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COMPTERENDUINTÉGRAL SÉNAT

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(1)

SÉNAT

JOURNAL OFFICIEL DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

COMPTE RENDU INTÉGRAL

Séance du jeudi 6 mai 2010

(95

e

jour de séance de la session)

7 771051 009504

(2)

S O M M A I R E

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD FRIMAT

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine, M. François Fortassin.

1. Procès-verbal(p. 3151)

2. Dépôt d'un rapport du Gouvernement(p. 3151)

3. Élimination des armes à sous-munitions.Adoption d'un projet de loi(Texte de la commission) (p. 3151)

Discussion générale : M. Hervé Morin, ministre de la défense ; Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Robert Hue, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. François Fortassin, Mme Bernadette Dupont, M. Jacques Muller.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er(p. 3158) M. Jacques Muller.

Amendement n° 4 de M. Jacques Muller. – M. Jacques Muller, Mme le rapporteur, M. le ministre, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Jean-Louis Carrère.–Rejet.

Amendement n° 5 de M. Jacques Muller. – M. Jacques Muller, Mme le rapporteur, MM. le ministre, Jean- Louis Carrère.–Retrait.

Amendement n° 1 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga.– Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Amendement n° 2 de M. Robert Hue.–M. Robert Hue.

Mme le rapporteur, MM. le ministre, Jean-Louis Carrère, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Hue, Jacques Muller.–Rejet des amendements nos1 et 2.

Amendements nos6 et 7 de M. Jacques Muller.–M. Jacques Muller, Mme le rapporteur, M. le ministre.–Retrait des deux amendements.

Amendement n° 8 de M. Jacques Muller. – M. Jacques Muller.

Amendement n° 3 de M. Robert Hue.–M. Robert Hue.

Mme le rapporteur, M. le ministre, Mme Monique Cerisier- ben Guiga, M. Jacques Muller.–Rejet des amendements nos8 et 3.

Adoption de l'article.

Article 1er bis.–Adoption (p. 3168) Article additionnel après l'article 1erbis (p. 3168) Amendement n° 9 de M. Jacques Muller. – MM. Jacques

Muller, Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères ; Mme le rapporteur, M. le ministre, Mme Monique Cerisier-ben Guiga.–Retrait.

Articles 2 à 5.–Adoption (p. 3169) Vote sur l'ensemble (p. 3169)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Robert Hue, Jacques Muller, Jean-Louis Carrère, Robert del Picchia, le ministre.

Adoption du projet de loi.

4. Lutte contre la piraterie et police de l’état en mer.Dis- cussion d'un projet de loi(Texte de la commission)(p. 3170) Discussion générale : MM. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants ; André Dulait, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

Mme Michelle Demessine, MM. Yves Pozzo di Borgo, Didier Boulaud, Yvon Collin, André Trillard, René Beaumont, François Fortassin.

Clôture de la discussion générale.

Suspension et reprise de la séance(p. 3182)

PRÉSIDENCE DE M. ROLAND DU LUART 5. Questions d'actualité au Gouvernement(p. 3183)

COMPÉTITIVITÉ DE L'AGRICULTURE(p. 3183)

MM. Daniel Dubois, Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire.

SUPPRESSION DE L'OCTROI DE MER(p. 3184)

M. Serge Larcher, Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.

CRISE GRECQUE(p. 3185)

Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

CRISE GRECQUE(p. 3186)

M. Philippe Marini, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

(3)

ACCORD COMMERCIAL UNION EUROPÉENNE ET AMÉRIQUE DU SUD (p. 3187)

M. Daniel Marsin, Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.

SITUATION SOCIALE(p. 3188)

Mmes Raymonde Le Texier, Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville.

AFFAIRE DE NANTES(p. 3189)

Mmes Gisèle Gautier, Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.

OUTRAGE AU DRAPEAU FRANÇAIS(p. 3190)

MM. Jean-Pierre Cantegrit, Éric Besson, ministre de l'immi- gration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

ADOPTION EN HAÏTI(p. 3191)

Mme Bernadette Dupont, M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.

FISCALITÉ(p. 3192)

MM. Yves Daudigny, François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.

Suspension et reprise de la séance (p. 3194) 6. Modification de l'ordre du jour(p. 3194)

7. Commission mixte paritaire(p. 3194)

8. Lutte contre la piraterie et police de l’État en mer.Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi(Texte de la commission)(p. 3194)

M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.

Article 1er(supprimé)(p. 3195) Article 2 (p. 3195)

Amendement no2 de M. Didier Boulaud.– MM. Robert Badinter, André Dulait, rapporteur de la commission des affaires étrangères ; le ministre.–Rejet.

Adoption de l'article.

Articles 2biset 3 à 5.–Adoption (p. 3195) Article 6 (p. 3198)

Amendement no 1 rectifié bis de M. Didier Boulaud. – MM. Didier Boulaud, le rapporteur, le ministre, Robert Badinter.– Rejet.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 6 (p. 3200) Amendement no3 du Gouvernement.–MM. le ministre, le

rapporteur, Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères ; André Trillard, Didier Boulaud.– Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 7.–Adoption (p. 3201) Vote sur l'ensemble (p. 3201)

MM. Robert del Picchia, Didier Boulaud, Yves Pozzo di Borgo, le ministre.

Adoption du projet de loi.

9. Accord avec la Roumanie relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains.Adoption d'un projet de loi(Texte de la commission)(p. 3202)

Discussion générale : M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice ; Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

MM. Michel Billout, Nicolas About, Mme Catherine Tasca, M. Robert del Picchia, Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme le rapporteur, M. le secrétaire d'État.

Clôture de la discussion générale.

Adoption, par scrutin public, de l'article unique du projet de loi.

10. Conventions internationalesAdoption de trois projets de loi selon la procédure d’examen simplifié(Textes de la commission)(p. 3215)

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.

Accord avec la République tchèque relatif à la lutte contre la fraude aux prestations de sécurité sociale. –Adoption de

l'article unique du projet de loi.

Accord avec la Belgique relatif à la coopération et à l'entraide administrative en matière de sécurité sociale.–Adoption,

définitive, de l'article unique du projet de loi.

Accord avec la Chine sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.–Adoption, définitive, de

l'article unique du projet de loi.

Suspension et reprise de la séance(p. 3216)

PRÉSIDENCE DE M. ROGER ROMANI

11. Loi de finances rectificative pour 2010.Adoption définitive d'un projet de loi(p. 3216)

Discussion générale : Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ; MM. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État ; Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Jean Arthuis, président de la commission des finances.

(4)

M. Denis Badré, Mme Nicole Bricq, MM. Daniel Marsin, Bernard Vera, Robert del Picchia, Pierre Bernard- Reymond.

Mme la ministre, M. le ministre.

Clôture de la discussion générale.

Question préalable (p. 3235)

Motion no18 de M. Bernard Vera.–MM. Michel Billout, le rapporteur général, Mme la ministre.–Rejet par scrutin public.

PREMIÈRE PARTIE(p. 3237)

Articles additionnels avant l'article 1er(p. 3237) Amendement n° 1 de M. Bernard Vera. – MM. Bernard

Vera, le rapporteur général, Mme la ministre.– Rejet.

Amendement n° 2 de M. Bernard Vera. – Mme Marie- France Beaufils.–Rejet.

Amendement n° 3 de M. Bernard Vera.–M. Michel Billout.

–Rejet.

Amendements nos4 et 5 de M. Bernard Vera.–M. Bernard Vera.– Rejet des deux amendements.

Amendement n° 6 de M. Bernard Vera. – Mme Marie- France Beaufils.–Rejet.

Amendement n° 7 de M. Bernard Vera.–M. Michel Billout.

–Rejet.

Amendement n° 8 de M. Bernard Vera.–M. Bernard Vera.

–Rejet.

Amendement n° 9 de M. Bernard Vera. – Mme Odette Terrade.–Rejet.

Amendement n° 17 rectifié de Mme Marie-Agnès Labarre.– Mme Marie-Agnès Labarre, M. le rapporteur général.– Rejet.

Article 1er(p. 3242) Mme Marie-Agnès Labarre.

Amendement n° 10 de M. Bernard Vera.–M. Bernard Vera.

– Retrait.

Amendement n° 12 de M. Bernard Vera. – Mme Odette Terrade, M. le rapporteur général, Mme la ministre. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 1er(p. 3244) Amendement n° 13 de M. Bernard Vera. – Mme Marie-

France Beaufils, M. le rapporteur général, Mme la ministre.–Rejet.

Article 2 et État A.–Adoption (p. 3245)

Adoption de l’ensemble de la première partie du projet de loi.

SECONDE PARTIE (p. 3246)

Article 3 A et État B.–Adoption (p. 3246) Article additionnel avant l’article 3 (p. 3250) Amendement n° 15 de M. Bernard Vera. – M. Michel

Billout.– Rejet.

Article 3 et État C (p. 3250) Mmes Marie-Agnès Labarre.

Adoption de l'article et de l’état annexé.

Article additionnel après l’article 3 (p. 3251) Amendement n° 16 de M. Bernard Vera. – MM. Bernard

Vera, le rapporteur général, Mme la ministre. –Rejet.

Vote sur l'ensemble (p. 3252)

M. Albéric de Montgolfier, Mme Marie-France Beaufils.

Adoption définitive, par scrutin public, du projet de loi.

12. Ordre du jour(p. 3253)

(5)

C O M P T E R E N D U I N T É G R A L

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD FRIMAT vice-président

Secrétaires : Mme Michelle Demessine,

M. François Fortassin.

M. le président.La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précé- dente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le Premier ministre a communiqué au Sénat le rapport sur la mise enœuvre du plan de relance de l’économie pour le premier trimestre 2010, en application de l’article 6 de la loi n° 2009-122 du 4 février 2009 de finances rectificative pour 2009.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des finances et sera dispo- nible au bureau de la distribution.

3

ÉLIMINATION DES ARMES À SOUS- MUNITIONS

ADOPTION D'UN PROJET DE LOI (Texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi tendant à l’élimination des armes à sous- munitions (projet n° 113, texte de la commission n° 383, rapport n° 382).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Hervé Morin,ministre de la défense. Monsieur le prési- dent, mesdames, messieurs les sénateurs, conçues pour disperser une grande quantité de projectiles explosifs, les

armes à sous-munitions constituent une grave menace humanitaire, à la fois sournoise et durable, car elles laissent sur le terrain une part significative de sous-munitions non explosées, mais aussi particulièrement lâche, car elles frappent avant tout les populations civiles.

La France est aux avant-postes dans la lutte contre ce fléau.

Elle a cessé d’utiliser ce type d’armes dès 1991 et d’en produire dès 2002, et elle a joué un rôle majeur dans l’élabo- ration de la convention d’Oslo, que nous avons signée le 3 décembre 2008 et ratifiée le 25 septembre 2009.

Nous avons largement anticipé l’entrée en vigueur de cette convention. D’une part, nous avons décidé, dès 2008, de retirer du service opérationnel 22 000 roquettes M26 à grenades du lance-roquettes multiple et 13 000 obus de 155 millimètres à grenades. Ces armes sont stockées en atten- dant d’être détruites, conformément aux prescriptions de la convention d’Oslo. D’autre part, nous avons présenté, dès le 25 novembre dernier, un projet de loi d’application en conseil des ministres, et c’est précisément ce texte qui vous est soumis aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs.

Madame le rapporteur, je tiens à vous féliciter de l’excellent travail que vous avez fourni. Vous vous investissez depuis longtemps sur le sujet des armes à sous-munitions et votre expertise nous a été extrêmement utile pour élaborer ce projet.

Monsieur le président de la commission, je tiens à vous remercier d’avoir permis que l’examen du texte en commis- sion se passe dans des conditions très satisfaisantes.

Ce projet de loi s’inscrit pleinement dans l’esprit et la lettre de la convention d’Oslo. Il témoigne de notre volonté de respecter rigoureusement les engagements souscrits par la France.

Il prévoit d’abord l’interdiction en toutes circonstances des armes à sous-munitions, qu’il s’agisse d’emploi, de mise au point, de production, d’acquisition, de stockage, de conserva- tion, de transfert, de fabrication, d’offre, de cession, d’impor- tation, d’exportation ou de commerce.

Cette interdiction s’accompagne de lourdes peines et de délais de prescription allongés, dérogatoires du droit commun. Elle s’accompagne également de la possibilité pour la France de poursuivre l’un de ses ressortissants, même si les faits n’ont pas été commis sur le territoire national et même s’ils ne sont pas punis par la législation du pays dans lequel ils ont été commis.

Le texte prévoit aussi la destruction par les armées de leur stock d’armes à sous-munitions dès que possible, dans un délai de huit ans à compter de l’entrée en vigueur de la convention.

Cette destruction sera entièrement financée par le ministère de la défense, pour un coût estimé entre 20 millions et 30 millions d’euros. Elle sera achevée pour nous en 2016.

(6)

Conformément aux modalités de la convention, le texte autorise néanmoins la conservation d’un stock d’armes à sous-munitions. Ce stock sera limité aux besoins strictement nécessaires aux activités de formation et de mise au point de techniques de détection, d’enlèvement ou de destruction des armes. Nos sapeurs doivent pouvoir continuer à se former sur ce type d’armes.

Enfin, le projet de loi tend à proposer un suivi rigoureux des stocks d’armes à sous-munitions. D’une part, les compétences de la Commission nationale pour l’élimination des mines antipersonnel, la CNEMA, seraient étendues au suivi de la loi d’application de la convention d’Oslo. D’autre part, le ministère des affaires étrangères serait chargé de réaliser un compte rendu annuel destiné au secrétariat général de l’ONU.

Le ministère de la défense apporterait évidemment tout son concours à cet exercice.

Naturellement, conformément aux modalités de la conven- tion d’Oslo, ce projet de loi n’interdit pas les actions de coalition avec des pays non signataires. C’est un point essen- tiel si nous voulons convaincre nos alliés de nous rejoindre dans notre engagement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la France, qui est déjà signataire de la convention d’Ottawa sur les mines antiper- sonnel, est fière d’être aujourd’hui au premier rang des grands pays qui s’engagent dans ce domaine.

Cette exemplarité, nous sommes déterminés à en faire preuve en matière d’armes à sous-munitions. Avec ce projet de loi, nous avons l’opportunité de contribuer plus efficace- ment à la lutte contre ce fléau. Nous disposons également d’un atout majeur pour convaincre nos partenaires de nous rejoindre dans ce combat. La France est ainsi au rendez-vous de la responsabilité et de l’humanisme.(Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président.La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam,rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collè- gues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui constitue la traduction concrète de l’engagement de la France en faveur de l’élimination d’armes qui ont causé, de par le monde, des dommages humanitaires considérables.

Je ne reviendrai pas sur un constat que nous avons déjà pu dresser à plusieurs reprises, que ce soit dans le rapport d’infor- mation que j’avais présenté dès 2006 avec mon collègue Jean- Pierre Plancade ou lors de la discussion devant notre assem- blée de la convention d’Oslo, en septembre dernier. Rappe- lons simplement que, en raison de leurs caractéristiques, de leur mode de fonctionnement, de la manière dont elles ont été utilisées par certaines armées, les armes à sous-munitions ont provoqué de manière durable des conséquences désastreuses et inacceptables sur les populations civiles, notamment les enfants, dans de nombreuses zones de conflit.

La convention d’Oslo représente une très grande avancée du droit international humanitaire, puisqu’elle pose le principe d’interdiction de ces armes, à l’exception de celles qui répondent à des critères extrêmement précis et stricts garantissant un effet circonscrit aux objectifs militaires.

C’est avec une très grande satisfaction que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a accueilli ce projet de loi de transposition en droit interne de la convention d’Oslo. En effet, nous avons constaté que le Gouvernement avait très fidèlement veillé à reprendre les

obligations découlant de la convention, ce qui traduit la volonté de la France d’en appliquer pleinement toutes les dispositions. Nous nous sommes également félicités de la rapidité avec laquelle la France entend mettre en œuvre cet instrument.

La France a retiré du service les armes interdites par la convention avant même que cette dernière soit signée. Elle a été le vingtième État à la ratifier, neuf mois à peine après sa signature, et nous prenons dans la foulée les mesures légis- latives nécessaires.

Nous souhaitons évidemment que l’Assemblée nationale puisse très prochainement examiner ce texte après le vote du Sénat aujourd’hui. Cela permettrait en effet une promul- gation de la loi avant le 1eraoût prochain, date à laquelle la convention d’Oslo entrera en vigueur dans tous les États qui l’ont ratifiée.

Ce projet de loi est un texte bref qui vise à insérer un nouveau chapitre dans la partie du code de la défense relative aux armes interdites. Ce chapitre relatif aux armes à sous-munitions vient à la suite de celui qui est consacré aux mines antipersonnel, sur lequel il est largement calqué.

Le projet de loi retient un champ d’interdiction rigoureu- sement conforme à celui de la convention d’Oslo, renvoyant à celle-ci pour la définition des armes prohibées. Il reprend la clause de la convention relative à l’interopérabilité. Cette clause exclut que la participation à une opération militaire internationale aux côtés d’un pays possédant ou utilisant des armes à sous-munitions tombe sous le coup de l’interdiction, sous réserve qu’il n’y ait pas d’implication dans leur mise en œuvre.

Il s’aligne également sur la convention en ce qui concerne les délais de destruction et il précise le nombre très réduit d’armes prohibées que certains services de l’État pourront conserver, conformément à cette dernière, pour la mise au point des techniques de détection et des contre-mesures et pour la formation au déminage.

Le projet de loi met en place le régime de déclaration auprès du ministère de la défense des armes à sous-munitions détenues, qu’elles soient destinées à être détruites ou à être conservées aux fins de recherche et de formation. Il habilite certains agents du ministère de la défense, ainsi que les fonctionnaires des douanes, à constater les infractions.

Enfin, le régime pénal rigoureux prévu par le texte est analogue à celui qui existe pour les mines antipersonnel. Il lève le principe de double incrimination, ce qui permettra de réprimer les infractions à la loi française commises à l’étranger par un ressortissant français, même si l’État concerné ne possède pas de législation équivalente.

Le texte élaboré par la commission, sur lequel nous délibé- rons aujourd’hui, incorpore neuf amendements au texte initial du Gouvernement.

Outre quelques amendements d’ordre rédactionnel ou de précision, nous avons voulu compléter la définition des armes interdites, afin d’y inclure les petites bombes explosives, que la convention assimile aux armes à sous-munitions.

Il nous a paru également souhaitable de mentionner dans la loi, comme le fait la convention, que la destruction des armes interdites interviendra « dès que possible ». À cet égard, je me félicite, monsieur le ministre, que vous ayez confirmé devant la commission votre intention d’achever cette destruction en 2016, deux ans avant la date butoir prévue.

(7)

Je rappelle qu’il s’agit de démanteler environ 35 000 obus ou roquettes comprenant près de 15 millions de sous- munitions. Nous sommes sensibles à l’engagement du Gouvernement sur ce point, d’autant qu’il implique un coût de l’ordre de 20 millions à 30 millions d’euros pour le budget de la défense. Nous espérons bien évidemment qu’une filière française de démantèlement pourra être mise en place, à défaut de quoi ces marchés devraient être confiés à des indus- triels étrangers, ce qui serait bien évidemment regrettable.

La commission a également souhaité mentionner à l’article 5, relatif à l’entrée en vigueur de la loi, la date du 1er août 2010, qui est celle d’entrée en vigueur de la convention, afin de marquer notre souhait d’un achèvement rapide du processus législatif.

Enfin, nous avons adopté un article additionnel, qui permettra d’élargir les attributions de la Commission natio- nale pour l’élimination des mines antipersonnel, la CNEMA.

Regroupant des parlementaires –j’ai l’honneur d’y repré- senter le Sénat –, des responsables du ministère des affaires étrangères et du ministère de la défense ainsi que des repré- sentants de la société civile–je pense notamment aux repré- sentants des organisations internationales, qui ont beaucoup milité en faveur de ce texte –, la CNEMA constitue une instance de concertation et de suivi particulièrement utile pour la mise en œuvre de la convention d’Ottawa sur les mines antipersonnel. La commission a considéré qu’elle avait naturellement vocation à assurer le même type de travail pour la mise en œuvre de la convention d’Oslo, puisque beaucoup de problématiques sont connexes, notam- ment le déminage et l’assistance humanitaire.

Pour conclure, je voudrais me féliciter du chemin parcouru en quelques années, depuis la lente prise de conscience suscitée par les organisations humanitaires, auxquelles je rends à nouveau hommage, jusqu’au lancement du processus d’Oslo, en 2007, à la conclusion de la convention et à l’examen, aujourd’hui, de ce projet de loi.

Je voudrais également souligner l’engagement de la France dans ce combat, engagement d’autant plus significatif que, à la différence de beaucoup d’États signataires, notre pays est un acteur militaire de premier rang, engagé et exposé sur de nombreux théâtres d’opérations.

L’adoption du projet de loi mettant enœuvre la convention d’Oslo ne saurait toutefois constituer qu’une étape. Beaucoup reste malheureusement à accomplir en matière de déminage et d’aide aux victimes dans les régions affectées par les sous- munitions. Je pense non seulement au Sud-Liban, gravement frappé lors du conflit de 2006, mais également aux pays du Sud-Est asiatique où les conséquences de l’emploi des armes à sous-munitions continuent à se faire sentir plus de trente-cinq ans après la fin de la guerre du Vietnam.

Il nous faut œuvrer sans relâche à l’universalisation de la convention. Actuellement, 90 % du stock mondial d’armes à sous-munitions est détenu par des États non-signataires. Il est donc indispensable de convaincre certains de nos partenaires internationaux actuellement attentistes ou réticents, tels que les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil, le Pakistan, Israël, la Turquie, ou même certains États de l’Union européenne comme la Finlande, la Grèce, la Pologne ou la Roumanie.

C’est donc en ayant pleinement conscience du chemin restant à parcourir que, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je vous demande, mes chers collègues, d’adopter ce projet de loi.(Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président.La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec le projet de loi tendant à l’élimination des armes à sous-munitions que nous examinons ce matin, nous arrivons au terme d’un long processus qui marque une importante avancée du droit humanitaire inter- national, en particulier concernant la protection des popula- tions civiles, qui sont les principales victimes de ces armes.

Nous devons maintenant adapter dans notre droit national les dispositions de la convention dite d’Oslo.

Lors de l’examen du projet de loi autorisant la ratification de la convention sur les armes à sous-munitions, ici même en septembre dernier, j’avais eu l’occasion d’évoquer le lent cheminement de plusieurs années qui avait été nécessaire pour aboutir à cette étape significative sur la voie du désar- mement.

J’avais également souligné le rôle déterminant joué par les organisations non gouvernementales, sur le plan tant national qu’international, pour sensibiliser les opinions publiques à cette cause et pour peser sur les décisions des gouvernements.

Je ne reviendrai pas sur ces points, car il ne s’agit pas ce matin de rappeler des thèmes que nous avons déjà évoqués, notamment en septembre dernier.

En revanche, il convient d’apprécier à sa juste valeur le résultat de tous ces efforts. Je voudrais notamment relever le rôle très positif joué par notre pays tout au long de ce processus, bien qu’il ait souvent dû être aiguillonné par des organisations non gouvernementales telles que Handicap international, la Croix-Rouge ou bien encore Amnesty Inter- national, comme c’est d’ailleurs leur rôle.

Pour ne prendre que la dernière période, nos armées ont retiré du service les armes interdites par la convention bien avant la signature de cette dernière.

La France a très rapidement ratifié cette convention, et nous examinons les mesures législatives nécessaires à son applica- tion avant même la date de son entrée en vigueur sur le plan international.

Je reconnais volontiers que cela témoigne concrètement de la volonté, conforme à nos valeurs républicaines, de parvenir à l’élimination totale de ces armes tellement contraires au droit humanitaire.

L’affirmation de cette volonté pèse d’un grand poids à travers le monde quand on sait non seulement le rôle que joue notre pays sur le plan international en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, mais aussi la place qu’il tient parmi les grandes puissances militaires.

Globalement, ce projet de loi d’adaptation dans notre droit national traduit fidèlement l’ensemble des avancées positives contenues dans la convention d’Oslo, que ce soit à propos de mesures précises de transparence sur la destruction des stocks et la rétention de ce type d’armes, de sanctions pénales fortes ou bien encore de l’établissement d’une juridiction extraterri- toriale permettant de sanctionner ces activités commises à l’étranger par des ressortissants français.

(8)

Le projet de loi va même dans certains cas un peu plus loin, par exemple en élargissant la notion d’assistance aux activités illégales définies par la convention.

Notre commission a utilement précisé et complété quelques aspects portant sur les définitions, la destruction des stocks et surtout l’élargissement du champ d’intervention de la Commission nationale pour l’élimination des mines antiper- sonnel.

Cela étant, je regrette que, sur certains aspects, et non des moindres, le projet de loi qui nous est présenté ne soit pas plus précis et plus contraignant par rapport à certaines obligations contenues dans la convention.

Je comprends tout à fait que l’urgence soit aujourd’hui de convaincre les nombreux pays n’ayant pas encore signé ou ratifié cette convention–elle constitue un minimum –de le faire. J’estime pourtant que notre pays pourrait, avec d’autres, créer un effet d’entraînement en prenant quelques mesures importantes précisant certaines obligations. Je vise là très concrètement la question de l’interdiction des investissements et des financements par les États signataires des activités qui ont trait aux armes à sous-munitions.

En effet, la convention d’Oslo, dans le paragraphe 1(c), de l’article 1 permet implicitement d’interdire aux États signa- taires de financer ou d’investir dans des entreprises fabriquant ou commercialisant ces armes. Je dis « implicitement », car cela est évoqué de façon détournée par l’obligation faite aux États de ne pas « assister, encourager ou inciter quiconque à s’engager dans toute activité interdite » par la convention.

Ces formulations très générales entraînent une incertitude juridique qui permet de nombreuses interprétations de nature à échapper aux interdictions. Je regrette donc, monsieur le ministre, que l’on considère l’interprétation assez large de ces notions comme pouvant suffire à interdire partiellement ces financements.

Il me semble pourtant qu’il y a là une ambiguïté qu’il faudrait lever. Ce serait un acte très concret marquant davan- tage encore notre engagement dans le combat contre les armes à sous-munitions.

Il y a bien une ambiguïté dans cette position, car pourquoi affirmer une interdiction sans se donner tous les moyens de la faire respecter ? Par parenthèse, cette réflexion est également valable pour d’autres domaines de l’action gouvernementale.

Il est évident que le financement ou l’investissement dans ce type d’activités est l’une des conditions de leur existence. Dès lors, il faut que les choses soient clairement énoncées dans la loi.

Monsieur le ministre, écoutez ce que vous disent les associa- tions qui se préoccupent de cette question. Prenez également en compte l’une des recommandations formulées par cette haute autorité administrative indépendante qu’est la Commis- sion nationale consultative des droits de l’homme : « [...] afin de lever toute ambiguïté juridique sur le principe comme sur l’interprétation […], la CNCDH recommande d’inscrire de manière explicite dans la loi l’interdiction des investissements et financements, tant directs qu’indirects, dans des entreprises menant, même partiellement, des activités prohibées et liées aux armes à sous-munitions ».

Une telle mesure traduirait concrètement la ferme volonté de la France d’éliminer ces armes et permettrait de se mettre en conformité avec des réalités existant déjà dans notre pays et à l’étranger.

En France, par exemple, à la suite d’une action conjointe menée depuis 2006 par les branches françaises d’Amnesty International et de Handicap International, de grands groupes financiers et d’assurance se sont ainsi publiquement dotés de codes de bonne conduite excluant toute forme d’investissement ou de financement dans ce secteur.

Adopter une telle disposition législative ne pourrait donc que les conforter dans leur action.

Parallèlement, d’un point de vue strictement économique et non plus simplement éthique, la position de pays comme le Luxembourg et la Nouvelle-Zélande, qui ont interdit ces financements, ou comme la Suisse, l’Allemagne et les Pays- Bas, qui prévoient de le faire, devrait lever la crainte qu’a le Gouvernement de porter atteinte à la compétitivité de nos entreprises. Je réponds ainsi aux arguments que vous aviez avancés à l’époque.

Enfin, il faudrait à mon avis également compléter cette mesure par l’élargissement de la compétence extraterritoriale de nos juridictions à la possibilité de poursuivre des personnes morales pour ces délits. Tel est le sens des amendements que nous avons déposés sur ce texte.

En conclusion, monsieur le ministre, le groupe commu- niste, républicain et citoyen et des sénateurs du parti de gauche souhaite que vous preniez en compte ces remarques.

Compte tenu de l’importante avancée que représente globa- lement ce texte en faveur du droit humanitaire international, il votera le projet de loi tendant à l’élimination des armes à sous-munitions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président.La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par ce texte, la France avance dans un processus législatif visant à éliminer les armes les plus perverses dont l’usage cause des dommages physiques irréversibles à des populations civiles.

Au nom du groupe socialiste, je tiens à rendre hommage aux organisations non gouvernementales qui ont été à la pointe de ce combat : Handicap International, Amnesty Inter- national, la Croix-Rouge. Elles nous ont permis de mesurer à quel point il était urgent de mettre fin à une telle barbarie.

La loi du 21 septembre 2009 a autorisé la ratification de la convention sur les armes à sous-munitions. Il s’agissait de la première partie du processus initié avec la signature par la France de la convention multilatérale relative aux armes à sous-munitions, dénommée « convention d’Oslo », qui interdit l’utilisation, la production, le transfert et le stockage des armes à sous-munitions.

Compte tenu du grand nombre de pays ayant ratifié cette convention, nous pouvons espérer que celle-ci entre en vigueur dès le 1eraoût 2010. À l’instar de Mme le rapporteur, je pense souhaitable que le texte dont nous débattons aujourd’hui soit promulgué avant cette date.

Ce projet de loi constitue une avancée considérable pour la protection des populations civiles, qui sont les principales victimes de ces armes, et parfois très longtemps après la fin des hostilités. Nous approuvons donc la décision du Gouver- nement de le soumettre rapidement au vote du Parlement.

M. Jean-Louis Carrère.C’est rare !

(9)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Le tribut humain des armes à sous-munitions est bien trop lourd au regard du droit international. L’utilisation massive de ce type d’armes en Asie du sud-est par l’armée américaine et au Liban au cours de l’été 2006 par l’armée israélienne a suscité une véritable prise de conscience. Leur emploi dans des zones habitées et cultivées, conjugué à leur fort effet de dispersion, entraîne un pourcen- tage très élevé de victimes, notamment parmi les enfants, puisque de nombreux types de bombes ressemblent à des jouets.

Ce type d’armes fait subir aux populations civiles un risque majeur sur le long terme. En raison de leur taux de dysfonc- tionnement très important, elles restent sur le terrain où elles ont atterri sans avoir explosé et constituent, parfois des années après la fin des conflits, une menace quotidienne intolérable qui interdit, par exemple, la culture des terres.

Cette convention constitue un outil juridique international contraignant qui permet d’aller bien plus loin que les textes antérieurs, telle la convention du 10 octobre 1980 sur l’inter- diction ou la limitation de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets trauma- tiques excessifs ou comme frappant sans discrimination. Cette convention s’était révélée insuffisante.

La convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction, dite « convention d’Ottawa », constitue un modèle d’instrument juridique international contraignant.

Comme ma collègue Catherine Tasca l’avait déjà souligné en septembre 2009 à l’occasion de la discussion sur la ratifi- cation de cette convention, je veux saluer le choix de Lionel Jospin, lors de son arrivée aux responsabilités, en 1997, d’inscrire notre pays dans cette dynamique internationale pour le désarmement, que la reprise des essais nucléaires en 1994 et en 1995 avait stoppée.

Enœuvrant pour la signature de la convention d’Ottawa et en faisant procéder à sa ratification le 8 juillet 1998, le gouvernement français avait relancé le processus de désarme- ment pour ces types d’armes. La convention d’Oslo poursuit cetteœuvre, et l’on peut saluer la continuité de l’action de la France dans ce domaine, d’un gouvernement à l’autre, d’une majorité à l’autre.

M. Jean-Louis Carrère. C’est à marquer d’une pierre blanche !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.La deuxième partie de ce processus concerne, en France, l’adaptation en droit national des prescriptions de la convention. C’est l’objet du projet de loi dont nous discutons aujourd’hui. Il s’agit d’un texte positif, très attendu.

Ce projet de loi procède à une adaptation fidèle en droit interne des préconisations de la convention. Mais, et nous tenons à le saluer, il va parfois encore plus loin que le texte de la convention, en particulier en ce qui concerne la notion d’assistance, les mesures de transparence et la définition des armes concernées. (M. le ministre s’entretient en aparté avec M. le président de la commission des affaires étrangères.)

Monsieur le ministre, je m’efforce de rendre hommage en ce moment à l’action de Gouvernement ;…

M. Didier Boulaud.Point trop n’en faut !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. … aussi serais-je heureuse que vous m’écoutiez !

M. Hervé Morin,ministre.Je vous écoute !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.L’interdiction d’assister, d’inciter ou d’encourager quiconque à s’engager dans les activités couvertes par la convention implique l’interdiction de la fabrication, de l’offre, de la cession, de l’exportation et de l’importation, du commerce et du courtage, ce qui est une première dans un projet de loi connexe au régime des matériels de guerre, armes et munitions.

Il faut toutefois relativiser un peu ce progrès, dans la mesure où la notion de courtage n’existe pas en droit français, mais nous y reviendrons.

Le projet de loi prévoit des mesures précises de transparence sur la destruction des stocks et la détention d’armes à sous- munitions. Nous vous proposerons d'ailleurs de renforcer un certain nombre de ces orientations de bon sens.

Il conviendrait ainsi d’insister, par exemple, sur l’interdic- tion faite à toute entreprise de financer d’une manière directe ou indirecte, en France ou à l’étranger, des activités condam- nées par la convention d’Oslo. Financer une entreprise fabri- quant ou commercialisant des armes à sous-munitions revient à encourager une activité interdite par la convention.

Ainsi, bien que ce point soit implicite, il faut comprendre l’interdiction d’assistance inscrite au paragraphe 1(c) de l’article 1 comme visant les financements des entreprises qui produisent ou commercialisent des armes à sous-munitions.

De ce point de vue, les relations très étroites que nous entre- tenons avec certaines entreprises d’armement israélien qui fabriquent par ailleurs des armes à sous-munitions posent problème. Dès lors, ne respecte pas les obligations prévues par le traité tout établissement financier investissant ou finan- çant des entreprises engagées dans des activités liées aux armes à sous-munitions prohibées par la convention d’Oslo.

Pour respecter aussi bien l’esprit que la lettre de cette convention et pour éviter tout flou juridique, la France devrait donc prévoir expressément, dans ce projet de loi, l’interdiction de toute forme de financement, qu’il s’agisse de financement direct ou indirect.

Il nous semble également que la définition précise des termes « transfert » et « transit » concernant les opérations de circulation d’armes à sous-munitions d’un État à un autre par voie terrestre, maritime ou aérienne, ainsi que celle de

« l’interdiction de courtage » nécessitent quelques explications, la notion de courtage étant peu précisée dans la loi française.

Malheureusement, nous ne pouvons pas ignorer que les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde, le Pakistan et Israël ne sont pas parties à la convention.

Or, le principe d’interopérabilité inscrit dans la convention autorise bien les États parties à participer à des actions militaires conjointes avec des États qui utiliseraient des bombes à sous-munitions. Ce principe est certes compréhen- sible du point de vue du réalisme politique et diplomatique, mais il réduit de façon importante la portée juridique et pratique du texte, et nous devons tout faire pour inciter les États non encore signataires de la convention à la ratifier.

Monsieur le ministre, en conclusion, pouvez-vous assurer à la représentation nationale que, à défaut de s’interdire de s’engager dans une coopération et dans des opérations militaires avec des États non parties à la convention – en Afghanistan, par exemple, aux côtés des États-Unis –, la France n’acceptera pas de prendre part à des opérations militaires au cours desquelles seraient employées par nos alliés des armes à sous-munitions ? Si l’on doit comprendre que la France n’exclut pas de s’engager dans des opérations

(10)

militaires au cours desquelles seraient employées des armes à sous-munitions, je ne suis pas certaine que cette prise de distance avec l’esprit de la convention serait de nature à inciter les États non signataires à devenir parties à celle-ci.

Sur ce point, monsieur le ministre, nous demandons des éclaircissements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président.La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin.Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes invités à adopter un texte visant à transcrire en droit français les dispositions de la convention d’Oslo sur les armes à sous-munitions ratifiée par la France en 2009.

Conçues pour disperser sur une large surface une grande quantité de projectiles explosifs, ces armes ont provoqué, dans la vingtaine de pays où elles ont été utilisées, des dommages humanitaires disproportionnés au regard de leur justification militaire.

Nous sommes face à la dernière marche d’un long processus d’interdiction totale de ce type d’armement. Il est temps d’aller au bout de ce long processus juridique et politique.

Le Sénat s’honore de s’être intéressé à cette question à plusieurs reprises ces dernières années. En effet, un rapport d’information, rédigé par notre excellent collègue Jean-Pierre Plancade, nous alertait dès 2006 de la gravité de la situation humanitaire liée à l’utilisation des armes à sous-munitions.

M. Josselin de Rohan,président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.M. Plancade n’était pas tout seul, monsieur Fortassin : Mme Joëlle Garriaud- Maylam était également coauteur de ce rapport !

M. François Fortassin.Je vous en donne acte, monsieur le président de la commission.

Depuis plus de vingt ans, la communauté internationale s’insurge contre ce type d’armement, créé pour lutter contre les unités blindées, qui n’a plus aucune justification militaire de nos jours. Faillibles et dépassées, les armes à sous- munitions sont une menace pour les populations civiles, surtout après la fin des conflits.

Deux raisons essentielles peuvent être avancées pour expli- quer cette odieuse réalité : d’abord, le rayon d’action de ces armes, et plus particulièrement de certains modèles, est très important ; ensuite, à cause de leur faillibilité, elles créent de nombreux restes explosifs qui provoquent un risque d’explo- sion permanent. Par ailleurs, leur aspect brillant – elles ressemblent parfois à des cannettes de soda – attire les enfants.

Depuis des décennies, les armes à sous-munitions ont pollué de nombreux champs de bataille à travers la planète.

On peut citer notamment le Laos et le Vietnam où, trente- cinq ans après les derniers bombardements américains, plusieurs dizaines de civils sont tués ou blessés chaque année du fait des sous-munitions non encore explosées. Les peuples afghan, libanais ou kosovar ont aussi été victimes de ce véritable fléau. Plus récemment encore, les territoires pales- tiniens, en 2006, et géorgien, en 2008, ont été le théâtre de conflits dans lesquels ces armes ont été employées.

Alors que le nombre de victimes avérées s’élève à 11 000, certaines évaluations globales, notamment celle qu’a réalisé Handicap International, vont jusqu’à avancer le chiffre de 100 000 victimes depuis 1973.

Conscient de la gravité de la situation, un groupe d’États est parvenu à relancer une discussion internationale ayant vocation à interdire totalement ce type de matériel. Prenant rapidement de l’ampleur lors de la conférence diplomatique de Dublin en mai 2008, cette démarche a abouti à la signature d’un texte par quatre-vingt-quatorze pays le 4 décembre de la même année à Oslo.

Pour la première fois, la communauté internationale s’est dotée d’un texte prohibant les armes à sous-munitions. Ce texte marque une avancée capitale dans les domaines du désarmement, de la dépollution, de la neutralisation de ces armes mais aussi, ce qui mérite d’être souligné, dans la prise en charge des populations civiles victimes.

Le projet de loi initial reprenait l’essentiel de la convention, mais nous pouvons saluer le travail de la commission qui a permis, à juste titre, d’adjoindre certaines précisions telles que l’extension du mandat de la Commission nationale pour l’élimination des mines antipersonnel, qui avait par nature compétence à assurer le suivi de la mise en œuvre de la convention, ou le fait que la destruction des stocks d’armes à sous-munitions devra se faire « dès que possible ».

Ce processus d’interdiction n’est pas sans rappeler celui des mines antipersonnel. Dans les deux cas, il faut rappeler– et s’en féliciter – le rôle prépondérant des organisations non gouvernementales, qui ont été les premières à alerter les États sur le drame qui était en train de se dérouler. Le processus d’interdiction des mines antipersonnel a également abouti à l’élaboration d’un instrument juridique, la conven- tion d’Ottawa, ouverte à la signature les 3 et 4 décembre 1997, dont la portée est malheureusement relative.

Dans les deux hypothèses, des pays producteurs et utilisa- teurs d’armes à sous-munitions ne sont pas partie à la conven- tion. Je pourrais citer en particulier les États-Unis, la Russie, ou encore Israël,…

M. Hervé Morin,ministre. Et la Chine !

M. François Fortassin.Effectivement !

…sans oublier la Serbie, où des atrocités ont été commises dans une période très récente. À l’heure actuelle, moins de la moitié des États producteurs et à peine un cinquième des États utilisateurs ont adhéré à la convention.

Dans ces conditions, s’il faut se réjouir de la présentation de ce projet de loi tendant à l’élimination des armes à sous- munitions que nous sommes invités à voter aujourd’hui, il ne faut pas occulter la réalité afin qu’un maximum d’utilisa- teurs et de producteurs nous rejoignent au sein de la conven- tion d’Oslo. Le chemin sera long avant que celle-ci ne devienne une véritable norme internationale s’imposant à tous et conduisant à l’éradication pure et simple de cette calamité. La transcription de cette convention dans notre droit nous a cependant permis de prendre un certain nombre d’initiatives qui sont saluées de façon internationale.

Il est bon, au regard de nos valeurs, que la patrie des droits de l’homme s’honore de ce type d’action.

Notre pays a depuis l’origine un rôle moteur puisque la France était partie prenante aux discussions internationales qui allaient aboutir quelques mois plus tard à la convention d’Oslo. Par ailleurs, il est à noter que la France a déjà retiré plus de 80 % de ses stocks d’armes à sous-munitions.

(11)

Dans le même esprit, le vote à l’unanimité des deux assem- blées de la loi du 21 septembre 2009 autorisant la ratification de la convention sur les armes à sous-munitions constitue un signal fort de l’engagement de la France dans cette lutte dont nous pouvons également nous féliciter.

L'ensemble des membres du groupe du RDSE apportera un soutien total à ce texte, qui ancre en droit français la conven- tion d'Oslo, et ainsi l'élimination des armes à sous-munitions.

Ils espèrent bien entendu un vote unanime des sénateurs en ce sens.(Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président.La parole est à Mme Bernadette Dupont.

Mme Bernadette Dupont.Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, certains de mes propos paraî- tront peut-être répétitifs, mais ils ne feront que marteler une réalité et une vérité.

Tout d’abord, au nom du groupe UMP, et probablement de l’ensemble de mes collègues, je tiens à saluer l'excellent travail effectué par Joëlle Garriaud-Maylam, avec la détermi- nation que nous lui connaissons.

La présente séance revêt, à mes yeux, un caractère quelque peu solennel. Ce projet de loi est le fruit de notre engagement, sur la scène internationale, en faveur du désarmement et du respect du droit humanitaire. Permettez-moi, mes chers collè- gues, de me réjouir de son inscription à l'ordre du jour, et du peu de temps écoulé depuis la ratification de la convention.

Trop souvent, plusieurs années passent entre la signature d'un traité ou d'une convention internationale et le vote du projet de loi autorisant sa ratification par les parlements nationaux.

L’attente avant sa transposition en droit commun se prolonge généralement de quelques années. En l’espèce, à peine plus d'un an se sera écoulé entre la signature de la convention par la France à Oslo, en décembre 2008, et l’examen de ce texte, qui adapte notre code de la défense ! Je tiens à vous remercier de cette rapidité, monsieur le ministre.

Au-delà, il en va de la crédibilité de la France en tant qu’acteur du désarmement, et ce non seulement face aux autres puissances de la communauté internationale, mais aussi–vous l’avez dit, madame le rapporteur – par rapport aux organisations humanitaires et aux associations, dont il faut saluer la détermination en vue de l'élimination des armes à sous-munitions, dont les conséquences sont terribles.

Initialement conçues pour détruire des concentrations de véhicules blindés, ces armes offrent la possibilité d'atteindre des cibles sur des surfaces étendues, en utilisant moins de munitions que les explosifs classiques. Composées d'une munition mère, ces bombes–obus ou roquettes –dispersent plusieurs munitions destinées à exploser à l'impact. Mais sur le terrain – vous l’avez indiqué, monsieur le ministre –, la réalité est bien différente pour les populations civiles. Depuis plus de quarante ans, ce système d’armes a été employé dans une trentaine de pays : au Vietnam, en Irak, en 1991 comme en 2003, mais aussi au Kosovo, au Sud-Liban en 2006, en Géorgie et en Afghanistan. Leur usage ne s'est, hélas ! pas limité aux seules cibles militaires.

Le système d'armes à sous-munitions souffre d’un problème majeur : cela a déjà été dit, le taux de dysfonctionnement est très élevé par rapport aux autres armes conventionnelles. Une fois larguées, certaines armes à sous-munitions demeurent au sol sans exploser. Or elles peuvent rester actives des années après l'arrêt des hostilités. C’est là l’objet de tous les dangers.

Ces armes s'apparentent ni plus ni moins à des mines antipersonnel, qui mutilent les populations tant dans leur chair que dans leur territoire. Le Sud-Liban en est une drama- tique illustration. À cet égard, monsieur le ministre, pourriez- vous nous éclairer sur les opérations de dépollution des sols dans cette partie du pays ?

En outre, je tiens à souligner, mes chers collègues, la qualité du travail accompli par notre commission. L'article 9 de la convention d'Oslo nous invitait seulement à prendre « les mesures législatives, réglementaires et autres » permettant son application pleine et entière. Nous avons été plus loin.

En effet, les modifications que nous avons apportées aux articles du code de la défense dépassent le stade de la simple transposition. Je pense notamment à l'article L.2344-4 relatif à la destruction de nos stocks. Il comporte désormais une obligation de procéder, rapidement et dans un délai déterminé, à leur élimination. Cela démontre notre volonté de rigueur et notre souci de précision.

De même, on ne peut que se féliciter de l'extension du mandat de la Commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, la CNEMA. Au-delà de l’élargissement de ses attributions, elle assurera désormais une mission de suivi de l'application de la convention d'Oslo, en plus de celle d'Ottawa. Cela témoigne à la fois de la vision globale de la France en vue du désarmement et de son attachement au droit humanitaire.

Je souhaiterais vous faire part à présent de quelques obser- vations relatives au rôle dévolu aux membres de l'Union européenne en faveur du désarmement en général, et de cette convention en particulier. L'intégration au sein de la Communauté européenne ne peut se limiter au simple respect du pacte de stabilité financière ou d'autres critères d'ordre économique. Il s’agit également d’une communauté de valeurs, parmi lesquelles celle du respect de la vie humaine.

Il est donc primordial que nos partenaires européens non seulement signent, mais également ratifient cette convention.

Le sol européen, le Kosovo en particulier, est touché par ces restes d’explosifs. Si les forces européennes accomplissent dans bien des domaines un travail post-conflit, les pays destinataires des opérations de maintien de la paix ou de l'aide de l'Union européenne, bien que non membres, devraient être parties à la convention d'Oslo.

À ce sujet, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si l'Espagne poursuit, à la tête de l'Union européenne, l'action et la promotion de la convention menée précédemment par la France ?

Enfin, je vous le rappelle, mes chers collègues, la convention d'Oslo ne nous a pas empêchés de voter, en juillet dernier, la loi de programmation militaire 2009-2014. Nous l'avons adaptée à nos engagements.

Ce projet de loi constitue donc l’aboutissement de notre politique depuis 1996. Nous avions alors décidé le retrait et la destruction des lance-grenades BLG 66, dit « système Bélouga », de notre arsenal.

En conclusion, par l’adoption de ce projet de loi, notre pays adresse un message symbolique à la communauté internatio- nale. Il démontre la possibilité d'être une puissance militaire, de mener une réelle politique de défense et de figurer en amont des négociations en faveur du désarmement. Pour cette raison, le groupe UMP est favorable à ce texte et le votera. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)

(12)

M. le président.La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame le rapporteur, mes chers collègues, la France fait partie des pays ayant signé et ratifié la convention d'Oslo relative aux armes à sous- munitions. C'est tout à son honneur ! Je relève d’ailleurs que de nombreux pays, et non des moindres, s'y sont jusqu'à présent refusés.

Je ne reviendrai pas ici sur les dégâts humains, qualifiés de

« collatéraux », causés par l’emploi de ces armes, non seule- ment pendant mais aussi après les conflits armés. Madame Garriaud-Maylam, votre rapport d'information, rédigé en décembre 2006 avec notre collègue Jean-Pierre Plancade, était parfaitement explicite à cet égard. M. le ministre l’a également souligné.

Je tiens à saluer le rôle essentiel joué par les associations et les organisations non gouvernementales, notamment Amnesty International et Handicap International. Elles ont su attirer l'attention des gouvernements sur les conséquences dramati- ques de l'usage des armes à sous-munitions, en particulier pour les populations civiles. Ces organismes ont su mettre la pression nécessaire, à tous les niveaux, pour faire avancer le débat.

Le projet de loi soumis à notre examen ce matin vise à transcrire la convention d'Oslo en droit français. Indéniable- ment, il va dans la bonne direction. Mais permettez-moi, à l’instar des organisations non gouvernementales mobilisées sur le sujet, de m’interroger.

Le projet de loi ne me semble pas transcrire la convention de manière suffisamment précise et peut poser des problèmes d'interprétation. En effet, la transcription qui nous est proposée aujourd’hui me paraît insatisfaisante sur plusieurs points. Mais peut-être craint-on d’effaroucher certains indus- triels de l'armement ou certains États qui utilisent ou fabri- quent des armes à sous-munitions et n’ont pas signé la convention d'Oslo, mais avec lesquels nous intervenons dans des théâtres d'opérations militaires à travers le monde ou nous entretenons des relations économiques ou diploma- tiques privilégiées…

À cet égard, nous pouvons regretter que le projet de loi ne reprenne pas explicitement certaines obligations positives contenues dans la convention. Je pense notamment aux dispositions relatives à nos relations vis-à-vis des États non- signataires avec lesquels nous sommes en situation d'intero- pérabilité sur certaines actions extérieures. Il s'agit là d'une lacune importante. En effet, rien n'est dit sur l'attitude de la France face à l'utilisation d'armes à sous-munitions par nos alliés non-parties à la convention d'Oslo.

De même, le projet de loi ne spécifie pas clairement l'inter- diction de financer, directement ou indirectement, des entre- prises dont l'activité concerne les armes à sous-munitions, totalement ou en partie. Ne l'oublions pas, « l'argent est le nerf de la guerre ». Prévoir une interdiction, l’assortir de sanctions, mais oublier les financements des activités illicites laissent la porte ouverte au contournement des excellentes dispositions que nous nous apprêtons à voter. Sur ce point, il convient de le rappeler, un certain nombre d’États signa- taires ont d'ores et déjà adopté une interdiction de ces finan- cements, ou sont sur le point de le faire. De même, plusieurs établissements financiers français ont pris les devants et exclu toute forme de financement et d'investissement, pour compte

propre ou de tiers, dans des entreprises impliquées dans la fabrication et le commerce d'armes à sous-munitions ou de mines anti-personnel.

D'autres dispositions du texte méritent également d'être précisées, notamment l'extension des sanctions aux personnes morales, ainsi que la notion de transit des armes à sous- munitions à travers notre territoire national. Faute de ces clarifications, la volonté réelle de la France d'agir efficacement pour une éradication complète des armes à sous-munitions reste en question. Ainsi, dans nos relations diplomatiques et militaires avec plusieurs pays non-signataires, comme lors d’opérations militaires menées conjointement, quels seront les moyens mis en œuvre concrètement par la France pour que soient étendues la signature et l'application de la conven- tion d'Oslo ?

À cet égard, diminuer symboliquement le stock d'armes à sous-munitions conservé aux fins d'entraînement ou de contre-mesures serait un signe fort délivré par notre pays.

De même, l'acquisition de sous-munitions hors conteneur est-elle vraiment nécessaire compte tenu du caractère dange- reux de leur déplacement éventuel sur le terrain, et de la nécessité de procéder à leur destructionin situ?

En conclusion, je souhaite que nos discussions permettent de préciser ce texte. Même si ce dernier va dans le bon sens, plusieurs questions importantes restent en suspens. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, faisons en sorte que notre pays soit effective- ment aux avant-postes du processus, nécessaire, engagé en faveur de la suppression totale de la fabrication et de l'usage des armes à sous-munitions dans le monde. Tel est le sens des amendements que nous déposons aujourd’hui. (Applaudisse- ments sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

–M. François Trucy applaudit également)

M. le président.Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Article 1er

1

Le titre IV du livre III de la deuxième partie du code de la défense est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :

2

« Chapitre IV

3

« Armes à sous-munitions

4

« Section 1

5

« Définitions

6

« Art. L. 2344-1. – Pour l’application du présent chapitre, les mots : « convention d’Oslo » désignent la convention sur les armes à sous-munitions signée à Oslo le 3 décembre 2008.

7

« Les termes : « armes à sous-munitions », « sous- munitions explosives », « petites bombes explosives »,

« disperseur » et « transfert » ont le sens qui leur est donné par la convention d’Oslo.

8

« Le terme : « transférer » désigne l’action consistant à procéder à un transfert au sens de la convention d’Oslo.

9

« Section 2

10

« Régime juridique

(13)

11

«Art. L. 2344-2. –La mise au point, la fabrication, la production, l’acquisition, le stockage, la conservation, l’offre, la cession, l’importation, l’exportation, le commerce, le courtage, le transfert, et l’emploi des armes à sous-munitions sont interdits.

12

« Est également interdit le fait d’assister, d’encourager ou d’inciter quiconque à s’engager dans une des activités interdites susmentionnées.

13

« Ces interdictions s’appliquent également aux petites bombes explosives qui sont spécifiquement conçues pour être dispersées ou libérées d’un disperseur fixé à un aéronef.

14

« Art. L. 2344-3. – Nonobstant les dispositions de l’article L. 2344-2, toute personne peut participer à une coopération en matière de défense ou de sécurité ou à une opération militaire multinationale ou au sein d’une organisation internationale, avec des États non Parties à la convention d’Oslo qui pourraient être engagés dans des activités interdites par ladite convention.

15

« Est interdit le fait pour une personne agissant dans le cadre susmentionné de mettre au point, de fabriquer, de produire, d’acquérir de quelque autre manière des armes à sous-munitions, de constituer elle-même des stocks, de transférer ces armes, de les employer elle-même ou d’en demander expressément l’emploi, lorsque le choix des munitions est sous son contrôle exclusif.

16

« Art. L. 2344-4. – Nonobstant les dispositions de l’article L. 2344-2, les services de l’État déterminés par décret sont autorisés :

17

« 1° À conserver les stocks existants d’armes à sous- munitions jusqu’à leur destruction dès que possible et au plus tard huit ans après l’entrée en vigueur de la conven- tion d’Oslo dans les conditions prévues à son article 17, ou au plus tard avant l’expiration du délai supplémentaire fixé par la conférence d’examen ou par l’assemblée des États Parties selon les modalités fixées par la convention d’Oslo ;

18

« 2° À transférer des armes à sous-munitions en vue de leur destruction ;

19

« 3°À conserver, acquérir ou transférer des armes à sous-munitions et des sous-munitions explosives pour la mise au point de techniques de détection, d’enlèvement ou de destruction des armes à sous-munitions et des sous- munitions explosives ou pour le développement de contre‑mesures relatives aux armes à sous-munitions et pour la formation à ces techniques.

20

« Le nombre d’armes à sous-munitions détenues aux fins définies à l’alinéa précédent ne peut excéder cinq cents à partir de la fin du délai prévu au 1°. Sont également autorisés, à ce titre, leurs sous-munitions explosives, auxquelles s’ajoute un nombre complémentaire de quatre cents sous-munitions explosives acquises hors conteneur.

21

« Les services de l’État peuvent confier ces opérations à des personnes agréées.

22

«Art. L.. –Sont soumis à déclaration annuelle :

23

« 1° Par leur détenteur :

24

«a)L’ensemble des armes à sous-munitions, y compris les sous‑munitions explosives, incluant une ventilation par type, quantité et, si cela est possible, par numéro de lot pour chaque type ;

25

«b)L’état des programmes de destruction des stocks d’armes à sous‑munitions, y compris les sous-munitions explosives, avec des précisions sur les méthodes utilisées pour la destruction, la localisation des sites et les normes observées en matière de sécurité et protection de l’envi- ronnement ;

26

«c)Les types et quantités des armes à sous-munitions détruites y compris les sous‑munitions explosives, après l’entrée en vigueur de la convention d’Oslo, avec des précisions sur les méthodes de destruction utilisées, la localisation des sites de destruction et les normes obser- vées en matière de sécurité et protection de l’environne- ment ;

27

« 2° Par leur exploitant :

28

«a)Les installations autorisées à conserver ou à trans- férer des armes à sous-munitions à des fins de destruction ou pour la mise au point de techniques de détection, d’enlèvement ou de destruction des armes à sous‑muni- tions et des sous-munitions explosives, et pour la forma- tion à ces techniques ;

29

«b)L’état des programmes de reconversion ou de mise hors service des installations de production d’armes à sous-munitions.

30

« Section 3

31

« Dispositions pénales

32

« Sous-section 1

33

« Agents habilités à constater les infractions

34

« Art. L. 2344-6. –Peuvent constater les infractions aux prescriptions du présent chapitre, ainsi qu’aux dispo- sitions réglementaires prises pour son application, outre les officiers de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale :

35

« 1° Les inspecteurs généraux et les inspecteurs des armées, les membres du corps militaire du contrôle général des armées et les officiers de l’armée de terre, de la marine nationale, de l’armée de l’air et de la gendar- merie nationale titulaires d’un commandement et les membres du corps militaire des ingénieurs de l’armement, lorsqu’ils sont spécialement habilités. Leur habilitation est délivrée pour une durée limitée par arrêté du ministre de la défense. Copie en est jointe aux procès-verbaux de constatation ;

36

« 2° Les agents des douanes à l’occasion des contrôles effectués en application du code des douanes ou dans le cadre des dispositions de l’article 28-1 du code de procé- dure pénale.

37

« Ils adressent sans délai au procureur de la République le procès-verbal de leurs constatations.

38

« Sous-section 2

39

« Sanctions pénales

40

«Art. L. 2344-7. –Le fait de méconnaître les inter- dictions mentionnées à l’article L. 2344-2 et au deuxième alinéa de l’article L. 2344-3 est puni de dix ans d’empri- sonnement et de 150 000€d’amende.

41

« La tentative des délits mentionnés à l’alinéa précé- dent est punie des mêmes peines.

42

«Art. L. 2344-8. –Les personnes physiques coupables de l’une des infractions prévues à la présente sous-section encourent les peines complémentaires suivantes :

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