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Opposition des familles aux dons d’organes : analyse rétrospective des causes de refus dans un centre régional de prélèvement

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ARTICLE ORIGINAL

Opposition des familles aux dons d’organes : analyse rétrospective des causes de refus dans un centre régional de prélèvement

Organ donation, reasons for family refusal: A retrospective study in a French organ harvesting center

J. Le Nobin

a,∗

, F.-R. Pruvot

b

, A. Villers

a

, V. Flamand

a

, S. Bouye

a

aServiced’urologie,hôpitalClaude-Huriez,CHRUdeLille,1,placedeVerdun,59037Lille cedex,France

bServicedechirurgiedigestiveettransplantation,hôpitalClaude-Huriez,CHRUdeLille,1, placedeVerdun,59037Lillecedex,France

Rec¸ule3avril2013;acceptéle26aoˆut2013 DisponiblesurInternetle24septembre2013

MOTSCLÉS Dond’organe; Cartesdedonneur; Prélèvement d’organe;

Refusdeparticiper; Attitudefaceàla mort;

Religion; Mortcérébrale

Résumé

But.—Déterminerlesraisonspouvantmenerlesfamillesàrefuserleprélèvementd’organes surleurprochelorsd’unesollicitationpourundon.

Matériel.—Dejanvier2010àdécembre2011,l’équipedecoordinationdeprélèvementaren- contréenentretienlesfamillesde227personnesenétatdemortencéphaliquepourobtenir unaccorddeprélèvementd’organechezleurproche.Soixante-dixfamilles(31%)ontrefusé ceprélèvement.Unquestionnairesurlesraisonsdurefusaétérempliaprèschaqueentretien.

Lesitemsrecueillisétaientlesexeetl’âgedupatient,lacausedudécès,lescaractéristiques del’entretien,lesmotifsdurefus.Uneanalysestatistiquedescriptiveaétéréaliséeàpartir decesdonnées.

Résultats.—L’âge médian des patients décédés était de 48ans. Le sex-ratio était de 1,7hommespour1femme.Parmilesraisonsderefus,lesplusfréquentesontétélavolontéde maintenirl’intégritéducorpsdudéfunt(46,3%),labrutalitéetlasoudainetédudécès(44,8%), l’âgedudonneur(23,9%),ledénidelamort(17,9%),unmotifd’ordrereligieux(16,4%),la défiancecontrelecorpsmédical(13,4%),lasensationdeculpabilitédelafamille(11,9%).Dans 30%descas,lafamilleaaffirméqueledéfuntauraitrefusédesonvivant.

Conclusion.—Les raisons principales de refus de prélèvement d’organes étaient liées à la représentationducorpsdudéfunt.Une meilleureformationdel’équipedecoordinationde

Auteurcorrespondant.

Adressese-mail:julien.lenobin@gmail.com(J.LeNobin),Francois-Rene.Pruvot@chru-lille.fr(F.-R.Pruvot),Arnauld.Villers@chru-lille.fr (A.Villers),Vincent.Flamand@chru-lille.fr(V.Flamand),Sebastien.Bouye@chru-lille.fr(S.Bouye).

1166-7087/$seefrontmatter©2013ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.

http://dx.doi.org/10.1016/j.purol.2013.08.318

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prélèvementainsiquel’informationdugrandpublicbaséesurcesrésultatspourraientaiderà diminuerletauxderefus.

Niveaudepreuve.—3.

©2013ElsevierMassonSAS.Tousdroitsréservés.

KEYWORDS Organdonation;

Donorcards;

Organharvesting;

Refusalto participate;

Attitudetodeath;

Religion;

Braindeath

Summary

Objectives.—In France,organdonationrefusalratesapproach 32%ofeligiblebrain deaths.

Outrightfamilyrefusalrepresentstheprimarybarrierreasonfordecliningorgandonation.This retrospectivestudyevaluatedfactorsinfluencingthisdecision.

Materialandmethods.—AretrospectivechartreviewatLilleHospital,France,wasconducted onbrain-deathpatientseligiblefororgandonationbetween2010and2011.Datawerecollected regardingpatientcharacteristics,deathconditionsandreasonsforrefusalbaseduponfamily interview.Descriptivestatisticanalyseswereconductedtoidentifycircumstancesassociated withfamilyrefusal.

Results.—Of227eligibleorgandonorsidentified,70families(30.8%)refusedorgandonation.

Themostfrequentreasonforrefusalwasdesiretokeepthebody’swholeness(46.3%),followed byreligion(16.4%),mistrustofthemedicalcommunity(13.4%),andrevoltagainstsociety(6%).

Themostcommoncausesofdeathassociatedwithrefusalwerebrutalityandsuddenness of death(44.8%),earlyage(23.9%),denialofdeath(17.9%),andthefamilyculpability(11.9%).In 30%ofcases,thefamilyfollowedthedeceased’swishesbeforehisdeath.

Conclusion.—Familyrefusal remainsasignificant factor associated with theapproximately onethirdofdeclinedeligibleorgandonations.Thisretrospectiveanalysissuggestedthatthe mostimportantcauseforrefusalwasadesiretokeepthebody’swholeness,andthebrutality andsuddennessofthepotentialdonor’sdeath.Additionalresearchaddressingthesefactors, andtheirunderlyingcauses,pairedwithmeasurestoimproveprofessionaltrainingandpublic awarenessarewarrantedtoimproveorgandonationrates.

©2013ElsevierMassonSAS.Allrightsreserved.

Introduction

En France, selon l’agence de biomédecine, le nombre detransplantations d’organesest passéde3523en1991à 4945en 2011soit une augmentation de 41% en 20ans.

L’obstacle au prélèvement multi-organes atteint 32% des propositions de prélèvement, stable depuis quelques années.Ilestenmajoritéliéaurefusdesfamilles.Cetaux est légèrement supérieurà la moyenne nationale dans le Nord-Pas-de-Calais(35,8%).Lestaux d’oppositionlesplus forts (≥40%) concernentla Picardie, l’Île-de-Franceet la Corse.Cependant,bienque lacause«refusdes familles» soitidentifiéeetquantifiée,lesraisonsdecerefus(qu’elles soient psychologiques, ethnologiques, socioculturelles ou religieuses)n’ont pas étédécrites.Le peu d’étudesmen- tionnantlesrefusdedonsrésultaientdedonnéesanciennes datantde1993[1],1997[2]et2000[3].Notreétudecollec- taitdoncdesdonnéesrécentes,ens’appuyantd’avantage surlesdétailsdescausesderefusévoquéesparlesfamilles encomplément dela descriptiondes caractéristiquesdes patients,delafamilleetdel’entretien.

Une meilleure compréhension des raisons menant au refus des familles,permettrait demieux appréhender les entretiensetdetenterdediminuerletauxderefusetdonc d’augmenterlenombredetransplantationspourlespatients enlisted’attente. Lebut denotre étudeétaitd’analyser rétrospectivementlesraisonsdurefusdedonsparlafamille dansuncentrerégionaldeprélèvement,àpartird’unques- tionnaire.

Matériel et méthodes Population

Ils’agissaitd’uneenquêtedeterrain,réaliséesurlesdon- néescollectéeslorsdes entretiensaveclesfamillesayant refusé le don d’organe entre janvier 2010et décembre 2011au CHRU de Lille, Nord-Pas-de-Calais. Durant cette période, 227patients ont été diagnostiqués en état de mortencéphalique, et étaientéligibles àun prélèvement d’organe.

Pources227patients,touteslesfamillesontétésollici- téespourobtenirleuraccorddeprélèvementenvued’un don.

Méthode

Dansnotrecentre,l’équipedelacoordinationdeprélève- mentsecomposededeuxinfirmièresdiplômées d’État et deuxinfirmièresanesthésistesdiplômées d’État. Leurfor- mation se déroule en plusieurs séminaires à l’agence de biomédecine.Lorsd’unesollicitation,l’équipeestcomplé- téeparlepraticienhospitalieretl’infirmièreduservicedans lequelledécèsaétédéclaré,etunpsychologueselonles cas.La coordinationhospitalière estprévenue dès que le diagnosticdemortcérébraleestposé.L’équipeprésenteau momentdelasollicitationestsystématiquementcomposée auminimumd’unbinômepraticienhospitalier/coordinateur hospitalier.

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Matériel

Soixante-dix entretiens sur 227 (30,8%) ont conclu à un refus. Pour chaque famille ayant refusé le prélèvement pour leur proche, un questionnaire a été rempli par la coordination hospitalière regroupant différentes informa- tionsjugées importantesdans la décisionde prélèvement (Annexe1).Cesinformationsconcernaient:lesexeetl’âge dupatient,lacausedudécès,lenombredepersonnespré- senteslorsdel’entretien,laduréedel’entretien;leclimat del’entretien,l’étatd’espritdelafamilleetducoordina- teur; lesmotifs durefus;la sensibilisationantérieure du défuntet de la famille par rapport au don. Ce question- naireaétécrééparl’équipedecoordinationduCHRUde Lille en 2004et évalué par une équipe de sociologues et psychologues spécialistes de la fin de vie et de la mort.

Il a été régulièrement mis à jour en fonction des entre- tienset laversion actuellen’a pas été modifiéeau cours del’étude.

Toutescesinformationsontétéintégréesdansunfichier derecueildedonnées,etdesanalysesstatistiquesdetype descriptivesontétéréalisées.

Résultats

Parmi les 227patients en état de mort encéphalique, 70refus ont été recensés (30,8%). Les taux de refus des années 2011et 2012sont comparables: 30,9et 30,8% (Annexe2).

L’âge médian des patients décédés était de 48ans (3mois—76ans). Le sex-ratio était de 1,7hommes pour 1femme. Les principales causes de décès étaient: vas- culaires (46,3%), traumatismes crâniens (32,8%), suicide (14,8%),autres(6%).

La durée médiane de l’entretien entre la famille du défuntetlacoordinationhospitalièreétaitde30minutes.Le nombremédiandepersonnesprésenteslorsdel’entretien étaitde3,allantde1à25.Ilexistaitdans30cas(47,8%) unepersonnedominanteettroiscasdesituationsdeconflit familialdanslesquelleslesdécisionnairesétaientendésac- cord.Lacoordinationhospitalièreétaitprésenteàl’annonce dudécèsdans51cas(76,1%).

Concernantleclimatdel’entretien,celui-ciétaitfavo- rable à la discussion dans 63cas (95,5%). Il existait de l’agressivité dans 10cas (14,9%), du chagrin dans 46cas (68,7%),dumutismeoudelaprostrationdans2cas(3%),et del’oppositiondans12cas(17,9%).

Parmilesmotifsderefusdedons(Annexe3),dans20cas (30%),la famille aaffirméque le défuntlui-mêmeaurait refuséde son vivantsans avoir été inscrit sur le Registre nationaldes refus. La volonté demaintenir l’intégrité du corpsétaitévoquéedans31cas(46,3%).Unmotifd’ordre religieux a été mis en évidence dans 11cas (16,4%) avec commereligionsexprimées:islam(6patients),catholicisme (2patients),orthodoxie(1patient),animisme(1patient)et bouddhisme (1patient). Il existait une défiance contre le corpsmédicaldans9cas(13,4%)etdelarévoltecontrela sociétédans4cas(6%).Lapeurdutraficd’organesn’était expriméequedans1cas(1,5%)defamilled’origineafricaine etdereligionmusulmane,cependantl’obstacled’ordrereli- gieuxétaitlaraisonprincipaledurefus.

Dans30cas (44,8%), lerefus étaitlié àla brutalitéou àlasoudainetédudécès.Dans16cas(23,9%),l’âgejeune dudonneurétaitunmotifderefus,etparmicespatients, lamoyenned’âgeétaitde37,4ans.Dans12cas(17,9%),il existaitundénidelamort.Dans8cas(11,9%),lerefusétait liéàuneforteculpabilitéressentieparlafamilleparrapport auprélèvement.

Concernant la sensibilisation au don d’organe de la famille avant le décès du proche, la question du don d’organeavaitétéévoquéeantérieurementavecledéfunt dans 18cas (26,9%), sans qu’une décision claire sur le devenir de son corps n’ait été prise de son vivant.

Le nombre de patients inscrits sur le Registre national des refus était de 0en 2010et 7en 2011soit respec- tivement 0et 5,4% des morts encéphaliques de notre centre.

Discussion

Il existe une disproportion entre le nombre de patients inscrits sur liste en vue de transplantation et le nombre d’organesdisponibles. Ainsi, en France,en 2011, 15063personnesétaientenlisted’attented’unetransplan- tationd’organeet4945maladesétaienttransplantés,mais environ850maladessontdécédésfautedetransplantsdis- ponibles.

Ledond’organesrepose,depuislaloiCavailletde1976 [4], sur le principe du consentement présumé: chacun d’entre nous est considéré comme un donneur potentiel après sa mort à moins de s’y être opposé de son vivant en s’étant inscrit dans le Registre national des refus. Ce registredoitêtreobligatoirementconsultéparlesmédecins dès qu’un prélèvement est envisagé. Cette inscription a unevaleurlégale. Enpratique,conformément auxlois de bioéthique de 1994 [5], lorsqu’un prélèvement d’organes est envisagé,àdéfautde connaître lavolonté dudéfunt, l’équipe médicale doit s’efforcer par tout moyen de rechercherauprèsdesesprochesuneéventuelleopposition exprimée de son vivant. Il s’agit du rôle du médecin réanimateur, assisté de la coordination hospitalière de prélèvementd’organe.

Laplupartdesenquêtesd’opinionréaliséessurlesujet du don d’organe indiquaient que le prélèvement sur soi était accepté par 65à 75% des personnes interrogées [6—8]. La part des opposants stricts au prélèvement sur eux-mêmes n’excédaitpas 11% [7,8].Le taux des indécis étaitenrevanchevariableselon lesenquêtes:de10%[7]

à 27% [8]. L’enquêtedeCarvais etSasportes [8]semblait laplusprocheducomportementdesfranc¸ais,avec54%de personnestoutàfaitd’accordpourqu’unprélèvementsoit effectuésurelles-mêmes,et5%depersonnesabsolument contre. Il restait donc 41% de personnes soit indécises (27%), soit «restrictives» (14%), c’est-à-dire acceptant le prélèvement d’organes sur elle-même sous certaines conditions ou pour certains organes. Cette difficulté de positionnementétaitconfirméedansl’enquêtedePaterson [9],etressortaitsoitsous formededifficultésàserepré- senter le prélèvement en lui-même, soit sous forme de manqued’informationsplusconcrètes.Ilétaitdoncdifficile de connaître la volonté réelle du défunt lorsque le sujet n’avaitpasétéévoquédesonvivant.

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Une des caractéristiques importantes dans la prise de décision des familles estla conduite del’entretien mené parlacoordinationhospitalièreavecenparticulierl’accueil delafamille,etleclimatdel’entretien.Danscetteétude, leclimatétaitconsidérécommepositifdanslagrandemajo- ritédescas(95,5%).Laperceptionetlaconfiancevis-à-vis ducorpsmédicalsontégalementàprendreencomptemême si dans cetteétude,cela nesemblaitpas êtreun facteur derefusévident(13,4%dedéfiancecontrelecorpsmédi- cal).Lecontenudel’entretienetl’expériencedupersonnel à cet égard semblaient, en revanche, jouer un rôle non négligeable sur l’acceptation, en particulier vis-à-vis des famillesindécises.Eneffet,lesentretiensconduitspardu personnelforméetexpérimentépermettaientd’augmenter lestaux d’acceptation,dansdes proportionsquirestaient modestes,mais significatives commele mettaient enévi- dence certainesétudes [3,10,11].Par ailleurs,l’entretien menéparplusieurspersonnesplutôtqueparuneseuleétait égalementunfacteurassociéàl’acceptation[2].Dansnotre étude, l’état d’esprit des coordinateurs hospitaliers était toujours positif concernant le binôme de coordinateurs.

D’autrepart,letempsderéflexionlaisséàlafamille pré- sageaitplussouventd’uneacceptationqued’unrefusfinal [1,10,12].

Letypedediscourstenuàlafamillesemblaitjouerun rôlecapital.Premièrement,parrapportaurôlequileurest laisséenmatièredécisionnelle,plusconvaincantqu’unedis- cussion formelle [1,3,10,11,13]. Deuxièmement, àtravers la possibilité pour la famille de discuter et de poser les questionsqu’ellejugeaitutilesàsaprisededécision[11].

Cesrésultatspeuventêtreassociésauxcontenusd’enquêtes d’opinion dans lesquelles il ressortait que les répondants attribuaientunrôleprépondérantàlafamillesurledeve- nir corporel du défunt en l’absence de connaissance des volontésdecelui-ci[7,8].

Concernant la religion, le refus pour des raisons de pratiques oude croyancesreligieuses a été soulevé dans 16,4% des cas. Cette proportionétaitcomparable àcelle d’uneenquête deNussetal.[14]:sur110refus recensés, 14l’étaientpourdesraisonsreligieuses,dont10émanaient defamillesdedonneursappartenantauxpaysduMaghreb.

Ilsembledoncquelescroyancesetpratiquesreligieusesne soientpasunecausefréquentederefus,maisjoueraientun rôledanslaprisededécision.L’originedesrefusdeprélè- vementseraitainsidavantagelefaitdesperceptionsetdes représentationsdelamortetducorpsmorcelé,plutôtque dictéeparundogme,descroyancesoudespratiquesreli- gieuses,dontonsaitparailleurs(hormislebouddhisme)que leursinstancesreprésentativessesontprononcéesenfaveur duprélèvement,enparticulierpourlestroisreligionsmono- théistes les plus représentées en France (christianisme, islametjudaïsme).

Concernantl’acceptationdelamort,onconstataitdans notrecentrequelerefusétaitassociéàundénidelamort dans17,9%descas.Danslalittérature,lesrésultatsrappor- taientégalementquelerefusduconceptdemortcérébrale n’était pas un élément prédominant dans les causes de refus (4refus sur 110) [14]. Cette proportion de familles n’acceptantpasledécèsduprocheétaitunevéritablebar- rièreauprélèvementd’organes,etsemblaitdifficileàfaire baisser.Seulledélaideréflexionetdoncd’acceptationde lamortpourraitpermettredediminuerletauxderefus.

Concernant l’image du corps du défunt, la volonté de maintenir l’intégrité du corps était évoquée comme cause de refus dans 46% des cas. Le morcellement cor- porel était la cause de refus de prélèvement la plus fréquemment évoquée, souvent exprimée sans détour [14]. Il est évident que la famille doit être informée du déroulement de l’intervention, des organes prélevés, de la manière dont sera restitué le corps qui sont des questions fréquemment posées. Cependant, l’équipe soi- gnante doit savoir se limiter dans la quantité et le type d’informations à transmettre à la famille, le risque de choqueroudetransmettredes imagesnégatives auxper- sonnesnoninitiéesdanscedomainepouvantconduireàun refus.

L’Espagneestunmodèledansledond’organes:letaux de prélèvement en Espagne est passé de l’un des plus faiblesaumondeauplusélevéentre1990et2000,soitde 14à 35donneurs par million d’habitants (pmh). En 2011, l’Espagneaenregistréuntauxde35,3pmh,contre28,1au Portugal,26aux États-Unis, 25enFrance, et14,7enAlle- magne.

PourTuppinetal.,2010[15],ladifférencedetauxdepré- lèvemententrelaFranceetl’Espagneétaitprincipalement liéeàlamoindreoppositionauxprélèvementsenEspagne où le taux d’opposition était autour de 15% alors qu’en Franceil estrestéconstantautourde30% depuisplusde 10ans.

Lesclésdecettecroissanceontétémultiples:

• renforcementdeladétectiondesdonneurspotentiels;

• renforcementdes moyensrelatifsàl’aborddesfamilles pour le prélèvement. En effet, même si la loi prévoit leconsentementprésumédudéfunt,enpratique,l’avis des familles est toujours demandé comme c’est le cas en France. Cependant, les coordinateurs sont à la fois trèsformésàcesaspectspsychologiques,ontdeseffec- tifsadéquatepourproposerunaccompagnementdedurée suffisante,etsontégalementtrèsmobilisésdanslesens del’obtentiondel’accord.Le nombredecoordinateurs aaugmenté.Ilsbénéficientdeformationsimportantesà touslesniveaux,notammentencequiconcernel’abord desfamilles;

• politiquedecommunicationmassivedelonguedate,qui a permis une sensibilisation à la fois des médias, du grand public et des professionnels de santé à la cause du don d’organe. Les transplantations sont ainsi mieux comprisesetmieuxacceptées,àtouslesniveaux.Notam- ment, les freins psychologiques qui pouvaientpersister parmilesprofessionnelsdesantéontétélargementlevés [16].

Perspectives

Lesplansd’actions afind’améliorerlesrésultatssont mul- tiples.Surleplaninternational,lacréationdel’Organisation nationale de transplantations a permis de considérer l’Espagnecommeunmodèleàsuivre.Un«guidedebonnes pratiques»,aétémisenplacerécemmentaprèsavoirras- semblélesméthodesjugéeslesplusefficaces.Deplus,avec laRésolutiondeMadrid,en2010,l’Organisation mondiale delasantéadécidédedévelopperofficiellementlemodèle espagnol au niveau mondial. Enfin, la Commission euro- péenneaégalementchoisil’Espagnepourmenerunprojet

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decoordinationdesdonsd’organesenEurope.LeRoyaume- Uni,laFranceetlesPays-Bassontégalementimpliquésdans ceprogramme.

En France, en complément des recommandations sur l’aborddesprochesdesujetsenétatdemortencéphaliques publiées en 2007 [17], l’agence de la biomédecine pro- posedepuis2010ensupplémentdelabasededonnéesdéjà existante («Cristal donneur»), une boîte à outilsappelée

«Cristal action». Ce programme permet, en analysant la potentialité du don et la prise en charge des donneurs danschaquecentredeprélèvement,demettreenplacesi nécessairedesactionsadaptées.Unoutild’analysedesdon- nées appeléInfoservice,permetd’extraireles principales statistiques descriptives de l’activité de dons d’organe: potentialitédudonparservice,déroulementdesentretiens, raisons de non-aboutissement du processus. Les résul- tats sont directement exploitables permettant un retour d’information aux équipes. Ces outils s’intègrent dans le

«plangreffe2012—2016»lancéparleministèredelaSanté enmars2012.

Afin d’améliorer ces taux de refus, il conviendrait de s’attacherauxcausesqu’ilsembleplusaisédefairedimi- nuer avec en particulier l’image du corps du défunt, la défiance contre le corps médical, ou l’indifférencevis-à- visdu don d’organe, pour lesquellesles informationslors de l’entretien avec les familles mais aussi en aval sur la population générale ont un impact majeur. Certaines causes semblent cependant plus difficiles à améliorer en peu de temps, et en particulier celles en rapport avec le décès ou le défunt lui-même comme l’âge jeune, la brutalitédudécèsouledénidelamort.Laprisededéci- sion de don est facilitée si le défunt a fait connaître de son vivant sa volonté de donner ses organes. Il est donc primordial de faire connaître sa volonté à ses proches, pour qu’ils puissent en témoigner, ceux-ci étant les der- niers décisionnaires souvent désemparés au moment du décès.

En attendant une répercussion positive de ces plans d’action,d’autressolutionssontmisesenplacepourpalier aumanquedetransplantscommel’optimisationdelaprise enchargedesdonneursafind’améliorerlaqualitédestrans- plantscadavériques,ledéveloppementdesprélèvementsà cœurarrêté, maissurtoutparlapromotiondestransplan- tationsàdonneurvivantquidonnentàcejourlesmeilleurs résultats[18].

Cette étude était rétrospective avec des donnéescol- lectées par questionnaire. La limite la plus importante a étél’absencededonnéesconcernantladuréederéflexion laisséeauxfamillesentrel’annoncedudécèsetladécision finalederefus.

Conclusion

Lesraisonsderefusdeprélèvementd’organesétaientprin- cipalementliées à la représentation du corps du défunt, labrutalitédudécès,l’âgejeune dudéfuntetledénide lamort.L’entretienavecla famille étaitunélémentcru- cial.Unemeilleure formationdeséquipes decoordination deprélèvementbaséesurcesrésultatspourraitaideràdimi- nuerletaux derefus.Parailleurs, lesactionspréventives d’informationdugrandpublicsontàpoursuivre.

Déclaration d’intérêts

Lesauteursdéclarentnepasavoirdeconflitsd’intérêtsen relationaveccetarticle.

Annexe A. Matériel complémentaire

Les matériels complémentaires (Annexes 1—3) accompa- gnant la version en ligne de cet article sont dispo- niblessurhttp://www.sciencedirect.cometdoi:10.1016/j.

purol.2013.08.318.

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Références

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