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Je suis difficile

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Academic year: 2023

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Texte intégral

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17 mai.

Seigneur ! que votre volonté sur moi s’accomplisse. Mes yeux cherchent à quoi vous me destinez et ne le voient pas encore.

Le monde me tente.

26

mai.

Je vais comme Lacordaire, parcourant le monde à la recherche d’un ami... Je suis difficile.

Les amis véritables savent pardonner, mais ils savent aussi corriger par la douceur et la persuasion les défauts dont ils voudraient nous débarras- ser - s’ils ne le font pas, ils sont ou nos esclaves ou nos ennemis.

Je voudrais que Dieu me donne pour ami un cœur comme celui de Jean du Plessis

...

29 mai, vocation.

Question capitale : ai-je la volonté d‘être prêtre ? 1) L‘ai-je voulu ?

Cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Sans pourtant me fier à ce que je pourrais en dire aujourd‘hui, voyons ce que j’en disais dans mes pre- mières années de séminaire.

-

Le 2 3 décembre 1922, j’écris après l’émotion de l’assistance à une première messe : (( Faites, Jésus, qu’un jour, moi aussi, je m’avance vers les autels divins et que j’en monte les degrés. D

Mais n’y a-t-il pas là plus sensibilité que volonté ? Ce serait à craindre.

-

Le 7 janvier 1923, voici que je note : ((

...

Pourrais-je résister aux tentations continuelles

?...

))

- 22 février 1923 : c’est l’ordination de deux prêtres. Je trouve :

(( Deux prêtres de plus

...

Et moi

?...

B - Y a-t-il doute de ma vocation ?

- LE

17 juin 1923, encore après une ordination sacerdotale, j’écris :

(( Oh ! cet idéal de splendeur atteint ! Qu’il est noble, ce but ! Quand

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donc sera-ce mon tour ? Jamais, je crois, je n’ai tant désiré être à ce jour où une aurore éclatante se lèvera sur mon âme ! Hélas ! il y a encore sept longues années à faire ! Où est la couronne ? Où

?...

))

-

5

février 1924 : ((Je veux travailler pour devenir un prêtre savant. D

Autre constatation importante : ce n’est plus : T u es prêtre éternelle- ment, mais : (( T u es poète éternellement )) que j’entends (15 février 1924).

2) Est-ce que je continue à vouloir être prêtre ?

Puis-je dire aujourd’hui : ((Je veux devenir prêtre )) ? Je ne le crois Pas-

Soulager les misères dans toute leur horreur, abandonner son temps à un ministère qui absorbe tout, s’oublier soi-même pour n’appartenir qu’aux autres, je ne m’en sens pas capable.

31 mai, Pentecôte.

J’ai soumis ces pages à mon directeur. Je retiens comme résultat cette phrase : a Vous n’avez aucune raison de croire que vous n’avez pas la vocation. ))

23juin.

Encore quelques heures et je partirai pour la France. Trois mois de liberté, où je dois montrer l’homme qu’il y a en moi.

Sjuillet.

Nous fûmes retardés d‘une nuit pendant notre traversée

d‘Ai-

ger-Marseille.

Vers deux heures de l’après-midi, une légère brume commença à cou- rir avec les flots légers. Peu à peu elle s’épaissit, voila l’horizon, nous encercla, nous ensevelit. Le bateau ralentit sa marche ; soudain, sa sirène appela lugubrement. Le brouillard, qui maintenant tombait sur nous par lentes ondulations, ouatait le bruit

...

Puis la nuit vint. Le navire s’était arrêté : le port était proche. Alors, à courts intervalles, la voix rauque et troublée de la sirène essayait de percer la brume. Une fois, une autre sirène lui répondit dans le froid humide qui pleuvait sur nous.

O n devinait un autre bâtiment à bâbord. Une lumière filtra dans l’om- bre. Les cris se faisaient plus fréquents et plus longs. Une masse surgit à cinquante mètres de nous ; elle était effrayante dans la nuit. La plainte apeurée d u n e femme vint nous serrer le cœur. La masse noire où trem- blaient des lumières se perdit, ombre dans l’ombre. Je pensai au Styx...

La nuit fut triste. O n comptait les heures. Au petit jour, brusque- ment, le brouillard s’effaça. Le soleil souriait.

Nous étions au port une heure après.

10

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I O juiLlet.

Mauvaise nouvelle aujourd‘hui. Mon curé a reçu son change- ment. Lévigny n’aura plus de prêtre. Lévigny ne l’a pas volé.

I 2 juillet.

Pauvre France !... Mon Dieu, quel miracle il faudra pour nous sauver ! O n tue les honnêtes gens, on les poursuit en justice parce qu’ils dénoncent le mal et les fautifs, on protège les crapules et les traîtres ! Ignoble République ! Ramassis d‘ordures ! Poubelle démocratique !

Je suis heureux de voir les progrès que fait l’Action française et quelle influence elle a sur les jeunes gens cultivés, chrétiens, ardents, patriotes.

Tout à l’heure, un quartier-maître de la marine me disait : (( Sur le

Colmar,

il y a trente-six sous-officiers : vingt-sept sont d‘A. F. Quant à moi je ne puis pas porter la Fleur de Lys sur mon uniforme ; je l’ai dessous ! ))

I 3 juiLlet.

Ce soir, on carillonne le 14 juillet, la grande fête républicaine ! O n n’a pas sonné d’angélus. Je préfere

...

Pauvres cloches ! En être rédui- tes à cela! Vous suivez, que voulez-vous, les humeurs des hommes, et notre bonne mère Marianne est riche en caprices : plus ils vont contre 1’Eglise et la Patrie, plus ils lui plaisent. Gueuse de République !

[Relire

ces

lignes quelques années plus tard, quelle curiosité

! Ah ! ne sourions

pas de

nos

enthousiasmes

passés

!...

1 O

mai

19301

14 juilLet, La volupté des yeux.

La lumière (( pénètre en moi avec une telle force que, si elle m’est soudainement enlevée, je la désire et je la cherche, et que, si elle est absente longtemps, mon âme en est contris- tée )) (saint Augustin).

I1 est facile de comprendre ce que dit saint Augustin lorsqu’on vit comme lui dans un pays où règnent la lumière et le soleil. Les paroles de l’Africain m’appartiennent aussi. Je suis né, j’ai grandi dans cette lumière intense et parfois brutale des côtes algériennes ; lumière jetée brusquement dès l’aube sur les flots, les baies, les villes, qui ne s’éteint avec peine et aussi brusquement qu’avec la disparition du soleil ; lumière qui transforme tout, assainit tout, immatérialise ce qu’elle baise à ses premiers rayons, tout frais de joie enfantine, et n’est cependant qu’un faible reflet de la Lumière divine où nous vivrons Là-haut ! Lumière du ciel d‘orient, qui surprend et blesse les Occidentaux guère habitués à de telles images. L’enfant qui est né dans la fête quotidienne que

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qu’elle infuse. Et comme on la regrette lorsque, exilé

-

car c’est parfois un véritable exil! - dans des continents où ne sourit plus le ciel, on s’attriste et languit. (( Si elle est absente pour longtemps mon âme en est contristée. D

2 1 juillet.

Hier je fis la connaissance d‘olivier Messiaen, fils de Pierre Messiaen, professeur au lycée Charlemagne à Paris. Excellent musicien, artiste qui se révèle déjà, Olivier n’a que seize ans et vient d’obtenir au Conservatoire de Paris le premier prix d‘accompagnement. Délicat, réservé, parlant peu de lui. La timidité lui donnerait quelques manières guindées, mais peu à peu toute gêne s’efface. Aujourd’hui, j’ai accompa- gné mon lauréat à Ville-sur-Terre ; durant deux heures, il fut au piano.

Si je n’avais pour le juger que ces morceaux qu’il nous a déroulés, je pourrais dire que c’est un exécutant de premier choix : ses paroles et ses improvisations dévoilent l’artiste.

Charmant après-midi. Le soleil était déjà couché quand nous par- tîmes.

Un vague demi-jour teint le dôme éternel.

Quel plaisir j’éprouvai à parler des grands littérateurs de notre temps, avec un homme qui les connaît et qui les voit

-

Charles Maurras, Jacques Bainville, et d‘autres, Lucien Dubech, Eugène Marsan, Barrès.

O n écouta l’angélus qui sonnait à la tour de Lévigny. Les alouettes chantaient encore dans la brume. Les insectes du soir tournoyaient autour de nous avec un bruit de cigales. L’église de Fuligny pointait sa flèche dans le côté du ciel orange et pourpre où le soleil avait disparu.

Vers dix heures du soir, l’âme en fête, je revins à toutes pédales chez nous - maman était couchée, abattue par une crise

...

O fragilité de la joie humaine !

26juillet.

Hier j’ai accompagné à Bar-sur-Aube Olivier Messiaen. Nous avons été presque une journée tout entière à l’orgue de l’église Saint- Maclou. Quels délicieux instants ! J’ai goûté en particulier les fugues et les préludes de Bach que mon jeune musicien interprète merveiiieuse- ment. Lorsque l’heure du départ arriva, une dame me dit : (( Cette musi- que, c’est à vous faire perdre la notion du jour ! B Je rectifiai : (( J’en perdrais plutôt la notion de la nuit : c’est de la lumière qu’on croirait voir descendre du ciel

...

N

Olivier Messiaen est un jeune homme avec qui je sympathiserais beaucoup; mais sympathie suppose réciprocité. Je suis trop petit et d’origine trop basse

-

non : pas basse, ordinaire. Alors

...

I1 ne faut pas

12

(5)

insister quand on n’est pas soi-même quelqu’un : or, je suis loin d’être

(( quelqu’un n...

1

G septembre.

Douce et heureuse surprise.

Je suis premier prix du concours du

Lien,

(( Un saint de chez nous »,

avec mon

Pèlerinage

à

Sainte-Germaine.

Ce matin, en recevant la revue, je vois mon nom s’étaler au sommaire.

J’ai le premier prix de la section des grands séminaristes, moi qui, pour un grand séminariste, suis relativement jeune ! Mon travail est publié en entier. J’en ai remercié de suite Notre-Seigneur, Notre Dame et sainte Germaine ! J’en éprouve grande et pure joie, mais pas d’orgueil.

Orgueil de quoi

?...

Un orgueilleux est un sot. S’il n’est pas sot en lui- même, il est sot d’être orgueilleux.

Seigneur, augmentez ma paix. Mon amour pour vous n’est pas assez fort. Lorsque de vertigineuses farandoles tournent dans mes rêves, mon cœur se trouble. Et si je vous avais tout donné, je ne craindrais pas ces visages tentateurs..

.

Mon Dieu, vous seul pouvez nous donner la paix. Faites taire tous les pantins sinistres qui nous parlent de paix et qui veulent d’abord éteindre les étoiles de notre foi.

I1 me faut avouer que je réponds bien mal à la question que vous me posez : (( Ami, qu’es-tu venu faire ici

?... Amice, ad quid venisti

? )) Je suis tout près de vous

-juxta te

- et je ne sais pas ce que je viens faire

...

Mercredi 25 novembre.

Enfin je crois que cette fois-ci les amarres sont coupées avec Lévigny. Je suis fort heureux. Je viens d’apprendre que papa a vendu la maison pour 21 500 francs.

29 novembre.

J’entends, dans le soir déjà tombé, l’averse qui cingle les vitres de ma fenêtre. Je voudrais, comme l’un de ces petits torrents nés de la pluie, courir me jeter en vous, Océan de Vie et d’Etre. Tandis que je suis comme le ruisseau paresseux qui chante et folâtre, et s’arrête parfois, et est bu par le terrain aride où son imprudence l’a guidé.

Noël, nuit du 24-25 décembre.

Mon Dieu, je voudrais avoir un cœur bien chaud pour vous parler devant la crèche ; mais je ne sens pas en moi d’émotion. N’importe. C’est ma foi qui vous parle et non ma sensi- bilité. Les bases sur lesquelles celle-là s’appuie sont moins gracieuses et

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moins prenantes que les effets de celle-ci ; elles sont plus solides. C‘est ce que je désire, moi qui cherche par-dessus tout le Vrai.

Je veux vous dire que je ne vois guère bien l’étoile qu’un jour vous m’avez ordonné de suivre. Le ciel est couvert ; je ne connais pas les pays que je traverse et la marche m’est pénible.

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