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Acteur en action : étude comparative de modèles de direction d'acteurs

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Academic year: 2021

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Acteur en action

Étude comparative de modèles de direction d’acteurs

Thèse

Yannick Legault

Doctorat et littérature, arts de la scène et de l’écran

Philosophiae doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

© Yannick Legault, 2016

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Acteur en action

Étude comparative de modèles de direction d’acteurs

Thèse

Yannick Legault

Sous la direction de :

Irène Roy, directrice de recherche Pierre Nolin, codirecteur de recherche

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Résumé

Depuis l’Antiquité, plusieurs commentateurs et praticiens de l’art de la représentation ont proposé leurs observations visant à aider les auteurs, les orateurs et les acteurs à composer un jeu plus crédible pour les spectateurs, sur le plan de l’intention et de l’émotion, et plus diversifié sur le plan des actions jouées. La découverte de la propriété miroir de nos neurones et une meilleure compréhension des répercussions de cette fonction dans nombreuses de nos activités apportent une nouvelle lumière sur le travail des acteurs et permettent de comprendre l’aspect complémentaire des méthodes enseignées, d’Aristote à Stanislavski.

Avec cette expérimentation, je voulais vérifier si la manière de diriger les acteurs pouvait avoir une influence significative sur leur jeu et la perception des spectateurs. Pour ce faire, j’ai isolé deux des caractéristiques principales de la direction d’acteurs, afin de concevoir deux modèles de direction du jeu à comparer : un modèle montrant aux acteurs les actions à jouer, sans les expliquer, et un autre expliquant aux acteurs l’intention et l’émotion à jouer, sans les montrer. En premier lieu, les acteurs participants devaient expérimenter un autre modèle « sans directives », le degré zéro de la direction d’acteurs, sans autre indication que le texte pour s’aider à monter la scène. Tous ont joué le même texte, une courte scène réaliste, ce qui a également permis de comparer sur le plan de la crédibilité du rendu le fait de jouer une émotion et une intention simples par rapport au fait de jouer une émotion et une intention complexes. Toujours en effectuant la même tâche, j’ai aussi pu comparer le jeu d’acteurs amateurs à celui d’acteurs experts. Finalement, j’ai vérifié si le fait de montrer les actions à jouer aux acteurs condamnait ces derniers à les copier par la suite, ou si au contraire, les acteurs pouvaient en jouer de différentes tout en demeurant crédibles.

Les résultats de cette expérimentation indiquent qu’il n’y a pas de différence significative entre les trois modèles de direction du jeu expérimentés par les acteurs, sur le plan de la crédibilité de l’intention et de l’émotion du jeu ni sur le plan de la diversité des actions jouées, aucun ne permettant à tous d’obtenir de meilleurs scores en toutes circonstances de jeu. Seule la variable de l’expertise se démarque, montrant que les acteurs experts forment un groupe significativement différent, obtenant de meilleurs scores que les acteurs amateurs.

Plus spécifiquement, lorsque les acteurs ont à jouer une intention et une émotion complexes et qu’ils expérimentent le modèle de direction du jeu où l’intention et l’émotion à jouer sont

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expliquées, j’ai constaté que les amateurs obtiennent de moins bons résultats que lorsqu’ils ont à jouer une émotion et une intention simples, alors que les experts obtiennent de meilleurs résultats dans la même condition. Je n’ai cependant pas constaté de différences significatives entre les scores des trois premières variables dépendantes ci-nommées lorsque les acteurs, tant les amateurs que les experts, avaient à jouer une intention et une émotion simples ou complexes et expérimentaient le modèle de direction du jeu où l’intention et l’émotion à jouer étaient démontrées. Comme si ce modèle de direction du jeu n’était pas affecté par la variable de la complexité de l’intention et de l’émotion à jouer. Par ailleurs, les résultats obtenus au sujet de la dernière variable dépendante, la variété des actions jouées par les acteurs distinctes de celles qu’ils ont observées, confirment que les acteurs, tant les amateurs que les experts, ne font pas que copier les actions observées dans leur propre jeu par la suite.

En conclusion, la diversité du type d’acteurs m’a permis de constater qu’il n’y a pas de modèle de direction du jeu préférable en toutes circonstances pour tous. Mais plus spécifiquement pour les acteurs amateurs, lorsque l’intention et l’émotion à jouer sont plus complexes et qu’on leur montre les actions à jouer, les résultats démontrent qu’ils ne perdent pas significativement de crédibilité et de diversité dans leurs actions jouées, qu’ils n’ont par ailleurs pas tendance seulement à copier.

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Abstract

Since ancient times, many commentators and practitioners of the art of representation offered us their observations to help authors, speakers and actors to compose a more credible play for spectators, in terms of intention and emotion as well as the diversity of actions played. The discovery of mirror neurons and their impact on many of our activities sheds new light on the work of actors and allows a better understanding of complementary aspects of methods taught, from Aristotle to Stanislavski.

In this experiment, I wanted to test whether directing actors has a significant influence on the play as received by spectators. To do this, I isolated two main characteristics of directing in order to compare two models of direction : a model that shows actors the actions of their character without explanation, and another model that explains the characters’ intention and emotion of the character without showing them. In addition to these two models of direction, actors participating to the experiment have tested a model "without direction", the degree zero of actor directing, without any indication other than the text to help them set up the scene. Because the actors played the same text, it has also been possible to compare their acting in terms of credibility when they play emotions and intentions, simple or complex. The performances of amateur actors have also been compared to those of experts. Finally, I have determined whether the fact of demonstrating the actions the actors would play condems that actors to mere imitation, , or whether they are then able to play actions different from those observed.

The results of our experiments indicate that there is no significant difference among the three types of direction tested by the actors, neither in terms of the credibility of the intention and the emotion played nor in terms of the diversity of actions performed. No model of direction helped all actors to get better scores in all circumstances. The only variable that made a significant difference was that of expertise: "expert actors" form a significantly different group, getting better scores than amateurs (in terms of the three dependant variables named above).

More specifically, in experimenting with the model of directing in which intention and emotion are explained in writing, when actors had to play a complex intention and emotion, the amateur actors obtained worse scores than when they had to play simple emotions and

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intentions. In the same conditions, expert actors got better scores. However, when actors from the two groups tested the model of direction in which intention and emotion were demonstrated, no significant differences were found for the three dependent variables measured, whether the intentions and emotions were simple or complex. These results suggest that this model of direction for actors is not affected by the variable of the complexity of intention and emotion. Moreover, the results obtained with our last dependent variable, the variety of actions played, confirm that neither amateur nor experts actors produce only actions they have observed.

The diversity of actors involved in our study allowed us to demonstrate that there is no best model of directing for everyone in all circumstances. More specifically, for amateur actors, when the intentions and emotions are more complex and the actions are demonstrated, results show that they do not significantly lose credibility and diversity of action, and they do not tend only to copy.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des Tableaux ... xiii

Liste des Figures ... xiv

Remerciements ... xvi

Introduction ... 1

Présentation de la problématique : la direction d’acteurs ... 1

Nouvelle conception des fonctions du cerveau ... 3

Hypothèses ... 6 1ère hypothèse ... 6 2e hypothèse ... 7 3e hypothèse ... 7 4e hypothèse ... 8 5e hypothèse ... 8 Développement de la thèse ... 8

1. L’art de la composition des actions en représentation ... 10

1.1.1 L’art de l’acteur et sa direction, à l’époque de l’exarchon ... 11

1.1.2 Formation et compétences de l’acteur antique ... 13

1.2 La Poétique ou l’art de la composition des actions de la représentation chez Aristote .. 14

1.2.1 De la représentation à l’apprentissage ... 15

1.2.2 Les vertus de l’improvisation pour faire naître l’art ... 17

1.2.3 De la représentation mentale d’actions à la représentation théâtrale ... 18

1.2.4 L’empathie créatrice et le rôle de l’imagination ... 19

1.2.5 Faire vivre des émotions aux autres, identification et catharsis ... 20

1.2.6 Vraisemblance et nécessité dans la fiction... 23

1.2.7 Nécessité, principe de structure pour reconnaître ... 24

1.2.8 La vraisemblance afin d’y croire ... 25

1.2.8.1 Plus on y croit, plus on ressent ...26

1.2.8.2 Vraisemblance, principe d’invention ...26

1.2.8.3 Le jeu faux, invraisemblable; moins on y croit, moins on ressent ...26

1.3 Savoir instruire et émouvoir pour plaire ... 27

1.3.1 Éviter que les mouvements ne se contrarient ... 28

1.3.2 Être ému soi-même pour émouvoir les autres et paraître plus crédible ... 29

1.3.3 User d’imagination pour être ému ... 31

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1.3.5 L’improvisation, qualité fondamentale des bons orateurs et acteurs ... 32

1.3.6 De l’importance du geste dans la transmission des émotions... 33

1.3.7 Mouvements de la tête, du visage, des yeux, des mains et des bras ... 33

1.3.8 Conformité des gestes et du sens ... 37

1.4 Nâtya-shâstra, œuvre encyclopédique sur le théâtre indien ... 37

1.5 Obsession de la vraisemblance du jeu au 19e siècle ... 39

1.5.1 Perception de l’âme et de la psyché au 19e siècle... 40

1.5.2 La vérité des mouvements de l’âme humaine ... 41

1.5.3 L’identification au personnage pour jouer vrai selon Chtchepkine... 41

1.5.4 Art du re-vivre versus art de la représentation... 43

1.5.5 De l’extérieur vers l’intérieur ou vice-versa : un faux débat ... 45

1.5.6 Trouver le sens intérieur de l’action extérieure ... 46

1.5.7 Ressentir les rôles de l’intérieur pour les traduire aux acteurs ... 47

1.5.8 L’acteur et la compréhension intérieure des actions extérieures ... 47

1.6 L’art de l’acteur selon Nemirovitch-Dantchenko ... 48

1.6.1 Répétitions et travail à la table ... 49

1.6.2 Nemirovitch et la notion de « sous-texte » ... 50

1.7 Fondation du Théâtre d’Art de Moscou ... 50

1.7.1 Qu’est-ce que l’art?, essai critique de Léon Tolstoï ... 50

1.7.2 Mise en scène de La Mouette et le travail du jeu psychologique ... 52

1.7.3 Perezhivanie, la technique de l’art du ressenti ... 53

1.7.4 Du jeu psychologique et du « théâtre épique » dans l’œuvre de Gorki ... 54

1.7.5 Recherche de l’État créateur assisté de Soulerjitski ... 55

1.8 Vers la rédaction d’un manuel sur l’art dramatique ... 57

1.8.1 L’utilisation de l’expérience de vie des acteurs et le découpage des rôles en partie ... 57

1.8.2 Dessin de l’interprétation rythmique de l’acteur ... 58

1.8.3 Mémoire affective et rythme des sentiments ... 59

1.8.4 Comment se préparer au spectacle ... 60

1.8.5 « Connaissez-vous Ribot? » ... 61

1.8.6 Le Système développé par Stanislavski à partir de 1908 ... 62

1.8.7 Début de la direction des acteurs avec le Système stanislavskien... 64

1.8.8 La Method de Lee Strasberg, origine du malentendu étatsunien ... 65

2 Comprendre et faire comprendre les neurosciences ... 68

La direction d’acteurs tenant compte du fonctionnement humain ... 68

2.1 Nouveau paradigme — relation de nécessité entre l’action et la perception ... 71

2.2 Proprioception... 72

2.3 Séquence d’activation des aires motrices : Attention… Prêt? Partez! ... 73

2.3.1 Premier temps de l’action : Attention… ... 73

2.3.2 Deuxième temps de l’action : Prêt? ... 74

2.3.3 Troisième temps de l’action : Partez! ... 76

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2.4 Apprentissage des actions ... 77

2.4.1 Par observation – mimétisme – et par la répétition ... 77

2.4.2 Imagerie motrice, pour seconder l’apprentissage ... 78

2.4.3 Simuler une action et l’exécuter, différences et similitudes ... 80

2.4.4 Comment utiliser l’imagerie motrice pour transformer l’action ... 81

2.4.5 La mémoire, en situation d’apprentissage par reconstitution ... 82

2.5 Les émotions – définitions ... 83

2.5.1 L’émotion en tant que ré-action ... 84

2.5.2 Les amygdales, déterminantes dans le déclenchement des émotions ... 85

2.5.3 L’hippocampe, mémoire génératrice d’émotions ... 86

2.5.5 Caractéristiques physiques d’expressions d’émotions primaires au visage ... 88

2.5.6 Exprimer, ressentir, transmettre et transformer les émotions ... 88

2.5.7 Imagerie motrice d’une émotion et ses effets ... 89

2.5.8 Neurones de la douleur, la nôtre et celle d’autrui ... 89

2.6 Découverte de neurones ayant une propriété dite « miroir » ... 90

2.6.1 Neurones miroirs et représentation mentale d’action ... 91

2.6.2 L’action et la perception de l’action : un codage commun ... 92

2.6.3 Partager des représentations d’action à partir d’indices du mouvement ... 93

2.6.4 Représentation partagée d’action suggérée par la perception d’un objet ... 94

2.6.5 L’expertise et l’accroissement du système des neurones miroirs ... 95

2.6.6 La localisation détermine le rôle fonctionnel des neurones miroirs... 96

2.7 Fonctions des représentations partagées de l’action ... 97

2.7.1 Imitation de l’action et mimétisme ... 98

2.7.1.1 Adopter l’expression de la personne observée pour la comprendre ...99

2.7.1.2 Les vertus de la démonstration... 100

2.7.2 Anticipation de l’action ...101

2.7.2.1 Capacité à reconnaître l’intention de l’action ... 102

2.7.3 Organisation de l’action ...103

2.7.3.1 Segmenter les séquences d’actions en leurs parties constituantes ... 103

2.7.3.2 L’avantage de l’expérience dans l’apprentissage ... 104

2.7.4 Transmission de l’émotion ...105

2.7.4.1 Exprimer une émotion, pour la comprendre et pour la transmettre... 106

2.7.4.2 Feindre l’émotion pour dissimuler ses sentiments intérieurs ou tromper ... 107

2.7.5 Empathie : huit axes de recherches ...108

2.7.5.1 Exemple illustrant les différents axes de recherche sur l’empathie ... 108

2.7.5.2 Connaître l’état intérieur d’une autre personne, ses pensées et sensations. ... 109

2.7.5.3 Ressentir la même émotion ressentie par une autre personne ... 110

2.7.5.4 Se projeter soi-même dans la situation d’un autre ... 110

2.7.5.5 Imaginer comment on peut penser et ressentir à la place de l’autre ... 111

2.7.5.6 Imaginer comment une autre personne pense et ressent ... 111

2.7.5.7 La souffrance d’autrui nous fait réagir ... 112

2.7.5.8 Éprouver des émotions parce que quelqu’un souffre ... 113

3 Cadre conceptuel et méthodologie de l’expérimentation ... 115

3.1 Rôles fonctionnels attribués à la propriété miroir de nos neurones ... 115

3.2 Tester des modèles de direction d’acteurs, critères d’évaluation et variables ... 116

(10)

x

3.3 Variables dépendantes, descriptions ... 118

3.3.1 Crédibilité de l’émotion ...119

3.3.2 Crédibilité de l’intention ...120

3.3.3 Diversité des actions jouées ...121

3.3.4 Variété des actions jouées ...121

3.4 Variables indépendantes, descriptions ... 122

3.4.1 Deux modèles de direction d’acteurs ...122

3.4.1.1 Montrer les actions à jouer, la méthode par observation (PEA) ... 122

3.4.1.2 Expliquer aux acteurs l’intention et l’émotion à jouer (IEA) ... 123

3.4.1.3 Directives pour les deux modèles de direction du jeu ... 125

3.4.2 Intentions et émotions à jouer pour l’expérimentation ...126

3.4.2.1 Difficulté de jouer une émotion pour un non-acteur ... 127

3.4.3 L’expertise des acteurs en jeu ...128

3.5 Expérimentation, matériel et méthode – 1re partie avec les acteurs ... 130

3.5.1 Tâche des acteurs-participants ...130

3.5.2 Choix de la scène à jouer, un « texte blanc » ...132

3.5.3 Particularités des modèles de direction d’acteurs ...133

3.5.4 Modèle de direction d’acteurs « Imaginer c’est agir » (IEA) ...134

3.5.4.1 Circonstances proposées pour une intention et une émotion simples (CP1) ... 134

3.5.4.2 Circonstances proposées pour une intention et une émotion complexes (CP2) .... 135

3.5.5 Modèle de direction d’acteurs « Percevoir c’est agir » (PEA) ...136

3.6 Expérimentation, matériel et méthode – 2e partie avec les spectateurs ... 138

3.6.1 Tâche du jury de spectateurs participants...138

3.7 Analyse des données et vérifications des hypothèses ... 139

4 Analyses statistiques et résultats ... 141

4.1 Réduction du nombre de variables dépendantes – Accord interjuges ... 141

4.2 Contrôle de l’ordre de l’expérimentation des modèles de direction ... 143

4.3 Analyse des variables et vérifications des hypothèses ... 145

4.3.1 Crédibilité du jeu de l’intention...145

4.3.2 Crédibilité du jeu de l’émotion ...147

4.3.3 Diversité des actions jouées ...148

4.3.4 Complexité de l’intention et de l’émotion à jouer ...150

4.3.4.1 Résultats selon le modèle de direction du jeu PEA, « percevoir, c’est agir » ... 150

Crédibilité du jeu de l’intention...150

Crédibilité du jeu de l’émotion ...151

Diversité des actions jouées ...152

4.3.4.2 Résultats selon le modèle de direction du jeu IEA, « imaginer, c’est agir » ... 154

Crédibilité du jeu de l’intention...154

Crédibilité du jeu de l’émotion ...155

Diversité des actions jouées ...156

Globalement pour la variable de la complexité de l’intention et de l’émotion à jouer ... 157

4.3.5 Variété des actions jouées ...157

(11)

xi

5.1 Analyses comparatives des modèles de direction du jeu des acteurs ... 160

5.1.1 Études de cas ...161

5.2 Expertise des acteurs : la principale variable significative ... 165

5.3 Complexité de l’intention et de l’émotion jouées ... 166

5.4 Variété des actions jouées ... 168

5.5 Formation de l’acteur et développement du répertoire d’actions ... 169

5.6 Adaptations possibles du schème expérimental pour l’avenir ... 171

5.6.1 Modifier le texte à jouer par les acteurs ...171

5.6.2 Expérimenter avec des acteurs participants novices ...172

5.6.3 Contrôler les directives de jeu émises aux acteurs — absence de la rétroaction ...172

5.6.4 Changer l’intention et l’émotion à jouer ...173

5.6.5 Charge de travail trop grande demandée aux spectateurs ...173

5.6.6 Croire à l’intention et à l’émotion jouées par les acteurs ...174

5.6.7 L’esthétique du jeu réaliste ...174

5.6.8 Théoriser le rôle du spectateur ...175

5.6.9 Un schème expérimental à la fois léger et souple ...176

5.6.10 L’utilisation de la vidéo a-t-elle « biaisé » le jeu théâtral? ...176

5.6.11 Analyses quantitatives et approches inductives ...177

5.7 Retombées de la thèse ... 178

5.8 Les neurosciences et contributions aux principes de la création dramatique ... 179

Conclusion ... 182

Bibliographie ... 186

Monographies citées ... 186

Articles et communications cités ... 189

Annexes... 197

Annexe 1 Le texte de la scène La mise à l’écart ... 197

Annexe 2 Extraits d’une table de nombres au hasard ... 198

Annexe 3 Scénarimages... 200

Scénario A pour le modèle de direction du jeu PEA1 ...200

Scénario B pour le modèle de direction du jeu PEA2 ...205

Annexe 4 Évaluation des vidéos pour les modèles de direction du jeu PEA1 et PEA2 par les cinq spectateurs membres du jury ... 210

Annexe 5 Grilles d’observation du spectateur ... 211

(12)

xii

Deuxième grille d’observation du spectateur, le modèle PEA ...211

Annexe 6 Tableaux des mesures paramétriques... 212

Annexe 7 Tableaux des résultats – ensemble détaillées des données ... 215

Annexe 8 Tableaux des résultats – données des figures du chapitre 4 ... 218

Annexe 9 Évolution du schème expérimental jusqu’à sa version finale ... 223

1 Différer dans le temps les deux grandes étapes de l’expérimentation ...223

2 Réduction du nombre de participants acteurs et de mises en scène présentées ...224

(13)

xiii

Liste des Tableaux

Tableau 0.1 – Les quatre voies possibles (verticales) empruntées par les acteurs participants pour l’expérimentation selon leur numéro d’équipe (35 duos)... 126 Tableau 0.2 – Schéma de la procédure pour chaque acteur avec un croisement entre la 2e et la 3e mise en scène ... 132 Tableau 4.1 – Test de corrélations intégrées des acteurs jouant les personnages A et B, notés

par un jury de cinq spectateurs selon trois variables dépendantes (crédibilité de l’intention, crédibilité de l’émotion et diversité des actions jouées), mesurées pour 35 sujets ayant expérimenté trois modèles de directives de jeu (PEA, IEA et sans directives) (n=105 scènes), et selon une dernière variable dépendante (variété des actions jouées), mesurée pour 35 sujets ayant expérimenté le modèle de directives de jeu PEA (n=35 scènes) ... 142 Tableau 4.2 – Scores moyens des variables de crédibilité du jeu de l’intention, de crédibilité du

jeu de l’émotion et de diversité des actions jouées, selon les modèles de direction du jeu expérimenté en premier par les acteurs : IEA1, PEA1, IEA2 ou PEA2 . ... 143

Tableau 4.3 – Test-t, sur l’égalité des variances des scores comparés des trois variables

dépendantes pour chacun des quatre modèles de direction du jeu expérimenté par les acteurs ... 144 Tableau 4.4 — Scores moyens pour la variété des actions jouées par les acteurs, distinctes du

modèle de directives PEA observées, en fonction de la complexité de l’intention et de l’émotion jouées, chez des amateurs (n=50) et des experts (n=20) ... 158 Tableau 5.1 — Scores moyens de cinq spectateurs juges (de 0 à 6) remis à un acteur (équipe 7,

personnage B) et une actrice (éq. 14, pers. A), tous deux amateurs, pour la

crédibilité du jeu de l’intention, la crédibilité du jeu de l’émotion et la diversité des actions jouées, selon qu’ils expérimentent le modèle de direction sans directives, le modèle IEA2 ou le modèle PEA1. ... 162

Tableau 5.2 — Scores moyens de cinq spectateurs juges (de 0 à 6) remis à un acteur (éq. 4, pers. B) et une actrice (éq. 33, pers. A), tous deux amateurs, pour la crédibilité du jeu de l’intention, la crédibilité du jeu de l’émotion et la diversité des actions jouées, selon qu’ils expérimentent le modèle de direction sans directives, le modèle IEA1 ou le modèle PEA2. ... 162

Tableau 5.3 — Scores moyens de cinq spectateurs juges (de 0 à 6) remis à deux actrices amateures (de l’éq. 1, pers. B et de l’éq. 8, pers. A) pour la crédibilité du jeu de l’intention, la crédibilité du jeu de l’émotion et la diversité des actions jouées, selon qu’elles expérimentent le modèle de direction sans directives, le modèle IEA1 ou le

modèle PEA2... 163

Tableau 5.4 — Scores moyens de cinq spectateurs juges (de 0 à 6) remis à un acteur (éq. 10, pers. A) et une actrice (éq. 15, pers. B), tous deux amateurs, pour la crédibilité du jeu de l’intention et de l’émotion et la diversité des actions jouées, selon qu’ils expérimentent le modèle de direction sans directives, le modèle IEA2 ou le

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xiv

Liste des Figures

Figure 4.1 – Scores moyens pour la crédibilité du jeu de l’intention, selon le modèle de direction du jeu (sans directives, IEA, PEA) chez des acteurs amateurs (n=50) et experts (n=20) ... 145 Figure 4.2 – Scores moyens de crédibilité du jeu de l’émotion, selon le modèle de direction du

jeu (sans directives, IEA, PEA) chez des acteurs amateurs (n=50) et experts (n=20) ... 147 Figure 4.3 – Scores moyens de diversité des actions jouées selon le modèle de direction du jeu

(sans directives, IEA, PEA) chez des acteurs amateurs (n=50) et experts (n=20) ... 149 Figure 4.4 – Scores moyens de crédibilité du jeu de l’intention par des acteurs amateurs (n=50) et experts (n=20) ayant expérimenté le modèle de direction du jeu PEA et ayant à jouer une intention et une émotion simples ou complexes. ... 151 Figure 4.5 – Scores moyens de crédibilité du jeu de l’émotion d’acteurs amateurs (n=50) et

experts (n=20) ayant expérimenté le modèle de direction du jeu PEA et ayant joué une intention et une émotion simples ou complexes... 152 Figure 4.6 – Scores moyens de diversité des actions jouées par des acteurs amateurs (n=50) et

experts (n=20) ayant expérimenté le modèle de direction du jeu PEA et ayant à jouer une intention et une émotion simples ou complexes. ... 153 Figure 4.7 – Scores moyens de crédibilité du jeu de l’intention par des acteurs amateurs (n=50)

et experts (n=20) ayant expérimenté le modèle de direction du jeu IEA et ayant joué une intention et émotion simples ou complexes. ... 154 Figure 4.8 – Scores moyens de crédibilité du jeu de l’émotion, par des acteurs amateurs (n=50) et experts (n=20) ayant expérimenté le modèle de direction du jeu IEA et ayant à jouer une intention et émotion simples ou complexes. ... 155 Figure 4.9 – Scores moyens de diversité des actions jouées par des acteurs amateurs (n=50) et

experts (n=20) ayant expérimenté le modèle de direction du jeu IEA et ayant à jouer une intention et une émotion simples ou complexes. ... 156

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xv

"When a thing is new, people say :"It is not true." Later, when its truth becomes obvious, they say : "It's not important." Finally, when its importance cannot be denied, they say : "Anyway, it's not new." William James

Je dédie ce travail à ma marraine Jocelyne, qui a rejoint ses copines dans un monde parallèle, la veille du 27 mars dernier, ainsi qu’à ma blonde Esther et mes quatre enfants :

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Remerciements

Marc et Roseline, qui ont beaucoup appris après avoir beaucoup donné, en tant que fidèles lecteurs tout au long du processus, avec toujours de bons commentaires pertinents. Marc a notamment participé à pratiquement toutes les étapes de travail de cette thèse.

Esther, complice, mécène, mentore et Dramaturgin qui a promulgué les bons conseils et les encouragements aux bons moments.

Irène Roy, ma directrice, qui a cru en cette recherche depuis les débuts, malgré la tournure, les doutes, le temps qui passe, qui a toujours été là avec ses commentaires et encouragements. Pierre Nolin, mon codirecteur, pour sa patience, sa grande expérience, qui m’a beaucoup appris sur les analyses statistiques et qui a su plonger dans ce projet.

Robert Faguy, qui a côtoyé cette recherche depuis ses débuts, la soutenant, la questionnant constructivement, la motivant en l’envoyant sur des pistes qui se sont révélées signifiantes. Lew Bogdan, avec qui nous avons discuté de Stanislavski et de formation pour acteurs à un moment judicieux de mon parcours, il fut aussi un lecteur encourageant.

Josette Féral, qui a accompli un travail de fond nécessaire sur de grandes questions portant sur l’acte créateur au théâtre, et qui m’a encouragé à devenir Dramaturg.

Tous ceux qui ont participé généreusement à l’expérimentation, pour leurs prestations, leurs questions et leurs commentaires.

Martin Malenfant et Lysanne Labrecque, enseignants en théâtre, ainsi que Pierre Goulet directeur adjoint de l’école secondaire Chavigny de Trois-Rivières, qui ont gentiment rendu possible cette expérimentation en les murs de l’école, ainsi que les acteurs amateurs : Laurent Beaulieu, Charles Béchard, Taïsa Bélizaine, Marie-Joëlle Bergeron-Rousseau, Hugo Bertrand, Karim-Gabriel Boisrond, Gabrielle Bolduc, Laurie Boisvert, Guillaume Bruneau, Roxanne Carrier, Alexis Chabot, Jessica Chapados-Arseneault, Claudia Chillis-Rivard, Jolianne Clair, Camille Desaulniers, Alexandra Dostie, Sarah-Ève Doucet, Francis Dugré-Lampron, Alexandre Dumas, Andréane Gagnon, Olivier Filion, Kévin Gervais, Jessica Greendale, Bianka Guillemette, Rose Kendall, Benoit Lahaye, Marie-Pier Larose, Gabriel Lecompte, Emmanuelle

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Lever-Deniers, Valérie Martel, Marie-Ann Massé, Lisanne Massicotte, Myriame Noël-Desalliers, Erika Pellerin, Geneviève Rousseau, Gabriel Saint-Aubin, Élodie Saint-Martin, Olivier Séguin, Jonathan Sicard, Gabriel Therriault, Angie Trudel, Francis Vallée, Justine Viviers et Pascale Watier-Lévesque.

Claude Brisebois, enseignant en théâtre de la polyvalente de l’Ancienne-Lorette qui a chaleureusement aidé à ce que cette expérimentation ait pu avoir lieu en les murs de son institution, ainsi que les acteurs amateurs : Maude Berlinguette, Sarah Bernard, Audrey-Anne Déry, Samuel Petitclerc, Justine Prévost et Laurence Richard.

Les actrices et acteurs experts, qui ont bien gentiment accepté de participer à l’expérimentation : Karim Babin, Roseline Biron, Jean-Guy Bouchard, Benoît Brochu, Marie-Lise Chouinard, Gabriel Dagenais, Isabelle Drainville, Hélène Grégoire, Claudia Hurtubise, Rollande Lambert, Jean Laprise, Marc Legault, Vincent Legault, Frédéric Lévesque-Saindon, Jean-Pierre Matte, Anne-Marie Olivier, Aubert Pallascio, Louis-Philippe Paulhus, Sylvie Potvin et Paule Savard.

Steve Bédard, pour sa gentillesse, son écoute et son grand talent d’acteur. ;)

Les personnes qui ont accepté de remplir la fonction de spectateur, membre du jury, ceux qui ont réussi à compléter leur tâche et les autres qui n’en sont pas venus à bout.

Rodrigue Homero Saturnin Barbe et Dorice Simon, pour leur appui et leurs précieux commentaires.

Normand Godin, Andrea Bertolo et Jean-Michel Ménard, pour les discussions et le sérieux coup de main pour la conception et la réalisation de la plus grosse journée de l’expérimentation, avec 44 acteurs amateurs de l’école secondaire Chavigny.

À tous ceux qui m’ont encouragé de près ou de loin, à travers toutes ces discussions fertiles en verves et en passion échangées, dont André Roy, Anne-Marie Olivier, Marie-Josée Plouffe, Hugues Aubuchon, Suzanne Jaeschke, Ric Knowles, Remsi Al-Khalisi, Dennis Hermann, Niklas Ritter, Gerhard Fisher, Christian Fuchs, Uta Plate, Kerstin Kusch, Frank Heibert, Ulf Schmidt, Jens Hillje, Jutta Ferbers, Erwin Jans, Jens Petters, Ananda Breed et Claire Piché.

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Introduction

Présentation de la problématique : la direction d’acteurs

Quelles directives offrir aux acteurs afin de les aider à déterminer et jouer les actions de leur personnage de manière crédible? Pour un directeur d’acteurs, que doit-on dire ou faire, comment expliquer, suggérer les actions à jouer, les expressions diverses et variées d’émotions et d’intentions propres au personnage en situation, en tenant compte également de l’expérience artistique de l’acteur? Bien sûr, les méthodes abondent, de tous les côtés maintenant, mais lorsque l’on monte un spectacle à partir d’un texte, laquelle doit-on privilégier? Existe-t-il une méthode qui soit la meilleure en toute occasion et pour tous? Ou si au contraire les directeurs d’acteurs se doivent plutôt de composer leur propre méthode en empruntant ici et là, afin d’être en mesure d’appliquer selon les circonstances les aspects de l’une ou l’autre des méthodes, prenant en compte également le type d’apprentissage privilégié par chaque acteur? Dans les salles de répétitions de théâtre et dans les studios, les metteurs en scène utilisent différentes méthodes pour communiquer leurs idées, méthodes qui peuvent varier selon les directeurs d’acteurs, mais leur but est essentiellement le même : que les acteurs puissent offrir aux spectateurs un jeu crédible des personnages en terme d’intention et d’émotion et diversifié sur le plan des actions jouées. Que le jeu des acteurs soit réaliste ou non, on pense au jeu clownesque ou celui des mimes par exemple, la crédibilité des actions jouées demeure importante afin que les spectateurs puissent reconnaître une certaine vraisemblance dans les intentions sous-tendant les actions jouées et ressentir les émotions véhiculées. La crédibilité du jeu dont il est question ici ne relève pas de la foi, mais de ce qui semble vraisemblable aux spectateurs selon la situation proposée. On remarque en effet que les spectateurs qui ne reconnaissent pas une certaine vraisemblance dans les situations jouées par les acteurs semblent éprouver plus de difficulté à croire les motivations des personnages et les émotions exprimées par ces derniers.

L’objectif principal de cette thèse consiste à comparer des manières de diriger les acteurs, afin d’en vérifier les effets résultants, du point de vue des spectateurs, sur la crédibilité du jeu des acteurs en regard de l’intention et de l’émotion jouées, mais aussi sur la diversité des actions proposées par les acteurs. Dans son livre Mise en scène et jeu de l’acteur; Entretiens tome 1, Josette

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Féral reprend les propos des metteurs en scène Jean-Pierre Ronfard et Robert Lepage au sujet des deux principales façons de jouer pour un acteur :

la première répond à une pulsion intérieure et se situe dans la mouvance de tout un enseignement édifié sur la base de la sincérité du comédien, de son affectivité, de sa sensibilité au monde et à lui-même; la deuxième, fondée sur des stimulations extérieures, se situe plutôt dans la mouvance de praticiens plus formalistes, tel Meyerhold qui emprunte son inspiration non seulement à la tradition théâtrale, mais aussi à d’autres formes artistiques. La première fait appel à un jeu psychologique et intériorisé, la seconde à un jeu plus formel et codé. La formation [actuelle] privilégie la première au détriment de la seconde, déplore Robert Lepage, coupant le comédien de tout un potentiel qu’on ne lui apprend pas à explorer. Or, une partie importante de la pratique actuelle fait souvent appel à ce « jeu extériorisé », laissant le comédien quelque peu désemparé (Féral, 1997 : 55).

Découlant de ces deux façons de jouer, il existe deux méthodes de direction du jeu principalement utilisées par la majorité des directeurs d’acteurs : soit que l’on explique aux acteurs la situation des personnages, soit que l’on montre les actions à jouer, en les exécutant devant eux. Comme objectifs spécifiques, cet exercice de comparaison des méthodes de direction du jeu permettra également de vérifier l’effet de certaines variables, telles que l’expérience de jeu des acteurs et la complexité de l’intention et de l’émotion jouées par ces derniers, selon qu’ils expérimentent l’un ou l’autre des modèles de direction du jeu proposés. Un dernier objectif spécifique consiste à mettre en évidence si le fait de montrer aux acteurs les actions à jouer « stérilise » leur créativité ou non; en d’autres mots, on veut voir si les acteurs ne font que reproduire, voire copier, les actions observées ou non.

Dans les revues théâtrales spécialisées et les programmes de spectacles, ainsi qu’à l’intérieur de nombreux ouvrages sur le sujet, des metteurs en scène témoignent de leur pratique personnelle, et plus spécifiquement de leur manière de diriger les acteurs. Pensons aux ouvrages de Josette Féral, tels Théorie et pratique du théâtre : au-delà des limites (2011), les trois tomes de Mise en scène et jeu de l’acteur (1997, 1998 et 2007), L’École du jeu (2003) et Les chemins de

l’acteur : former pour jouer (2001). Publiée il y a quelques années, la thèse remaniée de Sophie

Proust, La direction d’acteurs dans la mise en scène théâtrale contemporaine (2006), relatant ses observations in situ de nombreux praticiens de la mise en scène au travail, réussit habilement à expliquer les nombreuses variantes dans la pratique de la direction d’acteurs. Dans la préface, Patrice Pavis résume le travail de la chercheuse en soulignant qu’il s’agit d’une « analyse systématique de procédés récurrents grâce auxquels elle [Sophie Proust] tisse la toile de Pénélope de la mise en scène contemporaine considérée sous l’angle du travail de l’acteur »

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(Proust, 2006 : 13). Faisant la synthèse de ses observations, la chercheuse ne propose pas de lois figées, mais un éventail de possibilités tenant compte des différents contextes de création. De manière explicite, on y présente une variété de stratégies utilisées par les metteurs en scène pour communiquer les actions à jouer aux acteurs : selon la position éloignée ou rapprochée de la scène et des acteurs, selon la personnalité du metteur en scène et celle des acteurs, selon le type de spectacle, etc. « La direction d’acteurs dépend de la manière dont le metteur en scène conçoit son métier et les comédiens […], il n’existe pas une direction d’acteurs propre à chaque esthétique théâtrale […], les manières d’aborder le travail d’un spectacle à l’autre varient pour un même metteur en scène. » (Proust, 2006 : 423-425) Ce qui suggère qu’il n’y a pas de manière optimale pour diriger les acteurs en toutes situations, seulement des manières devant tenir compte de chaque nouvelle situation de création, de la personnalité du directeur d’acteurs et de celle des acteurs. Grâce aux nombreux exemples observés, la monographie de Sophie Proust nous en apprend beaucoup sur ce qui se fait dans la pratique, se dit et se montre, sur les possibilités d’interventions des directeurs d’acteurs, mais en propose peu sur les possibilités de comprendre le phénomène neuroscientifique de l’action, chez l’acteur qui la joue et le spectateur qui la perçoit, ce qui est enclenché grâce à telles ou telles directives du directeur d’acteurs. Sophie Proust souligne par ailleurs que la « pratique théâtrale n’est pas une science exacte dont on serait capable de mesurer des probabilités de variations comportementales entraînant tel ou tel résultat artistique… » (Proust, 2006 : 430)

J’ai attrapé la balle au bond et décidé d’orienter mes recherches précisément dans cette voie, envisageant la direction d’acteurs non pas d’un point de vue inductif, tentant de définir les règles et les lois qui encadrent le travail des acteurs à partir des expériences des metteurs en scène, mais plutôt d’un point de vue déductif, depuis une meilleure compréhension du fonctionnement du cerveau humain lorsqu’un individu exécute et perçoit les actions. Autrement dit, en me basant sur les connaissances neuroscientifiques actuelles, j’ai voulu mieux comprendre le phénomène de l’action, de la composition des actions à jouer chez l’acteur et de leur perception chez les spectateurs, dans le but d’améliorer la manière dont un directeur d’acteurs peut contribuer, en toute connaissance de cause, à la construction du personnage et à la crédibilité du jeu des acteurs.

Nouvelle conception des fonctions du cerveau

Au théâtre de tout temps, il est établi que les acteurs agissent et que les spectateurs perçoivent. Les deux facultés que sont l’« agir » et le « percevoir », les plus importantes en terme

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d’espace de travail dans notre cerveau, sont souvent traitées et étudiées de manière indépendante, au théâtre comme en neurosciences. Bien sûr, les acteurs utilisent leur perception pour être en mesure d’agir, de réagir, de créer de nouvelles actions, de les exécuter aux bons moments, mais rarement parle-t-on de la perception comme d’un phénomène actif, surtout de la part des spectateurs. On a toujours eu tendance à considérer la perception strictement d’un point de vue passif, les spectateurs « percevant » les actions des acteurs principalement par leur vision et leur audition, sans avoir besoin d’utiliser leur faculté d’action pour comprendre le jeu des acteurs et ressentir des émotions.

Avec la découverte des neurones miroirs, les neurosciences commencent à comprendre ce que le théâtre sait depuis toujours (Peter Brook, cité par Rizzolatti et Sinigaglia, 2008 : 7).

Les récentes découvertes neuroscientifiques viennent bouleverser cette croyance, confirmant le rôle actif de la perception pour exécuter les actions avec précision, puis comprendre et ressentir les actions des autres. En fait, les liens physiologiques unissant l’action et la perception seraient davantage de nature symbiotique, l’une ne pouvant fonctionner adéquatement sans l’autre. Ces vingt dernières années, les images du cerveau humain en action provenant des recherches neuroscientifiques se sont multipliées, les instruments d’observation reproduisant de plus en plus précisément des cartes en trois dimensions montrant les endroits actifs du cerveau lorsqu’un individu agit, perçoit, imagine ou pense. Des chercheurs ont ainsi observé que lors de l’exécution par un individu de différentes actions et expressions, nombreux groupes de neurones s’activent ensemble, formant ainsi une représentation mentale de neurones activés pour chaque action exécutée. D’autres observations ont également permis de constater que des groupes de neurones s’activent pareillement chez un individu lors de l’exécution d’actions et lors de la reconnaissance de mêmes actions et expressions familières, exécutées par ses congénères. Des groupes de neurones, à la propriété « miroir », s’activent dans le cerveau à la reconnaissance d’actions effectuées par autrui, permettant à l’observateur de reproduire presque instantanément les actions reconnues, de les comprendre et de les ressentir. Ce concept de « représentation partagée », shared representations, proviendrait d’un encodage commun intégrant les effets perceptibles des actions exécutées, c’est-à-dire ce qui est perçu lors de l’exécution des actions, par soi ou par d’autres (Decety et Sommerville, 2003). Nombreux chercheurs et philosophes tels Giacomo Rizzolatti, Vittorio Gallese, Marc Jeannerod, Marco Iacoboni, Jean Decety et Vilayanur S. Ramachandran seraient même d’avis que la

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propriété miroir de nos neurones serait en fait à la base de facultés communicationnelles entre les individus, telles l’apprentissage par observation et l’empathie.

Transposant la théorie des représentations partagées dans le milieu de l’art dramatique, on constate que les propriétés découlant de cet aspect miroir des neurones sont partout, en processus de création entre les créateurs, particulièrement lorsque le metteur en scène dirige le jeu des acteurs, et évidemment en représentation théâtrale, lorsque les spectateurs reconnaissent les actions des acteurs afin de les comprendre et les ressentir. Semblant contredire le préjugé rapporté par Patrice Pavis dans son Dictionnaire du théâtre : « Le fait de montrer à l’acteur ce qu’on attend de lui n’a pas bonne presse, et […] risque en effet de stériliser le comédien » (Pavis, 1996), la théorie des représentations partagées suggère au contraire, pour un directeur d’acteurs, que le fait de montrer les actions à jouer aux acteurs pourrait contribuer à enrichir le vocabulaire d’actions des acteurs. Par la démonstration, le directeur d’acteurs ferait « réfléchir » les actions montrées dans le cerveau des acteurs qui les reconnaissent, et du coup, ces derniers seraient prêts à les reproduire tout en en ressentant les effets. Ce qui permettrait aux acteurs de comprendre le sens selon la situation de jeu voulue par le directeur du jeu et de jouer des actions allant dans le même sens que l’intention et l’émotion démontrées, sans n’utiliser que les mêmes actions.

J’ai voulu mettre la théorie à l’épreuve, tester certaines des fonctions découlant de la propriété miroir de nos neurones par les moyens du théâtre, plus spécifiquement ici dans l’acte de diriger les acteurs. Cela a pris la forme d’une expérimentation où j’ai pu comparer deux modèles de directives du jeu, qui en théorie devraient permettre aux acteurs de composer des actions physiques plus crédibles pour leurs personnages. Cette expérimentation a nécessité la participation de plus de 80 personnes, dont 70 acteurs qui, pour une courte scène, ont testé les différents modèles de directives du jeu avant de composer les actions dramatiques de leur personnage, ainsi qu’un jury de spectateurs qui avaient pour tâche d’évaluer le jeu des acteurs, sur les plans de la crédibilité de l’intention et de l’émotion et de la diversité des actions jouées. Même si les spectateurs sont directement impliqués dans cette expérimentation et que la théorie des neurones miroirs remet en question plusieurs aspects des théories actuelles de la perception des spectateurs (sémiotique, structuraliste, phénoménologique, psychanalytique, etc.), ils ne constituent pas l’objet principal de cette recherche. Il en sera toutefois question tout au long de la thèse.

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Pour cette expérimentation, j’ai choisi de faire jouer le même texte à tous les acteurs participants, une courte scène relatant un bref épisode d’un conflit étouffé entre deux personnages d’un même groupe social. Les directives offertes aux acteurs concernant l’état de leur personnage lors de la scène insistent sur l’intention et l’émotion principales à jouer – sans mentionner les actions à utiliser –, afin que les acteurs puissent s’en inspirer dans la composition des actions de leur personnage et lorsqu’ils joueront la situation. Cette manière de jouer des acteurs, où l’émotion et l’intention des personnages sont mises de l’avant, est celle privilégiée dans le jeu de type réaliste : un jeu d’acteur au service de la « vérité psychologique » des émotions et des intentions des personnages, mettant l’accent sur les expressions « authentiques » du corps, du visage et de la voix (Gosselin et al., 2005; Sudol, 2013 : 1). À la recherche de la « vérité », les acteurs empruntant ce type de jeu n’ont pas tendance à beaucoup répéter leurs actions, laissant place à une certaine spontanéité dans leur jeu. Cela induit une « logique de création », où les actions et expressions sont toujours réinventées selon l’humeur du moment et la perception de l’acteur, préférablement à une « logique de répétition », où toutes actions et expressions sont codées selon une esthétique précise. En mettant de l’avant pour cette recherche un type de jeu par rapport à un autre, où la vraisemblance émotionnelle et intentionnelle est plus importante que l’esthétique des mouvements accomplis, je suis conscient de laisser de côté tout un pan de la direction scénique où la démonstration des actions à jouer, du maître aux acteurs, fait partie intégrante de l’apprentissage des différents arts de la scène, tels la biomécanique de Meyerhold, ou encore le kathakali indien et le nô japonais (Bhârata Muni, 1951; Zeami, 2010). Mais dans ces milieux de représentations scéniques, l’observation de la démonstration et la répétition des mouvements ne sont pas des pratiques remises en question.

Hypothèses

1ère hypothèse

Reprenant la théorie neuroscientifique des neurones miroirs, mentionnant qu’une action perçue et reconnue par un observateur lui permet de la reproduire, mais aussi d’interpréter une intention à cette action en plus de ressentir une émotion lui étant liée (Sommerville et Decety, 2006; Barsalou et al., 2003b; Brouillet et al., 2010; Decety et Jackson, 2004; Preston et de Waal, 2002) (voir plus en détail les fonctions des représentations d’actions partagées, point 2.7), j’émets comme première hypothèse que le modèle de direction d’acteurs

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montrant aux acteurs les actions à jouer, entraînera, par comparaison aux scores d’un modèle sans directives, une hausse, et ce pour les trois variables dépendantes notées, soit la crédibilité de l’intention, la crédibilité de l’émotion et la diversité des actions.

2e hypothèse

Comme deuxième hypothèse, j’émets que le modèle de direction d’acteurs expliquant aux acteurs la situation de leur personnage ainsi que l’intention et l’émotion à jouer entraînera également, par comparaison aux scores d’un modèle sans directives, une hausse pour les trois mêmes variables dépendantes ci-nommées. Ce modèle s’inspire librement d’une notion reprise du premier Système de jeu pour acteurs du metteur en scène russe Constantin Stanislavski, affirmant que le « perezhivanie », le « re-vivre », implique que l’on explique clairement aux acteurs les circonstances proposées résumant la situation de la scène, puis l’intention et l’émotion principales à jouer pour leur personnage, afin que l’acteur puisse s’identifier à son personnage (Stanislavski, 2007 : 336-337; Gosselin, 2005).

En théorie, ce modèle devrait permettre aux acteurs de stimuler leurs mémoires affectives et leur imaginaire, leur donnant ainsi accès à des actions psychophysiques authentiques pour composer leurs gestes et expressions (voir point 1.7.3). Cette idée, de pouvoir vivre des états différents en s’identifiant à la situation d’autrui a reçu plusieurs nouveaux appuis depuis une trentaine d’années de la part de la communauté neuroscientifique, notamment les recherches étudiant les effets des connexions dans notre cerveau entre l’hippocampe et l’amygdale mentionnant que des émotions peuvent être déclenchées seulement par un souvenir particulier (voir point 2.5.3). Également s’y réfèrent les recherches sur la notion d’imagerie motrice d’une émotion et ses effets (voir point 2.5.7) ainsi que les recherches rejoignant certains aspects de l’empathie (voir point 2.7.5.4 et suivants).

3e hypothèse

Prenant pour appui la théorie de l’expertise (Calvo-Merino, 2005; Gobet, 2001), mentionnant que les experts possèdent un répertoire d’actions plus grand dans leur champ d’expertise, j’ai pour troisième hypothèse que la plus grande expertise des acteurs entraînera, par comparaison aux scores des acteurs de niveau amateur, une hausse, et ce pour les trois variables dépendantes ci-nommées. Grâce à la diversité des données amassées, je pourrai également mesurer l’effet de la variable indépendante de l’expertise des acteurs, en la combinant avec les

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autres variables indépendantes mesurées, soit celle du modèle de directives de jeu et celle de la complexité de l’intention et de l’émotion à jouer.

4e hypothèse

Suivant la théorie des neurones miroirs, concernant notamment l’apprentissage par observation (Gobet et al., 2001; Sommerville et Decety, 2006), soulignant le fait que plus l’on connaît d’actions, plus on peut en apprendre, plus on est capable d’en faire et d’en reconnaître, j’ai pour quatrième hypothèse qu’une plus grande complexité de l’émotion et de l’intention à jouer entraînera une baisse des scores, par comparaison à la situation où l’émotion et l’intention à jouer sont plus simples, et ce pour les trois variables dépendantes ci-nommées. J’ai également pour hypothèse complémentaire que, pour les acteurs ayant à jouer une intention et une émotion plus complexes, le modèle montrant aux acteurs les actions à jouer leur permettra d’obtenir de meilleurs scores par comparaison au modèle de direction du jeu où l’intention et l’émotion sont expliqués, et ce pour les trois variables dépendantes ci-nommées.

5e hypothèse

Suivant la théorie de la propriété miroir des neurones et avant elle celle de l’apprentissage par observation (Bandura, 1990; Meltzoff, 1995; Meltzoff et Decety, 2003), prétendant qu’une action observée et reconnue est également comprise, permettant ainsi à l’observateur d’interpréter une intention et de ressentir une émotion associées à cette action, j’ai pour cinquième hypothèse que les acteurs observant les actions de leur personnage à jouer, à qui l’on demande de s’inspirer du jeu observé pour définir l’intention et l’émotion de leur personnage, seront ensuite en mesure de jouer des actions crédibles sans nécessairement reproduire que des actions copiées, obtenant ainsi des scores élevés de variété des actions jouées.

Développement de la thèse

Dans le chapitre initial de cette thèse, je vais retracer dans l’histoire du théâtre quelques-unes des principales théories occidentales touchant l’art dramatique et plus précisément celles concernant la direction du jeu. Reprenant certaines idées émises par Aristote jusqu’à Stanislavski, je vais rappeler à la mémoire quelques passages de textes fondateurs qui ont forgé l’art de l’acteur, en décrivant habilement les effets de l’exécution de telles ou telles actions sur la perception des spectateurs. Ces textes ont inspiré les théoriciens du jeu du 20e

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siècle et ne cessent de faire écho au travail des praticiens; les modèles de direction du jeu utilisés dans le cadre de cette expérimentation s’en sont inspirés.

Le deuxième chapitre sera une véritable immersion dans le langage neuroscientifique, une tentative de démystification de nombreuses fonctions du cerveau dans le but d’établir des ponts avec les théories de l’art dramatique évoquées au chapitre premier. Ce sera alors l’occasion de faire le point sur de nombreux consensus neuroscientifiques, notamment sur les facultés d’agir, de percevoir, d’imaginer et d’émouvoir, ainsi que sur la propriété miroir des neurones réunissant ces facultés. Ces connaissances mises en contexte vont évidemment aider à mieux situer l’expérimentation et ses fondements présentés dans le chapitre suivant.

Les deux chapitres qui suivent mettront en évidence la partie expérimentale de la thèse, décrivant le matériel, les détails de la méthode utilisée et comment je vais vérifier les hypothèses (chapitre 3), puis illustrant avec tableaux et graphiques appropriés les résultats des analyses statistiques (chapitre 4). Le quatrième chapitre se conclut avec la vérification des cinq hypothèses avancées. Dans la discussion (chapitre 5), les résultats significatifs obtenus seront avancés et discutés, concernant notamment les effets des variables de l’expertise et du modèle de direction du jeu à utiliser lorsque les acteurs doivent jouer une intention et une émotion simples ou complexes.

Pour réaliser ce type d’expérimentation avec analyses statistiques, rarement utilisé en recherche dans le domaine des arts de la scène, il a fallu adapter et innover. Prometteurs, les résultats obtenus confirment la pertinence de cette manière de récolter des données et de les analyser pour le milieu théâtral, suggérant déjà quelques réponses nuancées aux hypothèses énoncées; ce qui est de bon augure pour les recherches futures.

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1.

L’art de la composition des actions en représentation

1.1

Depuis l’Antiquité

Dans un premier temps, dans une volonté de démêler et de comprendre les théories actuelles sur l’art théâtral qui se sont forgé au fil des années, j’ai choisi de retourner à la source de cet art, à l’époque de Thespis où la représentation des cérémonies religieuses est véritablement devenue un spectacle théâtral (VIe siècle avant notre ère), pour retrouver

comment travaillaient les acteurs, qui les dirigeait et comment. Il sera ensuite question d’Aristote et de son traité La Poétique, considéré comme étant le plus vieux texte historique occidental ayant pour sujet la composition des représentations d’actions, de ses différentes espèces et des effets sur les spectateurs. Bien que ce traité s’attarde davantage à analyser le travail des auteurs dramatiques – les écrivains composant le texte des représentations –, j’ai repéré dans son œuvre quelques préceptes fondamentaux concernant directement le jeu des acteurs qui seront mis en lumière. On y retrouve entre autres plusieurs notions en résonance avec les découvertes neuroscientifiques récentes, telle celle de l’action, du grec « δράμα »,

drama, dramatique, relatif au jeu et à la scène, ainsi que la notion de représentation, du grec

« μιμεῖσθαι », mímêsis, tant scénique que mentale, par les effets qu’elle provoque chez ceux qui la perçoivent : les spectateurs, mais aussi chez les auteurs et les acteurs dans leur processus de création. Aristote avait compris l’importance de ces tendances qu’ont les êtres humains à se représenter des actions et à prendre plaisir à les reconnaître, tendances se développant dès la prime enfance, et du phénomène d’apprentissage en résultant – apprentissage des comportements, des savoir-faire, etc. Également, il a été le premier à nommer le processus d’identification, par lequel les actions représentées, par exemple au théâtre par les acteurs, deviennent la cause des émotions provoquées chez les spectateurs qui les reconnaissent. La

Poétique explicite le rôle déterminant de la perception des spectateurs dans la reconnaissance

des représentations d’actions, afin de comprendre et de ressentir les émotions qui leur sont associées.

Je me pencherai également sur ces deux notions fondamentales auxquelles Aristote fait constamment référence lorsqu’il est question composition des représentations d’actions, à savoir la nécessité et la vraisemblance. Il avance que tout épisode musical, poétique ou autre

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doit contenir les éléments nécessaires à sa structure, afin qu’elle forme un tout où chaque élément participe à sa cohérence, et que son déroulement dans le temps et dans l’espace puisse être compréhensible par les spectateurs. Également, Aristote avait remarqué l’adéquation entre la vraisemblance des actions de la représentation et la perception des émotions du public; autrement dit, plus le jeu des acteurs semble vrai, plus l’émotion est ressentie fortement par les spectateurs, et inversement, moins cela semble vrai, moins l’émotion est perçue.

Pour compléter Aristote dans ce chapitre, il sera question d’art oratoire, cette pratique de la rhétorique qui s’est le plus développée et systématisée à l’époque de l’Empire romain, particulièrement grâce à Quintilien, ce dernier ayant laissé des écrits particulièrement précis pouvant aujourd’hui servir d’exemples afin d’illustrer les différents rôles fonctionnels de la propriété miroir de nos neurones. Je terminerai la période antique en évoquant quelques passages du plus ancien traité connu sur le théâtre indien, le Natya-Shastra, qui s’est transmis de génération en génération en se bonifiant depuis le cinquième siècle avant notre ère.

Après un bond historique de près de deux mille ans, on se concentrera sur les principales influences ayant conduit les réflexions du metteur en scène Constantin Stanislavski jusqu’à la première rédaction de son Système de jeu pour acteurs en 1908. On abordera en premier lieu les points marquants de sa prime influence en cette matière, l’un des premiers livres rédigés par un acteur marquant de la première partie du 19e siècle en Russie réfléchissant sur sa pratique :

Mikhaïl Semenovitch Chtchepkine. Ensuite, à travers différentes réflexions relevant de sa propre pratique de jeu en tant qu’acteur, puis en tant que metteur en scène, jusqu’à sa rencontre décisive avec un autre metteur en scène qui deviendra son associé dans la fondation du Théâtre d’Art de Moscou, Vladimir Ivanovitch Nemirovitch-Dantchenko, je relèverai les principaux éléments ayant présidé à la conception du Système de jeu de Stanislavski, influence dominante toujours actuelle de la formation et la direction d’acteurs en Occident.

1.1.1 L’art de l’acteur et sa direction, à l’époque de l’exarchon

Au VIe siècle avant notre ère, Thespis est l’héritier de la tradition cultuelle du

dithyrambe, retrouvée dans de nombreuses cités grecques depuis quelques siècles déjà avant lui. Dans leur forme aboutie, les cérémonies adressées au dieu Dionysos à l’origine se composaient alors d’un chœur d’hommes chantant un hymne religieux, le dithyrambe, racontant un épisode de la vie du dieu, accompagné d’un aulos (hautbois double) et d’une danse

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représentant en partie l’emprise du dieu sur les humains. Le meneur du chœur des hommes, l’« exarchon », qui pouvait également chanter seul en alternance avec le chœur pendant la cérémonie, était également responsable de diriger l’ensemble des actions de la troupe, un peu à l’image du chef d’orchestre aujourd’hui (Ghiron-Bistagne, 1991). À l’époque de Thespis, les histoires des dithyrambes s’étaient déjà complexifiées, s’adressant à divers dieux et déesses selon les cités. En plus de mettre en scène le chœur et de le diriger, d’orchestrer les chants et les danses, les exarchons devaient également composer les différents épisodes de la vie du dieu. Les hommes qui faisaient partie du chœur, agissant lors de la cérémonie en chantant et dansant, devaient apprendre une partition d’actions composée par l’exarchon. Selon une acceptation élargie, on pourrait dire qu’il s’agit là d’acteurs même s’ils ne jouent pas des personnages comme tels, car ils exécutent une partition d’actions préétablies selon les effets que l’on cherche à procurer aux spectateurs.

Remplissant déjà les fonctions de l’exarchon, Thespis aurait eu l’idée de donner un rôle supplémentaire à ce personnage dans la représentation cérémonielle, en s’extirpant davantage du chœur pour devenir une sorte de présentateur-narrateur qui répondait au chœur :

Le premier [Thespis], imagina de couper le chœur en plusieurs divisions, sans d’ailleurs lui ôter son caractère liturgique; entre les intermèdes chorégraphiques et les chants dithyrambiques qu’on entonnait aux fêtes de Dionysos, il inséra des tirades parlées, des récits débités par un personnage unique, étranger au chœur. Ce nouveau récitateur ou répondant était chargé d’interroger ou de donner la réplique; plus tard, il deviendra l’acteur, investi de divers rôles (serviteur, messager, héros) (Jodra, 2014).

En effet selon la légende, Thespis aurait été le premier à incarner des personnages dans l’épisode du dieu raconté, jouant leurs actions au lieu de les chanter, changeant sa voix, son costume, sa posture, se maquillant et utilisant des masques. Ce qui correspond à la définition plus restreinte de l’acteur, celle du comédien : celui qui joue les actions d’un personnage : « Thespis, à la fois acteur et entrepreneur, comme nos modernes forains, donnait ses représentations à travers les bourgades de l’Attique, aux fêtes de Dionysos, surtout en automne. Il circulait sur une sorte de roulotte avec son léger matériel; il formait et instruisait sommairement sa troupe, puis jouait en plein air sur la grande place du village. » (Jodra, 2014) C’est ainsi que depuis Thespis (VIe siècle avant notre ère) et jusqu’à une période avancée de

l’Antiquité, l’acteur se confond avec l’auteur et le metteur en scène, les trois fonctions étant assumées par l’exarchon : « Durant la période classique, le poète dramatique cumulait les fonctions

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de poète, de metteur en scène (d’où le nom didascalos qui signifie “instructeur”) et de premier acteur (protagoniste). […] La profession de comédien resta secondaire tant que l’interprétation ne fut pas clairement distinguée de la composition littéraire dans les concours. » (Pidoux, 1991)

C’est la complexité toujours plus grande des représentations d’actions, vers sa dimension spectaculaire plus développée et un nombre toujours plus élevé de spectateurs, qui mèneront à la naissance des différents corps de métiers de la scène. À l’instar de l’auteur Sophocle (495-406 avant notre ère) qui assume cependant toujours les fonctions de mise en scène pour la représentation de ses spectacles, plusieurs poètes parmi ses contemporains ne jouent plus dans leur composition à titre d’acteur. Cessant progressivement de jouer systématiquement dans les histoires qu’ils composaient, les poètes ont ainsi permis à l’art de l’acteur de se développer véritablement de manière autonome.

1.1.2 Formation et compétences de l’acteur antique

Dans le premier chapitre de La Poétique, Aristote rappelle que le travail des acteurs, incluant les danseurs, les musiciens, les chanteurs de dithyrambes, etc., est de produire des actions en scène, des mouvements visibles et audibles, reconnaissables par les spectateurs afin que ces derniers puissent les caractériser (Aristote, 1980 : 33). La virtuosité vocale était un atout essentiel, également pour exécuter une partie du bruitage (grincements des gonds, cris d’animaux, cris de douleur, tempêtes, etc.) augmentant l’effet de vraisemblance chez les spectateurs et conduisant à une plus grande perception de différents types d’émotions (Ghiron-Bistagne, 1976 : 157). Pour les apprentis acteurs grecs de l’Antiquité, des écoles professionnelles enseignaient la maîtrise de la projection de la voix et des gestes, le chant, la danse et souvent le jeu d’instruments de musique. Les acteurs y développaient leur corps, afin de le rendre dynamique et flexible, leur sens du rythme, une grande expressivité du visage, de la voix et des mains – développant notamment la χειρονομια, « chironomie » : l’art de régler les mouvements des mains, d’approprier les gestes aux discours (Pidoux, 1991). Il est intéressant de noter que plusieurs de ces compétences développées dans les écoles de théâtre seront reprises et popularisées par l’art de la persuasion, et que nombre d’auteurs s’en inspireront pour rédiger leurs traités de rhétorique destinés aux avocats et aux orateurs (voir au besoin Quintilien, point 1.3 et suivants). Le savoir-faire dans ces écoles professionnelles se transmettait de manière « artisanale », du maître à l’élève par la démonstration des mouvements. Cette

Figure

Tableau 0.1 – Les quatre voies possibles (verticales) empruntées par les acteurs  participants pour l’expérimentation selon leur numéro d’équipe (35 duos)
Tableau 0.2 – Schéma de la procédure pour chaque acteur   avec un croisement entre la 2e et la 3e mise en scène
Tableau 4.1 – Test de corrélations intégrées des acteurs jouant les personnages A et B,  notés par un jury de cinq spectateurs selon trois variables dépendantes (crédibilité de  l’intention, crédibilité de l’émotion et diversité des actions jouées), mesuré
Tableau 4.2 – Scores moyens des variables de crédibilité du jeu de l’intention, de  crédibilité du jeu de l’émotion et de diversité des actions jouées, selon les modèles de  direction du jeu expérimenté en premier par les acteurs : IEA 1 , PEA 1 , IEA 2  o
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