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L analyse des besoins sociaux : au-delà de l obligation réglementaire, un exercice d évaluation a priori de l action sociale

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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L’analyse des besoins sociaux : au-delà de l’obligation réglementaire, un exercice d’évaluation a priori de l’action sociale

Laurence Diederichs-Diop*

L’objet de cette communication1 est de montrer que l’injonction réglementaire imposé par le décret du 6 mai 1995 aux centres communaux d’action sociale (CCAS) peut être envisagée comme une évaluation en amont (mais aussi en aval) de l’action sociale communale.

Cependant, la démarche d’analyse des besoins sociaux (ABS) se démarque d’une démarche d’évaluation des politiques publiques entendue dans son sens commun. En effet, à travers l’ABS, il ne s’agit pas tant d’évaluer une politique publique en en mesurant l'efficacité à l'aide d'indicateurs de performance pour, dans un second temps, en apprécier la pertinence, que plutôt d’évaluer quantitativement et qualitativement les besoins sociaux de la population d’un territoire afin de faire évoluer en fonction l’action sociale communale.

En conséquence, donner une réponse adaptée à la situation socioéconomique de la ville nécessite d’en avoir une connaissance fine et actualisée. Depuis le décret du 6 mai 1995, repris dans le Code de l’action sociale et des familles (CASF), les CCAS doivent procéder annuellement à une ABS sur l’ensemble de la population qui relève d’eux et, en particulier, des familles, des jeunes, des personnes âgées, handicapées et des personnes en difficulté.

Cette analyse doit faire l’objet d’un rapport présenté au conseil d’administration. Rien de plus n’étant précisé sur le contenu de ce document, il revient donc à chaque CCAS de s’organiser. Celui de Marseille s’est doté en janvier 2006 d’une direction principalement dédiée à cette tâche conséquente puisqu’elle se rapporte à l’étude des quelques 850 000 habitants de la ville.

L’enjeu de l’ABS est de s’inscrire dans une démarche d’observation partagée, afin qu’elle soit un document le plus complet possible. La vision qu’elle donne à moyen terme doit permettre de percevoir les mutations en cours et à venir et, par conséquent, de servir à la réflexion pour que le CCAS puisse répondre au mieux aux besoins identifiés.

Pour affiner ce rôle d’observation et d’anticipation et apporter une aide à la définition des orientations stratégiques, la Direction des études et de l’analyse des besoins sociaux, direction en charge de l’ABS au CCAS de Marseille, s’appuie sur des données qualitatives et quantitatives produites autant par les acteurs du social que par les services opérationnels du CCAS.

Néanmoins, au niveau national, l’ABS reste inégalement mise en œuvre sur le terrain. Au-delà de la mise en conformité avec la réglementation, la démarche est pourtant essentielle, à la fois pour décider des orientations budgétaires en matière sociale confiées au CCAS, pour adapter son offre aux besoins du territoire, pour anticiper les évolutions futures et pour positionner le CCAS au cœur de son rôle d’animation de l’action sociale locale.

* Centre communal d'action sociale de la ville de Marseille, l.diederichs-diop@ccas-marseille.fr.

1 Ce travail doit beaucoup au groupe de travail sur l’analyse des besoins sociaux qui s’est réuni à trois reprises en 2009 et 2010. Il s’est constitué à l’initiative du CCAS de Grenoble et de la MRIE (mission régionale d’information sur l’exclusion) et a donné lieu à de nombreux échanges fructueux. Que tous les participants en soient ici remerciés : sans notre réflexion commune, cet article n’aurait sans doute pas été écrit.

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Le CCAS, un acteur social de proximité

Établissement public administratif communal, le CCAS « anime une action générale de prévention et de développement social dans la commune » (CASF). Ses missions relève à la fois de l’aide sociale légale qui, de par la loi, est sa seule attribution obligatoire et de l’aide sociale extra-légale.

L’aide sociale légale délivrée par le CCAS consiste à :

1. accueillir, informer et orienter toute personne demandant une aide sociale ;

2. aider à la constitution de dossiers administratifs (revenu de solidarité active, couverture maladie universelle, allocation personnalisée d’autonomie, etc.) et les transmettre à l’institution compétente ;

3. réaliser l’élection de domicile, c’est-à-dire domicilier les personnes sans domicile stable ; 4. analyser les besoins sociaux.

L’aide extra-légale (anciennement dénommée aide facultative) pour laquelle le CCAS dispose d'une grande liberté d'intervention, relève de la volonté politique de la commune en termes d’action sociale : le CCAS met en œuvre la politique sociale déterminée par les élus locaux.

À Marseille, l’aide extra-légale dévolue au CCAS se décline en :

1. prestations en direction des personnes âgées (aide à domicile, portage de repas, téléassistance, soins infirmiers à domicile, cinq foyers-logements, trois centres d’accueil de jour, sept clubs d’animation) ;

2. aides financières ou en nature (aide forfaitaire de soutien social, aide alimentaire d’urgence) ;

3. aides au transport (gratuité des transports en commun sur le réseau marseillais pour les personnes âgées de 65 ans ou plus non imposables, chômeurs indemnisés, invalides) ;

4. relogement temporaire : dans le cadre d’une convention signée en 2002 entre la ville de Marseille et l’État pour lutter contre l’habitat indigne, la ville de Marseille a confié au CCAS la production et la gestion administrative, financière, technique et sociale d’une centaine de logements temporaires ;

5. Centre local d’information et de coordination (CLIC) : porté par le CCAS depuis 2002 sur les 1er, 2e, 3e, 8e, 9e, 10e et 11e arrondissements, le CLIC a un rôle de mise en réseau et de coordination partenariale pour faciliter la prise en charge des problématiques des personnes âgées (il en existe 3 autres sur Marseille et 10 sur les Bouches-du-Rhône)

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1. L’ABS, une obligation réglementaire

Une des rares compétences obligatoires exclusives du CCAS à leur être explicitement confiées, l’ABS en est encore à ses prémices : d'après une enquête de la Sofres, réalisée en 2004, seuls 30 % des CCAS effectuent cette étude2. Plusieurs raisons peuvent expliquer cet état de fait.

1.1. Un cadre flou…

Retournons aux textes juridiques : ce sont les articles 1 et 2 du décret n°95-562 du 6 mai 1995 – codifiés aux articles R.123-1 et R.123-2 du CASF – qui régissent les démarches d'ABS pour les CCAS :

• « Les centres communaux et intercommunaux d'action sociale procèdent annuellement à une analyse des besoins sociaux de l'ensemble de la population qui relève d'eux, et notamment de ceux des familles, des jeunes, des personnes âgées, des personnes handicapées et des personnes en difficulté. Cette analyse fait l'objet d'un rapport présenté au conseil d'administration » ;

• « Les centres d'action sociale mettent en œuvre, sur la base du rapport mentionné à l'article R.123-1, une action sociale générale, telle qu'elle est définie par l'article L.123-5 et des actions spécifiques ».

Tout en proposant un cadre minimaliste sur la manière de réaliser l’analyse, le texte introduit une obligation en quatre points (Weka 2009) :

1. L’analyse est réalisée annuellement sur le territoire du CCAS (commune) ou du CIAS3 (intercommunalité). On peut s'interroger sur la nécessité de faire ce travail sur des temporalités aussi courtes, partant du postulat que la réalité sociale ne change pas profondément d’une année sur l’autre.

2. L'analyse concerne les différentes catégories de population de l'action sociale. Entendue dans un sens restreint, l’ABS ne retiendra que « la population qui relève d’eux » et ne tiendra pas compte des populations qui ne seraient pas dans le « périmètre » du CCAS, alors qu’interprétée dans un sens large se basant sur la définition explicite donnée dans la suite de l'article 1 du décret du 6 mai 1995, elle englobera toutes les catégories de population (enfants, jeunes, familles, personnes âgées, personnes handicapées, personnes en précarité, personnes isolées, démunies, exclues…).

3. Le rapport est présenté au conseil d’administration, sans être formellement validé.

4. Le rapport constitue la base de l'action sociale mise en œuvre par le CCAS. Plus fondamentalement, la portée de ce texte donne lieu à discussion, dans la mesure où il est loin d’être appliqué dans tous les CCAS. Les sanctions en cas de non-respect de l’obligation annuelle ne sont pas précisées. Au plus, ce sont les observations des chambres régionales des comptes (CRC) qui viennent rappeler la nature de l’obligation.

En conséquence, il est possible d'affirmer que le texte est très précis sur l'obligation et très imprécis sur la déclinaison de cette obligation. Elle reste en effet floue sur les contours et la manière de procéder, mais laisse des marges de manœuvre à chaque CCAS pour mettre en place une démarche adaptée à son contexte.

Ensuite, la notion de « besoins sociaux » à laquelle l’ABS fait référence n’est pas une notion simple à définir. Elle renvoie à une réalité, à une expression, à un repérage qui sont difficiles à appréhender. Un moyen de réduire cette difficulté, c’est de multiplier les formes d’observation.

Un premier niveau d’information peut être fourni par les données démographiques, ce qui permet d’anticiper les besoins de la population. Un deuxième niveau est le recueil des besoins effectués lors de l’accueil des personnes demandant une aide sociale dans les différents services du CCAS. Le risque, cependant, est que la demande retenue soit différente du besoin initial car reformulée par l’usager en fonction de sa connaissance des dispositifs ou réinterprétée par le travailleur social qui instruit la demande. Enfin, la demande sociale s’exprimant dans de nombreux lieux (associations et autres institutions du social), cette dimension n’est pas à négliger. La notion de besoin social renvoie donc le

2 Cf. La Gazette des Communes du 14 juin 2004.

3 CIAS : centre intercommunal d’action sociale.

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CCAS à son rôle de « coordonnateur » des acteurs locaux, ce qui nécessite une démarche partenariale d’observation et de veille sociale.

Enfin, découlant de l’examen du texte, un autre constat s’impose : malgré le manque de précision sur le

« comment réaliser une ABS ? », celle-ci n’est pas un bilan ou un rapport d’activité. En effet, il s’agit de deux documents distincts avec des objectifs différents.

En principe, un bilan (ou rapport) d'activité (Delecroix 2003) présente l'organisation matérielle et technique du CCAS (conseil d'administration, commissions, organigramme du personnel...) ; la liste des services et établissements gérés par le CCAS par secteurs d'intervention (personnes âgées, personnes handicapées, enfance, insertion, logement, etc.) et les données budgétaires et statistiques s'y rapportant (personnel, nombre de bénéficiaires, nombre de places et taux d'occupation, nature et montant moyen des aides allouées, etc.) ; les activités sociales, notamment associatives, existant sur le territoire de la commune, ainsi que leur complémentarité ou leur concurrence éventuelle avec celles du CCAS.

D’ailleurs, c’est fort de cette dichotomie d’interprétation entre ABS et rapport d’activité que les CRC ont régulièrement épinglé les CCAS qui n'ont pas procédé à une véritable analyse des besoins en leur reprochant bien souvent de ne faire justement qu’un bilan de leurs activités. Une lecture de quelques avis récents des CRC sur l’ABS est très éclairante4. Ainsi, tel CCAS ne réalisait pas d’ABS mais plutôt des rapports d’activité car les rapports examinés « ne répondent pas directement à l’objectif qui leur est assigné par le code de l’action sociale et des familles : les caractéristiques des différentes composantes de la population [nom de la commune] n’y sont pas définies, les besoins sociaux n’y sont pas présentés ni analysés ». Autre exemple de commentaire d’une CRC : « L’insuffisance des données, le manque d’analyses précises sur les populations concernées (familles, jeunes, personnes âgées, personnes handicapées, personnes en difficulté) et l’absence de prospective (évolutions de la démographie et de la précarité) ne permettent pas de répondre aux objectifs de l’analyse des besoins sociaux : suivre régulièrement l’évolution sociale pour vérifier l’efficacité de l’action entreprise afin de la réorienter, ou de l’approfondir, en cas d’insuffisance. »

Cependant, malgré le flou constaté du cadre législatif de la réalisation de l’ABS, elle apparaît comme un outil à enjeux stratégiques forts.

1.2. …avec des enjeux précis…

Avec l’objectif général réaffirmé dans les avis des CRC d’identifier les besoins existants et émergents pour proposer des actions sociales adéquates, l’ABS positionne (ou devrait positionner) le CCAS comme le coordonnateur de la politique sociale de proximité. Car l’ABS est un outil au service non seulement du CCAS, mais également des acteurs sociaux locaux.

En ce sens, l’ABS doit donc s’entendre et se concevoir comme un exercice de diagnostic partagé entre acteurs locaux. Cela suppose un large partenariat, que ce soit pour établir ce diagnostic via un échange de données quantitatives, voire qualitatives, et pour partager les analyses qui en résultent. La réflexion devrait donc être commune aux acteurs sociaux et permettre de créer un espace d’observation et de connaissance partagées sur un territoire. Reste cependant à faire émerger la nécessité de travailler ensemble, ce qui peut être une véritable gageure suivant les contextes politico-institutionnels locaux…

Un second enjeu qui découle du cadre réglementaire de l’ABS, c’est celui de la cohérence administrative.

Comme nous l’avons rappelé, le rapport de l’ABS est présenté au conseil d’administration du CCAS qui en prend acte. Lors du conseil d’administration suivant est présenté le débat d’orientation budgétaire (DOB) qui doit s’appuyer sur l’ABS puisqu’il doit évaluer les principaux besoins des populations en difficulté et permettre de dégager des choix budgétaires. Enfin, le vote du budget primitif (BP) du CCAS, en concordance avec l’ABS et le DOB, est voté lors du conseil d’administration suivant.

4 Cf. les rapports d’observations définitives des CRC.

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Ainsi, les préconisations qui constituent (théoriquement) une partie de l’ABS devraient déboucher sur un plan d’actions qui devraient être budgétées. Or, les CRC pointent, là encore, régulièrement le manque de rapport, de lien entre ABS, DOB et vote du budget. En effet, ce « chainage vertueux »5 est encore trop peu présent, même si l’on constate sur le terrain qu’une plus grande prise de conscience de cet enjeu commence à se faire jour, notamment dans la mise en oeuvre pratique.

Source : CCAS d’Issy-les-Moulineaux.

5 Nous empruntons cette expression et le schéma ci-dessus à Alexis Baron, directeur général adjoint du CCAS de Grenoble.

ABS

DOB BP

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1.3. …difficilement mis en œuvre

Nous l’avons vu, le texte du décret de 1995 ne donne pas d’indication précise sur la méthodologie de l’ABS. Et de fait, il n'existe pas une seule et unique méthode pour la réaliser, mais plusieurs, directement liées au contexte local qui conditionne la façon de procéder, en fonction notamment des données disponibles, des systèmes d'informations, des relations avec les autres acteurs sociaux, des personnes en poste stratégique plus ou moins sensibilisés à la démarche... Ces facteurs peuvent être autant de freins ou de moteurs dans une démarche d'ABS.

FREINS MOTEURS

INTERNES :

 pas de volonté politique de faire de l’ABS un véritable outil d’aide à la décision

 manque de moyens (financiers et humains)

 système d’information défaillant

 manque de transversalité entre les services EXTERNES :

 partenaires non sensibilisés à la démarche

 réticences à communiquer des données

INTERNES :

 volonté politique forte

 moyens humains (ex : un agent spécialisé pour la réalisation de l’ABS)

 moyens financiers (possibilité d’externaliser la réalisation de l’étude)

 système d’information performant

 bonnes relations entre les services EXTERNES :

 partenaires sensibilisés à la démarche

 partenaires moteurs dans la démarche d’observation sociale partagée

Source : CCAS d’Issy-les-Moulineaux.

1.3.1. La volonté politique

Stade ultime dans la mise en œuvre de l’ABS, la volonté politique. Car si elle n’est pas portée par le politique, l’ABS se fera au mieux pour répondre à l’obligation réglementaire mais elle a de fortes chances de rester lettre morte quant à sa finalité d’aide à la décision. Une volonté politique est donc une condition nécessaire pour impulser la démarche de l’ABS, mais elle n’est pas suffisante si elle n’est pas régulièrement portée, réactivée par les élus et plus largement par tous les membres du conseil d’administration (élus et personnes qualifiées émanant du milieu associatif).

Pour aller dans ce sens, les administrateurs ont à s’approprier la démarche de l’ABS. Ce travail d’appropriation demande à être accompagné par les personnes du CCAS chargées de réaliser l’ABS, notamment lors de la communication du rapport. On peut imaginer d’en faire une synthèse dans un premier temps avec quelques chiffres stratégiques, voire de présenter les différentes parties de l’ABS tout au long de l’année lors des différents conseils d’administration.

En parallèle, le comité de direction dans son ensemble se doit de participer à la démarche d’ABS, pas tant pour exploiter et analyser les données6 que pour élaborer conjointement et transversalement des propositions d’actions. L’ABS peut ainsi se concevoir en deux parties dont l’une, l’exploitation des données, est le travail du (des) référent(s) ABS, alors que le seconde, à partir des propositions élaborées par le comité de direction, serait portée par le directeur général, puis travaillée avec les élus.

Enfin, la présentation de l’ABS en conseil municipal constitue un affichage politique fort, la marque suprême qui montre que l’ABS positionne le CCAS comme l’acteur pivot de l’action sociale communale.

Cependant, rares sont les municipalités qui en arrivent à cette étape car même si l’ABS devient un document public suite à sa présentation en conseil d’administration, beaucoup de municipalités ne souhaitent pas en faire publicité. Reposant sur de nombreuses données rassemblées dans un seul document, l’ABS est parfois considérée comme devant rester confidentielle car les élus jugent délicates les informations qu’elle contient. Or les données utilisées ne sont pas secrètes, elles sont pour la plupart

6 C’est le travail du (ou des) référents ABS du CCAS.

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accessibles car publiques. Finalement, ce qui pose problème en termes d’affichage pour le politique, c’est leur juxtaposition et l’analyse qui en est faite.

1.3.2. Les moyens

La réalisation de l’ABS, a fortiori annuellement comme l’impose le décret de 1995, nécessite des moyens, humains et financiers : humains si l’on réalise l’ABS en interne car le travail nécessite du temps et des compétences, notamment pour exploiter les informations statistiques, les analyser, les présenter de façon simple et intelligible, rédiger les rapports, en faire une présentation auprès des membres du conseil d’administration et des équipes du CCAS ; financiers que ce soit si l’ABS est réalisée en interne, en dédiant spécialement à cette tâche un ou plusieurs agents du CCAS, ou en externe.

En effet, nombre de CCAS ne réalisent pas eux-mêmes leur ABS, faute de temps et/ou de personnels compétents. La solution est donc de « l’externaliser », c’est-à-dire de la faire réaliser par un prestataire externe. Cette solution, si elle a le mérite de permettre d’enclencher la démarche et d’obtenir une ABS calibrée car réalisée par un consultant dont c’est le métier, n’est pas forcément exempte de défauts. Bien souvent l’ABS ne sera réalisée que l’année où le prestataire intervient mais pas les suivantes car l’opération, coûteuse, ne peut être renouvelée chaque année. Les CCAS, comme la plupart des collectivités territoriales, sont confrontées à des moyens financiers de plus en plus contraints. Ainsi, si l’ABS réalisée par un intervenant extérieur n’est pas suivie en interne par une personne explicitement désignée et s’il n’y a pas d’accompagnement chemin faisant pendant la réalisation de l’étude, la probabilité sera forte que l’ABS ne soit pas régulièrement faite. C’est malheureusement ce à quoi sont confrontés beaucoup de CCAS qui font réaliser l’ABS une année par un consultant et qui, faute de moyens financiers, ne poursuivent pas la démarche.

1.3.3. Le système d’information

Cette question est aussi liée aux moyens, humains et financiers. En effet, qu’un CCAS se soit doté d’un système d’information performant, cela a un coût et demande des compétences techniques précises. Le système doit être pensé pour que les données provenant à la fois des services en interne et des organismes sociaux à l’externe soient centralisées et puissent être facilement accessibles et utilisables par le(s) référent(s) ABS.

La prégnance du système d’information repose sur la qualité et la véracité des données, plus particulièrement de celles recueillies en interne qui peuvent être plus ou moins pertinentes selon le degré d’implication des personnes qui en effectuent la saisie. D’où la nécessité de faire émerger l’ABS à travers une démarche partagée au sein de l’institution communale. Ceci peut passer par la mise en place d’un référentiel commun de recueil, de traitement et de diffusion des données.

Mais avoir un système d’information performant ne suffit pas, encore faut-il que la récupération des données, à l’interne comme à l’externe, soit simple et efficace. Cela demande donc à être travaillé et repose sur de bonnes relations avec, d’une part, les différents services du CCAS et, d’autre part, ses partenaires institutionnels et associatifs.

1.3.4. Les relations à l’interne et à l’externe

Pour récupérer des données provenant de partenaires externes, les relations peuvent se concrétiser par la signature de conventions portant sur un échange de données à échéance régulière (tous les ans) et sur une liste précise qui aura été élaborée conjointement en fonction du champ du partenaire. Ces conventions qui ont l’avantage d’officialiser et de formaliser les relations avec le partenaire peuvent aussi donner lieu à la constitution d’un comité de pilotage ou d’un groupe moins formel qui se réunit pour échanger sur l’ABS et partager les diagnostics établis par le CCAS au niveau communal. Un tel mode de fonctionnement peut ainsi permettre de croiser les analyses et de consolider l’ABS. Un autre moyen d’associer des partenaires, en particulier le monde associatif qui est une source importante d’informations, peut être de passer par le relais des administrateurs nommés en tant que personnes qualifiées, ce qui permettrait d’enclencher le travail avec les associations.

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À l’interne, les relations avec les services sont indispensables et doivent donner lieu à des échanges réguliers. Elles peuvent se matérialiser par la mise en place de groupes de travail pour définir les données pertinentes à l’ABS et par la définition des modalités pour les récupérer régulièrement. Il est donc nécessaire, voire vital à la démarche d’ABS, que les services travaillent de manière transversale non seulement avec le(s) référent(s) ABS mais aussi entre eux car tous ont à y gagner de partager une connaissance commune des usagers du CCAS. Au préalable, bien sûr, tous les services du CCAS doivent avoir connaissance de la démarche d’ABS, ce qui passe, nous le verrons plus loin, par un temps de restitution chaque année, une fois l’ABS terminée.

2. L’ABS, une démarche d’évaluation des besoins sociaux

Nous l’avons vu, ce qu’on tente d’évaluer à travers une ABS, ce sont les besoins sociaux de la population communale, avec comme objectif d’y apporter la réponse la plus appropriée et adaptée possible. Faire un tel travail suppose donc d’avoir un panorama de la « société communale » le plus complet et actualisé possible et d’en connaître ses différentes dimensions, démographiques, économiques, sanitaires et sociales. Pour cela, le panorama doit être renouvelé chaque année pour en pressentir et mesurer les évolutions. Il doit être également confronté aux études et analyses que font les autres acteurs locaux (collectivités territoriales, institutions, associations) pour devenir un diagnostic partagé sur le territoire communal.

2.1. Approche quantitative et qualitative

La connaissance de la situation socioéconomique de la commune passe par la collecte d’informations quantitatives et qualitatives et de leur analyse. Ces informations peuvent émaner de nombreuses sources et provenir à la fois des services du CCAS (via les agents mais aussi les usagers) et de ses partenaires (associations, institutions, collectivités territoriales).

Ce qui semble a priori le plus naturel à recueillir, ce sont des informations de nature quantitative. De plus en plus accessibles, notamment à partir de sites web (INSEE7, INED8, DARES9, DREES10, etc.), elles permettent de donner une photographie de la commune précise et actualisée. Et elles sont indispensables pour objectiver une connaissance de terrain.

Les données quantitatives peuvent être à la fois des données de population (INSEE à partir principalement des recensements de population), de cadrage (DREES sur les thématiques relevant du sanitaire et social, DARES concernant l’emploi et le chômage) ou des données administratives (issues d’organismes comme la CAF11 pour les prestations et minima sociaux, la CPAM12 pour des données de santé, la CRAM13 pour le minimum vieillesse, Pôle Emploi pour les demandeurs d’emploi, le Conseil général pour l’ allocation personnalisée d’autonomie…). Elles sont donc éparpillées entre de multiples « fournisseurs » potentiels, avec pour conséquence que tous les CCAS ne parviennent pas à obtenir les mêmes informations car leur obtention dépend souvent du contexte politico-institutionnel local. Néanmoins, un moyen de lever ce frein passe par l’établissement de conventions avec les partenaires « fournisseurs de données », ce qui permet de formaliser non seulement l’échange de données, mais également l’échange d’expertise sur celles-ci.

Par ailleurs, il est nécessaire de se situer dans le temps et l’espace car les données n’ont de sens que si elles sont resituées par rapport à leur évolution dans le temps et comparées avec d'autres échelles géographiques. Pour le premier point, les conventions d’échanges de données permettent de pérenniser le

7 INSEE : Institut national de la statistique et des études économiques.

8 INED : Institut national d’études démographiques.

9 DARES : Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques.

10 DREES : Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques.

11 CAF : Caisse d’allocations familiales.

12 CPAM : Caisse primaire d’assurance maladie.

13 CRAM : Caisse régionale d’assurance maladie.

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recueil et de pourvoir en faire une analyse longitudinale. Pour le second, un bon outil est d’avoir un socle d'indicateurs de base renseigné pour d’autres communes proches notamment en termes de taille, pour le département, la région et la France.

En termes de présentation et d’analyse, il est indispensable de veiller à donner des clés de compréhension pour chaque indicateur mobilisé et à le présenter de manière pédagogique en développant en particulier une représentation cartographique quand on étudie le niveau infra-communal. Ce niveau d’observation est essentiel pour les communes de grande taille, voire de taille moyenne14 et est très apprécié par les membres du conseil d’administration, notamment les élus qui ont, en général, une représentation géographique précise de leur territoire.

Mais la « vision quantitative » ne suffit pas et est à approfondir par le recueil de données qualitatives qui peuvent provenir de divers ordres :

• dires d’usagers recueillis notamment via l’accueil des CCAS ou les conseils de vie sociale dans les établissements pour personnes âgées ;

• paroles d’habitants captées à travers les comités de quartiers par exemple ;

• constitution de tables-rondes sur des problématiques ciblées qui regroupent des personnels du CCAS et des représentants d’associations ou de divers organismes compétents sur le sujet ;

• entretiens approfondis menés auprès de bénéficiaires d’un service du CCAS ;

• etc.

Cependant, mener un tel travail de nature qualitative sur la totalité de la population relevant de l’ABS ne semble ni réaliste, ni réalisable chaque année. Il semble plus opportun d’identifier une (ou deux) thématique(s) spécifique(s) par an et de la (les) travailler par une approche qualitative. De plus, les phénomènes n’évoluant pas forcément beaucoup d’une année sur l’autre, il peut être intéressant d’y revenir à quelques années d’intervalle.

2.2. Démarche d’observation sociale concertée avec les différents acteurs sociaux

L’ABS se doit d’être un diagnostic partagé entre acteurs sociaux locaux. Pour qu’il en soit ainsi, la démarche doit donner lieu à une restitution élargie. Elle doit, en effet, être restituée aussi bien en interne qu’en externe.

En interne, l’ABS doit être présentée dans les principales instances de direction, mais aussi aux agents du CCAS afin que l’ABS devienne un support aux projets de service et d’établissement. Au niveau municipal, l’ABS positionnant le CCAS comme l’acteur social communal, elle doit être restituée auprès des principales instances municipales, notamment auprès des directions qui sont peu ou prou concernées : directions en charge de l’action sociale bien sûr, mais aussi de l’enfance, de la jeunesse, de la politique de la ville…

En externe, la restitution de l’ABS doit se faire auprès des partenaires du CCAS et en constituer un moment fort, premier stade pour faire évoluer la démarche vers un exercice d’observation intégré et partenarial, avec l’objectif de produire un effet d’entraînement des partenaires dans des projets issus de la démarche d’observation.

2.3. ABS et évaluation

Cette démarche d’observation que constitue l’ABS doit amener vers une démarche d’évaluation, comme le rappelle le commentaire d’une CRC déjà citée au 1.1. : « Suivre régulièrement l’évolution sociale pour vérifier l’efficacité de l’action entreprise afin de la réorienter, ou de l’approfondir, en cas d’insuffisance. »

14 Même si, dans ce dernier cas, il est souvent plus difficile de récupérer les données à cette échelle.

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Car l’ABS en tant qu’outil de pilotage de l’action municipale peut contribuer à l’évaluation de celle-ci à plusieurs niveaux, en tant que :

• outil de contrôle de gestion, c’est-à-dire de mesure de l’efficience : les moyens mis en œuvre sont évalués au regard des résultats obtenus. Mais ce niveau doit être manié avec précaution et être accompagné en présentant cet objectif sous-jacent, notamment en interne auprès des équipes, pour ne pas susciter de réticences vis-à-vis de la démarche d’ABS ;

• outil de construction d’indicateurs d’impact en lien avec l’activité des services du CCAS, notamment dans un contexte de pénurie de l’argent public ;

• outil de réflexion invitant à l’introspection, la réinterrogation, voire la remise en cause des actions et orientations engagées.

Ainsi, l’ABS doit pouvoir participer à l’évaluation des politiques menées, sans lever de méfiance, de réticences dans les services qui pourraient y voir des craintes et freiner leur investissement dans la phase constructive de la démarche, notamment lors de la récupération des données en interne.

Par ailleurs, l’évaluation ne doit pas avoir une entrée uniquement financière, mais être un outil de valorisation des actions menées par le CCAS dans sa dimension d’utilité sociale. La démarche d’observation sociale est alors à relier avec les démarches d’évaluation des actions menées en interne.

Conclusion

Finalement, les objectifs généraux de l’ABS peuvent se résumer en deux grands points :

• d’une part, identifier les problèmes, les attentes, les besoins existants, émergents et susceptibles de survenir ;

• d’autre part, élaborer des préconisations, des propositions ou aider à leur formulation.

Il s’agit donc non seulement d’évaluer le système existant de réponses aux besoins, mais aussi de prendre en compte les besoins non encore satisfaits et d’anticiper ceux susceptibles d’émerger selon une plus ou moins grande probabilité. En conséquence, l’ABS doit avoir une finalité opérationnelle : aider à construire de nouveaux outils et permettre l’évolution des dispositifs et pratiques actuels dans un souci de mieux répondre aux nouvelles situations d’exclusion sociale ou économique.

La démarche qu’elle nécessite ne peut être, consécutivement, que de longue haleine. Car « pour entrer dans les mœurs » du CCAS, l’ABS ne peut se décréter du jour au lendemain, elle doit être construite conjointement avec les personnels et les partenaires du CCAS dans la durée. De plus, cette étude ne peut être que longitudinale, en réalisant un panorama actualisé régulièrement chaque année afin de pouvoir prendre la mesure des évolutions pressenties. Enfin, l’ABS ne peut s’élaborer que « pas à pas », sans vouloir aller trop vite, avec les différentes partenaires « naturels » dans le champ du social pour être progressivement intégrée par les décideurs dans le mode d’élaboration des politiques et actions sociales.

Présentée comme « la pierre angulaire de toute politique sociale communale » par la vice-présidente du CCAS de Marseille, cette obligation réglementaire imposée « d’en haut » et qui aura mis du temps à s’intégrer au fonctionnement des CCAS, faute de précision dans sa méthode et son appropriation par les CCAS pas forcément outillés pour, a finalement le mérite de bousculer les manières traditionnelles de travailler de chacun en obligeant à les décloisonner.

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Bibliographie

Arcade (2003), Observer la culture en région. Contribution du groupe de travail sur l’observation culturelle en région.

CCAS de Grenoble (2008), Analyse des besoins sociaux 2008.

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CCAS de Marseille (2007), Analyse des besoins sociaux 2007-2008.

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Références

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