs, ces groupes devraient être fondés à demander le remboursement des frais raisonnables qu’ils ont supportés pour la mise en oeuvre des mesures préventives urgentes.

c) Garantir une expertise suffisante et éviter les coûts inutiles

D’une part, il serait opportun de n’attribuer le droit d’action qu’aux groupes d’intérêt satisfaisant à certains critères qualitatifs et, d’autre part, la participation d’experts scientifiques indépendants serait très profitable.

Compte tenu du coût et des délais de la justice, les voies amiables de réglement des litiges pourraient avantageusement être encouragées, notamment l’arbitrage et la médiation.

2) Observations et propositions de la CCIP

Il est indispensable que les groupes d’intérêt qui disposeraient d’un droit d’action subsidiaire satisfassent à des critères qualitatifs. Ainsi, il serait souhaitable que seuls les associations ou groupes d’intérêt ayant pour objet la préservation de la nature et la qualité de l'environnement bénéficient de cette faculté.

De même, si l’attribution du droit d’action se fait au niveau européen, il faudrait laisser à l’Etat membre où la demande est faite la liberté de définir les conditions dans lesquelles ce droit peut être exercé par les groupements.

Par ailleurs, si le Livre blanc traite de l’accès à la justice, il est cependant muet quant aux délais dans lesquels les différentes actions peuvent être introduites.

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Il parait nécessaire de remédier à cette lacune, tant sous l’angle de la forclusion que sous celui de la prescription. Sur ces questions, on pourrait s’inspirer de la Convention du Conseil de l’Europe sur la responsabilité civile des dommages résultant d’activités dangereuses pour l'environnement. Tout d’abord, elle prévoit que les actions en réparation ne sont plus recevables après un délai de trois ans, courant à partir de la date à laquelle le demandeur a eu connaissance, ou aurait raisonnablement dû avoir connaissance, du dommage ainsi que de l’identité de l’exploitant16. Elle dispose, ensuite, que les droits d’action en justice ne seront pas éteints avant l’expiration d’un délai de trente ans à compter de la date à laquelle s’est produit l’événement qui a causé le dommage17.

Enfin, la CCIP encourage vivement le recours aux voies conventionnelles de réglement des litiges.

H - Liens avec les conventions internationales

1) Les dispositions du Livre blanc

La Commission relève le développement des conventions et protocoles internationaux en matière de responsabilité, notamment environnementale. Ces textes sont tous fondés sur une responsabilité sans faute mais limitée, ainsi que sur la notion de compensation au deuxième niveau (c'est-à-dire assurée par des fonds collectifs d’indemnisation).

Prenant en considération les récents accidents de pollution maritime, la Commission relève qu’il s’agirait de déterminer si le système international doit être complété par des mesures communautaires visant la responsabilité pour les déversements d’hydrocarbures. D’une manière générale, il faudrait définir dans quelle mesure le système de responsabilité environnementale communautaire préconisé par le Livre blanc s’appliquerait à des domaines déjà régis par le droit international.

16 Article 17 § 1 de la Convention du Conseil de l’Europe.

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2) Observations de la CCIP

Plusieurs hypothèses doivent être envisagées concernant l’articulation de l’éventuelle future directive avec les conventions internationales existantes.

Si ces conventions présentent des lacunes, la directive pourrait intervenir à titre complémentaire pour régir les points non traités.

Si la directive instaurait un régime de responsabilité plus strict que les conventions existantes, on pourrait alors considérer qu’elle s’appliquerait prioritairement, sur le fondement du Traité de Rome, même aux Etats membres signataires des conventions.

Enfin, si la responsabilité résultant de la directive était plus souple, une inégalité entre Etats membres apparaîtrait alors : ceux qui ont adhéré aux conventions internationales seraient soumis à un régime plus sévère que les autres.

I - Assurabilité du risque environnemental

1) Les dispositions du Livre blanc

Pour illustrer la nécessité de l’assurance en matière de responsabilité environnementale, la Commission rappelle l’exemple américain où des montages financiers ont été organisés, dans le but de contourner la responsabilité, en transférant les activités dangereuses à de petites entreprises, insolvables en cas de dommages importants à réparer. De telles manoeuvres ne seraient pas réalisées si les exploitants bénéficiaient de contrats d’assurance couvrant les risques environnementaux.

Les tarifs de ces contrats dépendent des risques encourus ; or, aucune méthode d’évaluation de ces dommages n’est unanimement reconnue. Dès lors, selon les termes de la Commission, « l’établissement de critères qualitatifs et quantitatifs fiables en matière de détection et de mesure des dommages environnementaux

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améliorera la garantie financière disponible pour le système de responsabilité et contribuera à assurer sa viabilité ».

D’ores et déjà, la restriction du champ d’application du Livre blanc aux activités dangereuses et aux ressources protégées réglementées par le droit communautaire, ainsi qu’aux dommages importants, facilite l’évaluation et la gestion de ces risques.

En tout état de cause, la Commission considère qu’il ne serait pas souhaitable de rendre la garantie financière obligatoire, les propositions des assureurs et des banquiers devant plutôt se faire sur une base volontaire.

2) Observations et propositions de la CCIP

a) Nécessité du recours à l’assurance

Les conséquences financières des pollutions sont tellement importantes pour les exploitants qu’elles constituent parfois un risque pour la survie même de l’entreprise.

Dans ces conditions, le recours à l’assurance s’avère nécessaire, non seulement pour couvrir ce risque financier supporté par l’entreprise, mais aussi en raison de la dimension sociale des dommages causés aux tiers et à l'environnement.

b) Spécificité des contrats

Les contrats classiques d’assurance responsabilité civile souscrits par les entreprises, soit excluent totalement le risque environnemental, soit ne couvrent que les dommages résultant des pollutions accidentelles. En effet, le développement de la responsabilité sans faute en matière environnementale emporte un transfert quasi- systématique de la responsabilité des exploitants vers les assureurs. Sous la pression des réassureurs, des limites de plus en plus sensibles ont été apportées à la couverture garantie par les contrats classiques ; des solutions sont donc recherchées au travers de contrats d’assurance spécifiques élaborés par des

« pools » d’assureurs.

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c) Les problèmes d’assurabilité

Il n’est pas inintéressant de rappeler ici une décision de la Commission du 14 janvier 1992, qui accordait au Groupement d’intérêt économique Assurpol une exemption individuelle de l’interdiction de l’article 85 § 1 du Traité sur l’Union européenne : « les caractéristiques des risques d’atteinte à l'environnement variables selon les facteurs endogènes et exogènes, les longues périodes qui s’écoulent parfois entre le fait générateur de l’atteinte à l'environnement, le dommage survenu et la présentation d’une réclamation, associée à l’absence de données statistiques, rendent les risques d’atteinte à l'environnement difficilement assurables, surtout ceux d’origine non accidentelle. La difficulté d’identification de ces derniers risques et le calcul d’une prime adéquate, fait que leur couverture est très peu répandue au niveau mondial ».

Dans ces conditions, la Commission a considéré que « la coopération entre les entreprises d’assurance et de réassurance au sein du GIE Assurpol permet une amélioration de la connaissance des risques, la création d’une capacité financière et le développement d’un savoir-faire technique pour la couverture des risques d’atteinte à l'environnement ».

Les termes de cette décision reflètent la difficile assurabilité des risques environnementaux. En effet, il ne faut pas oublier que l’opération même d’assurance est soumise à certaines contraintes : le contrat d’assurance fait partie des contrats aléatoires et doit avoir pour objet des risques déterminés et mesurables. Par ailleurs, l’assureur « ne peut couvrir les risques aléatoires particuliers que dans la mesure où il connaît le poids du risque global résultant de l’addition des risques particuliers »18. La garantie que peut offrir l’assureur « se heurte à l’insuffisance des statistiques sur la fréquence, la probabilité et l’ampleur des sinistres en relation avec la pollution »19. Néanmoins, d’importants progrès ont été faits en termes de prévisibilité des dommages, grâce au regroupement des assureurs.

18 Claude DELPOUX, « Responsabilité civile du fait des atteintes à l'environnement : les réponses actuelles de l’assurance », Gazette du Palais, 5 mai 1994 .

19 Marie-Luce DEMEESTER-MORANCAIS, « Assurance et Environnement », Gazette du Palais, 28 et 29 novembre 1997.

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d) L’exemple français

A ce jour, l’assurance pollution est régie au niveau national. Ainsi, en France, le groupement de co-réassurance Assurpol, créé en 1989 en remplacement du Garpol, regroupe plus de 50 sociétés d’assurances directes, françaises ou étrangères, 14 réassureurs et offre une capacité de plus de 200 MF.

Depuis le 1er janvier 2000, un nouveau contrat spécifique « multirisque environnement » est proposé aux exploitants. Il s’articule autour de trois volets :

- la garantie responsabilité civile « atteintes à l'environnement », concernant les dommages corporels, matériels et immatériels subis par des tiers ;

- la garantie « frais de dépollution du sol », assurant indistinctement les frais de dépollution du sol sur le site de l’assuré et hors du site ;

- et la garantie « frais de dépollution des biens immobiliers de l’assuré », à caractère optionnel.

Ces garanties ne sont mises en oeuvre qu’en cas de dommages à l'environnement consécutifs à des faits fortuits survenus sur le site de l’assuré : il n’est pas opéré de différence entre les pollutions accidentelles et les pollutions non-accidentelles, dès lors que l’atteinte à l'environnement résulte d’un fait fortuit.

La garantie proposée par Assurpol est cependant limitée puisqu’il existe un certain nombre d’exclusions, soit communes aux trois volets, soit particulières à chacun d’eux.

Quant à la garantie dans le temps, il faut que la « première constatation vérifiable du dommage » intervienne pendant la période de validité du contrat. De plus, le dommage doit résulter d’une atteinte à l'environnement ayant débuté pendant cette même période.

Si le marché de l’assurance évolue et tente de s’adapter aux risques environnementaux, la garantie offerte reste toutefois limitée. Les exploitants peuvent

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encore voir leur responsabilité civile mise en jeu sans couverture par l’assurance, notamment dans les cas d’exclusion du contrat.

e) Pour une coordination du rôle de l’assureur au sein de l’Union européenne

Dans le cadre d’Assurpol, l’assureur intervient auprès des entreprises, en tant que conseil dans la prévention des risques, préalablement à la souscription du contrat.

Par une visite de l’exploitation, il identifie, évalue les risques et suit leur gestion. Le résultat de cette investigation est une acceptation, éventuellement sous condition, ou un refus d’assurance.

Cette démarche s’inscrit d’ailleurs dans la logique de l’action préventive, en vue d’une anticipation des risques par les décideurs.

Une telle intervention de l’assureur, aussi bien en amont qu’en aval de l’opération de souscription, pourrait opportunément être systématisée et coordonnée au sein de l’Union européenne, afin de parvenir à une meilleure gestion des risques environnementaux et donc à une meilleure assurabilité.

f) Couverture des pollutions chroniques

En l’absence d’aléa, les dommages résultant de l’activité normale de l’entreprise font l’objet d’une exclusion et ne sont pas couverts par l’assurance.

Dans ces conditions, les entreprises auraient tout intérêt à constituer des réserves financières, destinées à couvrir les coûts de dépollution consécutifs au fonctionnement habituel de l’exploitation. Il serait, en outre, opportun que ces réserves soient fiscalement déductibles.

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